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L'Ile aux femmes nues


L'Ile aux femmes nues

Titre original : L'Ile aux femmes nues

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Henry Lepage

Année : 1953

Nationalité : France

Durée : 1h35

Genre : Pataflan forever

Acteurs principaux :Félix Oudart, Lili Bontemps, Armand Bernard, Jean Tissier

Nikita
NOTE
2.25/ 5


Tout ceux qui se sont déjà amusés à fouiller dans une vieille bibliothèque ou un grenier de grand-père savent que, pour un trésor des temps anciens, un incunable en édition de luxe, peuvent se présenter dix objets ringards, gadgets idiots et autres œuvres à l’oubli mérité. Tel est à peu près le sentiment général à la découverte de « L’Ile aux femmes nues », fabuleux témoignage du genre si particulier du vaudeville naturiste français des années 1950. Réminiscence d’un autre âge, où les seins nus représentaient le top du maximum de l’audace, où la bourgeoisie de province et d’ailleurs se scandalisait des bikinis et où il faisait bon rire des méridionaux balourds (ha, on m’apprend que c’est toujours le cas dans le cinéma populaire français…).


« L’Ile aux femmes nues » porte la signature d’Henri (dit Henry) Lepage, qui n’a a priori aucun lien avec l’économiste libéral du même nom, auteur de « Demain le capitalisme ». Le Henri qui nous intéresse, et qui porte plutôt la responsabilité de titres tels que « Pas de pitié pour les caves », « Le Collège en folie » ou « Pas de grisbi pour Ricardo », s’affirma dans les années 50 comme un éminent représentant de la série Z parisienne à usage des salles de quartier. Ici, notre homme s’attaque au genre trop oublié du film naturiste, qui connut une forme de gloire entre les prétextes pour montrer des corps dénudés et, de façon plus surprenante, les arrière-pensées idéologiques (les nazis allèrent jusqu’à tourner des films naturistes pour exalter la beauté des corps en pleine nature). Rassurez-vous : pas de propagande nationale-socialiste dans ce film, mais une bonne grosse comédie sous-Pagnolesque comme on savait les faire dans le cinoche français de papa.



Antonin Lespinasse (Félix Oudart), notre héros, vague sosie du Chef Ducros des vieilles publicités « Ducros, il se décarcasse ».

Dans ce film, vous verrez du vrai nichon à l’ancienne, pas trafiqué !


Il faut louer le bon goût de la Cinémathèque française – dont un certain programmateur pervers est un fan absolu de ce film – qui nous fait régulièrement redécouvrir de tels bijoux, amoureusement restaurés avec les sous du contribuable français. Après « Comtesse Hachisch » en 2006, ce fut au tour de cette survivance des bas-fonds du cinéma français de refaire surface lors de la troisième « Nuit excentrique » en 2007. Inutile de dire que nous fûmes joie de nous plonger dans les délices du naturisme nanar, de la nudité en bikini et du clochemerle à la bouillabaisse : « L’Ile aux femmes nues » est en effet un audacieux doublon de farce coquine et de satire politique, alliant audace antédiluvienne et comédie de mœurs électorale avec une mirobolante absence de subtilité.



Lespinasse se collette avec l’infâme Darcepoil.

Lespinasse avec Madame (Jane Sourza, compagne à la ville de Raymond Souplex, alias le Commissaire Bourrel).


L’action du film prend pour cadre une campagne électorale dans le sud de la France : le brave bonnetier Antonin Lespinasse, conseiller général sortant, doit faire face à la concurrence déloyale de son challenger, le perfide et bilieux pharmacien Théophase Darcepoil. Ne reculant devant rien pour détrôner son adversaire, Darcepoil décide d’ourdir une machination pour ruiner sa réputation : connaissant les mœurs irréprochables de Lespinasse, le pharmacien charge un margoulin du nom de Farigoule d’organiser son discrédit.


Les infâmes Farigoule (Antonin Berval) et Darcepoil (Armand Bernard). Quant au sbire à l’arrière-plan, c'est Fransined, le frère de Fernandel, qui jouera plus tard dans « La Grande Java », de Philippe Clair, avec Les Charlots.


