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L'Alchimiste


L'Alchimiste

Titre original :The Alchemist

Titre(s) alternatif(s) :Démon

Réalisateur(s) :Charles Band

Année : 1984

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h30

Genre : Occulte tellement ésotérique qu’on comprend que dalle

Acteurs principaux :Robert Ginty, Lucinda Dooling, John Sanderford, Vida Kate Simpson

Zord
NOTE
3/ 5


« Occulte », du latin « Occultare » qui signifie : « cacher, dissimuler ». Cette profonde signification n’a pas échappé à Charles Band, l’un des rois du nanar horrifique à budget toutti rikiki mais pas maousse kosto, lorsqu’il reçut le scénario de « L’Alchimiste ».
- « Vois-tu Robert », dit-il en parlant à son futur acteur principal, « je veux que ce film insiste sur l’aspect ésotérique de l’intrigue... Elle doit être ouverte, compréhensible uniquement par un petit cercle d’initiés ! Un film qui fasse frissonner en faisant bien comprendre qu’il existe des réalités cachées, des cercles occultes, des plans dans les plans, que l’hermétisme est à la fois ici et très loin… »
- (Robert Ginty se recoiffe d’un air curieux) : « Ah ! Ça signifie que tu vas pondre une intrigue à tiroirs, impressionner le public avec un jeu de caméra audacieux, une musique d’ambiance angoissante, jouer sur les décors baroques… »
- (Charles Band, riant de la naïveté candide de son vis-à-vis) : « Mais non, Robert, pas du tout ! On filmera normalement en plan serrés-plans rapprochés, avec une musique de trois accords, mais ce sera tellement mal tourné, mal joué, mal monté, mal foutu sur un scénario tellement incohérent, que personne n’y comprendra que dalle ! »
(Ils trinquent en riant)


Le film est sorti au cinéma en France sous ce titre puis en vidéo sous le nom "L'alchimiste"



Nous sommes en 1871. Dans une forêt au milieu de nulle part, une femme tout de blanc vêtue s’approche d’un type à l’air louche dont on comprend, au vu de sa sale gueule et de son regard torve et libidineux, que c’est lui le méchant de l'histoire.


Avec une intro comme ça, on fait tout de suite moins le malin



Quelque chose me dit que c'est lui le méchant...


Pendant ce temps, dans une cabane au fond des bois - mais pas au Canada, et sans écureuil sur le seuil - Robert Ginty, en bon père de famille, couche sa fille et l’embrasse. Puis, dans la seconde suivante et par la magie du montage, se décide plutôt à courir dans la forêt pour aller rechercher la femme en blanc du début - qui n'est autre que son épouse - en train de le tromper avec le méchant précité, à savoir Delgatto, l'Alchimiste. Parce que Alchimiste ou pas Alchimiste, il ne supporte pas d'être cocufié par un moins bien brushé que lui, le Robert. S’ensuit un homérique combat où Ginty fait montre de tout son talent mono-expressif (qu’on lui annonce qu’il vient de gagner un milliard au loto ou qu’on lui passe la bite dans un mixer, il a invariablement la même tête).


Robert Ginty en mode "pas content"


Malheureusement, en voulant tuer le fourbe Delgatto avec son couteau, Ginty poignarde par inadvertance sa bien-aimée ! C’est tragique, digne d’Hamlet, d’Othello et du Roi Lear réunis, et au passage on remercie l’actrice Lucinda Dooling qui se jette ostensiblement sur la lame pour compenser la balourdise pataude de son époux. (disons qu’un combat d’hippopotames neurasthéniques au milieu d’une mare boueuse est plus gracieux et plus convaincant que la prestation physique de Robert)


Mon Dieu qu'ai-je fait !?! Qu'ai-je fait ?!?



