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Dans les Griffes du Tigre

(1ère publication de cette chronique : 2004)
Dans les Griffes du Tigre

Titre original :Tiger Claws

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Kelly Makin

Année : 1992

Nationalité : Canada / Etats-Unis

Durée : 1h32

Genre : Prends ça dans ta gueule !

Acteurs principaux :Cynthia Rothrock, Bolo Yeung, Jalal Merhi, John Webster, Mo Chow, Gary Wong

Nikita
NOTE
1.5/ 5


Chacun dans la vie doit avouer ses petites faiblesses, et le temps est venu pour moi d’avouer la mienne (enfin, l’une des miennes). J’adore Cynthia Rothrock. La blonde kung-futeuse, meilleure combattante que Jean-Claude Van Damme et Steven Seagal réunis, occupe dans mon cœur une place bien particulière : sans être une très bonne comédienne (bien qu’elle ait de la présence) ni une beauté renversante (bien qu’elle ait du chien), Cynthia réussit, en ce qui me concerne, à donner du piment à la plus morne série B. Elle est donc, vous l’aurez deviné, la principale - sinon la seule - raison de mon achat et de mon visionnage de « Dans les griffes du tigre », une série B de chez B typique d’un certain cinéma américain « straight-to-video » gras du bide et rétréci du bulbe.



Police du bon goût, c'est quoi ce film que vous regardez ?

Bon allez, maintenant t'arrêtes de picoler et tu rentres à la maison !


Je n’ai pas pour autant regretté mon achat (bon, c’était pas cher…) car j’y ai assez rapidement vu l’occasion d’enrichir la catégorie « Tatane » de Nanarland. C’est vrai, quoi : on se moque souvent à bon compte des vedettes confirmées du film d’action beauf comme Van Damme et Seagal, mais c’est oublier un peu vite que, grouillant sous le couvercle de la poubelle du bis, nous trouvons, tels une horde enragée de sosies de Claude François, LEURS IMITATEURS ! Et c’est là que « Dans les griffes du tigre » trouve tout son intérêt nanardesque, car il met en vedette, aux côtés de Cynthia, un redoutablissime clone de Steven Seagal, le Libanais Jalal Merhi ! Cet expert en Tae Kwen Do, également producteur du film, tenait ici son premier rôle et voulait de toute évidence se positionner comme nouvelle star du film d’action : le film est donc en grande partie conçu comme un écrin à la mesure de ce nouveau bijou cinématographique.



Et c’est là que le bât blesse… Huileux, charismatique comme un quartier de bœuf, affublé d’un catogan luisant, Jalal Merhi fait en effet irrésistiblement penser à une improbable fusion entre Steven Seagal et Francis Lalanne. Je dois avouer l’avoir trouvé plutôt acceptable lors des premières scènes, et même plus convaincant que son modèle ; or, sur la longueur, j’ai dû me rendre à l’évidence : si le Jalal Merhi constitue un condiment acceptable pour un film d’action à condition d’être convenablement dosé, il s’avère parfaitement toxique si un usage immodéré en est fait pour toute la durée du film. Caricature de sous-caricature caricaturale de macho méditerranéen (dans son cas, on devrait dire de macho proche-oriental), Jalal, à force de vouloir à tout prix se mettre en scène et montrer à quel point il est beau et fort, fait monter en flèche le quotient nanar de ce qui n’aurait pu être qu’une série B d’action un peu molle.


Jalal Merhi, très abusivement surnommé "le Steven Seagal de Beyrouth".


Mis en scène comme un épisode de « Voisin Voisine » (ceux qui ont connu l’époque de La 5 savent de quoi je parle) par l’obscur Kelly Makin, « Dans les griffes du tigre » narre une histoire à peu près aussi originale qu’une blague de carambar, et qui donne le sentiment d’avoir été improvisée un soir de cuite par deux scénaristes qui se seraient lancés le défi de réunir le plus de clichés possible. Car c’est un véritable bouillon de culture combinant tous les poncifs de plusieurs genres de film d’action qui nous est proposé : un morceau de film de serial killer, une tranche de buddy-movie (les deux flics associés que tout oppose), une bonne couche de sauce d’arts martiaux, et voilà ! La tambouille est prête, il se trouvera bien quelqu’un pour acheter ça !


A New York, des maîtres d’arts martiaux sont mystérieusement assassinés par un serial killer qui leur laboure le visage, apparemment de ses mains nues. L’Inspecteur Linda Masterson (Cynthia Rothrock), chargée de l’enquête, doit prendre conseil auprès du super-flic Tarek Richards (Jalal Merhi). Passons sur le nom burlesque du personnage (et pourquoi pas Mouloud Johnson ?!?), sans doute destiné à justifier l’accent libanais de Jalal, paraît-il pénible en V.O., et signalons simplement que Tarek Richards est super fort et super zélé, raison pour laquelle il a été suspendu sur dénonciation de collègues jaloux et bornés, car eux ne lui arrivent pas à la cheville.


