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L'Amour au club


L'Amour au club

Titre original :Die Todesgöttin des Liebescamps

Titre(s) alternatif(s) :Camp d'amour, Divine Emanuelle, La secte d'amour

Réalisateur(s) :Christian Anders, Ilyos Milonakos

Année : 1981

Nationalité : Allemagne / Grèce

Durée : 1h38

Genre : Sea, Secte and Sun

Acteurs principaux :Laura Gemser, Gabriele Tinti, Christian Anders, Sascha Borysenko, Simone Brahmann

Rico
NOTE
3.5/ 5


Les Enfants de la Lumière est une secte hippie célébrant le sexe et la fraternité dans la chaleur d'un village de vacances chypriote abandonné. Dorian, son gourou chantant en aube blanche, parcourt les plages pour séduire les jeunes filles, les initier charnellement au culte avant d'en faire les messagères aguichantes de l'amour universel. Tous obéissent à la troublante Divine, déesse autoproclamée de cette communauté, au visage de pierre et au corps de braise (Laura Gemser, doit-on vous faire un dessin) qui fait cependant régner un ordre de fer sur sa communauté. Car attention, derrière la frénésie sensuelle, on n'est pas ici pour rigoler : le sexe se doit d'être la communion orgasmique de l'univers. Tout sentimentalisme ou attachement à l'autre est puni des pires châtiments sous la houlette de son âme damnée, Tanga, le culturiste moustachu. Pourtant dans la coulisse, les choses se lézardent : des adeptes se mettent à renâcler aux préceptes de l'ordre. Dorian, lui, est de plus en plus troublé par sa dernière prise, la fille d'un puissant sénateur américain en vacances sur l'île. Quant à la police, elle se pose pas mal de questions sur la destination des dons très généreux des fidèles de la Divine. Ça ne peut que mal finir cette histoire...






Toi aussi, viens rejoindre les enfants de la lumière et leur message d'amour...

Début des années 1980, la parenthèse enchantée commençait à se refermer. Née de l’avènement de la pilule à la fin des années 60, la révolution sexuelle libératrice jetait ses derniers feux dans une ambiance de plus en plus désenchantée. En 1981, au moment où sort ce film, des chercheurs américains annonçaient avoir isolé une maladie nouvelle : le SIDA. On ne le savait pas encore, mais quelque chose était en passe de se casser.
Même s'il n'aborde évidemment jamais directement ce sujet, il règne dans le film une atmosphère de plus en plus crépusculaire de fin de règne, qui ne peut se terminer que par une partouze frénétique dont personne ne sortira vivant. Si Sam Peckinpah avait fait des films de cul, il aurait fait "L'Amour au club".

Bon soyons honnête, c'est peut-être attribuer au film bien plus que ce qu'il peut réellement offrir. Nous avons là un petit softcore typique de son époque et sans grandes prétentions, même si le scénario tente de surfer sur l'air du temps et notamment sur la prolifération d'affaires sectaires ayant éclaté à la fin des années 1970. En effet, ce Love Camp s'inspire ouvertement de deux scandales qui avaient défrayé la chronique dans ces années-là. D'une part les révélations fracassantes sur Les Enfants de Dieu, connus aussi sous le nom de La Famille, un groupe new age très porté sur la chose dont le gourou David Berg avait développé un quasi réseau de prostitution à des fins missionnaires, avec la pratique du flirty fishing, envoyant des jeunes filles recruter de nouveaux membres en couchant avec. Et puis il y avait le souvenir encore récent du massacre de Jonestown au Guyana en 1978, plus de 900 membres du Temple du Peuple se suicidant collectivement alors que la justice américaine s’intéressait de plus en plus aux comptes opaques de Jim Jones, leur gourou.






Ses membres charismatiques, son ambiance de folie !

