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La Mort au Large

(1ère publication de cette chronique : 2004)
La Mort au Large

Titre original :L'Ultimo squalo

Titre(s) alternatif(s) :Great White

Réalisateur(s) :Enzo G. Castellari

Année : 1980

Nationalité : Italie

Durée : 1h30

Genre : Dents du fond de la mer

Acteurs principaux :Vic Morrow, James Franciscus, Joshua Sinclair, Brent Huff

Rico
NOTE
3.5/ 5


Ah, ce joli chiffre 3 en évidence sur la planche à voile, alors que Jaws 3 n'était pas encore sorti... Si ça c'est pas du marketing finaud...



Rome, un bar près de Cinecitta, 1980.

« Alors comme ça le producteur Ugo Tucci a un projet imparable à me proposer, à moi Enzo G. Castellari… Au fait, tu connais Roberto mon jeune assistant…
- Oui oui, alors j’ai une idée d’enfer, un truc béton, de l’or en barre : bon qu’est-ce qui marche au ciné en ce moment ?
- les films pornos et les sous "Star Wars"…
- Non non pour les sous "Star Wars" on a déjà Cozzi et Breccia et suffisamment de mal à les fourguer comme ça. Non en ce moment ce qui marche, c’est "Les dents de la mer".
- Le truc avec un requin ?
- Ouais, ils en ont même fait un 2 et ils s’apprêtent à mettre en route le 3 ! Ce serait bien le diable si on n’arrivait pas à faire notre petit film de squale non ?
- Hmmm… et pour les acteurs, t’as pensé à qui ?
- Du premier choix, du vrai acteur américain de classe internationale : James Franciscus, le héros du "Retour sur la Planète des singes"…
- Et de « L’Invasion des piranhas » de Margheriti
- Euh... Oui aussi… et Vic Morrow qui a tourné "Graine de Violence", "King Créole" avec Elvis...
- Il a pas tourné dans "Les Monstres de la Mer" de chez Corman avec Doug McClure et "Sankukaï : Les Evadés de l’espace ", un "Star Wars" japonais ?
- Heu, je sais pas, j’ai pas tout vu de lui… Sinon y aura aussi Joshua Sinclair et Timothy Brent.
- Hein ?
- Euh... Gianni Loffreddo* et Giancarlo Prete…
- Ah d’accord… mouais, ça peut se faire, mais je mets mes conditions : je veux dans le casting : Stephania Goodwin, Thomas Moore et Massimo Vanni !
- Mmh, tu veux dire Stephania Girolami ta fille, Ennio Girolami ton frère et Massimo Vanni ton cousin… j’oubliais que le "G" après "Enzo", c’est "Girolami", ton vrai nom…
- La famille c’est sacré !
- OK, OK, quoi d’autre ?
- Je veux les meilleurs techniciens et carte blanche. Je vois ça d’ici, du jamais vu, ça sera dantesque ! Et pour le scénario ?
- Le scénario ? Ah ben euh… ben les dents de la mer quoi… bon tu le fais oui ou non ?
Long silence. Il maestro réfléchit.
- Roberto… mio palmo…



San Felice Circeo, au sud de Rome, quelques semaines plus tard :

« - Bon, alors on commence le tournage cet après-midi, tout le monde est là, j'espère !? Parce qu’on se met au point maintenant et on fera pas plusieurs prises…
- Ca devait pas se tourner aux Etats-Unis ?
- Si, on fera les raccords plus tard à Savannah, avec une équipe réduite… bon pour les rôles, alors James tu vois, j’ai pensé à un rôle super original pour toi : tu es le premier à croire en l’existence du requin tueur et t’as peur pour tes enfants qui vont faire une régate mais les autorités elles te croient pas pour pas gâcher la saison touristique…
- Dis donc Enzo, il serait pas le shérif local par hasard ton perso ?
- Mais non, qu’est-ce tu vas chercher là… Non, il est… plombier ? Non écrivain !
- Ben alors pourquoi il part chasser le requin tueur alors ?
- Parce que, euh… il écrit un livre sur les requins !
- Aaaaahhh…
- Euh, maestro, qu’est ce qu’on fait du costume de flic alors ?
- Ta gueule Roberto… Bon Vic, toi je vois ton personnage comme une sorte de figure mythique de la littérature, un genre de capitaine Achab qui cherche sa baleine blanche…
- Un vieux loup de mer qui va traquer le requin depuis qu’il vu ses amis se faire dévorer pendant la guerre ?
- Ouaaaiis dans le genre, mais je ne voudrais surtout pas brider ta créativité…
- Bon toi, Gianni, tu es un peu le méchant, tu vois, c’est un peu l’aspect politique du film, parce que y a pas que du suspense dans mon film, y a de la dénonce ! Et tant pis si ça plait pas à tout le monde, parce que je suis comme ça moi, j’ai une conscience politique, j’hésite pas à dire des trucs qui dérangent moi !
- Euh, si j’ai bien compris, je suis le maire qui ne veut pas ébruiter la présence du requin par peur de faire fuir les vacanciers ?
- Oui.
- Et je suis obligé de porter cette veste à carreaux ridicule ?
- Euh… oui Gianni. Bon, euh, en place tout le monde pour les répétitions… »