Farigoule va présenter Lespinasse à une chanteuse de cabaret du nom de Mademoiselle Pataflan. C’est bien joli, me direz-vous, mais où sont les femmes à poil ? Vingt minutes que le film est commencé, et toujours pas la moindre nudité ! Patientez, on y arrive. Visiblement sensible au charme de la ravageuse, Lespinasse se laisse entraîner sur l’île du Levant, qui se révèlera… une communauté naturiste (d'ailleurs authentique).


Rhaaaa, Pataflan, je suis ta chose !


L’approche (interminable) de l’île est accompagnée de la chanson « Iîîîîle du Levant, daaaaaaaaanse sous le veeeeeeeent… » roucoulée par un sous-Tino Rossi. C’est assez insoutenable.

Lespinasse à la découverte du naturisme.

Ouééé, à poil le beau gosse !


L’honnête conseiller général sera-t-il victime de l’odieuse manigance ? La belle Pataflan, qui est une brave femme, prendra-t-elle in fine son parti ? Verra-t-on qui que ce soit de nu, alors que les nudistes sont tous en slip ?



La presse people se déchaîne !


Hé oui, « L’Ile aux femmes nues », bien avant « Mon Curé Chez les Nudistes », est apparemment le premier film naturiste sans vraie nudité. Les femmes sont certes seins nues (et encore, plusieurs arborent fièrement des monokinis) mais personne ne retire sa culotte, avec une mention spéciale pour le Professeur Martifole, chef de l’île et « professeur de naturisme » interprété par Jean Tissier, qui garde son poncho pendant tout le film (encore qu’il y ait une justification à ce détail). C’est le nudisme pour grands-mères, le naturisme 100% Office catholique approved ! On a même droit à une scène de danse filmée en nuit américaine, de manière à masquer la nudité de la danseuse.


La vache, c’est hard !

L'un des multiples stratagèmes pour cacher la nudité.


Au-delà de cette pudibonderie relativement excusable du fait de l’époque (mais parfaitement mensongère pour qui se réfère au titre), « L’Ile aux femmes nues » est un véritable festival d’humour antédiluvien, croulant sous le poids des ans. Jeux de mots lamentables, acteurs qui surjouent, situations de vaudeville éléphantesques : même dans les années 50, le film devait faire figure de fond de tiroir.


Une mention spéciale doit être accordée à la mise en scène : tout à fait professionnelle (on n’est pas dans « Comtesse Hachisch »), avec même une jolie séquence sous-marine prétexte à montrer élégamment du nichon, la réalisation se signale pourtant par une aptitude assez délirante à meubler et délayer, en rajoutant ad nauseam dans la première partie du film des séquences de remplissage histoire d’atteindre le métrage requis. Plans-séquences pour montrer des gens arrêter leur voiture, puis en descendre après avoir péniblement ouvert les portières (Lespinasse a les plus grandes difficultés à descendre de voiture et personne ne semble savoir fermer correctement une porte), bavardages incessants : la première demi-heure accuse de sévères baisses de rythme, au risque de se montrer ennuyeuse si l’on n’est pas réceptif à une certaine torpeur hypnotique.


Bien que professionnel, le film laisse une impression d’aimable bricolage brinquebalant que son côté vieillot rend d’autant plus délectable. Parmi les points forts du début du film, comptons le jeu ultra-appuyé d’Armand Bernard (Darcepoil), sorte de sous-Louis Jouvet, et la sympathique prestation de Félix Oudart (Lespinasse), sous-Raimu qui trouve ici, en fin de carrière, l’un de ses plus grands rôles. Mais la véritable star, c’est Lili Bontemps, pin-up (dans le film, on prononce « pain-upe ») de l’époque et grande spécialiste de photos déshabillées, véritablement charmante dans le rôle de l’incroyable Pataflan, au sourire aussi ravageur que sa puissance mammaire.



