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Blood Chase

(1ère publication de cette chronique : 2011)
Blood Chase

Titre original : Blood Chase

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Teddy Page

Année : 1989

Nationalité : Philippines

Durée : 1h28

Genre : Philiiiiiip(ines), je sais où tu te caches !

Acteurs principaux :Mike Monty, Nick Nicholson, David Light, Jim Moss, Henry Strzalkowski, Eric Hahn, Steve Rogers, Andrew Stevens, Karen Sheperd, Ian Senzon, Tony Chang, Bruce Dick

Kobal
NOTE
2/ 5


La VHS polonaise à 1 zloty qui met le paquet sur Karen Shepard


En ces tristes temps d'agonie terminale de la VHS, je vous propose de vous recueillir quelques instants devant ce visuel d'une autre époque. Savourez chacun des détails qui faisaient de ces jaquettes une délicieuse source de fantasmes cinématographiques. Certes, il s'agit là d'un produit de relative bonne facture. Pas d'horrible faute d'orthographe en plein milieu de l'accroche, pas de dessin gribouillé à la va-vite, pas de collage approximatif, même pas de réelle flying jaquette ! Mais c'est justement cet aspect pro qui permet de mieux apprécier une typographie agressive aux couleurs germaniques, mettant en valeur un couple au regard aussi déterminé que leurs armes sont érigées comme des phallus ivres de décharges mortelles. Et puis tout professionnel que soit Gaumont, impossible de totalement résister à l'envie de rajouter de petits bonshommes crayonnés dans un coin, l'air de rien, histoire d'augmenter encore un peu plus l'aura d'action virile.


J'imagine que cette inspiration graphique provient de la séquence d'ouverture du film.


Mais là où l'astuce commerciale atteint un sommet de subtilité, c'est dans un détail imperceptible à qui n'a pas encore vu le métrage. Regardez bien notre héros, regardez ce visage carré à l'ossature imprégnée de testostérone, regardez ce biceps saillant prêt à déchirer avec aisance le jean de sa chemise stylée (oui, moi aussi j'en ai portées des comme ça dans les années 90). Et que dire de la carrure assortie de sa compagne en arrière-plan. Ça donne envie, non ? Et bien si vous répondez oui à ce non, sachez dès maintenant que vous venez de vous faire filouter. Sans même bouger de votre fauteuil. Impressionnant, n'est-ce pas ? Car si vous avez la chance de regarder "Blood Chase", vous vous apercevrez vite qu'aucun de ces deux acteurs n'a une telle constitution horizontale. Et pour cause, leur photo a été légérement étirée en largeur afin de les rendre plus trapus. Un procédé démoniaque, on peut le dire.


Pour preuve, voici la version originale.


Mais est-ce que le plaisir pervers de démasquer les insignifiantes combines du distributeur justifie à lui seul de se fader 1h30 d'un actioner lambda ? Et bien heureusement que oui, sinon ma vie n'aurait pas grand sens. "Blood Chase", c'est donc une histoire pleine d'aventures exotiques (découvrez le Costa Brava), de poings dans le pif, d'enquête, de trognes patibulaires, de mitraillettes qui font du bruit, d'amour et d'une réflexion sur la repentance trans-générationnelle à la lumière de la chirurgie reconstructrice. Pas mal pour une série B américaine...

"Blood Chase", c'est...

... des cascades ultra-dangereuses !

... de la réflexion pour blonde !

... de l'action pétaradante !

... des enfantillages dans les sous-bois !

... et surtout, une promotion permanente des jus de fruit et des petits-déjeuners copieux !


Heu, américaine, c'est bien ça ? Bah ouais, le nom du réalisateur là, Ted Johnson, y'a pas plus anglo-saxon. Et sa compagnie, la Silver Star Films, c'est une décoration militaire US, donc c'est obligé. Et puis tout le film se déroule dans des banlieues à pelouse, les voitures roulent dans de grandes artères aux noms cardinaux (East Road et compagnie), la majorité des personnages sont des Occidentaux comme il y a en plein nos rues et le thème musical de "Rambo" retentit à plusieurs reprises. Bon, c'est vrai qu'il est mixé avec une autre source, mais je ne suis plus très sûr où je l'ai déjà entendue. Vous dites ? Sur le radio-blog de Nanarland ? "Laser Force", un nanar philippin avec Max Thayer ? On m'aurait donc trompé sur la marchandise ?


Et oui, vous voici une nouvelle fois filoutés. Ted Johnson, c'est en fait Teddy Page. Et Teddy Page, c'est en fait Teddy Chiu. Et Teddy Chiu, c'est probablement un autre qu'on-n'arrive-pas-à-nommer-parce-que-c'est-du-Chinois-pour-nous-autres. Quant à la Silver Star Films, il s'agit en fait de la Kinavesa, la boite à films du Manille des 80's. Les vieux de la vieille auront compris ce qui vient de se passer, mais pour les plus jeunes, autant être franc : vous venez d'être victime d'une américanisation du produit. C'est un peu comme une inception, mais en plus cheap. Donc toutes vos stars, là, vous pouvez oublier, c'est pas le Hollywood's Hall of Fame, mais bel et bien Teddy Page qui s'est pointé dans un rade à expat', a mis un coup de pied dans le comptoir et a ramassé tous les gweilos qui en sont tombés. Et ça devait être jour de beuverie car le film est un véritable tronchoscope de la faune exotique. Jugez plutôt !


