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Jamaix plus encore

(1ère publication de cette chronique : 2010)
Jamaix plus encore

Titre original :Bad Girls

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :David I. Frazer & Svetlana

Année : 1981

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h20

Genre : J'en ai pris plein la poire

Acteurs principaux :Ron Jeremy, Michelle Bauer, Anna Ventura, Victoria Knol, Lenora Bruce, John Leslie, Mike Filene

Kobal
NOTE
3/ 5


Peut-on chroniquer un film pornographique sur Nanarland ? La question s'est posée, elle se pose encore et peut-être ne se posera-t-elle plus sous peu. Nombreuses sont les voix à s'être élevées pour dénoncer le caractère par trop atypique du cinéma de sexe, considérant ses modalités même de réalisation comme incompatibles avec le concept de nanar. Le scénario ? C'est loin d'être la préoccupation première des spectateurs, alors pourquoi y consacrer du temps ou du talent. Le jeu d'acteur ? Mal simuler la jouissance est une règle d'or dans ce milieu, alors quel référentiel pourrait bien être valable pour mesurer l'interprétation de rôles aussi archétypaux que le réparateur du câble ou Ramon le ramoneur. Les effets spéciaux ? Il n'existe à ma connaissance aucun porno qui ait réussi à intégrer à ses frasques juteuses des verges en mousse ou des tétons à fumée. Et quand ils existent, ils sont souvent volontairement nases (jetez donc un œil à la bande-annonce parodique "Revenge of the Gangbang Zombies"). Les plans nichons ? Hem, soyons sérieux, ça serait plutôt leur absence qui pourrait virer au nanar. Non, c'est vrai qu'avec un tel cahier des charges, rien ne peut vraiment transformer un film porno en petit bijou du mauvais film sympathique. Rien ? Rien de rien ?


Même pas cette inénarrable façon de converser au téléphone ?

Et si je vous dis "En ce moment je parierais que tu t’imagines déjà que tu suces ma bite au rythme des coups de fouet de mes couilles sur ta gueule" ? Aha, je vois que cette ode lyrique à la dynamique de l'érotisme réveille en vous un petit quelque chose, une certaine émotion indéfinissable, étrange mélange de surprise effarée, de fascination curieuse et de rire retenu, tandis que se fait jour l'évidence même. La seule voie qui puisse mener à la réconciliation entre nanar et pornographie, c'est bien évidemment le doublage, et plus précisément ce trésor national honteusement ignoré par l'UNESCO qu'est le doublage français.

Alors oui, je vous vois venir, tout autant que je vous entends venir ou que si je me concentre suffisamment, je vous sens venir (d'ailleurs, faites-en de même afin de mieux vous imprégner de la poly-sensorialité indispensable pour goûter la saveur de tout bon film de boules). C'est bien connu que les X sont mal doublés, même que mon petit neveu de 5 ans il le sait et il fait des imitations sur la maîtresse avec ses copains. C'est un cliché qui fait partie intégrante du mythe pornographique. Oui, mais je dis non. Car vous imaginez bien que je ne prendrais pas ma plus belle plume informatique pour monter au créneau en public et abandonner en chemin toute pudeur et tout sens de mon enviée réputation si ce n'était pour évoquer la Vénus surgis de la fange boueuse de la vulgum exploitation. Une petite perle rare qui porte un nom digne de sa singularité, à savoir "Jamaix plus encore" (faute d'orthographe malicieusement incluse afin de bien vous faire comprendre de quoi qu'on cause). Pour info, le titre original est "Bad Girls", c'est déjà dire quelle liberté artistique (si, si !) nos compatriotes se sont autorisés.

Même l'éditeur vidéo s'y est mis en nous livrant une jaquette des plus inventives.

Détaillons un tant soit peu l'œuvre qui va donc être transformée en or par nos alchimistes du nanar. Nous suivons la sortie champêtre de 4 jeunes nymphomanes en goguette, adeptes de la photographie érotique en milieu naturel. Quoi de plus sensuel en effet que des photos de femme nue sur un zodiaque ? Si ce n'est un bûcheron enfonçant avec une diaphorétique virilité sa hache dans un tronc d'arbre lascivement étendu à ses pieds, avec insistance et méthodicité, le tout filmé dans un langoureux ralenti qui prend sa pleine mesure lorsque s'ensuit une méritée séquence de décapsulage de binouse à la mousse toute jaculatoire. De splendides étendues vierges, une forêt touffue, un lac humide, bref, le cadre idéal pour se croire dans le uncensored cut des "Eaux Sauvages". On s'attend d'ailleurs à tout moment à entendre un "j'en ai pris plein la poire".