Les Enfants de la Lumière est donc un peu le croisement de ces deux mouvements. Mysticisme new age où tout le monde partouze dans l’allégresse et communauté soudée autour de sa gourou, enfermée dans un camp dont on ne s’échappe pas. Bon, les moyens ne suivent pas vraiment et si les extérieurs de la confrérie, tournés dans un véritable village de vacances chypriote promis à la destruction font illusion, les intérieurs reconstitués avec deux rideaux en raphia et trois planches de contreplaqué peinturlurées font peine à voir. Mention spéciale au couteau et surtout au sabre de cérémonie en carton plaqué or qui achèvent toute crédibilité à l'ensemble.


Si l’extérieur tient encore à peu près la route...







...l’intérieur c'est pas ça !



Craignez le couteau à beurre sacré !

Heureusement Laura Gemser est juste parfaite en Divine. Elle est probablement l’élément de grâce qui sauve le film du complet naufrage. Non seulement par sa plastique à se damner et la sensualité naturelle qu’elle dégage, mais aussi par cet air perpétuellement serein et lointain qui donne l’impression que, même quand elle offre son corps à ses adeptes les plus méritant-e-s, son esprit est sur d’autres sphères de réalité.
Parce que pour le reste du casting, on rentre davantage dans l’hilarité. Les adeptes de la secte forment une belle collection de moustachus pas motivés et de blondasses molles. Heureusement les nudités, féminines et masculines, abondent et permettent de distraire l’œil de l'érotomane adepte de sensualité vintage, pilosité hors contrôle et corps qui n'ont pas cédé à la dictature de la chirurgie plastique. Mention spéciale pour le grand chanteur noir qui se lance dans de grands numéros d'air guitar frénétiques, à la moindre occasion.
De plus, la Divine est secondée pour ses basses œuvres par un vague sosie de Bo Derek en mode "sadique au fouet" et surtout par son bras droit Tanga.



C'est pas parce qu'on baise tout le temps que ça va être le bordel ! La discipline ça ne se discute pas.

Ah Tanga… interprété sans aucune retenue par le culturiste allemand Sascha Borysenko, celui-ci irradie tellement de sur-jeu satisfait qu'il en devient instantanément l'une des attractions du film. Incarnant cet exécuteur des basses œuvres éperdu d'admiration pour sa Divine, savamment huilé pour mettre en valeur son impressionnante musculature, il donne tout ce qu'il a en poses plastiques et en grimaces sadiques. Qu'il initie une jeune novice en la déflorant gaillardement dans une cérémonie du culte ou qu'il menace un adepte récalcitrant de son énorme sabre en carton doré, il est à fond tout le temps et défonce allègrement toutes les notions d'acting avec un enthousiasme qui force le respect.
















Tanga, une présence au-delà des mots.

Et surtout n'oublions pas celui sans qui le film n'aurait probablement pas pris un tel tour de démence, Dorian le gourou chantant incarné par l'extraordinaire Christian Anders. Parmi la galerie de personnages assez invraisemblables qui traînent leurs guêtres dans le cinéma d'exploitation, Christian Anders était passé jusqu'alors très en dessous de nos radars. Et pourtant, quel parcours… Imaginez seulement un instant qu'au sommet de sa gloire, Claude François se soit soudain mis au karaté pour tourner dans des films d'action érotiques avant de virer gourou/lanceur d'alerte conspirationniste chtarbé. Et bien Anders c'est ça. A la base, notre Autrichien peroxydé est un chanteur de schlager, varietoche de charme calibrée pour midinettes, qui fit un carton dans les années 70. Mais avec le succès, les mélodies sirupeuses ne suffisent plus à notre homme qui se passionne à la fois pour le cinéma et les arts martiaux et se rêve dès lors en Bruce Lee germanique.



Avant.



Après... Dans "Force noire" !

