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Force noire


Force noire

Titre original :Die Brut des Bösen

Titre(s) alternatif(s) :Ninja Force, The Roots of Evil

Réalisateur(s) :Christian Anders

Année : 1979

Nationalité : Allemagne/Espagne

Durée : 1h25

Genre : Karaté à mort pour une poignée de sauerkraut

Acteurs principaux :Fernando Bilbao, Christian Anders, Deep Roy, Maribel Martin

Barracuda
NOTE
4/ 5

Le problème du génie, c’est de faire en sorte qu’il soit reconnu.
Par exemple, imaginons que vous soyez un chanteur déjà populaire. Imposer l’idée au public que vous êtes aussi un sex-symbol universel à la puissance érotique surhumaine est encore relativement facile. Vous pouvez le transmettre dans les paroles de vos chansons, dans vos clips ou à travers des regards langoureux pleins de promesses torrides lancés dans des émissions de variété. Mais comment faire comprendre au monde qu’en plus de cela, vous êtes un acteur convaincant et charismatique ? Que dans le civil vous êtes aussi un artiste martial aux muscles d’airain, détenteur des secrets et de la sagesse pluri-millénaires des Maîtres japonais ?


Oui, comment ?

C’est le puzzle qui se pose à Christian Anders en 1979 après Jésus Christ, soit en 34 après Christian Anders. Cette année-là, Anders est déjà un musicien accompli qui fait vibrer le coeur des foules dans le style exigeant et prestigieux du “schlager”, prenant sa place aux côtés d’autres maîtres du genre tels que son compatriote David Hasselhoff, ou encore chez nous Claude François et Françoise Hardy (on s’abstiendra bien sûr de confondre le schlager avec “de la variétoche giscardienne pour soirées de l’ORTF” sous peine de passer pour le dernier des cuistres).


"Eh, mais je vous reconnais ! C'est vous qui chantez "Le téléphone pleure" !

Christian Anders s’est déjà aventuré dans la littérature en 1977, éblouissant le monde des lettres avec Karatemeister Steve Tender: Odyssee der Rache (“Steve Tender Maître du karaté : L’odyssée de la vengeance” dans la langue de Morsay) où il se met déjà en scène, de façon très transparente, comme justicier vengeur redressant les torts à travers le monde à la seule force de ses poings.


“Un oeuvre à l'ambition autant physique que littéraire. On adhère, forcément” (Télérama).
“J’aurais pu l’écrire” (Bernard-Henri Lévy)

Christian Anders reviendra à l’écriture dans les années 2000 pour une série d’ouvrages spirituels et mystiques dans lesquels il partage sa sagesse transcendantale et révèle aussi, par exemple, que le sida fait partie d’un complot juif pour exterminer les Noirs et les homosexuels, que le virus ebola est une invention d’on ne sait trop qui et que le crash du vol Germanwings en 2015 était le fruit d’une machination à base de trafic d’organes. Ceci étant précisé au cas où vous auriez le moindre scrupule, dans la suite de cette chronique, à vous payer la fiole de ce ringard de première division même pas digne des bacs à solde de la Foir’Fouille de Sarreguemines.




Ces jours-ci, il tourne encore des clips qui feraient honte à Francis Lalanne et Didier Barbelivien.

Entre ces deux moments se situe la période qui nous intéresse, où Christian Anders décide d’explorer la voie du 7ème art pour faire savoir aux peuples du monde incrédules que leur sauveur se trouve parmi eux, que l’homme de demain est déjà là, que Doc Savage est arrivé. On a déjà parlé sur Nanarland de L’amour au club, film de 1981 produit, écrit et réalisé par Christian Anders, avec dans le rôle principal Christian Anders, où Christian Anders démontre sa capacité hors norme à satisfaire les femmes au grand désespoir des hommes moins forts que lui, sur une bande originale composée et interprétée par Christian Anders. Aujourd’hui, intéressons-nous à sa première oeuvre d’egosploitation (copyright Rico 2017), cette “Force Noire”, de 1979 où déjà Christian réalise, écrit, produit, joue, sert les cafés et passe le balai.


Et enlève sa chemise au moindre prétexte.

Frank Mertens (Christian Anders) est professeur de karaté en Espagne, une Espagne tendance banlieue grisâtre de Madrid plutôt que Costa Brava ensoleillée. Aussi beau que musclé, aussi fort que sage, il transmet à ses élèves les valeurs de la discipline, du courage et de la loyauté qu’il possède lui-même en abondance, et ce ne sont pas les occasionnels loubards qui vont l’en distraire : ces fauteurs de troubles réalisent vite à quel point il est peu avisé d’aller chercher querelle dans une école de karaté quand on ne s’appelle pas Chen Zhen et qu’on n’a pas la Fureur de Vaincre.


