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Le Jardin d'Allah

(1ère publication de cette chronique : 2003)
Le Jardin d'Allah

Titre original : Le Jardin d'Allah

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Richard Boleslawski

Année : 1936

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h19

Genre : Kitscherie saharienne

Acteurs principaux :John Carradine, Marlene Dietrich, Charles Boyer

Wallflowers
NOTE
/ 5

Le Jardin d'Allah, c'est un nanar luxueux, bien éloigné des Bruce Le et autres Anthony M. Dawson. Adapté d'un roman de l'illustrissime Robert Hichens, il date de 1936, ce qui en fait un véritable nanar cacochyme. Crédité d'un Oscar - mais si, celui de la meilleure photographie ! Richard Boleslawsky l'a réalisé, avec de grandes stars : mieux que Sybil Danning, je vous présente Marlene Dietrich. Oui, celle de L'Ange bleu. Mieux que Christophe Lambert, je vous présente Charles Boyer, un des premiers acteurs français à avoir fait carrière à Hollywood. Première bonne nouvelle : le film est colorisé. Première mauvaise nouvelle : je l'ai vu en VO (oui, c'est de l'ironie).

L'histoire. D'un côté, Marlene, qui a grandi dans un couvent, perd son papa qui était très gravement malade, oh là là, elle a tout abandonné pour lui. Elle fonce au Sahara où elle se trouvera elle-même. Dans le genre je vais voir là-bas si j'y suis, déjà, c'est costaud. De l'autre, Charles quitte son monastère en cachette, on appelle ça un prêtre défroqué. Faut voir le frère qui porte ses habits d'un air incrédule au chef, qui se sent alors obligé de lui accorder l'autorisation de parler. Nos deux amis se rencontrent, de manière, bien entendu, absolument fortuite, à savoir dans le train qui les conduit dans le désert. A la gare, un porteur-guide-poète-charmeur arabe emporte par erreur la valise de Charles. Il sort de son wagon et la reprend avant de partir au trot. « Quel homme extraordinaire » se dit Marlene, « Est-il fou ? » « Oui, c'est sûrement un Anglais » réplique l'Arabe.

Un peu plus tard, le cousin du porteur refuse d'entrer dans un cabaret. La danseuse veut le tuer parce qu'elle est amoureuse de lui ! Un homme nous fait rire, Marlene et moi, en faisant remuer sa moustache tout en ouvrant de grands yeux, hihihi. Avec un peu d'observation, on le verrait presque gonfler les joues. Tiens, comme par hasard, Charles aussi est au cabaret. Il est conquis par la belle danseuse qui remue autant son ventre que Max Thayer son cerveau. Soudain, la danseuse aperçoit le cousin du charmeur. Justement, elle a des couteaux dans les mains (j'ignore à quoi ça sert dans une danse orientale, mais c'est sûrement plus utile qu'un pneu). Du coup ça créé un tumulte, ce qui est bien pratique pour que Charles emmène Marlene à l'extérieur.

Elle est belle, Marlene, avec ses cils aussi longs qu'un film de Rohmer. Charles aussi, il est beau, exprès pour les adolescentes américaines de l'époque. Mais qu'est-ce qu'il joue sympathiquement mal. Quand il regarde Marlene, c'est comme s'il se disait « Tiens, j'aurais pas oublié de fermer le robinet avant de sortir ? ». Superbe accent, aussi (« Senk iou »). Dès le lendemain, Marlene et lui sont fous amoureux (même s'ils ne le sont pas encore dit).

Marlene rencontre pour la deuxième fois un devin aveugle qui parle parfaitement anglais. Il trace des traits dans le sable et profère des choses que seule Marlene et son nouvel accompagnateur parviennent à comprendre, par exemple si des fleurs couvrent le désert, ça veut dire « y-a d'la joie ». Elle refuse qu'il l'avertisse de ce que l'avenir lui réserve. Elle s'en va. Le sable se met alors à fumer comme si un feu avait été allumé juste en dessous de la caméra, et le vaticinateur se prend alors la tête entre les mains. On comprend que le destin de Marlene est horrible.

Marlene et Charles font du cheval dans le désert. Un carré d'herbe et trois palmiers suffisent à leur bonheur total. Charles emet un rire.

« - Ca alors ?

- Qu'est-ce qui ne va pas ?

- Vous avez ri. J'ignorais que vous saviez rire.

- Oh... Je ne sais pas.

- Pourquoi, Boris, pourquoi [ouais, Charles s'appelle Boris] ? Pourquoi cette conduite étrange ? Vous êtes profondément tourmenté. Qu'y a-t-il ? Dites-le moi... Vous n'avez pas confiance ? »

« Après toutes ces semaines passées ensemble », elle ajoute. Au vu du film moi j'aurais dit trois jours.