Le camping-car, le meilleur ami des hippies américains et des autostoppeurs de toutes sortes.


Sensuels souvenirs de vacances.

Le bûcheron (John Leslie, une star du genre à la filmographie plus que prolifique), qualifié de "gros écureuil" par une de ces demoiselles.

En fait, cette ambiance à la Paul Kener n'est pas imputable aux seuls paysages sauvages d'une Amérique offerte aux hommes entreprenants. La raison est tout autant à chercher dans ces inimitables voix françaises qui ont bercé les oreilles des chanceux élus à avoir pu savourer le célèbre film pré-cité. Car oui, nous retrouvons au casting vocal deux des principaux responsables de cette génialissime catastrophe auditive, en aussi grande forme qu'à l'époque où ils devisaient sur le karma. Si la madame conserve son habituel timbre éraillé accompagnant si bien son ton désabusé, ce qui est en soit un atout indéniable pour rendre diablement excitante de banales scènes de frotti-frotta, comment réussir à qualifier les élucubrations vocales délirantes de monsieur "Manger, boire et être heureux". Probablement lancé en free-lance dans un concours de cris de goret les plus tue-l'amour qui aient jamais résonné dans un boulard, il parvient à beugler des lapements d'une manière tellement grotesque et excessive qu'elle casserait le trip fantasmé du plus accroc des onanistes. Éructant et bégayant, il semble n'avoir d'autre limite que de tester celles du foutage de gueule acceptable pour un acteur professionnel.

Bo (Lenora Bruce).


Kate (Victoria Knoll).


Angie : - "Le Château d'Habrinas ! [...] C'est le rendez-vous des huiles."
Kate : - "De qui ?"

Pour lui donner la réplique, les autres doubleuses ne font pas non plus dans la finesse, confondant allègrement minauder et couiner. La synchronisation paraît être la dernière de leur préoccupation, bafouillant leur texte idiot sans se soucier de ce qui se passe à l'écran, tels des Steven Seagal dernière génération. Et attention, n'allez pas croire que leurs dialogues sont constitués de "oui", "ah, "plus bas" ou "mes tissus vulvaires se gorgent de désir pour ta protubérance pénienne". Ces dames ont le luxe de remplir de longues séquences de parlottes sans queue ni tête (hem), que ce soit à l'occasion d'une veillée au coin du feu où l'on cause timidement de sa honte lors de la découverte d'un film X (quelle pertinente mise en abyme !), ou bien à l'occasion d'une séquence psychotronique avec un jeune scout de 16 ans qui se transforme en une apothéose sonore comme je les vénère. Indescriptible d'absurdité, cette scène pourrait servir de mise en garde contre les méfaits du burnout dans le monde du doublage.

Fait divers du scoutisme : un jeune homme perdu dans les fourrés est pris en stop par des naïades de passage...

...ses yeux envoûtés ne lui permettent pas de percevoir le danger que représente cette tentation pour sa chaste innocence...

...et soudain, c'est le drame dialoguiste :
"- Alors, tu voyages toujours tout seul, heeein ?
- Oué, j'suis grand.
- Vraimeeent ?
- Qu'est-ce que vous faites ici, c'est pas un coin pour les filles ?
- Hm, vraimeeent ?
- Bah non.
- On est grandes, nous aussi, tu sééé ?
- J'crois pas.
- Tiens, tiens, tieeens... Quel âge tu as, heeein ?
- 16 ans !
- 16 ans ?
- J'suis en seconde, quand même !"