David Light, méchant à l'écran comme à la ville.

Jim Moss et sa moustache ventriloque (un talent incroyable !).

Henry Strzalkowski, le temps d'un coup de fil digne d'un 2/1.

Eric Hahn, tellement de passage qu'on ne le voit même pas de face.

Nick Nicholson, le styliste de la destroy attitude.

Mike Monty et son look de vieux beau maquereau.

Steve Rogers (à droite) et son nom de super-héros américain.


Mais le couple de héros sur la jaquette, ce sont bien de vraies stars, non ? Des certifiés authentiques d'outre-Atlantique ? Sinon, on ne les aurait pas mis en avant avec un tel culot, leurs noms catapultés en haut de l'affiche comme des trophées ? Encore une fois, mieux vaut freiner sa montée de sève consumériste et prendre une minute ou deux pour faire le point. On ne les connait pas ces deux-là. Jamais entendu parler avant. Et non. Même pas sur Nanarland ! Et pourtant, bien que peu médiatiques, leurs carrières respectives ont largement frayé au sein de l'univers du mauvais film sympathique.


L'Amour du Risque, le film.

La preuve, des scènes de sexe sans préservatif.


Prenez Andrews Stevens. Il ressemble au fils caché de Stuart Smith et de Kurt Russel (enfin, plutôt à Jack Burton avec son air de grand nigaud). C'est dire si les bonnes fées du succès nanareux s'étaient penchées sur son berceau. Mais Andrews n'en a fait qu'à sa tête et a réussi à esquiver les casseroles trop voyantes (citons à la rigueur sa participation dans "Maximum Force", dans "Ailes d'Acier" ou dans quelques obscurs téléfilms avec Shannon Tweed). Notre homme s'est plutôt découvert une passion pour le métier de producteur et c'est dans ce domaine qu'il a su faire oeuvre de charité en finançant des pointures comme Steven Seagal ("L'Affaire CIA", "Out of reach", "The Foreigner"), Wesley Snipes ("The Detonator"), Dolph Lundgren ("Jill the Ripper", "Storm Catcher"), Don "the Dragon Molasson" Wilson ("Inferno/Operation Cobra", "The Prophet"), Michael Dudikoff ("Nuclear Alert", "Strategic Command" où Michael cotoie sans tabou son ex-doublure Richard Norton), Gary Busey ("Steel Sharks"), John Travolta ("Battlefield Earth"), Sylvester Stallone ("Driven"), etc. Bref, merci l'artiste.


Un regard de tombeur qui a mené plus d'un acteur au nanar.


Dans "Blood Chase", Andrews profite de son chômage pour accompagner son épouse dans sa quête de filiation. En effet, le papa d'icelle est un gangster qui a trahi ses compagnons d'arme au terme d'un fructueux braquage, avant de trouver la mort dans de mystérieuses circonstances qui ne demandent qu'à être éclaircies. Notre duo de tourtereaux est d'autant plus motivé à la tâche que les anciens "marlous" (en Français dans le doublage) viennent de s'évader de prison et les harcèlent afin de récupérer le butin. Andrews Stevens utilise donc son physique avantageux pour remonter laborieusement la piste de son défunt beau-père, d'indice en indice, tel le mauvais détective d'un polar miteux. Il faut le voir enchainer les baratins les plus fumeux pour soutirer de minables informations, exploitant au-delà de ses limites ses talents d'acteur jusqu'à cette scène d'apothéose où il interprète tout de go le rôle d'un alcoolique à la vessie pleine. Encore une preuve que prendre l'option théâtre au collège n'est pas dénué de bon sens, surtout quand on veut éviter de se faire ravaler le portrait par des hommes de (seconde) main philippins. Car malgré ce que laisse supposer la jaquette, Andrews n'est pas vraiment un gros bastonneur. Tout au plus se joint-il à quelques échanges d'animosité avec des loubards peinturlurés comme seul l'imaginaire populaire des années 80 savait en créer. Non, la castagne, c'est le terrain gardé de son épouse. Pas banal, hein ? D'habitude, c'est la femme qui fait la femmelette. Bah là, non. "Blood Chase", le film féministe qui s'ignore...


Par féministe, j'entends que les femmes encaissent des gnons comme tout le monde.

Prix d'interprétation au Festival de Manille, 1989.


