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Chaku Master

(1ère publication de cette chronique : 2003)
Chaku Master

Titre original : Chaku Master

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Luis San Juan

Année : 1974

Nationalité : Philippines

Durée : 1h23

Genre : Chaku, chaku, la jaunie

Acteurs principaux :Jim Gaines, Bruce Ly alias Rey Malonzo, Tony Bernarl, Myrla Nagalio, Connie Angeles

Labroche
NOTE
4/ 5


Bruce Lee… Le Petit Dragon a laissé une empreinte indélébile dans le cinéma. Preuve en est la foultitude de vautours qui ont surfé sans vergogne sur son succès, de son vivant, mais surtout après sa mort. On ne compte plus les sosies autoproclamés qui ont éclos à la disparition de l’artiste. Le terme Bruceploitation est apparu pour désigner cette mode : on prend un Asiatique initié à un quelconque sport de combat, on le met torse nu avec un pantalon noir et des chaussons de gym à semelles blanches, on lui colle une coupe au bol, et on lui demande de pousser des petits cris suraigus tandis qu’il tatanne des figurants. Le tout est ensuite emballé avec un titre évoquant l’un des films de Bruce Lee (genre "Big Boss contre Shaolin", "Le Jeu de la mort de Dragon Lee", "La Fureur du Katana"… voyez comme c'est facile, ces titres sont inventés de toute pièce) puis exporté un peu partout dans le monde, dans les petites salles de cinéma de quartiers ou, plus tard, directement dans les bacs à soldes des supermarchés.


Là, comme ça, en plissant les yeux on y croirait presque


Mais la « bruceploitation » va bien plus loin que la simple ressemblance physique, puisque les apprentis clones de Bruce Lee ont été jusqu’à usurper son patronyme. En vieux renards de l’arnaque cinématographique, il leur a suffit de prendre un pseudonyme outrageusement ressemblant. Ainsi naquirent Bruce Le, Bruce Lei, Bruce Li (prononcer « Bruce Li en épelant "L" - "I" », sinon votre interlocuteur n’y verra que du feu), Bruce Lea et autres Dragon Lee.
On raconte d’ailleurs au sujet de Bruce Le (sûrement le Bruce le plus ressemblant de cette armée de clones), une anecdote qui en dit long sur la pure mauvaise foi dont ont pu faire preuve les agents de ces acteurs assez spéciaux. Une rumeur veut que son agent justifiait le patronyme de son poulain en expliquant qu’une règle ancestrale du kung-fu commandait à un élève qui aurait dépassé son maître de reprendre son nom et d’en enlever la dernière lettre. Ainsi serait né Bruce Le...
Aujourd’hui nous nous intéressons à l'un des clones de Bruce Lee les moins illustres, à savoir Bruce Ly (prononcer « Bruce Ly en épelant bien "L" - "Y" »).


Euh, là par contre on n'y croit plus une seconde. Heureusement que tout le monde l'appelle Bruce dans le film.


Là où Bruce Ly se démarque de ses petits camarades, c’est qu’il ne ressemble tout simplement pas à Bruce Lee. Certes, il est asiatique, oui il a une coupe au bol, mais c’est tout, et c’est un peu léger jeune homme ! Nous avons découvert ce spécimen dans « Chaku Master », une production philippine complètement fauchée et assez merveilleuse il faut le dire. L’histoire de « Chaku Master », à l'instar des kung-fu flicks les plus antiques, est somme toute très basique. Bruce Ly doit défendre un village d’un abject gredin entouré de sbires plus ignobles les uns que les autres. Ses pérégrinations l’amèneront à trouver refuge chez un couple de paysans avec qui il se liera d’amitié. Il remontera ensuite la filière maffieuse pour rosser le chef de gang lors d’une mémorable poursuite en barque.


Niark, niark, je suis un méchant entouré de sbires et de femmes soumises... Par contre je n'ai aucun goût vestimentaire.


Le problème avec les KFFF (kung-fu flicks fauchés), c’est que l’on s’y ennuie souvent. De longs tunnels de dialogues insipides ont tendance à servir de remplissage entre deux scènes d’action plutôt bien troussées, pour peu que l’on apprécie les acrobaties à teneur shaoliniennes. Dans « Chaku Master », on échappe à ces scories pour se concentrer sur l’essentiel : la tatanne. Bruce Ly se promène de coups de pieds rotatifs dans la face en low kick dans les tibias avec une absence de charisme désarmante. Non seulement sa ressemblance avec le Maître est plutôt tirée par les cheveux, mais en plus il joue abominablement mal. Et disons le clairement, c’est ce non-jeu d’acteur, couplé à une réalisation dénuée de talent qui démarque ce « Chaku Master » du film de karaté de base.


Technique pour accroître la ressemblance : trouver des lunettes qui masquent les 2/3 du visage. C'est toujours ça de pris.


