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Dracula contre Frankenstein

(1ère publication de cette chronique : 2004)
Dracula contre Frankenstein

Titre original :Dracula Vs Frankenstein

Titre(s) alternatif(s) :Dracula à la Recherche de Frankenstein, Blood of Frankenstein, The Blood Seekers, The Revenge of Dracula, Satan's Bloody Freaks, Teenage Dracula, They're Coming To Get You

Réalisateur(s) :Al Adamson

Année : 1971

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h30

Genre : Même pas peur !

Acteurs principaux :Regina Caroll, Zandor Vorkov, Lon Chaney Jr, Russ Tamblyn, Angelo Rossitto, J. Carroll Naish

Nikita
NOTE
4/ 5


Cette chronique ne porte pas à proprement parler sur un inédit obscur, puisque ce film du Z-man Al Adamson est aux Etats-Unis l'un des nanars les plus réputés des années 70. Bien des films chroniqués dans des anthologies du type « les plus mauvais films du monde » ne méritent pas cette indignité ; or cette fois nous sommes en présence d'un nanar de poids, dont la notoriété ne veut nullement dire qu'il soit surestimé. Au contraire, je peux sans exagération considérer que la vision (sur grand écran, à la Cinémathèque !) de ce film m'a valu une claque extrême dont le souvenir m'est encore cuisant. Issu d'une infâme ratatouille de pelloche, assaisonné de stock-shots de plage, de hippies en goguette, de vieux acteurs has-been agonisants et de morceaux d'un autre film inachevé, Dracula Vs Frankenstein est une sorte de série Z ultime, commise par un Ed Wood qui aurait eu le sens du commerce.


Al Adamson, margoulin futé, recycle ici des bouts d'un film commencé deux ans plus tôt, et laissé inachevé par manque de confiance des producteurs : surfant sur la vague de son précédent "triomphe", Satan's Sadists, le maître avait en effet mis en chantier un film d'horreur avec motards mettant en vedette Russ Tamblyn, ancien jeune premier de West Side Story tombé dans le nanar. Le projet ayant capoté, Adamson en lança un nouveau, cousant les scènes déjà tournées avec le gang de motards sur une intrigue grand-guignolesque réunissant les monstres classiques du cinéma d'horreur. Le résultat, assaisonné de numéros musicaux avec en vedette madame Adamson, de scènes "branchées" toutes droit sorties d'un beach-movie californien et de scènes gore toutes plus risibles les unes que les autres, est d'une nanardise si intense qu'elle en coupe parfois le souffle.


Regina Caroll et ses boys.

Par où commencer ? Par l'histoire, puisqu'il y en a une. Ou plutôt, il y en a plusieurs (je vous ai brièvement résumé la genèse du film, ça aide à en apprécier toute la portée…), qui finiront par se rejoindre dans la plus grande confusion, suivant la logique du "ce qui a commencé doit finir, fût-ce n'importe comment". D'un côté, nous avons Judith, chanteuse de cabaret (interprétée par Regina Carrol, épouse d'Al Adamson) qui, entre deux numéros musicaux au mauvais goût hilarant, s'inquiète de savoir ce qu'est devenue sa sœur disparue. De l'autre, un gang de motards crasseux, dirigés par un certain Rico (Russ Tamblyn, dont la moustache tombante et l'œil éteint laissent entrevoir la déprime de l'acteur déchu), sème mollement une relative terreur le long des plages californiennes.

Dans le musée des horreurs, on découvre un caméo de The Mighty Gorga (1969) !

Et enfin, un musée des horreurs ringard, dirigé par un vieillard impotent qui se fait appeler Docteur Duryea, reçoit la visite d'un rôdeur inattendu : un barbichu maigrichon, avec le visage peinturluré de blanc et une coiffure afro, dont la voix métallique résonne comme un écho grotesque… Hein, comment ? Heu, on me signale que le barbichu est en fait le Comte Dracula… C'est pas possible, ce sosie de Frank Zappa, ça ne peut pas être Dracula ?!? Ah si ? Ah bon… Nous disions donc, Dracula rend visite au Docteur Duryea, et lui révèle qu'il connaît sa véritable identité : celle du dernier descendant des Frankenstein ! Le Comte vampire lui propose d'allier leurs forces pour ressusciter le monstre de Frankenstein, dont il vient justement de récupérer le corps dans un cimetière, et semer la terreur après avoir éliminé les médecins qui firent rayer Frankenstein de la profession (dont Forrest J. Ackerman, qu'on ne présente plus).