Alors, l’Alchimiste disparait dans une gerbe de flammes en maudissant le malheureux Robert Ginty qui se roule dans les feuilles mortes pour hurler sa douleur (je ne ferai aucun commentaire sur «l’effet spécial »). On apprend au passage que Delgatto avait envoûté l'épouse de Robert pour s'attirer ses faveurs. Ouf, nous voilà rassurés : comment avait-elle pu succomber au charme de ce grand maigrelet d'Alchimiste alors qu'elle sort avec le beau Robert Ginty et son affriolant brushing ? Merde, c'est le copain de Pépé Boyington quand même...
Instantanément, nous voici en 1955. Sur une route qui serpente, Lenora Sinclair roule à fond la caisse vers un point non défini (et qui le restera) en écoutant les discours d’un prêcheur apocalyptique à la radio. Lenora Sinclair a une particularité : elle est la copie conforme de l’ex-épouse de Robert Ginty en 1871. Robert Ginty tombera t-il amoureux du sosie de sa femme ? [Tiens, ça me rappelle quelque chose…]


L'eternel féminin en quelque sorte...



Mais… mais… mais… Que se passe-t-il à ce moment précis dans les bois ? Quelle est cette créature anthropomorphe qui poursuit un malheureux faon en poussant des cris de bête furieuse ? Quel est ce mystérieux Bigfoot possédant la faculté surnaturelle de changer de couleur de veste selon les plans, passant du beige au bleu ? Pourquoi se délecte t-il sauvagement d'un malheureux bloc de mousse peint en rouge dont on tente de nous faire croire qu’il s’agit du cadavre du faon qu’il vient de tuer ?


Craignos Monster inside...


Et qui est cette mystérieuse vieillarde qui vit précisément dans la maison que Robert Ginty occupait 80 ans plus tôt ? Pourquoi se barricade t-elle lorsque le mystérieux fauve humain tambourine aux portes en poussant des hurlements sauvages ? (Enfin, « hurlements sauvages », c’est vite dit, imaginez plutôt l’enregistrement audio du concours de rots du mess des sous-officiers du 2e RPIMA et vous serez plus proches de la vérité) ?? Pourquoi joue-t-elle aussi mal la terreur ??? Pourquoi Charles Band s'est-il senti obligé d'user (et surtout d'abuser) de ces ignobles filtres orange, mauves, rouges et bleus qui mutilent les yeux ????


Bon Charles, t'arrête un peu d'embêter tout le monde avec tes filtres de zazous ?!



Mystère, suspense et tête de bouc ! Voici le spectateur tenu en haleine !

Loin de se douter de l’horreur qui se prépare (n'oublions pas qu'il s'agit d'un "film d'horreur", nous sommes donc en droit de supposer qu'une "horreur" se prépare) Lénora accueille un auto-stoppeur, le rejette, tombe en panne, le ré-accepte à nouveau et roule sur la route... oui, c'est bateau comme expression ''rouler sur la route'', c'est très con, limite pléonasmique, un peu comme "Allumer le feu" ou "Mouiller de l'eau" mais c'est hélas la seule chose qui se passe. Remarquez, c’est bien, ça occupe, et ce sont des scènes qui ne coutent pas bien cher. Les dialogues pour meubler sont du niveau « film érotique du dimanche soir sur M6 » et si on me dit que certaines de ces scènes ont effectivement servi dans ce cadre, je suis prêt à le croire. Cette partie du film est un peu ennuyeuse, alors occupez-vous en repérant les marques que les monteurs utilisent pour leurs raccords et qu'ils ont négligé de nettoyer sur la pellicule, les bruits mal synchronisés en post-production (le BLAM de la portière qui claque bien après que l'actrice l'ait refermée), les cadrages approximatifs etc.


Bonjour, je suis le bellâtre de garde...



Retour sur la petite maison dans la prairie, au fond des bois. La vieille femme dans la demeure recueille Robert Ginty exténué, car oui, c’était lui la créature ! Telle est l’horrible malédiction qui frappe le malheureux Robert ! Condamné à l’immortalité par l’Alchimiste, il est maudit et se transforme toutes les nuits en Robert Ginty-Garou (c’est-à-dire en Robert Ginty normal mais décoiffé, ce qui est déjà une véritable performance – c’est cher un vrai costume de loup-garou ! – et poussant de pathétiques hurlements pour exprimer toute sa sauvagerie de bête furieuse). De plus, pour ne rien arranger, toutes les nuits, les portes de l’Enfeeeeeer s’ouvrent pour libérer des démons qui viennent tourmenter le pauvre Robert. Ah, c’est qu’il a eu la main lourde sur sa malédiction le Delgatto. Un brin rancunier le type.

