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African Fever

(1ère publication de cette chronique : 2007)
African Fever

Titre original : African Fever

Titre(s) alternatif(s) :American Night Fever

Réalisateur(s) :Alphonse Beni

Année : 1985

Nationalité : Cameroun

Durée : 1h50

Genre : Le 'ythme dans la peau

Acteurs principaux :Alphonse Beni, Suzanne Beni, Pierre Didy Tchakounte, Jimmy Byon, Emmanuel Tengna, Mpongo Love

Techniciens :Roger Fellous

Nikita
NOTE
1.5/ 5

Pour autant que l’on apprécie les efforts de certains pays pour produire localement du divertissement populaire de qualité et résister à la mondialisation, il faut quand même admettre que c’est pas toujours tout à fait ça. Témoin cet « African Fever » datant de 1985, et visiblement conçu comme un écrin à la gloire de la musique africaine authentique, un peu à la manière de ce que sont chez nous des compilations discographiques comme « J’adore la chanson française » ou « 36 légendes d’or de la chanson de cabaret ». « African Fever » prend donc l’aspect d’un long catalogue de numéros musicaux, reliés par un prétexte quelconque : une jeune femme, Linda, décide d’organiser au Cameroun un festival intercontinental de chanson africaine, dont le nom donne son titre au film. Elle rend donc visite, au Cameroun, au Congo et en France, à divers artistes du continent noir pour les persuader de participer à son spectacle. Tous sont d’accord et, d’enthousiasme, lui interprètent systématiquement leurs derniers succès. Et pis c’est tout, du moins pendant une bonne partie du film.

Vous connaissez le syndrome des comédies musicales, dont la principale faiblesse consiste à ne pas trouver de fil conducteur vraiment solide, propre à créer un film vraiment cohérent ? Combien de films musicaux à l’histoire malheureusement niaiseuse ou inconsistante, incapables de soutenir l’intérêt entre deux numéros de chant et/ou de danse ? Hé bien Alphonse Beni a trouvé la solution : plutôt que de s’embêter à faire un scénario, il a préféré, dans « African Fever », enchaîner tout simplement les chansons l’une à l’autre, sous les prétextes les plus fumeux.


L’héroïne (Suzanne Beni).



Les trois premiers quarts d’heure du film sont relativement simples : Linda rend visite à un chanteur africain ; le chanteur accepte de participer au festival African Fever et, de joie, se met à entonner son dernier succès en date. Le lecteur aura compris que le film est formellement déconseillé aux allergiques à la musique africaine, d’autant que les morceaux qui défilent à l’écran, s’ils sont souvent d’assez bonne qualité, ne renouvèlent en rien l’image que l’on peut avoir de la production musicale de l'Afrique noire. C’est au contraire une enfilade très consensuelle de chansonnettes qui constitue l’essentiel du film. L’effet est un peu équivalent à celui que l’on obtiendrait si l’on servait aux Africains un festival de chanson française à base de Tino Rossi et de Charles Trenet ; de la qualité, mais rien de surprenant. Parfois, deux chansons se succèdent l’une à l’autre, sans même chercher à trouver une justification crédible : « Ah, elle est bien, sa chanson » ; « Tiens, je vais t’interpréter une chanson à moi » ; « Chouette, alors » ; « Tagada tsoin tsoin » ; « Ouéééé ! ». Comme tous les morceaux ne sont pas, musicalement, au même niveau, le film finit par ressembler, au bout d'une demi-heure, à un exercice d'endurance, à moins d'être absolument raide dingue de ce genre de chansons.








A noter aussi la présence, pour faire exotique, de quelques artistes et figurants blancs particulièrement mous (ce sont d’ailleurs toujours les mêmes figurants qui réapparaissent, dans différents décors).

Un film musical réduit au rang d’épure peut avoir quelque chose d’intéressant, mais tout à son expérimentation filmique, Alphonse Beni semble avoir décidé qu’à se passer de scénario, il pouvait également se passer de mise en scène, de dialogues et de direction d’acteurs. On ne reprochera évidemment pas au cinéma africain un manque de budget que l’on sait lié à des contingences socio-économiques n’ayant rien de nanardesques ; néanmoins, on ne saurait occulter le fait qu’« African Fever » s’écroule littéralement sous le poids d'une réalisation dont le manque d’imagination aboutit à faire passer des numéros musicaux pour aussi ébouriffants qu’un documentaire sur les mœurs sexuelles des limaces. Molle comme chique trop mâchée, la caméra d’Alphonse Beni filme les malheureux artistes avec une telle platitude que de bons pros de la musique africaine se voient réduits au rang de chanteurs de patronage, quelques changements de costumes impromptus essayant vaguement de donner une allure de vidéo-clip à ce qui ressemble fort à un reportage de la plus plate facture, tel que France Ô hésiterait à en diffuser. Pour apporter un peu de piment à ses clips, Beni nous gratifie régulièrement d’un effet de kaléidoscope : ouéééé, c’est super, on voit la tête du chanteur dix fois à l’écran !





Ravi de sa trouvaille, l’ami Alphonse se met à nous la resservir systématiquement à chaque chanson, en y adjoignant des flous artistiques particulièrement mal venus, dont les choristes font régulièrement les frais. Par moments, on voit pu rien, c’est merveilleux ! Pour ne rien gâter, Beni nous gratifie également d’effets de mise en scène « disco », aux couleurs aussi laides que criardes, déjà horriblement démodées en 1985.