Quelques temps plus tard, autour d’un bassin à Malte :

« - Bien alors les enfants, on est ici pour faire les raccords avec le monstre mécanique ! Georgio Ferrari mon ami, fais nous voir ta merveille.
- Tu vas voir Enzo, tu vas être épaté. Allez les techniciens, mise en route du requin mécanique, pronto !


(…)

- Dis donc Georgio, tu faisais quoi avant d’être embauché comme directeur des effets spéciaux sur mon film ?
- Je m’occupais des décors et des trucages de "Jeux Sans Frontières"…
- Ah ouais… Il a pas un peu une grosse tête ton requin ?
- Evidement qu’il a une grosse tête, vu qu’il n’y a que la tête ! Tu croyais quoi avec le budget que tu nous as donné, qu’on allait pouvoir faire un requin complet !?
- Non non… Il est très bien. Bon, euh... finalement j’ai changé d’idée, on va pas trop le montrer le requin, jouer plus la carte du suspense, tout ça…
- Il te plaît pas mon requin, c’est ça !
- Non Georgio, c’est pas ça, mais tout est dans l’attente, dans le non dit… Et puis on va faire comment dans les scènes où le requin poursuit ses proies ? Monter ta tête de requin sur des skis nautiques !?!
- T’énerves pas, on peut utiliser des maquettes. Tiens j’ai fait un joli hélicoptère jouet pour la scène où le requin attaque le maire dans son hélico.



- M’ouais… Bon alors pour les scènes de poursuite, j’ai une super idée. Lors de la première chasse, les héros ont réussi à accrocher une bouée avec un harpon au requin. Et quand le requin remonte, on voit d’abord la bouée qui ressort et qui prend en chasse ses victimes…
- Un peu comme dans les dents de…
-Ta gueule Roberto… d’abord ma bouée à moi elle sera rose et pas jaune. Non je la sens bien là. Bon et mes mannequins ? Où ils sont mes mannequins ! Pas d’attaque de requin sans beau mannequin en mousse pour faire les victimes ! C’est ma marque de fabrique ça ! Avec les ralentis chichiteux c’est la Castellari’s touch ! On se dépêche les enfants, on a pas la journée, vous savez ce que ça coute de louer un bassin d’eau de mer, vous ?! Alors andiamo, les enfants !



Le soir même dans la salle de montage :

« - Bon, je te veux créatif ce soir, du grand Gianfranco Amicucci ! C’est pour ça que je t’ai engagé comme monteur !
- Je croyais que vous m’aviez engagé pour pas avoir Bruno Mattei…
- Je suis mort de rire… Bon… Y sont où les stocks-shots ?
- On a du docu animalier, du commandant Cousteau plus les images de vos dernières vacances en Australie. Ça devrait le faire sans peine.
- C’était pas des vacances aux frais de la production mais des repérages ! J’ai été filmer des vrais requins pour le film moi !
- Dans un Aqualand ? Non, j’plaisante…
- Très drôle, bon, alors on y va. Alors là dans la scène où le requin il attaque le bateau, tu mets ces images là, puis gros plan sur les acteurs, puis l’extrait du National Geographic là…
- Attendez patron, là c’est pas possible, c’est jamais la même espèce de requin. Là, vous mettez un gros plan super impressionnant sur un grand blanc qui mange un appât et puis l’instant d’après c’est une roussette de moins d’un mètre qui s’éloigne du bateau. Il a jamais la même forme et la même couleur votre bestiau.
- Mais, il y connait quoi le public en requin, hein ? Un requin c’est un requin, il y verra que du feu ! Tiens mets ce stock-shot là, il est bien…
- C’est un requin marteau ! Là j'vous jure, ça va se voir !
- Ah ouais… bon, bon… Celui-là alors… Tiens, il a une drôle de tête ce requin.
- C’est un dauphin, patron. Bon laissez, je m’en occupe.