Le film offre par exemple la scène de fellation la plus non-sensique qu’il nous ait été donné de voir depuis longtemps : après avoir sévèrement éclaté une bande de loubards, Bruce se pose sous un arbre avec sa douce et commence à la bécoter chaudement. Afin de rester le plus suggestif possible, le réalisateur a choisi deux partis pris : le visage de Bruce en gros plan, et des images « symboliques ». Du coup on se retrouve avec une succession de têtes de Bruce Ly complètement ridicules montées en alternance avec des images à la portée symbolique plus que douteuse : un soleil levant (passe encore), un poulailler (là, on commence à se poser des questions), un chien qui mange une poule (là, on ne se pose plus de questions), et… un bébé ours (là on se dit qu’on joue dans la cours des grands). On cherche encore à comprendre tous les enjeux sémiologiques de cette séquence.

Retrouvez l'integralité des caps de cette scène dans l'onglet images en plus.

Mmmmh...

Rhaaaa

Image de poulailler

Rhaaa lovely

Image de bébé ours

Coucher de soleil... Le spectateur aura compris.


Hormis ce genre de grands moments, le film patauge dans un amateurisme complètement jouissif : combats en accéléré, têtes de figurants pas possibles, looks improbables, dialogues mous du genou, et faux raccords parfois ahurissants. Certaines scènes sont tellement surexposées que le gazon prend une teinte fluo qui vrillerait le cerveau de toute personne normalement constituée.


Un beau gazon vert fluo et une veste violette qui fait mal aux yeux.


En terme de Bruceploitation primaire, « Chaku Master » s’impose comme le haut du panier. On ne s’y ennuie pas une seconde. La séquence finale nous offre quinze minutes de combats ininterrompues durant lesquelles Bruce se frotte successivement à un samouraï, un karatéka, un yakusa et un sumo (est-il pertinent à ce stade de préciser que les méchants sont japonais ?). Le film tient la route sur la longueur et offre un spectacle aussi débile que divertissant.


Technique de Bruce : mettre l'adversaire dans un grand tonneau qui traîne juste là, et le rendre sourd en frappant dessus avec une pierre.


Le film n’existe malheureusement qu’en import anglais. Nous n’avons donc pas pu nous délecter d’un doublage français comme nous les aimons. Reste qu’en terme de « nanardubbing », nos voisins d’Outre-Manche on du répondant. Ici tout semble doublé par les trois mêmes acteurs dont le talent est complètement proportionnel aux qualités du film, c'est-à-dire inexistant. Les anglophones de régaleront donc devant ce « Chaku Master ». Les autres aussi a priori.


Petit bonus : Jim Gaines, qu'on retrouve ici tout jeunot en loubard de bas étage, sans doute l'un de ses touts premiers rôles.

 

Addendum de John Nada :


Derrière le pseudo de Bruce Ly se cache le tatanneur philippin Reynaldo Malonzo, un acteur et réalisateur actif dans l'industrie ciné des années 70 et 80. Il s'est illustré dans quelques films de bruceploitation comme "Games of Bruce", "They Call Him Bruce Lee", "Bruce liit" ou "Bruce Volcanic Kicks", partageant parfois l'affiche avec son compatriote Ramon Zamora, un autre tatanneur de l'archipel qui a lui aussi versé dans la bruceploitation ("Il était une fois Bruce Lee", "The Game of Death").


A l'exportation, son nom de comédien s'occidentalise parfois en "Raymond Malonzo" ou "Raymond King", et quand il passe derrière la caméra il est crédité sous le pseudo de "Reginald King". Du fait des pratiques frauduleuses de Joseph Lai et Godfrey Ho et de leurs productions "2-en-1", il se retrouve parfois bien malgré lui dans des films de ninjas de chez IFD, comme "The Ninja Squad" ou "Challenge the Ninja", qui recyclent des films philippins.


Rey Malonzo dans "Challenge the Ninja".


L'âge venant, Rey Malonzo est passé du monde du cinéma à celui de la politique, la frontière entre ces deux milieux étant extrêmement poreuse aux Philippines. Il est ainsi devenu maire de Caloocan, la 3ème plus grande ville du pays, de 1995 à 2004.

- Labroche -
Moyenne : 3.69 / 5
Labroche
NOTE
4/ 5
Wallflowers
NOTE
4/ 5
Kobal
NOTE
3.25/ 5
Rico
NOTE
3.5/ 5

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation
Comme exposé dans la chronique, il n'existe pas de version française de ce film. Il faudra donc se tourner vers les solderies anglo-saxonnes ou les sites de vente discount. Là, le DVD se trouve facilement à petit prix, dans une édition pauvrissime de chez IVL. Au menu... rien, si ce n'est un chapitrage grossier. La copie est complètement pourrie et le son saturé, mais finalement ça a son charme : on a presque l'impression de regarder le film dans un cinéma de quartier à partir d'une vieille bobine de seconde main.



Une affiche avec le vrai Bruce Lee, qui a servi de modèle à la jaquette de Chaku Master selon la technique dite du "copier-coller".

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