Le film prend toute sa dimension dans la seconde partie : outre le concept révolutionnaire du nudisme topless – voire habillé – « L’Ile aux femmes nues » est un défilé de looks tous plus fascinants les uns que les autres. Tout d’abord, Lespinasse, dont le physique d’athlétique jeune premier s’épanouit dans l’un des plus immondes caleçons que le cinéma d’épouvante nous ait jamais présentés. Ensuite, Alain le beau gosse : le jeune premier du film, sorte d’éphèbe musclé et gominé, arbore un splendide slip de bain géant en forme de V, qui devait être remis à la mode cinquante ans plus tard par le film « Borat ». On se croirait dans une sorte de musée des horreurs des congés payés.


Le caleçon de la terreur.

Grâce à son super-slip, Alain les tombe toutes.


Mais le plus beau dans le film est encore son défilé de pseudo-comiques d’une non-drôlerie sans pareille : on citera pour la bonne bouche Hyacinthe, l’employé bègue et simplet de la boutique de Lespinasse, qui passe son temps à se faire injurier par Mme Lespinasse dans des scènes qui, aujourd’hui, subiraient les foudres judiciaires d’associations d’handicapés.


L’inimitable Hyacinthe.

Le Professeur Martifole (Jean Tissier) et Jean-Marie Le Pen.


Autre grande vedette : Oscar, le gardien borgne de l’île, véritable sosie de Jean-Marie Le Pen dont la réplique « J’ouvre l’œil et le bon » constitue l’un des sommets comiques du film, d’autant plus qu’il la ressort six fois. Ajoutons-y une intrigue policière à moitié improvisée et tombant comme un cheveu sur la soupe, un gunfight à faire pâlir John Woo avec des adversaires qui se ratent à bout portant.


« Incroyable ! Des lingots d’or en mousse ! Mais alors le Professeur est un gangster ?! »

Des sbires qui tirent avec des pistolets pour cour de récré.


Voir « L’Ile aux femmes nues », c’est un peu comme passer une soirée avec un vieil oncle éméché qui raconte des blagues paillardes. On est alternativement consterné et charmé et, pour peu que l’on ait un peu bu soi-même, on finit par partager la bonne humeur déplacée du brave tonton et rire à ses plaisanteries moisies. Et au final, on est ravi de sa soirée, comme on finit, à condition de se laisser bercer, par prendre un véritable plaisir aux lamentables aventures d’Antonin Lespinasse chez les nudistes en slip : comme chez nos amis gaulois, tout se termine dans la bonne humeur autour d’un bon banquet, dans un final au ton libertaire assez surprenant pour l’époque, auquel il ne manque qu’un strip-tease de Madame Lespinasse pour être complet (mais on y échappe de peu). « L’Ile aux femmes nues » était peut-être le summum de la comédie coquine en 1953 : le poids des ans en a fait une curiosité croulant sous la poussière, mais d’un charme assez délirant pour qui sait s’accommoder d’un rythme assez poussif. Que tous les amateurs de vieilleries, de cabotinage moisi et de polissonneries désuètes profitent des occasions de voir cet incunable. LESPINASSE PRESIDENT, PATAFLAN PREMIER MINISTRE !


Pataflan, JE T'AIME !


« Et maintenant, un bon canard aux olives pour tout le monde ! »


Merci à Dryke, au Rôdeur et à Bill Carson pour l'icono.

- Nikita -
Moyenne : 2.31 / 5
Nikita
NOTE
2.25/ 5
MrKlaus
NOTE
3/ 5
Mayonne
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1.5/ 5
Wallflowers
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1/ 5
John Nada
NOTE
2.25/ 5
Kobal
NOTE
2.25/ 5
Rico
NOTE
2.5/ 5
Labroche
NOTE
3/ 5
LeRôdeur
NOTE
3/ 5

Cote de rareté - 7/ Jamais Sorti

Barème de notation
SCANDALE ! Ce film ne semble jamais être sorti, que ce soit en VHS ou en DVD ! Même René Château n’en a pas voulu. Reste à compter sur les diffusions organisées régulièrement par la Cinémathèque, les passages en festivals et d’éventuelles diffusions télévisées.


Affiche belge.

Bonus

C'est tout un univers que nous avons découvert avec ce film...

Des magazines d'époque avec Lili Bontemps et son clin d'oeil ravageur !





Censure des années 50 oblige, l'avis d'interdiction du film dans le Canton de Genève :



Du matériel publicitaire d'époque pour l'île du Levant :