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Future War

(1ère publication de cette chronique : 2004)
Future War

Titre original : Future War

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Anthony Doublin

Année : 1997

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h30

Genre : Cyborgs, dinosaures et kickboxing

Acteurs principaux :Robert Z'Dar, Mel Novak, Daniel Bernhardt, Travis Brooks Stewart, Kasja, Forrest J. Ackerman

Barracuda
NOTE
4/ 5

1997. Si l'on peut en croire l'IMDB, ce Future War est sorti en 1997. A l'écran, tout rappelle pourtant les années 70 ou au moins les 80's. Grain de l'image, costumes, bagarres, tout sent le formol et la naphtaline, le réchauffé, en un mot : le vieux. Il a été réalisé par Anthony Doublin, dont c'est le premier film en tant que réalisateur... et le dernier à ce jour, sans doute pour longtemps à mon grand regret [Nanarland : retrouvez à la fin de cette chronique les propos que nous avons recueillis auprès de lui]. C'est franchement dommage parce qu'à mon avis on tient là le successeur, que dis-je, le fils spirituel de toute la cohorte des bisseux italiens, de Bruno Mattei à Enzo G. Castellari. Le film est produit par la firme Cine Excel Entertainement, un nom devenu synonyme de qualité dans le monde du nanar. Il a déjà eu droit aux honneurs douteux du MST3K, émission de télé américaine dans laquelle un homme et deux robots regardent les plus mauvais films du monde et les commentent. 


Dans Future War, on ne fait jamais la guerre et le film ne se déroule pas dans le futur. Ceci étant dit afin de bien poser la classe de ce film, qui s'annonce d'ores et déjà comme un nanar qui sait se tenir et surtout comme une oeuvre où "cohérence" sera le maître mot. Je vais essayer de vous raconter l'histoire, mais accrochez-vous parce que c'est encore plus confus qu'un plan de Maurice et ses trois coyotes pour se débarasser de Larry et de Robert.

L'introduction nous montre deux hommes et une femme anonymes armés jusqu'aux dents progressant prudemment dans un sous-sol. On repère très vite qui sera le héros : il s'agit de l'acteur Daniel Bernhardt, artiste martial suisse qualifié mais acteur limité, vague sosie de Jean-Claude Van Damme. Soudain, ils sont attaqués par des dinosaures. L'un d'entre eux meurt. Générique.

Au milieu de l'interminable liste de noms ayant participé au film, le spectateur est alors conduit brutalement dans l'espace avec des plans extérieurs d'une maquette de vaisseau. Cette séquence extrêmement confuse consiste essentiellement en des plans fixes de couloirs ou d'écoutilles spatiales. Il s'agit en réalité de stocks-shots tirés d'un autre film de Ciné Excel Entertainment, Hyper Space. Nous sommes en fait en train d'assister à l'évasion de Daniel Bernhardt d'un vaisseau-prison... sauf que Daniel Bernhardt ne joue pas dans Hyper Space. Heureusement, grâce à un montage au cordeau et des plans soigneusement choisis, on ne voit jamais le visage de l'homme qui s'échappe. Un choix très bizarre qu'on comprend à mesure que le visionnage avance (et encore plus quand on connait la genèse compliquée du film - voir en fin de chronique) : il n'y a pas assez de matériel alors il faut tirer à la ligne de toutes ses forces, comme un pêcheur qui aurait malencontreusement alpagué un cachalot. SI on peut recycler 90 secondes de Hyper Space, on prend sans faire de chichis.


L'homme atterrit alors sur une plage, mais pas le temps de souffler, il s'enfuit poursuivi par un ennemi mystérieux. Il brutalise un clochard avant de terrasser à mains nues une espèce de mini vélociraptor filmé "au-dessus de l'épaule" et qui ressemble à s'y méprendre à la main d'un technicien dans un gant en caoutchouc. On aperçoit enfin son poursuivant : un type au look de metalleux à l'air fatigué, avec une moustache nanarde et une nuque longue du plus bel effet.


"Jean-Pierre, t'as pas oublié d'enelver le cache de la caméra cette fois au moins ?"


Eh regardez, c'est moi ! Le Jean-Claude Van Damme suisse !


Daniel Bernhardt et l'attaque de la chaussette tueuse.


Le combat s'engage et Daniel Bernhardt triomphe, terrassant au passage un second dinosaure. Tout semble s'arranger lorsqu'en traversant la rue il est renversé par la voiture d'une ex-prostituée, ex-dealeuse, ex-toxico devenue bonne soeur.


Le premier cyborg. Terminator venait du futur, lui du Hellfest.