Cynthia Rothrock, solide artiste martiale qui a fait les délices de quelques chouettes productions hongkongaises dans les années 1980, avant de devenir une figure familière des films de tatane des vidéo-clubs dans les années 1990.


Cet électron libre de la police est néanmoins un grand expert en arts martiaux (on apprend qu'il les a étudiés en Chine pendant UN an !), ce qui lui vaut d’être imposé à Linda comme conseiller par le chef de la police. A la simple vue des photos des victimes, Tarek Richards (je ne me lasse pas de ce nom, je sens que je vais en tirer quelques variations…) déduit que l’assassin est lui-même un expert en arts martiaux, qui maîtrise la technique dite des « griffes du tigre », laquelle rend tellement méga-super-extra-fort qu’elle permet de labourer la chair de ses seuls doigts. Mais attention, nous dit Abdallah Robertson (euh... Tarek Richards !), les griffes du tigre sont une technique nécessitant un entraînement si extrême que son apprentissage peut amener aux portes de la folie !


Tarek Richards, aux portes de la folie, fait l'apprentissage des griffes du tigre.


Ni une ni deux, Youssouf Morrisson (hem... pardon) et Linda Masterson se lancent à la recherche de maîtres en arts martiaux susceptibles d’enseigner cette rarissime technique de combat. On notera que la méthode d’enquête de notre kickboxer libanais est des plus primaires, puisqu’elle consiste à chercher des salles d’entraînement clandestines en se promenant au hasard dans Chinatown et à demander des renseignements aux gens dans la rue. Passons sur les péripéties, mais disons simplement qu’au hasard de quelques rencontres et bagarres fortuites, nos pieds nickelés finissent par trouver la piste d’un maître enseignant lesdites griffes du tigre. Moustapha Fitzgerald va donc se faire accepter comme élève au sein de l’école clandestine ultra-sélective du maître, afin de démêler l’écheveau des contrevérités du pot aux roses.


Cynthia Rothrock n'a peur de rien et ose le tailleur fuchsia.


Cynthia met en pratique l'art ninja ancestral de la dissimulation (technique secrète de la perruque du tigre).


Inutile de cacher plus longtemps la vérité, car ceux qui auront vu l’affiche et lu le générique auront compris que l’assassin n’est autre que Bolo Yeung, l’un des méchants les plus outranciers et les plus impressionnants du cinéma d’arts martiaux. Habitué des rôles de brute sadique, cet ancien Monsieur Muscle de Hong Kong fut révélé par son rôle dans « Opération Dragon » (homme de main du méchant, il n’y affrontait hélas pas Bruce Lee, se contentant de se faire dérouiller à la fin par John Saxon). Après ce début éclatant, Bolo Yeung demeura une présence régulière du cinéma d’action de Hong Kong, mais ne se relança au plan international qu’à la fin des années 80, en affrontant Jean-Claude Van Damme dans « Bloodsport » et « Double Impact ». Autant dire que Yeung ne renforce en rien le quotient nanar du film, et contribue au contraire, par son imposante présence, à lui donner une vraie cohérence. Qu’on se le dise, Bolo Yeung fait vraiment peur et demeurera sans doute l’un des seconds rôles les plus sous-employés du cinéma d’action. Il n’y a qu’à voir sa musculature et se souvenir que l’acteur, né en 1938, affichait 54 ans au compteur au moment du tournage de « Dans les griffes du tigre » pour rester abasourdi devant une telle force de la nature.


Bolo Yeung, alors âgé de 54 ans. Une légende !


Mais si un film dispose d’un personnage fort, ou d’un comédien marquant, encore faut-il que ces éléments soient au service d’une histoire valable. Et là, nous nageons au contraire dans le cliché le plus marécageux et le vasouillage scénaristique le plus complet. Nous ne saurons à aucun moment pourquoi Bolo Yeung tue les maîtres d’arts martiaux, sauf à déduire des explications de Habib Jackson (pardon, ça me reprend…) que l’apprentissage de la technique des griffes du tigre l’a rendu fou. Mais suffit comme ça ! Nous sommes là pour voir de la bagarre, non ? Et bien nous allons en voir ! Et il est vrai qu’avec le coup de pied merveilleusement élastique de Cynthia Rothrock (toujours très sympathique, et dont les scènes d’action sont un régal), et la terrifiante présence de Bolo Yeung, nous pourrions être servis.



