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Les 6 Epreuves de la Mort

(1ère publication de cette chronique : 2004)
Les 6 Epreuves de la Mort

Titre original :Si wang mo ta

Titre(s) alternatif(s) :Les Epreuves de la Mort, Enter the Game of Death

Réalisateur(s) :Joseph Velasco (alias Joseph Kong)

Année : 1978

Nationalité : Hong Kong

Durée : 1h25

Genre : Devine qui j’imite

Acteurs principaux :Bruce Le, Bolo Yeung

John Nada
NOTE
2.5/ 5



Nous sommes en 1978. Cela fait maintenant 5 ans que Bruce Lee est mort. Pourtant, on annonce la sortie d'un nouveau film avec la star, Le Jeu de la Mort (The Game of Death). Il s'agit à l'origine d'un scénario écrit par Bruce Lee lui-même, le récit initiatique d'un homme gravissant une mystérieuse tour en affrontant un nouvel adversaire à chaque étage. Parvenu au sommet, le héros réalise que le trésor qu'il croyait y découvrir est en fait l'expérience et la sagesse qu'il a péniblement acquis au cours de sa longue quête, une morale directement inspirée par un conte philosophique bouddhiste. Accaparé par le tournage d'Opération Dragon (Enter the Dragon, 1973), Bruce Lee ne tourne que quelques séquences de ce scénario à l'épurement alléchant : ce sont grosso modo les 10/12 minutes que l'on retrouve à la fin du Jeu de la Mort – les seules dignes d'intérêt par ailleurs – avec un Bruce Lee plus incisif que jamais, notamment lors du combat contre le basketteur noir américain Kareem Abdul-Jabbar qui a positivement marqué tout ceux qui l'ont vu.


Pour meubler le reste du métrage (soit tout de même 1h15 environ !), on fait appel à une doublure pataude, on retrouve quelques chutes de films précédents (des scènes de répétition avec Chuck Norris notamment), on copie-colle vilainement la tête de la star au besoin et, ne reculant vraiment devant rien, on va jusqu'à utiliser les images d'archives du vrai enterrement du petit dragon, avec affairement journalistique et foule éplorée d'origine (chic patron, des nuées de figurants qu'on n'aura pas à payer !).


La tête de Bruce Lee copiée-collée sur le visage d'une doublure (comme dirait Jess Hahn dans Le Ricain : « Pas con ! »)


Dans le petit monde des charognards hongkongais, jalouses de voir les vautours se préparer au festin, les hyènes décident de ne pas être en reste. L'idée est là : les producteurs du Jeu de la Mort ayant utilisé les quelques rushs existants pour les greffer sur un nouveau scénario, il suffit de pomper du côté du scénario original de Bruce Lee, resté inexploité. Bingo, la meute part dans de grands rires sardoniques et, entre deux hoquets, gribouille le scénario suivant : un document permettant l'invasion de la Chine a été placé au sommet d'une tour dont chacun des six étages est protégé par un gardien. Empressés de mettre la main sur ce plan d'invasion, Japonais et Allemands mettent quelques nervis sur le coup. La Chine semble perdue jusqu'à ce qu'un homme se propose d'aller récupérer le précieux document… La hyène qui eut la connerie de faire remarquer que la dimension philosophique du scénario original avait disparu se fit boulotter par ses congénères.




Le film s'ouvre sur une longue séquence de démonstration…




…dans laquelle Bruce Le fait l'étalage de son savoir-faire en dérouillant toutes sortes d'ennemis perfides. Ici c'est tout un groupe de jarres qu'il affronte, sournoisement suspendues avec ces faux airs placides qu'affectent souvent les poteries orientales.




Une vile jarre suspendue qui se brise bizarrement, un peu comme si elle avait été préalablement sciée.



Bruce Le Vs le gang des sacs de sable. Vas-y Bruce, montre leur un peu !


Reste à trouver un acteur de taille pour interpréter le personnage que devait jouer Bruce Lee… Les hyènes n'ont pas besoin de chercher bien longtemps : ce sera Bruce Le, clone honorable déjà dégrossi par quelques oeuvrettes de bruceploitation qu'on prendra soin d'accoutrer comme son modèle. La meute peaufine le casting en y ajoutant le musculeux Bolo Yeung, plus une poignée d'Occidentaux sachant lever la patte et fendre l'air avec leurs mains en fronçant les sourcils (dont un géant noir bidon façon Kareem Abdul-Jabbar du pauvre, et un clone d'Eddie Murphy crédité "Steve James"), cannibalise le titre original (The Game of Death devient Enter the Game of Death), se compose une BO de bric et de broc sans souci du copyright (un peu de James Bond, quelques cris de Bruce Lee en intro mais aussi un riff qui provient incontestablement de Dynamite Boy, sorti un an plus tôt aux Philippines !) et se dégotte un tâcheron docile.