Arrêtons-nous un instant pour faire le point. Nous voilà arrivés au bout d'une demi-heure de film et nous avons donc trois types dans un sous-sol attaqués par des dinosaures, un homme qui s'échappe d'un vaisseau spatial pour atterrir à Los Angeles de nos jours, puis qui se fait poursuivre par un cyborg au look de hardos 80's, avant de tuer à mains nues des vélociraptors en mousse, et voici maintenant une ex-délinquante qui a pris le voile. Reconnaissons que même le plus laxiste des spectateurs est en droit d'exiger une explication circonstanciée, et que cette explication a intérêt à être sacrément bonne. Rassurez-vous, elle arrive et elle n'est pas piquée des vers.


Ces dinosaures ont vraiment une très grosse tête.


Le héros est en fait un esclave évadé. Il s'est échappé du vaisseau de ses maîtres, une race de cyborgs extra-terrestres qui est venue fouiller dans le passé de la Terre pour y chercher des esclaves humains et des dinosaures afin que ceux-ci leur servent de traqueurs au cas où les esclaves se feraient la belle. C'est l'un de ces cyborgs, accompagné de ses caniches reptiliens, que l'esclave évadé a détruit plus tôt. Toutefois, il n'est pas encore sauvé : il doit échapper à un second cyborg, sans compter que la police s'en mêle également. Ce némésis n'est nul autre que notre ami Robert Z'Dar, toujours dans les bons coups.


Robert Z'Dar, dans un bon coup.


Après quelques péripéties et bastons ringardes qui ne mettent pas vraiment en valeur le talent martial de Daniel Bernhardt, le héros décide de passer à l'offensive. Aidé pas son amie American Soeur Sourire qui a renoué ses contacts avec le milieu du temps où elle était dealeuse, il lance un assaut sur un réservoir qu'il pense être la planque du cyborg et des dinosaures. Et là tout s'éclaire ! Le réservoir en question, ce sont les sous-sols du début ! Tout le film n'était en fait qu'un long flashback ! Et du coup, on peut recaser des scènes déjà montrées avant ! Ce film n'est plus en train de tirer à la ligne, il en est à pêcher à la dynamite.

Mel Novak, habitué des productions Cine Excel, vient cachetonner quelques plans dans le rôle d'un membre du SWAT intervenant sur une attaque de dinosaure dans un entrepôt de cartons vides.

L'explosion de la maquette de l'entrée du réservoir est bien nanarde, la poursuite voiture contre dinosaure qui en résulte absolument hilarante et pourtant l'apothéose reste encore à venir. Anthony Doublin a gardé le meilleur pour la fin : il s'agit du combat final entre le héros et le cyborg rescapé.

Il y a deux détails à noter en particulier. Le premier, c'est la dextérité récurrente avec laquelle Daniel Bernhardt peut se mettre torse nu en toutes circontances. Le deuxième, c'est l'énorme faux raccord qui rythme tout le combat, avec notre héros qui porte d'énormes griffures sanglantes sur son torse un plan sur deux, et arborre une poitrine indemme l'autre moitié du temps.


Parmi les autres scènes à retenir, il y a la séquence où l'Evadé tente de ralentir le cyborg en lui lançant des cartons vides à la figure, ainsi qu'une scène surréaliste où les trois personnages contournent ostensiblement un trou... qui en fait n'est pas là vu que c'est un gros stock-shot.

Niveau effets spéciaux, les dinosaures sont extraordinaires ! Rarement on en a vu d'aussi mal fichus. On a évoqué plus haut une main dans un gant en caoutchouc mais parfois, le gant semble remplacé par une chaussette tant le trucage est miteux (je vous rappelle que ce film date de 1997 !).




Grâou ! Grâou !


Un coup d'oeil à la filmographie du réalisateur lève le voile sur une partie du problème : Anthony Doublin n'est pas réalisateur de métier. En revanche, il a été responsable des effets spéciaux sur la série des Carnosaur (dont le deuxième opus, Espèce Mutante, est chroniqué sur le site) et a visiblement repris les marionnettes utilisée pour ce film, mais sans savoir ou sans pouvoir les filmer correctement. Ce n'est d'ailleurs pas le seul emprunt avec une utilisation intensive de stock-shots. L'accroche du film est un vrai régal pour les amateurs : "Past Predator, Present Alien, Future Terminator". "Masterclass" comme disent les jeunes.


Une main dans une chaussette, je vous dis !


La vision nocturne des dinos...


...et celle des cyborgs.