Trois mois plus tard, dans le bar d’un hôtel de Los Angeles :

« - Je vous l’avais dit, on casse la baraque dans tous les cinémas de quartier de la côte ouest ! 2 millions de dollars le premier jour, 17 en un mois…
- Si je puis me permettre, maestro, c’est peut-être aussi parce que les gens croient aller voir "Les dents de la mer n°3".
- C’est ma faute à moi, si l’affiche ressemble par accident au film américain ?
- Excusez nous, je suis maître Wilkins et voici maître Jones, avocats de la Universal. Nous aimerions vous toucher deux mots au sujet des lois sur la propriété intellectuelle, le copyright et le plagiat…
- Ah ? Euh, fort bien, vous m’excusez une minute, je dois aller chercher mes lunettes, dans la boîte à gant de la voiture… »

On entend au loin le claquement d’une portière de voiture, puis un bruit de moteur qui s’éloigne rapidement.

« - Il ne va pas revenir ?
- Je ne crois pas non…
- Bon ben on va faire interdire son film aux States…
- Ouais. »



Un peu plus tard, dans le vol 585 Los Angeles-Rome :

« - On s’en est bien tiré finalement Roberto… Avec ce film on a fait un des plus gros box office pour un film étranger sur le territoire américain.
- Oui maestro, avant qu’on se fasse interdire pour plagiat par la Universal…
- Ouais, c’est le problème avec les Américains, ils sont trop protectionnistes, ils ont trop peur de la créativité de la vieille Europe.
- En tout cas votre film a couté moins cher que le requin mécanique du premier dents de la mer !
- Et au moins notre monstre, il marchait ! Et il était pas plus moche ! Ah ah ah ah…
- Sinon, comment vous avez trouvé le film qu’ils nous ont passé dans l’avion ?
- Comment ça s’appelle déjà… ah oui… "New York 1997"… Pas mal mais ça manquait de ralentis et de mannequins. Non je pense qu’on peut faire mieux… tiens j’ai déjà un titre : "Les Guerriers du Bronx"...
- Maestro, vous êtes un génie !
- Je sais, je sais… »


*En fait, le véritable nom de Joshua Sinclair est John Loffredo, c'est un véritable Américain, bien qu'en effet il se fasse parfois appeler Gianni Loffredo.


Une affiche allemande, où le dessinateur en profite pour charger un peu plus la barque


Et vive les vacances aux frais de la production !

- Rico -
Moyenne : 2.42 / 5
Rico
NOTE
3.5/ 5
Nikita
NOTE
1/ 5
MrKlaus
NOTE
3.5/ 5
Kobal
NOTE
2/ 5
Jack Tillman
NOTE
2/ 5
Drexl
NOTE
2.5/ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation

"- Dis donc Roberto, tu savais que les Américains ont sorti 4 éditions DVD-R de notre film ?!
- Si maestro, tous les passionnés de cinéma italien s'y sont mis ! Les habitués de "Bijouflix", en région 1 en anglais sous-titré italien, ceux de "Luminous" en anglais avec des sous-titres grecs, "Digital Conquest" en anglais avec sous-titres japonais tout comme la version de "Midnight Movies" avec en plus les bandes-annonces de "Crocodile II" et "Robowar"
- Les gourmands !! Et en France ?
- "Mad movies" l'a édité dans son numéro 188, en conservant l'affiche originale.
- Des gens de goût...
- Oui mais maestro, ces malfaisants de chez "Intégral" ont ressorti un "Squale" pillant sans états d'âme le visuel de votre film, pour y coller le tout minable "Shark Attack 1" !
- Ah les salauds, oser piétiner comme ça mon oeuvre !! Mais c'est du plagiat, une atteinte au copyright... ils n'ont vraiment honte de rien ! Tient je devrais leur faire un procès...
- Maaa... franchement maestro, je ne suis pas certain qu'on soit les mieux placés pour..."

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