En 1979, il investit ses cachets d'artistes dans un véhicule à sa gloire qui doit lui permettre d'arriver en force sur les écrans. Le résultat c'est Force Noire alias Ninja Force où, en karatéka d'élite, il affronte les sbires d'un nain pervers qui veut régner en maître sur le monde des écoles d'arts martiaux. Anders produit, scénarise, réalise, pousse la chansonnette et évidemment joue les premiers rôles… Si le film nombriliste et invraisemblable (et qui a toutes les chances d'arriver un de ses quatre dans nos colonnes) est un succès mitigé, notre homme y croit dur comme fer et récidive deux ans plus tard en s’emparant de ce Camp d'amour qui pousse encore le délire un cran plus loin. S’emparer, car il vient se greffer sur un projet déjà existant. Il semble qu’à la base le film est une de ces co-prods européennes érotiques comme il en fleurissait des dizaines au chaud soleil méditerranéen. Le réalisateur initial, le grec Ilyos Mylonakos (souvent crédité Ilya Milonako à l'international) est un besogneux du softcore qui, depuis les années 1960 et jusqu'à l'orée des années 1990, va usiner ses 2 ou 3 films par an. En 1979, il a obtenu un petit succès avec Les Secrets érotiques d'Emanuelle avec le couple sur l'écran et à la ville Laura Gemser - Gabriele Tinti et compte récidiver avec ce film et les mêmes vedettes. Et là débarque Christian Anders. Comment est-il précisément arrivé sur le projet ? Magie des montages financiers acrobatiques du cinéma d'exploitation. Toujours est-il que non content d'en être la vedette masculine, notre homme s'investit à fond. Il a les sous, il a le pouvoir.



Et voici notre gourou de secours !



Lucidité ou masochisme, au début du film, même le public lui jette des tomates.

Finançant la production grâce à sa société de disque Chranders, il carjacke joyeusement tous les postes pour en faire son film. Poussant du coude tous les autres responsables du projet, il réduit Mylonakos à un simple exécutant même pas crédité au générique. Son nom ou celui, transparent, de sa boîte de prod apparaissent 5 fois au générique. Il produit, compose et chante la B.O., scénarise et dirige. C'est tout juste s'il accorde à la prestigieuse Laura Gemser le privilège de voir son nom apparaître en premier au générique. Tinti, acteur pourtant connu, est débarqué du premier rôle qui semblait écrit pour lui et se retrouve rétrogradé dans un second rôle d'espion infiltrant la secte.







Ok Christian, c'est bon, c'est TON film, je crois qu'on a compris...

Anders s’investit à fond et donne tout ce qu’il a pour faire exister son personnage de gourou en pleine crise existentielle. Ce qui ne va pas très loin car s'il est beau gosse et ne manque pas d'une certaine présence naturelle, il faut bien avouer qu'il n'est pas très bon acteur, se contentant de jouer les bellâtres énamourés et surtout de chanter.


Mais bon, il se tape quand même Laura Gemser dans le film alors rien que pour ça je peux comprendre pourquoi il était prêt à hypothéquer sa fortune pour financer ce projet...

Parce qu'il ne faudrait pas oublier qu'Anders est d'abord musicien et donc que le film regorge de passages chantés absolument gratuits mais dont les airs assez ronge-tête vont vous hanter un moment. Entre les mélodies disco-new age à la Demis Roussos (Love Love Love) et les lamentos tragiques façon The Doors version FM (This is the End !), on a un échantillonnage de tout ce que le tournant de la décennie 1970-1980 pouvait nous apporter à la fois de plus catchy et de plus gênant. Ne niez pas, si vous les entendez, vous allez vous mettre à les fredonner et après vous vous sentirez sale !






Une ambiance chaude bouillante !