La narration du film est extrêmement déroutante. Elle mélange des flashbacks très mal amenés, des transitions abruptes et quelques ficelles grossières comme l'héroïne qui se met ponctuellement à parler en voix-off pour boucher les trous d'un scénario confus et clairement rafistolé à partir des rushes utilisables.

En somme, Future War constitue un nanar de poids, emblématique de l'âge d'or du Direct-to-DVD. Cine Excel Entertainement est une compagnie à suivre et on attend avec impatience leur prochain film, Reptilicant avec le Gary Daniels ("Half reptile... Half Replicant... PURE RAGE !").

Un caméo de Forrest J. Ackerman (co-fondateur du célèbre magazine "Famous Monsters of Filmland", qui a paru entre 1958 et 1983), qui se fait boulotter par un dinosaure en mousse.

- Barracuda -
Moyenne : 3.63 / 5
Barracuda
NOTE
4/ 5
Nikita
NOTE
3.5/ 5
John Nada
NOTE
3.5/ 5
Jack Tillman
NOTE
3.5/ 5

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

Ayant acquis une renommée douteuse du fait de son passage dans le MST3K, Future War est devenu très facile à trouver sur les sites de vente en ligne américains. En revanche, il n'est pas disponible en France et aucune importation n'est à l'ordre du jour malgré deux sorties successives. Les 2 DVD minimalistes de chez "Trinity Home Entertainment" ou "Universal" ne contiennent que le film en anglais et un vague chapitrage.

Bonus

L’histoire de la conception d’un nanar est souvent encore plus dingue que le film en lui-même.  Nous avons ainsi appris que s’il était bien sorti en 1997, Future War avait en fait été tourné en janvier 1994, en seulement 12 jours, mais avait nécessité des « reshoots » et connu une post-production laborieuse.

Copyright de 1994, soit peu de temps après Terminator 2 (1991) et Jurassic Park (1993), sur lesquels Future War louche ostensiblement.

Devant le produit initial supposé catastrophique livré par le réalisateur Anthony Doublin, l'équipe de production aurait repris les choses en main pour tenter de sauver ce qui pouvait l'être. David Huey et Dave Eddy sont crédités comme la "Damage Control Team", littéralement "l'équipe de sauvetage des meubles". C’est Johnny Saiko, de Steve Wang FX, qui aurait été embauché pour prendre le relais sur les l’animation des « trackers », les dinosaures du film.

 Les premiers échos des difficultés rencontrées lors du tournage de Future War nous sont venus de Mel Novak, que nous avions interviewé en 2006 et nous avait déclaré : « David Huey savait que j'étais mal à l'aise sur Future War. Il avait embauché un type des effets spéciaux pour réaliser le film, parce qu'il savait faire des faux dinosaures [Nanarland : Anthony Doublin, qui avait notamment travaillé sur la franchise Carnosaur]. Le réalisateur était complètement à la ramasse. Je devais tourner cinq jours, en accord avec David, car je devais partir pour un voyage de deux semaines pour prêcher, ayant déjà acheté mes billets d'avion. Le réalisateur faisait n'importe quoi et perdait du temps : j'ai appelé David qui était en Floride et je lui ai dit que ce gars était une calamité, et qu'il n'arriverait jamais à tourner mes scènes à temps. Il m'a dit « On fera comme ça t'arrange ». J'ai dit que je ne voulais pas être crédité sur ce film, car j'en avais honte. Bon, finalement mon nom est resté au générique, et j'en ai toujours honte. C'est la seule et unique fois dans ma carrière où j'ai vraiment eu un conflit avec quelqu'un et, heureusement, Bill Clifford m'a arrêté en me disant « Mel, il n'en vaut pas la peine ». Ce film méritait de se retrouver sur Mystery Science Theater 3000. »

Mel Novak, habitué des productions Cine Excel, vient cachetonner quelques plans dans le rôle d'un membre du SWAT intervenant sur une attaque de dinosaure dans un entrepôt de cartons vides.

L’émission américaine Mystery Science Theater 3000 a en effet consacré un épisode à Future War, et proposé une interview de son chef opérateur, Cory Geryak, qui débutait alors dans le métier. Il confirme les conditions de tournage pour le moins spartiates, avec un hangar pour filmer l’essentiel du film, des techniciens jeunes et motivés mais sous-payés, des dinosaures correctement sculptés mais qu’ils n’avaient pas le temps d’animer correctement... Robert Z’Dar, que la production n’avait les moyens de s’offrir que pour une journée, aurait travaillé 16 heures d’affilée. Au rang des anecdotes improbables : pour les gros plans sur les pieds des dinosaures, il y avait des sortes de chaussettes en mousse, qui se sont avérées trop petites pour pouvoir être enfilées par les techniciens. C’est finalement Travis Brooks Stewart, l’interprète de Soeur Anne, qui les aurait portées de bonne grâce, car c’était la seule à pouvoir les enfiler.