Je vous passe le dialogue ultra gnan-gnan qui s'ensuit. Il se termine par la langue de Charles qui fourche, apparemment : « Je remercie Dieu... » et puis il s'arrête. Le lendemain, Charles pleure en regardant la Vierge. Marlene va tout faire pour lui rendre la foi. Merde trop tard, il s'en va et laisse la pauvre Marlene éplorée. Au moins il a eu la politesse de l'embrasser sur la bouche.

Devinez quoi ? L'instant d'après, sans transition aucune, le prêtre du coin, à qui Marlene avait été confiée, décide de les marier ! Ah merde, c'est pas de bol parce qu'il y a une tempête ce jour-là et ces deux idiots vont dans le désert juste quand il faut pas ! Voilà ce qui arrive quand on veut pas écouter les devins arabes. A propos, le désert la nuit, ça ressemble bigrement à un décor de cinéma, c'est dingue.

Voilà pour les deux tiers du film, le reste étant à peu près de la même teneur. La version colorisée amène le spectateur vers les plus hauts degrés de kitscherie jamais atteints au cinéma. Kitscherie renforcée par ces lieux, la France et l'Algérie, où tout le monde parle anglais mais avec des mots de français. Bidonnant. Sans oublier en touche finale la musique super-crispante de Max Steiner.

Attention, nanar réservé à ceux qui aiment le vieux cinéma et ses bizarreries naphtalinées. Sinon, il apparaîtra au mieux comme un bon film, au pire comme un film ennuyeux. Mais pour les premiers suscités, le film vaut bien un solide 2/5.



L'avis complémentaire de Jack Tillman :

J'ai récemment rendu visite à un ami fan de cinéma hollywoodien classique et de Marlene Dietrich. Après avoir regardé Amanda, une comédie musicale sympathique avec Fred Astaire et Ginger Rogers, nous nous sommes fait Le jardin d'Allah, mon ami m'ayant fait part de son désir de voir un nanar. Alors que le film démarrait, j'avais quelques appréhensions : la chronique d'Alcatel est très ancienne; aurions-nous affaire à un bon film un peu kitsch ?

Verdict posé par mon ami : "Un nanar de luxe qui vaut son pesant de pépettes."

Là où d'autres films américains des années 30 ont pris un méchant coup de vieux mais conservent leurs qualités cinématographiques, Le jardin d'Allah est un film vide artistiquement où ne demeurent plus que les défauts, que le temps a certes accentué mais qui était déjà bien présents à sa sortie.

Mise en scène empesée de Richard Boleslawski (cinéaste assez médiocre par ailleurs), musique gnangnan omniprésente de Max Steiner, dialogues ampoulés manquant tellement de naturel qu'ils sombrent dans le ridicule même pour le spectateur habitué au romantisme hollywoodien vintage, jeu d'acteur ultra-théâtral (Charles Boyer a un manche à balai dans le c... mais en fait des tonnes dès qu'il s'agit de jouer "les élans de la passion amoureuse" et "les tourments de l'âme torturée en pleine crise de foi"), éloge permanent de la nunucherie bondieusarde (sans que ça devienne aussi insupportable que dans l'horrible Dieu est mort de John Ford), Sahara de carte postale coloniale, sidekick comique à baffer, couple de héros cucul-la-praline à baffer eux aussi, rebondissements absurdes et cousus de fil blanc, scénario écrit sur un timbre... Bref, ce film est une vieille croûte complètement toc qui a parfaitement sa place sur le site des mauvais films sympathiques.

Bien sûr, on n'était pas écroulés de rire en permanence (mais on a quand même ri de bon cœur à plusieurs reprises). Il y a des longueurs, quelques jolis plans dans le désert et un charme désuet se dégage de l'ensemble. Mais la happy end catho tradi enfonce le clou de la niaiserie pompière, et termine le film sur un gros éclat de rire avec sa morale aussi lénifiante et douteuse que les christiansploitation évangélistes de ces dernières années.

On a quand même de la peine pour Marlene, obligée de se commettre dans une daube pareille entre deux grands films de von Sternberg.

Pour confirmer, s'il en était besoin, que ce film est une casserole dans la carrière de Marlene, cette citation d'Alexander Walker glanée sur Wikipédia : « Pendant des années, Marlene eut une réponse succincte et toute prête à opposer aux journalistes assez téméraires pour pénétrer par effraction dans Le jardin d'Allah : "Bon pour la poubelle". »

- Wallflowers -
Moyenne : 1.88 / 5
Wallflowers
NOTE
/ 5
Alcatel
NOTE
2/ 5
Jack Tillman
NOTE
1.75/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation


Le film a bénéficié de rééditions américaines et britanniques de bonne qualité chez "MGM". Hélas, à part un master restauré, ce sont des éditions simples toujours en anglais sans sous-titres. Il existe également un Blu-ray sorti en Espagne, mais avec seulement le doublage espagnol et des sous-titres espagnols ou anglais. Une édition française ne semble pas à l'ordre du jour. Il faudra se contenter de la vieille VHS d'"Antares-Travelling" en V.O.S.T.

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