Tu ne le sais pas encore, mais tu es déjà sur Nanarland...

Les nuages dans cet horizon dégagé apparaissent sous les traits de Van Bullock, un homme d’affaires fourbe et maléfique (joué par l’acteur nain Deep Roy, qui a connu par la suite et jusqu’à nos jours une fort belle carrière de second rôle en Europe et aux Etats-Unis) qui a une vision du karaté bien différente. Là où pour Frank c’est une voie vers la plénitude, pour Van Bullock, c’est surtout un bon moyen de se faire du fric. Avec l’aide de Komo, son homme de main costaud (Fernando Bilbao, un habitué des séries B espagnoles), il a un plan imparable pour assurer sa fortune : il va racheter toutes les écoles de karaté qu’il peut et… c’est tout en fait. Il s’agit juste de continuer à les faire tourner comme avant en engrangeant les bénéfices. Face à cette menace insidieuse qui met en péril l’humanité entière (rappelons que le titre original signifie “Les Origines du Mal”), un seul homme va se dresser et oser dire “Non !” : Frank “de Gaulle” Mertens.


Quand on arrive en ville.


Promenons-nous dans les bois pendant que le Frank n'y est pas... Si le Franck y était, il nous savaterait !

Force Noire, c’est un très gros morceau. Un nanar comme seul l’orgueil au-delà de toute raison peut les produire, lorsque tout sens de la mesure et du ridicule a complètement échappé à son auteur. Il ne fait aucun doute que Christian Anders était sincèrement persuadé que cet écrin en toc allait faire éclore le demi-dieu en lui et améliorer encore sa cote (de fille) auprès du public, mais l’effet sur les spectateurs d’hier comme d’aujourd’hui est exactement inverse.


Combien parmi nos lecteurs sont capables d'en faire autant ?

Regardez-le ici humilier ses élèves pour emballer une belle brune ! Admirez-le rosser des Chinois racistes dans un cimetière ! Ebaubissez-vous tandis qu’il défend la pureté du karaté face à ceux qui voudraient le salir par l’argent !


Quand la force ne suffit plus, Frank Mertens sait aussi utiliser la ruse...

Christian Anders détiendrait une ceinture noire et aurait même enseigné le karaté dans sa jeunesse. A le voir à l’écran, on a envie d’être pour une fois d’accord avec lui et de crier au complot. A l’évidence adepte de l’école du Hokuto Panzer, il semble incapable d'enchaîner trois mouvements sans manquer de se casser la gueule et ses partenaires sont obligés d’attendre entre chaque coup de latte qu’il reprenne son équilibre, trouve ses marques et pousse un cri strident avant d’enfin daigner leur mettre la beigne suivante prévue dans la chorégraphie.


Ses expressions faciales ne sont pas en reste.


L'un des redoutables sbires de Van Bullock auxquels Frank Mertens va devoir se mesurer. Ils portent tous des joggings ignobles.

Son ardent désir de se la péter envers et contre tout nous offre même l’une des anecdotes les plus drôles au sujet du film : pour la version allemande, Anders a choisi de ne pas utiliser sa propre voix mais de se faire doubler à la place par la voix allemande officielle de... Chuck Norris, l’acteur Manfred Seipold !


L'anecdote est rapportée sur cet extraordinaire site de fan du film, où l'on apprend aussi que Komo porte des chaussures avec des talonnettes de 5 cm pendant tout le film pour le rendre encore plus imposant.


Deux visions du karaté qui s'affrontent...

La nanardise est à peu près constante dans le film, mais deux scènes se détachent des autres. La première, c’est la séance de muscu de Frank. Sur une musique plus épique que la bataille de Minas Tirith, on le voit enfiler un slip en cuir auquel il attache des espèces d’élastiques de force pour faire des katas.


Puis il s’allonge par terre et nous fait quelques pompes sur les poings, comme un vrai bonhomme. Enfin, toujours allongé, il met les bras le long de son corps et se met à faire des pompes… sans les mains. Rien qu’avec la puissance de sa teube. Un ersatz de Claude François en attirail sado-maso qui imite un poisson rouge en train de se noyer. C’est à pisser de rire.