Une scène de concert d'African Fever (à moins que ce ne soit Batman affrontant Zorro devant un public de ninjas, c'est dur à dire).





La succession de numéros musicaux aussi mous que mal filmés finit par créer une douce sensation de torpeur ravie, l’ennui laissant la place à une sorte de béatitude vaguement masochiste. Ajoutons que les scènes dialoguées assurant d’aléatoires transitions entre les chansons se signalent par leur interprétation absolument redoutable, les comédiens (avec à leur tête Suzanne Beni, épouse d’Alphonse, qui interprète Linda) récitant leur texte avec une absence de naturel des plus méritoire.


Des méchants qui complotent des méchancetés.

L’enfilade de vidéo-clips poussifs ne suffit cependant pas à assurer l’intérêt du spectateur : c’est ce qu’a du se dire Alphonse Beni, qui nous gratifie à la moitié du film d’une enquête policière qui va faire monter en flèche le quota de ridicule. Quelqu’un se met en effet à assassiner des musiciens devant participer au festival African Fever (à ce stade du film, certains décerneraient volontiers une médaille au tueur, il faut bien le dire) : un inspecteur camerounais, interprété par Alphonse lui-même, mène l’enquête. Beni reprend ici son personnage habituel de « Baïko » (une bonne partie des héros qu’il interprète portent ce patronyme), ici en version flic. Le générique du début pousse même la coquetterie jusqu’à le créditer comme comédien sous le nom de « Al Baïko », alors que le générique de fin le crédite bien sous son vrai nom. L’inspecteur Baïko, en costume blanc immaculé, se livre donc à une investigation particulièrement pataude, pas aidé par un dialogue écrit si maladroitement qu’il semble viser à faire passer les personnages en général et le protagoniste en particulier pour de parfaits imbéciles. Témoin cet échange entre Baïko et son supérieur hiérarchique (lookalike dérangeant de Robert Mugabe, mais là n’est pas le propos) :



- « Depuis quelques temps, on meurt de plus en plus dans ce pays. »
- « Il fait très chaud. »
- « Assassinats de femmes, femmes qui tuent leur mari ou leur amant, et des viols ! »
- « Des viols ? »
- « Oui, et même des femmes mariées violées ! »
- « Que voulez-vous que j’y fasse, moi ? »

Envoyé par le Commissaire sur la trace du tueur de musiciens, Baïko en reste les bras ballants, demandant : « Mais patron, par où vais-je commencer ? » Malgré cette réplique qui tendrait à faire passer son personnage pour un fieffé incapable, Alphonse Beni se met ensuite en scène, avec un remarquable narcissisme, dans la peau d’un super-flic imbattable, mettant KO tous les sbires qu’un scénario aussi nébuleux qu’approximatif place soudain sur son chemin, sans plus de justification que si Yaoundé était peuplée d’une tribu de racailles particulièrement dénuées de civisme. Ce qui nous vaut une ou deux bastons où des figurants s’empoignent selon les règles de l’antique art martial du grand-n'importe-quoi, sur des bruitages de dessin animé. Beni n’est pas en reste et prend des poses à la Bruce Lee tout en se livrant à des pitreries indescriptibles.




Hé, c'est pas pour rien qu'il est « Black Ninja » !

Film musical à bout de souffle, « African Fever » réussit l’exploit d’échouer de manière tout aussi magistrale sur le terrain du polar : reste une véritable bizarrerie, en lieu et place de ce qui devait être, pour Alphonse Beni, un projet de vrai film populaire. Malgré l’authentique sympathie que l’on peut percevoir de la part de l'auteur pour la musique africaine, l’amateurisme constant à tous les niveaux fait couler à pic une œuvre que l’on s’étonne de voir signée par un cinéaste expérimenté. Pour son final, « African Fever » fait très fort en ne nous montrant quasiment rien du festival lui-même, privilégiant la résolution assez misérable de l'enquête policière : c'était sans doute trop cher et trop compliqué de vraiment réunir tous les chanteurs ayant accepté de participer au film.




Encore un coup de kaléidoscope...




Du breakdance !


De la chanson évangélique africaine.

 

Au passif du film, on lui reprochera une longueur excessive : le nombre de numéros musicaux aurait pu sans souci laisser place à un peu plus de polar. On y aurait gagné en rigolade ce qu’on y aurait perdu en musique, mais sans doute fallait-il rendre justice à la popularité des chanteuses et chanteurs présents dans le film. Objet pop exotique quelque peu biscornu, pas toujours hilarant mais réellement curieux à voir, « African Fever » est un témoin aimablement nanardesque de la panade d’un cinéaste camerounais s'efforçant de produire du divertissement avec, il faut le dire, pas grand chose. Y trouveront sans doute leur compte les amateurs hardcore de musique africaine et les chercheurs de vraies curiosités filmiques.

La jaquette d'une autre édition VHS française de African Fever, qui essaie de faire passer le film pour une production américaine tournée à Harlem...!

- Nikita -
Moyenne : 1.50 / 5
Nikita
NOTE
1.5/ 5
MrKlaus
NOTE
1.5/ 5

Cote de rareté - 6/ Introuvable

Barème de notation

Plus difficile à trouver que le cimetière des éléphants ! Production essentiellement destinée au marché africain, le film ne semble avoir connu qu’une très timide exploitation VHS en France. Bonne chance pour en trouver quelques-unes des copies fatiguées qui traînent encore ici et là, sous le titre African Fever chez "Stemick Production" ou, plus filou, sous le titre American Night Fever chez "Magic Entertainment".