Du matériel de haute technologie...

...pour une belle ambiance son et lumière.


Bon, où est mon oscilloscope ? Pas de labo de savant fou sans oscilloscope !


A partir de là, le film ne va plus être qu'une succession de scènes chaotiques, visiblement tournées en fonction de la disponibilité des acteurs et de l'âge du capitaine, pour être ensuite montées sans le moindre souci du rythme ou de la cohérence narrative. Le serviteur de Frankenstein, le colosse débile Groton, capture et assassine des jeunes filles, dont le sang (rempli d'énergie par la terreur - sic) sera très utile pour l'expérience. Pendant ce temps, Judith recherche sa sœur, qui a en fait été victime des manigances de Dracula et Frankenstein. Pendant ce temps, Rico et sa bande continuent de sévir. Pendant ce temps, Dracula et le monstre de Frankenstein tuent les médecins qui brisèrent jadis la carrière de Frankenstein. Pendant ce temps, Judith roucoule avec une sorte de simili-hippie rencontré durant ses recherches…Bon, j'arrête les "pendant ce temps", car je pourrais continuer longtemps tant la narration du film se limite à des actions parallèles que la simplicité du récit n'empêche pas d'être décousues.


Les acteurs ont la garde-robe la plus classe du monde.


Penchons-nous plutôt sur les perles nanardes qui font de ce film un classique. Tout d'abord, la distribution. Il s'agit du dernier film de J. Carroll Naish (Frankenstein), habitué à Hollywood des seconds rôles de méchants "ethniques", et de Lon Chaney Jr (Groton), naguère vedette des films d'horreur de la Universal, qui le virent interpréter successivement le loup-garou, le monstre de Frankenstein, la momie, et le Fils de Dracula ! L'impressionnante carrière de ce fils d'une vedette du muet devait hélas déraper, malgré des rôles dans des films de prestige (Des Souris et des hommes, Le Train sifflera trois fois…) et se vautrer dans la pire série Z. Lon Chaney Jr, bouffi par l'âge et l'alcool, souffrait alors d'un cancer de la gorge… ce qui explique le mutisme de son personnage ! L'acteur réussit cependant à donner une certaine présence à son rôle, bien que l'on puisse y voir une sorte de parodie de son interprétation de Lenny, le colosse demeuré de Des souris et des hommes.


Lon Chaney Jr : « Vous me reconnaissez ? C'était moi le Loup-garou ! »


J. Caroll Naish : « Vous me reconnaissez ? Je jouais dans "Beau Geste" et "Rio Grande" ! »


J.Carroll Naish était également fort malade, et son dentier lui causait de graves problèmes pour déclamer ses dialogues. Contrairement à la légende, il n'était cependant pas hémiplégique comme son personnage, et avait au contraire le plus grand mal à manœuvrer son fauteuil roulant ! Le film compte une troisième vieille trogne du cinéma de genre, le nain Angelo Rossitto, qui interprète l'autre sbire de Frankenstein. Vétéran du cinéma vu également dans Freaks, Rossitto acheva sa carrière bien des années plus tard, par un rôle dans Mad Max, au-delà du dôme du tonnerre.


Angelo Rossitto : « Vous me reconnaissez ? Je jouais dans "Freaks" ! »


Si ces trois vieux de la vieille réussissent à surmonter le ridicule pour montrer un minimum de compétence dans leurs rôles, on ne peut pas en dire autant du malheureux Russ Tamblyn, qui se traîne dans ses scènes, bouffi, hagard, avec l'allure du gars qui n'arrête de boire que pour récupérer de sa cuite. Au point que sa réapparition vingt ans plus tard, en psychiatre toqué, dans Twin Peaks, tient véritablement du miracle.


Russ Tamblyn : « Vous me reconnaissez ? Je jouais le chef des Jets dans "West side story" ! Hips ! »


Mais la véritable perle nanarde du film, c'est l'interprète du rôle de Dracula, un certain Zandor Vorkov. Alors là… il n'y a tout simplement pas de mots pour le décrire ! Grotesque comme un convive aviné dans une soirée déguisée, l'individu remplace John Carradine, initialement envisagé pour le rôle, et qui a échappé à une belle occasion de se ridiculiser. Vorkov se nommait en fait Roger Engel : cet ancien agent de change faisait, dit-on, office de comptable pour la société de production d'Al Adamson. Ce dernier a-t-il voulu économiser un cachet, ou était-il vraiment convaincu des talents d'acteur de son employé ? On se perd en conjectures tant le pseudo-Dracula nanardise de manière stratosphérique toutes les scènes où il apparaît : la présence de Zandor Vorkov est aussi étrangère à la crédibilité que l'anti-matière à la matière !



