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La Brigade en Folie


La Brigade en Folie

Titre original : La Brigade en Folie

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Philippe Clair

Année : 1973

Nationalité : France

Durée : 1h30

Genre : Y-a-t-il un scénariste sur le tournage ?

Acteurs principaux :Philippe Clair, Patrick Topaloff, Sim, Jacques Dufilho, Marcel Zanini

Nikita
NOTE
4/ 5

Le film relevant de la psychiatrie pure et simple, l'équipe en charge de légender les photos préfère déclarer forfait devant l'étendue du cabotinage et du portnawakisme délibéré du résultat. Les photos parlant d'elles mêmes, tout commentaire s'avère superflu...


Les années 1970 eurent décidément des effets inattendus sur le mental de nos acteurs culturels. Jean-Luc Godard tournait des films politiques ; Ringo Willy Cat était une star de la chanson ; Philippe Clair devenait un réalisateur à succès. Oui, car cette « Brigade en folie » que nous traitons ici, ce n’est pas n’importe quel film : c’est une sorte de quintessence de l’humour français seventies à son niveau de n’importe quoi le plus élevé. Un scénario de bande dessinée au rabais, torché en cinq minutes après une muflée au sidi-brahim de contrebande, mis en image à l’arrache et porté par des comédiens en état de free style total. C’est beau, c’est grand, c’est du Philippe Clair sous acide.


Sans atteindre (c’est du moins mon opinion personnelle) les cimes qu’il devait escalader joyeusement avec « Le Führer en Folie », le psychopathe de Bab-El-Oued établit une sorte de record sur l’échelle du je-m’en-foutisme, filmant son récit dans un tel désordre que deux visions peuvent s’avérer nécessaires pour comprendre ce qui peut en être compris (c’est-à-dire pas grand-chose). Le scénario sort tout droit d’une mauvaise BD franco-belge des années 1960 : les milliardaires faisant tous passer leur argent en Suisse, les Etats n’ont plus rien à prélever et les truands plus rien à voler. Le gouvernement français délègue donc les deux meilleurs agents de sa Brigade Financière, les Commissaires Richard et Grospèze, interprétés respectivement par Jacques Dufilho et Sim.



Le syndicat des truands, de son côté, envoie un gangster pied-noir (Philippe Clair lui-même) et son assistant demeuré (Patrick Topaloff). Nos deux équipes concurrentes vont s’infiltrer à Saint-Flouz, lieu de villégiature des milliardaires, pour essayer de découvrir la filière par laquelle l’argent passe en Suisse.



Oui, vous avez bien lu, il y a UNE filière. Pour faire passer TOUT l’argent de TOUS les riches en Suisse. Et la Brigade Financière comme les truands, qui devraient pourtant s’y connaître un peu, n’ont absolument aucune idée de la façon dont elle fonctionne. On sent que Philippe Clair a dû lire les deux premières pages d’un « Que sais-je ? » sur la finance internationale, avant de l’oublier dans le métro et de se lancer sans documentation supplémentaire dans la rédaction de son scénario.







La méthode des flics et des truands pour remonter la filière est simple : s’infiltrer dans la station de Saint-Flouz et se faire passer pour des milliardaires afin d’entrer dans la confidence. Ici, « La Brigade en folie » démontre l’une de ses principales caractéristiques : la figure dite de « la roue libre ». Nous sommes en effet en présence de ce qui doit être la plus belle collection de cabotinages d’acteurs totalement livrés à eux-mêmes et, visiblement conscients de ce qu’on leur fait jouer, nullement soucieux d’améliorer le niveau global du film. Dire de Jacques Dufilho et Sim qu’ils font n’importe quoi tient de l’euphémisme cordial tant leurs mimiques s’accumulent au mépris de toute vraisemblance et de toute utilité. Les autres comédiens ne sont pas en reste, qu’il s’agisse de Pascale Roberts en demie-mondaine, de Philippe Clair en gangster d’opérette ou de Patrick Topaloff, qui charge tant son rôle de crétin qu’il finit par piquer la vedette à tout le monde.








Mais le plus beau, ce qui fait l’originalité intrinsèque de «La Brigade en folie », c’est encore sa capacité quasi-masochiste à démonter ses propres gags. Les trouvailles comiques de Philippe Clair valent ce qu’elles valent, et se démontrent aussi éculées et grotesques que dans ses autres films, entraînant le rire du spectateur à force d’usure. Mais la nouveauté vient ici du fait que les gags s’auto-sabotent en amont comme en aval. Les protagonistes se trouvent ainsi régulièrement amenés :
1) A annoncer ce qui va se passer. Quand plusieurs personnages se trouvent pris d’un fou-rire et que l’un deux annonce « Il va mourir de rire ! », cela veut dire que l’un d’eux va effectivement mourir de rire dans les secondes qui viennent.
2) A commenter ce qui vient de se passer. Quand le chien de Pascale Roberts mange la perruque de Sim, Jacques Dufilho commente pour nous le fait que le chien vient de manger la perruque, ce que le spectateur le plus mal-comprenant a pu voir.