La fameuse tour à l'assaut de laquelle se lance Bruce Le (après s'être laissé convaincre par une réplique très provoc' : « Vous êtes un insensible, pas un vrai Chinois ! »)






Festival Bolo Yeung !


Deux mots sur ce réalisateur, connu à la fois sous le nom de Joseph Velasco (quand il tourne aux Philippines) et de Joseph Kong (quand il tourne à Hong Kong). Si l'on met de côté ses premières œuvres, sa filmographie se résume aux films qu'il a tournés avec Bruce Le entre la fin des 70's et le début des 80's. Selon certaines sources, ce natif de Taïwan fut le collaborateur régulier de Bruce Le, écrivant les scénarios de plusieurs de ses films et les mettant en scène, Bruce Le assurant lui généralement la réalisation des scènes de combats.


Bruce Le affrontant le maître des reptiles, un des gardiens de la tour. De loin le combat le plus original du film.




Eh copain, on joue au kung-fu ? Alors moi on dit que je suis Bruce Lee et toi on dit que tu es Kareem Abdul-Jabbar, d'accord !?


J'ai eu la chance de dégotter cette VHS des 6 Epreuves de la Mort dans un vidéo-club qui déstockait massivement ses films de kung fu, le sympathique employé me lâchant sans problème quelques Bruce Le et Bruce Li à 2 ou 3 € avant de se crisper sur cette jaquette :


Sympathique employé : « …ah, désolé mais celle-là je peux pas vous la faire à moins de 10 €… c'est un Bruce Lee avec sa jaquette originale vous comprenez, même si la bande est bousillée c'est recherché par les collectionneurs… »
John Nada : « …euh… oui mais non, en fait c'est pas vraiment un film avec Bruce Lee, pas du tout même, c'est avec Bruce Le, regardez bien la jaquette, c'est pas Bruce Lee… »
Sympathique employé (regardant à nouveau la jaquette, puis me regardant comme si j'étais un authentique demeuré) : « … ben… si, c'est Bruce Lee… on reconnaît très bien sa tenue jaune en plus, vous avez pas vu Kill Bill ? »


S'ensuit un dialogue de sourds complètement pathétique dont je vous épargne le détail. Une semaine plus tard, ayant de la suite dans les idées, j'y retourne un jour où travaille un autre employé sympathique. Je lui présente la VHS : même topo. Mais cet employé est un tantinet plus perspicace : il a un doute. « Je vais demander au patron » me dit-il. Le patron arrive : même rengaine. Alors, avec une insolence de sale gosse, je lui sors l'argument qui tue : « Si y a vraiment Bruce Lee dedans, alors comment qu'ça s'fait qu'y z'y mettent son nom nulle part sur la jaquette, hein, hein ?!?!?! ». Obligé de se ranger à mon argument décisif (a-t-on déjà vu un film avec Bruce Lee sans que son nom synonyme de gros succès commercial soit apposé nulle part sur la jaquette, hein, hein ?), le gérant tendit la cassette à son employé et prononça son verdict d'un ton monocorde : 3 € !



J'en connais un qui a dû s'entraîner dur devant son miroir…


Une anecdote regrettable qui montre que 25 ans après, ce genre de plagiat honteux continue à leurrer le plus grand nombre. Il faut dire que Bruce Le a mis le paquet pour donner le change : ceint dans une tenue jaune tellement mythique qu'elle est devenue un clin d'œil accessible à tous les publics (de La Tour Montparnasse Infernale à Kill Bill en passant par Shaolin Soccer), tic nasal à répétition, petite moue dédaigneuse, posture figée après avoir porté un coup décisif, les muscles contractés et trémulants… Et surtout d'intempestifs petits cris en phase de combat : tantôt roucoulement provocateur façon pigeon hostile, tantôt couinement agressif genre souriceau en furie, ainsi bien sûr que l'inévitable hurlement sec et brutal qui va decrescendo et n'en finit jamais de finir (phonétiquement, ce dernier donne quelque chose comme WATAAAaaaiiiooouuuaaaiiiooouuuaaa…).