Son épouse, donc. Encore une grande vedette hollywoodienne : Karen Sheperd. Alors certes, quelques-uns d'entre vous la connaissent peut-être pour son rôle dans la série télévisée "Hercules", mais en 1989, ses seuls faits d'arme cinématographiques étaient d'avoir interprété un second rôle (nommé Kung-Fu !) dans un WIP et d'avoir rencontré Eric Lee et Tadashi Yamashita dans "The Shinobi Ninja" (tout est dans le titre !). En fait, Karen est une véritable martialiste de haut niveau, comme il en pullule dans le cinéma d'exploitation. First lady à obtenir la première place du classement américain du magazine Black Belt et à remporter le titre de Grand Champion à l'U.S. Open Karate Championship, elle a beaucoup œuvré pour faire avancer la place accordée au beau sexe dans le monde moustachu des arts martiaux. Je ne sais pas si tourner dans des nanars faisait partie de son plan de carrière ou d'une volonté de prouver que oui, on peut être féminine dans un mauvais film, mais l'expérience paraît l'avoir satisfaite. En effet, on la retrouvera régulièrement aux côtés de célèbres noms nanarlandais tels que Jalal Merhi ("Operation Golden Phoenix"), Billy Drago ("Cyborg 2"), Matthias Hues ("Mission of Justice") ou une autre grande dame en la personne de Cynthia Rothrock ("Righting Wrongs", sorti en DVD chez nous sous le titre "Une Flic de choc", excellent actioner hong-kongais où elle offre une impressionnante prestation de bad girl). Et quand elle ne partage pas l'affiche, Karen tourne dans des films au titre improbable : "Terminator Woman" de Michel "Tong Po" Qissi ("Backlash" en France).


Pecs et abdos en béton dans la série "Hercules".

Plus distinguée aux côtés d'un fan inconnu.


Engagée pour lever haut le pied, Karen Sheperd remplit sa part du contrat. Le résultat à l'écran est impressionnant : il faut la voir s'entraîner à élaguer des arbres à coups de high kick dans son jardin. Allez, ne soyons pas vache, reconnaissons qu'elle donne de sa personne dans des combats pas plus mal foutus que dans des productions de plus haut standing, enfonçant ses talons aiguilles là où ça fait mal, se battant attachée à une chaise et s'en prenant régulièrement plein la poire. Certes, son jeu d'acteur est trop étriqué pour nous bouleverser avec son rôle de femme meurtrie par l'absence d'un père aimant mais bon, le spectateur qui se retrouve devant "Blood Chase" n'est pas non plus là pour verser la larmichette.


Les gredins sont prestement malmenés, mais il faut reconnaître que Karen était sur son terrain (cette blague misogyne vise à contrebalancer le féminisme étouffant de cette chronique).

Vous remarquerez tout de même qu'elle prend un plaisir sadique à attaquer la phallocratie là où ça fait mal.

Autre point commun de Karen Sheperd avec Cynthia Rothrock : un goût vestimentaire des plus sûrs.


Sa prestation est d'ailleurs assez illustrative du niveau de qualité du film. En effet, malgré des moyens que l'on devine rabotés jusqu'à l'os, Teddy Page livre un produit plutôt chiadé, à la réalisation suffisamment professionnelle pour assurer un divertissement satisfaisant qui évite le piège de l'ennui, trop souvent présent dans les films d'exportation philippins. Bien entendu, et même heureusement pour nous autres, "Blood Chase" n'évite pas quelques scories rigolotes, souffrant de ses acteurs qui en font des caisses et d'un montage parfois approximatif qui entraîne des incohérences dans le "scénario". On appréciera également les petits détails débiles, telle que la technique anti-effraction de Andrews Stevens (à base de fourchettes) ou le fait que le fameux butin soit conservé dans un coffre au trésor digne d'un film de pirates. Et enfin, pas de bon nanar sans un doublage adéquat qui fleure bon le vieil argot : révisez votre vocabulaire fleuri et un tantinet désuet avec "nasebroque", "lécher le mur", "se pointer la fraise enfarinée", "oh la chiotte" ou "avoir de la crasse dans les méninges".


Andrews parait très fier de sa technique de scout.

La malle au trésor ne recèle point de pièces d'or et de pierres précieuses, mais un banal magot en liasses de billets.

Autre figurant nanar, Ian Senzon, qui n'a malheureusement fait que ce film (il eut été parfait en Vega dans une adaptation réussie de Street Fighter).


"Blood Chase" est ainsi un avatar d'une époque qui semble bien lointaine (c'est pas demain qu'on reverra des films philippins en VHS). Il bénéficie en conséquence d'un charme vieillot et agréable pour qui apprécie les défilés de trognes impayables.

Défilé de trognes impayables pour qui les apprécie :





- Kobal -

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Cote de rareté - 6/ Introuvable

Barème de notation
Attention, œuvre rare. Rendons honneur à Gaumont d'avoir sorti le film en VHS dans nos contrées, car il semblerait bien que ce soit la seule édition française disponible. Sur le net circule un DVD américain, mais ses spécificités nous sont inconnues.



Une VHS grecque.