Ni une ni deux, la vieille fait un contre-rituel pour conjurer le mauvais sort ! Echangeant « une âme contre une âme », elle fait une entaille dans sa main (belle main en latex soit dit en passant), récite deux-trois paroles magiques, boit un liquide vert fluo mal colorisé et hop, y’a plus de malédiction ! Robert Ginty ne sera plus obligé de faire le zouave dans les bois une fois la nuit tombée. Ouf.


Plein de jolies couleurs faites au pochoir à même la pellicule



Aparté : le coin de l'ignorant qui ne demande qu'à s'instruire:



- Question: Hé, dis monsieur! Si Robert Ginty est condamné à se transformer en bête pendant la nuit, pourquoi toutes les scènes où il est en frénésie meurtrière (hum...) ont-elles lieu de jour ?
- Réponse: Je t'en pose, moi, des questions ?

Fin de l'aparté.



Seulement, à quelques kilomètres de là, Lenora ressent exactement la même blessure à la main, perçoit des flash-backs de sa vie antérieure (ça permet de recoller la scène du début, tant qu'à faire) et devient folle. Malgré les protestations de l’auto-stoppeur – dont on comprend qu’au bout de cinq minutes de conversation, il est tombé grave amoureux – elle fonce droit dans le décor et échoue sa voiture à proximité de la forêt où habitent Robert et sa fille (la vioque qui, elle, n’est pas immortelle et qui a donc vieilli normalement).
Ah oui, mais non ! La vieille a justement conjuré le mauvais sort ? Alors pourquoi Lenora ressent-elle les blessures qu'elle s’est infligée ? D’autant que la logique voudrait qu’elle ressente les blessures de Ginty puisque c’est lui le Maudit dans l’histoire ? Et puis « une âme contre une âme », en quoi ça la concerne, elle ?? C'est quoi ce rituel à la con ??? Pourquoi a-t-elle attendu 80 ans avant de le lancer vu que ça à l'air de prendre royalement 5 minutes à faire ????

Intrigué, je suis allé consulter un grand spécialiste des sciences occultes, le Docteur Amidou Traoré, féticheur-voyant-marabout (« Retour de l’être aimé en 24 heures, Vu à la télé, Cartes Bleues acceptées »). La réponse de ce grand Initié des Arcanes Esotériques fût limpide : « Ta gueule, c’est magique, et la consultation, c’est 300 balles ! »

Bien, donc, maintenant nous comprenons mieux : « Ta gueule, c’est magique ! »
Donc, magiquement, Lenora et l’auto-stoppeur se retrouvent devant une porte magique en carton-pâte magique au milieu d’un cimetière magique comprenant deux tombes magiques, une croix magique et – à ce moment précis – Robert « Magic » Ginty. C’est tellement plus simple quand c’est bien expliqué ! Lenora "reconnait" Robert et lui annonce tout de go : « mais vous êtes l’homme de mes visions » ! Et lui de rétorquer « vous êtes le sosie de ma femme » ! Une fois que les présentations sont faites, Robert Ginty leur fait visiter son boui-boui, leur montre sa superbe collection de pâtes de verre et leur explique sa malédiction (il ne leur offre même pas un verre le goujat ! C’est vrai, quoi, merde ! Moi, j’aime bien qu’on m’offre un Whisky-Perrier avant de me montrer de pâtes de verres en me racontant sa malédiction !)


« Oh, c'est joli chez vous... alors comme ça vous faites collection de tessons de bouteilles... C'est pas banal ça... »


L’auto-stoppeur écoute les paroles de Bobby Ginty mais explique que bon, c’est pas tout ça, ils sont gentils les cinglés, mais qu’il faut qu’il y aille. "Surtout pas !", les prévient Robert. Car même s’il fait jour lorsqu’il est dans l’embrasure de la porte, en fait, dehors, la nuit est tombée ! (« Mauvais raccord ? » « Mais non, ducon, c’est magique ! ») Et qu’est-ce qui se passe la nuit ? Le démons magiques sortent de la porte magique ! Mais à quoi donc ressemble un démon magique ? Et bien, c’est très simple : un démon est un type en collant noir avec un masque de Nosfératu (pas magique) très moche en latex sur la tête. Forcément, lorsque 90% du budget du film passe dans une aussi chouette collection de pâtes de verre, on est bien obligé de faire quelques sacrifices...