Festival Bruce Le !!


Bruce Le singe si ostensiblement Bruce Lee que son but (ou disons celui des hyènes-producteurs, dont un certain Robert Jeffery) n'était visiblement pas de passer pour un « digne successeur » du Petit Dragon comme le proclameront plus tard les jaquettes de ses films mais pour la défunte star elle-même, ce qui le rend du coup beaucoup moins défendable ! Un phénomène de réincarnation qui m'évoque systématiquement le pathétisme de tous ces sosies plus ou moins foireux de Claude François, Joe Dassin, Daniel Balavoine et consorts qui animent certaines boîtes de nuit décalées pour le bonheur des railleurs narquois en quête de cibles à portée de leur cynisme simpliste et autres djeun's branchés second degré abordable, ou qui s'escriment à chauffer les salles des fêtes provinciales, arrachant des soupirs nostalgiques et quelques larmichettes aux michelines restées émotionnellement fidèles à leurs chimères décomposées malgré le forcing des boy's bands.







Quelques passages du pouce sur le nez et autres petits signes de la main signifiant « viens un peu voir par là »… Mince, et si l'employé du vidéo-club avait eu raison ?!






Un clone de Bruce Lee attaqué par un clone d'Eddie Murphy, artiste martial noir qui combat pour les Nazis. Du grand n'importe quoi !


Fondamentalement, Les 6 Epreuves de la Mort demeure un petit film de kung fu très honnête, il faut le dire, dont l'intérêt nanar se concentre exclusivement sur l'opportunisme froid et sans limites de l'entreprise et surtout le numéro d'imitation quasi cartoonesque de par ses excès de Bruce Le, qui allait poursuivre ainsi sur sa lancée pendant un moment. Dans leur rivalité avec les hyènes, c'est pourtant les vautours qui allaient avoir le dernier mot : exploitant le filon jusqu'au dernier $HK, l'année 1981 verra encore la sortie d'un inadmissible « Jeu de la Mort 2 » (Game of Death II a.k.a. The New Game of Death a.k.a. Tower of Death), toujours avec Bruce Lee à titre posthume, évidemment… Allez, ouste les charognards, laissez un peu les morts tranquilles ont vous dit !


Voyons voir : j'ai énergiquement tatanné le méchant dans mon beau survêt' jaune orangé, saccagé tout le mobilier en poussant plein de petits cris ridicules, ouais tout ça c'est bon, ce matin Bob m'a soigneusement rafraîchi ma coupe au bol, ok… qu'est-ce que j'oublie encore…



Ah oui, un petit tic nasal !

 


L'affiche allemande, qui ne s'embête vraiment pas : en créditant Bruce Lee et en titrant "Le Jeu de la Mort", on est sûr d'arnaquer large ! Mais non ma p'tite dame, puisqu'on vous dit que c'est Bruce Le qui est dessiné, regardez on reconnaît même le clone d'Eddie Murphy en bas à gauche...

- John Nada -
Moyenne : 2.37 / 5
John Nada
NOTE
2.5/ 5
Kobal
NOTE
2.75/ 5
Wallflowers
NOTE
1.85/ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation
Il semble que "One plus One" cherche à concurencer "Bach Films" dans le raclage des fonds de tiroirs des film d'arts martiaux fauchés, vendus comme des chefs-d'oeuvre vintages du cinéma asiatique. L'éditeur a en tout cas ressorti le film dans sa, hem... prestigieuse collection "Ceinture Noire", sous un habillage qui laisse à peine transparaître la réalité du plagiat éhonté auquel nous avons à faire.


Sur la jaquette, un Gordon Liu qui brille par son absence dans le film, et au dos les photos d'un wu xia pan quelconque.


Remarquez, on ne s'en plaindra pas trop parce que c'est soit ça, soit trouver le DVD anglais ou les vieilles versions VHS, même si on doit se contenter d'une version toute simple et d'un master assez moyen.


Deux éditions VHS françaises chez FIP (First International Productions) qui ne varient l'une de l'autre que par la couleur de la jaquette (jaune ou noire).



Une édition VHS chez l'éditeur Scherzo dans sa munificente collection Blood Sport Festival...

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