Anders joue donc les gourous... Un personnage d'illuminé mystique pas totalement éloigné de lui-même si on considère la carrière future du bonhomme. En effet, après ce film et quelques apparitions plus secondaires dans diverses bandes d'exploitation dont un pittoresque Dans les griffes de la CIA, notre homme connut une épiphanie mystique en 1988 et fut contacté par le gardien spirituel Maha Chohan pour unifier toutes les religions sous sa bannière éclairée. Il s'embarqua pour les États-Unis où il publia un maître livre, The Book of Light , sensé guider l'Humanité vers la sagesse et le bonheur universel, et prêcha la bonne parole sous le nom de Lanoo. Comme ça ne décollait pas vraiment, il accompagna son prêche de quelques ouvrages alarmistes dénonçant d'improbables complots comme la création du SIDA par des médecins eugénistes (L'Homme qui a crée le SIDA ) ou le fait que la science officielle raconte n'importe quoi (Darwin ment) ou plus récemment sur Youtube comment Angela Merkel est un monstre d'incompétence aux mains de la finance internationale. Depuis, l'Homme et ses multiples casquettes de chanteur/acteur/gourou/dénonciateurs de scandales, continue toujours à être actif, entre concerts pour maisons de retraite et dédicaces de ses méthodes pour atteindre la paix intérieure. Anders a acquis un statut d'OVNI ringard dans le monde germanophone, ayant participé à des émissions de télé réalité du style La ferme des célébrités


Lanoo nous offre son message sur Facebook et Youtube... Mais fait moins de 1000 vues par vidéo... Ca vaut pas le coup d'essayer d'apporter la sagesse au monde, moi j'vous le dis !

Au final ce film est une véritable curiosité qui ne pourra laisser indifférent. L'époque où l'Allemagne et la Grèce travaillaient main dans la main pour construire l'Europe du nanar. Si l'amateur de polissonneries millésimées pas trop exigeant sur la qualité des fantasmes pourra y trouver son compte pour l'ambiance Woodstock de la baise estivale, ce film est surtout pour nous l'occasion de s’offrir un spectacle d'un autre temps, celui où on osait vraiment faire n'importe quoi dans l'insouciance la plus totale, où des personnalités azimuthées pouvaient jaillir de nulle part pour devenir le temps d'un instant des météores du cinéma irradiant la pellicule de leur ego. Ok j'idéalise, mais à l'époque au moins, on n'avait pas peur de montrer des poils. Pas à dire, c'était bien mieux avant… euh non en fait, c'est juste que je suis vieux… mais au moins c’était l'été...


Une belle affiche turque, qui rhabille prudemment Laura.

Pour l'anecdote, le générique crédite un certain Vangelis comme premier assistant cameraman, mais contrairement à ce qu'IMDB et plusieurs sites recopiant aveuglement cette source ont parfois prétendu, il ne peut s'agir du compositeur des Chariots de Feu, dont la carrière musicale était en plein boum et qui en 1981 avait autre chose à faire que jouer les petites mains sur un film pareil !

- Rico -
Moyenne : 3.50 / 5
Rico
NOTE
3.5/ 5
Drexl
NOTE
3.5/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation


Profitant de la notoriété de Laura Gemser et étant souvent marketé frauduleusement comme un opus de la série des Black Emanuelle, le film a connu pas mal de ré-éditions DVD un peu partout. Par exemple en Allemagne chez "Carol DVD" puis "VZ-Handelsgesellschaft mbH" mais dans des éditions assez simples, avec des versions qui, d'après les commentaires des acheteurs, sont carrément amputées de certaines scènes. Ça ne pouvait pas être pire que le passage sur Arte où le film d'1h38 avait été ramené à 1h14 pour des questions de censure, nous privant de scènes entières sous prétexte de nudité.


Les DVD anglais (zone 2) de chez "Blackhorse" et américain (zone 1) de chez "Exploitation digital" sont identiques et plus faciles à trouver (visuel en en-tête). Hélas, là encore, il s'agit d'une version recadrée, mais, d'après les commentaires, de bonne durée. Il y a même quelques brèves scènes coupées anecdotiques. Aux Etats-Unis les mêmes éditeurs l'ont sorti dans des coffrets pieusement dédiés à Laura Gemser.

En France nous n'avons pas eu droit au DVD, mais il existe une VHS parue chez le très obscur spécialiste en productions érotiques "Gilda Vidéo". C'est hélas le seul moyen de profiter de la VF d'époque qui ajoute encore une part supplémentaire au plaisir...