La deuxième séquence particulièrement mémorable, c’est le combat final de Frank contre Komo et Van Bullock. Ca fait déjà 1h20 que tout le monde se fritte lorsque le film décide que c’est peut-être le moment de donner à notre héros une motivation plus personnelle pour tuer des hommes à mains nues qu’une sale histoire de rivalité entre deux commerçants de proximité qui a dégénéré.


A moins que Frank ne soit jaloux de cette magnifique chemise, qui est non seulement classe mais aussi très pratique pour servir les tartes.

Komo et Van Bullock apprennent donc de but en blanc à Frank que ce sont eux qui ont tué son maître adoré trois ans plus tôt dans une affaire qui n’avait rien à voir. Le sang de Frank évidemment ne fait qu’un tour, empli comme il est désormais du devoir sacré de venger son sensei. Il ne lui reste plus que 5 minutes de film pour y arriver, donc il ne va pas falloir faire du tricot.


Hommage évident à Sergio Leone.

Il commence par Komo le colosse. Puisant dans sa connaissance profonde du karaté, Frank exécute la technique avancée du bon gros coup de pied dans les couilles. “CLANG !” fait le bruitage à l’impact. Face à cet assaut d’une violence inouïe, le colosse Komo ne tremble pas. Van Bullock dévoile le pot aux roses en ricanant : “Il est castré !”.


Arrêtez de rire, c'est pas marrant pour lui !

Désarçonné, Frank décide alors de régler la difficulté sur “facile” et s’en prend plutôt à Van Bullock. Il fait deux fois sa taille et trois fois son poids donc ça va aller vite : il l’attrape par le colback et, d’un geste auguste, balance un mannequin en mousse à son effigie dans la rivière. C’est propre, c’est net, c’est germanique.


C'est aussi l'occasion pour Christian Anders de montrer la puissance de son jeu d'acteur.

Désormais en pleine confiance, Frank revient régler ses affaires avec Komo. Aidé par un montage honteusement favorable, il lui décoche un spectaculaire coup de pied sauté, lui colle la tête dans la boue façon Fort Boyard puis lui pète le dos en s’asseyant dessus. C’est très sale, mais ce salopard l’a bien mérité. Pas le temps pour un épilogue, le générique de fin se lance et c’est évidemment Christian Anders qui le chante.


"T'as une tache, pistache !"


"De l'homoérotisme ? Ou ça de l'homoérotisme ?"

On sort du film revigoré par autant de prétention et de stupidité satisfaite, distillées jusque dans leur forme la plus pure. Rythmé et porté par un casting totalement convaincu, c'est un bonheur de voir Christian Anders avoir autant l'air d'un couillon tout en étant autant persuadé d'apparaître comme un dieu parmi les hommes. Si le nanar se définit par le décalage entre l'intention de l'auteur d'un film et le résultat à l'écran, alors Force Noire est indiscutablement un très beau nanar.

- Barracuda -
Moyenne : 3.10 / 5
Barracuda
NOTE
4/ 5
Rico
NOTE
4/ 5
Kobal
NOTE
2/ 5
MrKlaus
NOTE
2.5/ 5
Jack Tillman
NOTE
3/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation


Sorti en France uniquement en VHS sous des visuels fantaisistes notamment chez "Marc Moran Vidéo", le film a récemment été réédité en DVD et en blu-ray en Allemagne, par "Subkultur Entertainment" restauré partir des négatifs originaux. Ces éditions proposent les versions allemandes et anglais du film.

En cadeau : la chanson du générique

DEAD END (1979)
M: Christian Anders/T: Lucy Neal/Arr.: W. Dies)

Dead end!
lonely is a man, who only got his hands
to show somebody who he is
karate is his life he loves it like a wife
nothing else for him exists
but it's a dead end
that's going nowhere
just a dead end,
but he doesn't care
training every day to learn his master's way
the fight was in his every breath,
but the heart of self-defense was turned into revenge
when he learned about the sensei's death
but it's a dead end,
the road to revenge
just a dead end,
don't make any sense
he thought he was right whatever the price
ready to fight for the sensei
an eye for an eye he was willing to die
a loser is a man, who doesn't understand
that violence is the brother of death
his one and only plan was to get the man
who brought his master got injured
it's a dead end,
the road to revenge
just a dead end
don't make any sense
he thought he was right whatever the price
ready to fight for the sensei
an eye for an eye he was willing to die
lonely is a man with blood on his hands,
but death is even lonelier still
karate was his life he loved it like a wife
but revenge is the fight that kills
it's a dead end,
don't make any sense
just a dead end,
the road to revenge
dead end!
dead end!