Robert Z'Dar, avec son objectif d'appareil photo collé sur l'oeil, sa moustache et son collier de chien. Sans conteste un des sous-Terminator les plus nazes qu'on puisse concevoir.

Selon Cory Geryak toujours, quand le réalisateur Anthony Doublin a quitté le projet, il n’y avait pas assez de matière pour faire un film. Plus que du reshoot de scènes déjà tournées, la "Damage Control Team" évoquée plus haut aurait en fait tourné des scènes additionnelles (le combat en extérieur avec les cartons, la baston avec le frigo, le caméo de Forrest J. Ackerman) pour atteindre la durée nécessaire, avec l’ajout d’une voix off pour expliquer l’histoire et tenter de donner un peu de liant (technique éprouvée chez Cine Excel). Mais comme le résume Cory Geryak : quoi qu’on y fasse, une merde reste une merde (« You can't polish a turd »).

Cory Geryak, filmant les créatures de Future War (photo personnelle initialement fournie par Cory Geryak à Brad Vereen de MST3K).

Contrairement à Cory Geryak - qui doit sa présence sur le film à Anthony Doublin - Dave Walin-Eddy (crédité dans la « Damage Control Team » comme monteur, producteur délégué et réalisateur de seconde équipe) enfonce largement Anthony Doublin. En 2021, il nous racontait : « A l’origine, Tony avait juste été embauché pour s’occuper des effets spéciaux. Il a d’abord refusé parce qu’il estimait qu’il y avait trop peu d’argent pour faire un boulot convenable, alors pour le convaincre David Huey lui a proposé de réaliser le film. Tony a accepté à condition qu’on embauche ses collaborateurs habituels. On avait pris l’habitude de surnommer « sac de sable » un membre de l’équipe de Tony, qui se croyait sur le tournage d’un film syndiqué et ne levait pas le petit doigt pour nous aider. David Huey n’était pas très chaud à l’idée de confier la photographie à Cory Geriak, qui n’avait encore aucune expérience pro dans ce domaine. Bref, pendant le tournageles journées étaient longues et les acteurs et les techniciens perdaient patience. Un jour, Tony m’a demandé ce qu’il fallait filmer comme plans pour monter une scène de combat. Il n’avait encore jamais réalisé ce genre de séquence. Du coup je l’ai un peu court-circuité et je suis allé briefer Cory, pour lui expliquer ce qu’il fallait faire. A un moment donné, Daniel Bernhardt a dit, bien fort devant tout le monde, « j’ai l’impression qu’ils n’ont pas embauché la bonne personne pour réaliser ce film ». Quand le gros du tournage s’est terminé, Tony a livré un premier montage qui durait 40 minutes et était principalement constitué de dialogues. On a fait une réunion pour en discuter et décider de ce qu’il faudrait faire. On disait à Tony qu’il fallait qu’il taille dans les dialogues, mais au lieu de ça il coupait encore plus les scènes d’action. Tony s’est senti piégé et a jeté l’éponge. Une fois qu’il s’est barré, on a viré tous les boulets qui travaillaient pour lui, on gardé les meilleurs et on a terminé le film tant bien que mal. »

Enfin, en 2021 toujours, nous avons eu l’occasion d’échanger avec Anthony Doublin, le réalisateur crédité au générique de Future War. Un pur artisan qui a contribué à une foultitude de films de genres des 80’s et 90’s, de ceux devant lesquels on a grandi : Re-Animator 1 & 2, From Beyond, Le Blob, Critters, Darkside, et un piquet de grosses bisseries comme The Lost Empire, Train express pour l’enfer, Dinosaures, Le Cobaye, Dar l'invincible 3, L’homme homard venu de Mars, Scanner Cop, Les démons du maïs 3, la franchise Carnosaur, ainsi que la série Robot Chicken ou Team America : Police du monde. Un CV plutôt sympa, au milieu duquel Future War n’a pas laissé les meilleurs souvenirs.

Anthony Doublin.