Et le plus beau, c'est qu'au milieu de ces forcenées de l'activisme j'menfoutiste se trouve une véritable rose de la folie vocale qui parvient à enfoncer toutes ses copines avec une aisance qui a de quoi faire frémir de peur. "Jamaix plus encore" est le premier film dans lequel je l'entends et je crois bien que jamais plus rien ne sera encore pareil. Sorte de doubleuse extradimensionnelle à la prosodie digne d'un alien victime d'accident vasculaire cérébral, elle donne l'impression d'avoir piraté par les ondes le doublage du film, un soir de cuite, via une CB artisanale bricolée dans son garage. Totalement à côté de la plaque, utilisant probablement la mousse du micro d'enregistrement comme chewing-gum synthétique et habillant son personnage d'un "slipt" (?!), cette génie anonyme parvient par son art unique à transformer un bête film de fesse en remake coquin des messages à caractère informatif. Madame, qui que vous soyez, si jamais vous lisez cette chronique, contactez-nous sans plus tarder pour nous faire partager vos dons. Et pour nous communiquer la voxographie de vos exploits, car là, imaginer ne peut-être plus jamais vous entendre est déjà une véritable souffrance.

Chrissy (Anna Ventura), sublimement massacrée par sa doubleuse.

Il faut également signaler qu'elle maîtrise parfaitement le lever de sourcil et le plissement de minois.


Angie (Michelle Bauer, depuis reconvertie dans le cinéma d'exploitation plus conventionnel, tournant pour Fred Olen Ray ou David DeCoteau, et apparaissant notamment dans le conceptuel "Monaco Forever", moyen-métrage célèbre pour son Jean-Claude Van Damme en karateka gay, et en créature de Frankenstein dans "Lust for Frankenstein" de Jesus Franco).

Alors certes, j'ai tout-à-fait conscience que je m'emballe comme une jeune pucelle dans la loge des Tokio Hotel, tout ça pour un film qui, en toute honnêteté, n'assure pas une hilarité continue, loin de là. Il est évident que les éléments humoristiques de "Jamaix plus encore" perdent progressivement en intensité au fur et à mesure qu'on s'y habitue et que s'enchaînent des scènes de copulation à l'ancienne (c'est-à-dire avec du poil mais sans silicone ni zoom endoscopique). Mais si c'est le prix à payer pour louer le savoir-faire unique de nos inimitables doubleurs, je me voue au sacrifice sans un regard en arrière. Car ces gens-là sont la voix de Dieu, le Métatron nanarlandais en quelque sorte.

Slater, le grand frère scout du précédent (Ron Jeremy, svelte, légende du X et amateur de nanars à l'occasion).

Le Dr Yes (Mike Filene), adepte des fellations sur fond de discours enfiévré sur les vraies valeurs perdues de la phallocratie. On ne parle pas assez de ces visionnaires messianiques qui s'apprêtent à révolutionner durablement le monde en organisant des orgies dans leur cabane du fond des bois.

Un sous-Akton en train de faire la preuve de son engagement politique.

Un moustachu inconnu accompagné de Thomas, un initiateur au sado-masochisme sociétal (doublé par Marc François, une voix qui me fait systématiquement penser à Hyôga dans les Chevaliers du Zodiaque, ce qui est plutôt inconvenant pour un porno).

Cela dit, ne leur jetons pas totalement la pierre, car même quand ils se taisent (le temps de boire un coup ?), le film n'hésite pas à virer dans l'expérimental peu engageant en proposant une scène d'amour contre un arbre, bruitée par des voix originales réverbérées et les cris des animaux de la forêt. Quant au score musical, il ne se tracasse pas non plus en remixant tranquillou Ti Amo et autres chansons italiennes sirupeuses, en alternance avec de banals thèmes pour ascenseur à la gestion toute chaotique. A croire que dès la conception du métrage, la bande-son était prévue comme terrain d'expérimentation artistique.

Enfin bon, c'est pas tout ça, mais revenons-en à notre question initiale : est-ce que, oui ou non, un film pornographique a la légitimé d'apparaître sur le si select site de Nanarland. Bah qu'est-ce que vous venez de lire ?

- Kobal -
Moyenne : 2.69 / 5
Kobal
NOTE
3/ 5
Wallflowers
NOTE
1.25/ 5
Rico
NOTE
2.5/ 5
Jack Tillman
NOTE
4/ 5

Cote de rareté - 6/ Introuvable

Barème de notation

Le film et sa fantabuleuse VF ne sont disponibles qu'en VHS, chez l'éditeur US Video. Bah oui, le même qui a déjà commis "Eaux Sauvages" et "Wendigo". On sent une véritable politique éditoriale qui fait plaisir. Aux USA, il semblerait qu'un DVD existe. A noter que le film jouit d'un succès d'estime qui lui a permis d'enfanter 3 suites.



Un autre visuel trouvé chez nos confrères vhsdb.org