 
On est quand même en droit de préférer, à la même époque, la version Christopher Lee...


Adamson a manifestement voulu rajeunir le personnage de Dracula, en le dotant de super-pouvoirs terrifiants. J'ai déjà mentionné la voix robotique du Comte vampire, il ne faut pas non plus passer sous silence sa bague magique, objet hideux visiblement récupéré dans un paquet de corn-flakes, et qui lance des rayons mortels magnifiquement dessinés à même la pellicule !


La redoutable bague magique.

Grrrrrr.....


N'oublions pas non plus le monstre de Frankenstein, balourde créature qui troque le maquillage raffiné de Boris Karloff contre un masque aux allures de steak trop cuit, lequel le fait ressembler à un clochard parvenu au stade extrême de l'alcoolisme.


No comment...


Après moult bagarres et le passage ad patres de quasiment tous les personnages, le film se termine, pour justifier le titre, sur un combat totalement gratuit entre les deux créatures, dont l'absurdité fait littéralement péter le quotient nanar de l'œuvre, laquelle s'achève sur une véritable apothéose !

Z'avez vu les mimines du monstre ? La classe atomique !


ATTENTION, SPOILER !


Dracula, bien plus costaud que son physique malingre ne le laissait supposer, arrache un bras du monstre de Frankenstein, puis l'autre, puis la tête (...alouette !), avant de se rendre compte qu'il est en train de se faire surprendre par le jour naissant, et de se décomposer en gros tas de marshmallow via un effet spécial au ridicule achevé. Fin de ce chef-d'œuvre du Z californien, dont j'ai pu constater personnellement la capacité à plonger dans l'hilarité, puis la stupeur, une salle entière de bissophiles endurcis ! Tout simplement unique par sa bêtise et son ratage intégral, le film en acquiert cependant un charme fou, dont la désuétude en fait un véritable objet de collection. Ahurissant et indispensable pour tous les nanardeurs érudits ! Voici un "bad movie" qui n'a pas volé son statut de culte, bien que voir la moitié des acteurs principaux dans un état de délabrement lui confère quasiment un caractère de "snuff movie".


Une photo d'exploitation qui met très en valeur les atouts de Mme Adamson.


Zandor Vorkov, alias Roger Engel, serait aujourd'hui devenu gourou d'une sorte de secte. Utilise-t-il son costume de Dracula pour en imposer à ses adeptes ?


Croyez en moi...


Al Adamson est quant à lui, hélas, mort en 1995, assassiné pour des motifs crapuleux. Paix à son âme de tâcheron du Z !

 

- Nikita -
Moyenne : 3.08 / 5
Nikita
NOTE
4/ 5
MrKlaus
NOTE
3/ 5
Kobal
NOTE
2.75/ 5
Rico
NOTE
2/ 5
John Nada
NOTE
3.25/ 5
Jack Tillman
NOTE
3.5/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation


Si Al Adamson bénéficie d'un petit statut de Z-man quasi culte aux Etats-Unis, ses oeuvres ne sont quasiment jamais parvenues jusqu'à nous (hormis ses films pour Jim Kelly). On compte ainsi plusieurs éditions DVD américaines dont la plus aboutie semble être celle de chez Troma avec de nombreux suppléments. Il y a aussi celles, plus bas de gamme, de "Cheesy Flicks" ou "Very Strange Video" (et une version allemande chez "One World").



En France, une fois de plus rien en DVD. Très bizarrement, dans les années 80, les éditions "VIP" l'ont sorti en vidéo simultanément sous les deux titres "Dracula contre Frankenstein" et "Dracula à la Recherche de Frankenstein" dans des présentations rigoureusement identiques. De toute façon, ce sont deux pièces très très rares...


Pourquoi refaire la jaquette à l'identique pour ne changer qu'un morceau du titre ? D'un point de vue illustratif pour la chronique, ça peut faire redondant, mais c'est tellement curieux en même temps...