Oui, mais... il y a Jalal Merhi ! Et notre bellâtre-comédien-producteur, tout occupé à faire du film une rampe de lancement pour sa glorieuse carrière, nanardise toutes ses scènes à la vitesse grand V, en y introduisant un narcissisme et une prétention palpables qui nous feraient regretter les dons de comédien de Jean-Claude Van Damme. Crime suprême, le film sous-emploie Cynthia Rothrock et Bolo Yeung, au profit de la mise en valeur du Libanais en mou de veau ! (Il est producteur, c’est lui qui paye…) On nage en plein comique involontaire, tant Merhi en rajoute dans les registres « Je sens très fort mes répliques » et « Je suis un gros dur mais je suis empreint de spiritualité et au fond j’ai une blessure secrète », achevant de plonger le spectateur dans une sorte de stupeur amusée.


Le comble étant tout de même atteint avec la scène finale, où Oussama Ben Walters (d’accord, j’ai un gage) poursuit Bolo Yeung, et se prépare à livrer le combat final avec des menottes au poignet ! En effet, suite à un quiproquo, notre héros a été menotté par des collègues flics demeurés, et n’a pu se libérer. On peut concevoir qu’il se résolve à affronter l’ennemi dans ces conditions (c’est un héros…) mais là RIEN ne l’y oblige puisque Bolo Yeung s’est enfui dans son repaire et que c’est au contraire le preux flic à catogan qui le poursuit ! POURQUOI, au nom du ciel, Moktar Smithewesson se met-il délibérément en situation d’affronter menottes au poignets, c’est-à-dire SANS LES MAINS, un ennemi qu’il sait redoutable ? C’est pour créer du suspense, me direz-vous, de la tension dramatique. Certes, mais on a surtout l’impression que le nombre des cellules grises de notre héros n'est pas proportionné à la longueur de son catogan. Par ailleurs, quand il a été menotté, il portait une veste, et il affrontera l’ami Bolo en bras de chemises. Je ne sais pas comment il a fait pour se changer en étant menotté et j’avoue ne pas avoir le courage de rembobiner ma VHS pour le comprendre… Ceci dit, ce n'est pas pire que les chaussures à hauts talons de Cynthia Rothrock qui, au début du film, se transforment miraculeusement en ballerines lors de la première scène de combat...

Vous l’aurez compris, « Dans les griffes du tigre » ne vaut pas tripette comme film d’action, mais intéresse surtout par sa capacité inébranlable à enfiler sans sourciller les clichés les plus éléphantesques et les invraisemblances les plus flagrantes, jusqu’au K.O. total du spectateur. Malgré une mise en scène molle comme une montre de Dali, il mérite ses galons de nanar grâce à Jalal Merhi, le trop méconnu infra-pseudo-Seagal, dont le catogan huileux hantera longtemps mes cauchemars les plus glaçants. La stupidité même du scénario est également un atout qui, sans jamais faire vraiment verser le film dans le délire, en fait un divertissement acceptable pour les nanardeurs qui ne rechignent pas devant l’action ras du ciboulot. La dose de jus de navet est cependant assez forte et pourrait en indisposer plus d’un, ce qui fait que ma note ne sera pas trop élevée. Et enfin, la présence de ma chouchoute Cynthia Rothrock et de l’excellentissime Bolo Yeung lui apporte une certaine qualité, que l’on aurait aimé voir mieux employée.


Encore un film fait par dessus la jambe ?


Le film mérite de surcroît d’être mentionné car son succès lui permit d’engendrer deux suites, où le couple Merhi-Rothrock joua à nouveau des biscotos. Ce produit est donc à prendre en compte comme représentatif d’une certaine sous-catégorie de nanars d’action, parfois jouissifs par leur bêtise, qui hantent le fleuve sans fin des circuits vidéo. Et rien que pour ça, j’ai de la tendresse pour ce film, car j’aime les obscurs et les sans-grades... Et n’est-ce pas là la définition même du cinéma nanar ? Après en effet, il y a sans doute mieux dans le genre... mais au cours des longues soirées d'hiver, une bonne bourrinade fait parfois du bien, y compris aux intellectuels raffinés comme votre serviteur !


Tiger Claws 2 & 3. Il est vrai que quand on a de l'or entre les mains, il serait criminel de ne pas le faire fructifier, Monsieur Merhi !

- Nikita -
Moyenne : 1.50 / 5
Nikita
NOTE
1.5/ 5
Rico
NOTE
1.5/ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation



Les deux éditions DVD de chez "SGE Entertainment" se trouvent facilement à la vente, accompagnés de quelques bonus intéressants (filmo, bandes-annonces) dont une interview de Cynthia menée par le Français Christophe Champlaux, par ailleurs auteur d'une excellente série de livres sur le cinéma d'arts martiaux sous toutes ses formes. On le trouve parfois proposé en pack avec TC 2000, où l'on retrouve Jalal Merhi et Bolo Yeung.

La trilogie vient de ressortir en blu-ray américain dans un coffret spécial en édition limitée chez "Vinegar Syndrome", avec uniquement la V.O. hélas. Comme toujours avec eux, c'est de la belle ouvrage avec quelques bonus comme des commentaires audio de Jalal Mehri.

 

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