Et après on s'étonne que les démons soient méchants, mais essayez donc d'emballer une gonzesse avec une tête pareille !


Ayant emprunté la voiture (pas magique) de Robert Ginty, l’auto-stoppeur et Lenora percutent un démon (oui, on a droit à la classique scène de la main qui passe par la vitre pour étrangler l’héroïne), s'embourbent, partent en courant dans la forêt, se frittent avec deux-trois démons pour la forme… Et se retrouvent devant la porte magique (quel beau filtre bleu !) que Lenora, fascinée, franchit…
...pour se retrouver en Enfeeeeeeeer devant l’Alchimiste en personne, mouahahahaha ! Car Lenora n’est pas le sosie mais la réincarnation de la femme de Ginty qui était tombée sous la coupe (magique) du vil Alchimiste ! Alors là, l'ami Robert, pas content d’être encore une fois cocufié, surtout par la réincarnation de son ex-femme qui n’est pas son épouse, mais son sosie (vous suivez ?) pète un câble, casse toutes ses jolies pâtes de verre, tue sa fille dans un accès de folie homicide furieuse (Voir Robert Ginty jouant la "frénésie meurtrière" est un spectacle rare, mais que je ne recommande pas aux moins de 36 mois), chiale un bon coup parce que tuer sa fille c'est pas génial, se précipite sur l’Alchimiste, saisit son poignard et – re-flashback de la scène de départ, ça mange pas de pain – et cette fois parvient à le tuer !



Bleu comme l'enfer


Enfin, pas vraiment puisque lorsque les héros quitteront le décor de 10 mètres carrés symbolisant « l’Enfeeeeeeer », Delgatto, mût par la colère magique, saisira Lenora aux épaules et mourra coupé en deux par la fermeture de la Porte magique.


Les démons, c'est comme les témoins de Jehovah, faut jamais les laisser entrer !


Robert Ginty, libéré de la malédiction (« Mais il avait pas déjà été libéré avant ? » « Ta gueule, c’est magique ! Putain de bordel, tu me saoules avec tes questions à la con ! ») embrasse la réincarnation de son ex-femme qui n’est pas son épouse mais son sosie, et se décompose, heureux de quitter cette vie de souffrance et ce film pourri, heureux d’avoir touché son chèque de fin de tournage avant la majoration de 10% du premier tiers provisionnel.


Un rôle de décomposition.


Certes, il est conscient d’avoir cachetonné dans ce film ni fait ni à faire. Certes, il sait que cette année 1984 l’a vu accumuler les nanars comme "Exterminator 2" ou "Les Superflics de Hawaï"… Mais Robert Ginty n'en a cure ! Car, en cette belle année 1984, un réalisateur français lui a proposé le premier rôle d’une superproduction internationale ! Robert Ginty essuie une petite larme : enfin un rôle à sa mesure ! Enfin, l’oscar sera pour lui ! Enfin la reconnaissance de ses pairs ! Les yeux amourachés des starlettes !! Les dîners en notes de frais au Carlton !! Les fans en délire sur la croisette !!

Et en plus, songe t-il, quel plaisir d'aller tourner à Istanbul, une ville magnifique en cette saison…
icono : www.cheesy-movies.com (site hélas disparu)

- Zord -

Cote de rareté - 5/ Pièce de Collection

Barème de notation
Un grand habitué des Cash Converters, sorti en France au cinéma sous le titre "Démon". Vous le trouverez sous la bannière de chez "Vidéofilm" (avec sa célèbre jaquette argentée et sa cote fantaisiste au dos de la jaquette, là c'est 3 étoiles !), chez "AM Vidéo" et en Belgique chez "Eagle Video Production".




Jaquettes françaises.

Jaquette anglaise.


Par contre, pour trouver les pâtes de verre du film, là franchement, je ne saurais trop vous conseiller cet excellent ouvrage sur le sujet qui vous prouvera que même en la matière, Charles Band n'a aucun goût !