« Future War est l’une de mes pires expériences professionnelles. Si j’en avais eu les moyens, j’aurais fait retirer mon nom du film. Quelle arnaque ! David Huey, le producteur à la tête de Cine Excel, travaillait auparavant comme chef op’ sur des spots publicitaires, c’est comme ça qu’on s’était rencontrés. Quand il m’a proposé de réaliser Future War, il avait un scénario qui était prêt, et sur la base duquel il avait levé des fonds auprès d’investisseurs. Pour faire un film décent à partir de ce scénario, il aurait fallu un budget compris entre 0,5 et 1,5 million de dollars. Mais on m’a dit que j’aurai 125 000 dollars pour le tourner. Et que je n’aurai pas le droit de modifier le scénario. J’aurais dû jeter l’éponge tout de suite. »

Cory Geryak et Tony Doublin sur le tournage de Future War (photo personnelle initialement fournie par Cory Geryak à Brad Vereen de MST3K).

« Future War a été tourné au début de l’année 1994. Deux jours à peine après le début du tournage, la région a été frappée par le séisme de Northridge. La propriété de David Huey a subi des dégâts, alors qu’a fait Monsieur le Producteur ? Et bien il a volé une grosse partie de l’argent de la production pour faire réparer sa maison, ce qui fait que mon budget déjà minuscule a encore pris une claque. C’était complètement aberrant. On tournait en 35 mm, mais je n’ai jamais pu visionner de dailies [Nanarland : les rushes qu’un réalisateur visionne généralement après une journée de tournage, pour vérifier le résultat]. Une fois, le gars du son a oublié de recharger les batteries de l’enregistreur, et on a dû utiliser un caméscope bon marché pour enregistrer le son. On filmait avec des chutes de pellicule [Nanarland : les « short ends », chutes de pellicule non utilisées par les tournages des films à gros budget, étaient revendues à bas coût et utilisées sur de nombreuses petites productions. Plus elles étaient courtes, moins elles étaient chères], qui étaient parfois tellement courtes que le temps de dire « moteur ! » et démarrer la caméra, il n’y avait déjà plus de pellicule dans le chargeur. C’était dingue ! Ils pinaillaient et rognaient sur tout. Le point de rupture, c’est quand j’ai demandé 4000 dollars pour filmer une fusillade dans la rue, avec un peu d’effets spéciaux. Ils m’ont dit non, alors qu’à côté de ça, ça ne les dérangeait pas de payer un type 7000$ par jour pour le filmer assis dans un bureau. C’est là que j’ai claqué la porte. »

« Au final j’ai réalisé environ la moitié du film seulement, avant de me barrer à cause de tous ces micmacs sur le budget. Je n’ai jamais vu Future War, et je ne veux jamais le voir. Tout ce que voulait Huey dans cette histoire, c’était mon nom et que les dinosaures fonctionnent. J’ai dû me démener et demander des faveurs à droite à gauche pour y arriver, et j’y ai perdu des amis. Bon dieu, quel cauchemar ! Et puis ensuite, bien sûr, ils m’ont fait porter le chapeau ! »

Jaquette alternative (très moche mais plus fidèle au contenu du film que le visuel du DVD).

« Quand Huey a projeté le film aux investisseurs, ça ne s’est pas très bien passé, ils lui ont demandé où était passé leur argent. Parce qu’il n’était pas passé dans le film, ça c’est une évidence. En fait j’imagine que c’est la combine que Huey avait monté via Cine Excel : il levait des fonds en présentant des scénarios de films à 1 million de dollars, il gardait une grosse partie de l’argent des investisseurs pour lui, et derrière il faisait les films pour 50 balles. J’ai entendu dire que l’argent investi venait de Chine. Huey est probablement enterré quelque part, sous un pont au bord d’une autoroute. Personne n’aime se faire entuber. »

A noter que les fonds ne venaient sans doute pas tous de Chine. Ainsi, dans la fin tournée à l’origine par Anthony Doublin, le personnage de Soeur Anne décidait de quitter le voile et de se joindre à Runaway/Daniel Bernhardt et son ancien gang, pour se préparer à l’arrivée possible d’autres cyborgs venus du futur. Apparemment, un des investisseurs aurait trouvé cette fin irrespectueuse envers l’église et exigé qu’elle soit modifiée pour y voir Soeur Anne faire ses voeux et intégrer le couvent. Ainsi, pour la conclusion du film tel qu’on la connaît, un nouveau combat avec le cyborg interprété par Robert Z'Dar aurait été tourné, ainsi que les plans sur des coupures de journaux commentés par Soeur Anne et expliquant le destin très altruiste de Runaway/Daniel Bernhardt.

Soeur Anne (interprétée par Travis Brooks Stewart).

Dans la nouvelle fin tournée, le spectateur apprend avec émotion que Runaway/Daniel Bernhardt, le tatanneur de dinos et de cyborgs, est devenu... conseiller dans un centre de désintoxication.