Toute la force conceptuelle de « La Brigade en folie », ce qui contribue à en faire un objet filmique plus que précieux, tient dans les deux niveaux de la non-fonctionnalité de ses gags. Le film est non-drôle en deux couches : le premier degré de sa médiocrité tient dans la nullité intrinsèque des gags ; le deuxième tient dans le commentaire qui en est fait par les personnages AVANT et APRES, sapant doublement les effets comiques pour ce qu’ils pourraient avoir de vaguement efficace.



La double nature de la géniale nullité de « La Brigade en folie » fait que son paradoxe de comédie nanarde se trouve augmenté de manière paroxystique : le fait que des gags intensément navrants soient encore sapés par la manière profondément ratée dont ils se succèdent à l’écran finit, allié au rythme d’enfer de leur succession, à distiller une euphorie comique rarement atteinte. Un certain nombre de scènes comiques sont ainsi totalement dénuées de sens, poussant extrêmement loin leur idée de départ, au point de verser dans un délire psychédélique : je pense notamment à la scène dite du « calumet de la paix », fumé par policiers et truands, au terme de laquelle Dufilho et Sim, totalement défoncés par la fumette, s'élancent nus vers la route de Katmandou. Le niveau de nawak général est tel sur ce film qu'on pourrait voir n'importe quoi d'une scène à l'autre – Paul Préboist en costume de majorette, une soucoupe volante, Lucky Luke, les trois Mousquetaires – sans que ça choque vraiment.







Bercé par la profondeur de la stupidité ambiante, le spectateur finit par plonger dans un monde autre, où les règles communément admises de l’humour et de la vraisemblance n’ont plus cours, et où ce qui n’est pas drôle devient, précisément, ce qui est le plus intensément comique. Le mystère de la comédie nanarde se fait décidément toujours plus insondable au fur et à mesure que ses trésors sont exhumés… Précisons tout de même qu’un tel film peut au contraire susciter des envies de meurtre chez le spectateur dont les défenses immunitaires anti-comédies nanardes seraient trop développées. Un examen médical est donc à conseiller avant de se risquer au visionnage de « La Brigade en folie », comme d’ailleurs de beaucoup d’autres comédies françaises.




A noter une petite particularité sur ce film : Philippe Clair semblait avoir développé à l’époque une sorte de fétichisme de la mousse, tant les personnages se trouvent fréquemment recouverts de mousse d’extincteur, de mousse de savon, ou de n’importe quoi qui fait des bulles. Soit l’auteur croyait avoir découvert une nouvelle panacée hilaro-poilante, soit le beau-frère du producteur avait des actions dans une entreprise de mousse à raser.






La cerise sur le gâteau est amenée par l’apparition de Marcel Zanini, grand responsable de la filière d’argent sale (on y croit !), dont les quelques scènes sont l’occasion de moments intensément nanars. Le même Zanini déclara plus tard dans une interview que, sur le tournage, la plupart des acteurs étaient comme en vacances en Suisse et ne se souciaient pas du tout du film. C’est bizarre, ça ne se voit pas du tout…




En fin de compte, la vision de « La Brigade en folie » n’est à conseiller qu’aux spectateurs les plus résistants : si vos nerfs tiennent, vous vivrez un voyage profondément unique aux frontières du cinéma comique le plus crypto-démentiel. Sans rime ni raison, tout entier porté par la démence d’un Philippe Clair totalement oublieux des usages les plus élémentaires du cinéma de qualité, ce film réinvente, en même temps qu’il l’enterre, la comédie populaire française, laissant loin derrière « Mon curé chez les nudistes » et même « Mon curé chez les thaïlandaises », pour ne rien dire des meilleurs films de Jean Lefebvre, relégués au rang de vieilleries conventionnelles. Du pur cinéma conceptuel, à voir pour ne pas le croire. Vous planerez ou vous craquerez, ça passe ou ça casse ! La dantesque poursuite finale, digne des pires sketches de Benny Hill, est l'un des moments les plus psychotroniques du comique français bas de gamme.



A noter que Dufilho et Sim étaient à l’époque un duo comique plutôt en vogue, notamment après leur apparition commune dans « Une veuve en or » de Michel Audiard. Ils jouèrent ensemble dans divers sketches et dans un autre film, « La Grande Nouba ». Jacques Dufilho, vétéran du cabaret, devait ensuite connaître une sorte de « réhabilitation », accédant au rang d’acteur de prestige, ce qui donne rétrospectivement à leur duo une allure un peu « carpe et lapin ». Se doutait-il que Nanarland rappellerait le temps de son partenariat avec Sim au bon souvenir du public ?

- Nikita -
Moyenne : 3.40 / 5
Nikita
NOTE
4/ 5
John Nada
NOTE
3/ 5
MrKlaus
NOTE
4.5/ 5
Kobal
NOTE
2/ 5
Rico
NOTE
3.5/ 5

Cote de rareté - 5/ Pièce de Collection

Barème de notation
Peu d'éditeurs ont osé relever le gant de s'attaquer à Philippe Clair. Armez-vous de patience pour trouver l'une des deux VHS de chez "Socai Films" ou "V.I.P. Vidéocassette" qui en leurs temps ont eu ce courage.
On nous a cependant dernièrement indiqué que le film était disponible sur Netflix. Si vous cherchiez une vraie raison de vous abonner...