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Santa Claus


Santa Claus

Titre original : Santa Claus

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :René Cardona, Sr

Année : 1959

Nationalité : Mexique

Durée : 1h30

Genre : Noël au Mexique, nanar horrifique

Acteurs principaux :Jose Elias Moreno, José Luis Aguirre, Lupita Quezadas, Pulgarcito, Armando Arriola

Nikita
NOTE
2/ 5

Le film de Noël est un genre assez risqué. Soit on réussit un classique instantané, soit on accouche d’une grosse dinde aux marrons indigeste et mal fourrée. Mais il arrive que, parmi les navets familiaux mièvres et dégoulinants de sucre, se niche une véritable friandise acidulée et explosive. C’est le cas de ce « Santa Claus » mexicain concocté par l’esprit malade de René Cardona Sr. et passé à la postérité par le fait d’un distributeur américain aussi avisé qu’insane.




Tourné en 1959, ce film, non content d’être l’une des pires œuvres pour enfants jamais mitonnées par des grouillots de la caméra, est une aberration à tous les niveaux : il s’agit en effet d’une opération largement commerciale destinée à accompagner l’importation au Mexique du personnage du Père Noël. Le barbu en houppelande fut en effet longtemps largement inconnu du public local, dont les traditions attribuaient plutôt aux Rois Mages la tâche de distribuer les cadeaux aux enfants. Importé des Etats-Unis, le Père Noël s’imposa progressivement au Mexique, ce film surfant opportunément sur la vague. Cela ne serait encore rien si nous n’étions pas en présence d’une authentique monstruosité du cinéma, une crétinerie confite dans le jus d’idiotie et assaisonné à la débilité extra-forte. « Santa Claus », de Cardona, c’est du costaud et du brutal, du n’importe quoi à tous les étages, c’est le tabasco du nanar, bien plus intéressant que la superproduction américaine homonyme des années 1980. On ne saurait trop remercier Arte d’avoir, un jour de démence, programmé ce chef-d’œuvre dont la copie circule depuis entre les mains de certains nanardeurs poisseux et grimaçants.


Papa Noël dispose ici de rennes mécaniques (en mousse !) qu’il remonte avec une clé à molette.


Non mais qu’ils sont laids !



Ici, nous sommes dans le domaine du cinéma bis mexicain, un univers fait de bric et de broc, où la naïveté brute de décoffrage dispute le terrain à une roublardise éléphantesque. Le Père Noël vu par les Sud-Américains ne vit pas au Pôle Nord, mais dans un palais dans les nuages, entouré non pas d’elfes mais d’une troupe d’enfants issus de tous les pays du monde, dont on se demande d’où ils viennent, comment il les a recrutés et s’il les paie seulement.


Le Village dans les nuages.


Papa Noël et ses elfes stagiaires.


Y’a même un petit Japonais habillé en samouraï.



Mais non content d’habiter dans un décor de carton-pâte, le Père Noël a un ennemi : Lucifer en personne ! Le Prince des ténèbres en a en effet plus qu’assez de voir la joie et la sérénité régner chaque année parmi les enfants du monde : un peu radin sur les moyens à mettre en œuvre, il charge Precio, diable de seconde zone, de saboter la mission de Papa Noël en l’empêchant d’amener des cadeaux aux enfants. Cependant, muni des précieux artefacts magiques préparés par son assistant Merlin l’enchanteur, le Père Noël est parti en mission, inconscient du danger. L’infâme Precio parviendra-t-il à empêcher les chiards du monde entier de recevoir leurs cadeaux ?


Merlin l’enchanteur.


Ce fumier de Precio, le diable le plus loser de l’enfer.



Non content d’ajouter des éléments bizarroïdes à la figure, alors relativement méconnue au Mexique, du Père Noël (château dans les nuages, mélange de symboliques chrétiennes et païennes, collaboration avec Merlin l’enchanteur), le film s’acharne à rendre l’imagerie des fêtes de fin d’année totalement insupportables à force d’en rajouter sur le terrain des bons sentiments de la mièvrerie dégoulinante. Au bout d’un moment, on a le sentiment de recevoir en permanence un torrent de miel et de mélasse sur le coin de la gueule. Vouloir faire un film pour enfants, c’est bien ; prendre les enfants pour de parfaits crétins, c’est mal.


Le diable tente de corrompre les enfants.



Lupita.



L’un des personnages récurrents du film est une fillette pauvre, Lupita, qui voudrait avoir pour Noël une poupée que sa mère ne peut lui offrir. La gentille petite fille va donc être tentée par Precio, qui l’incite à voler une poupée à un marché couvert. Et c’est là que se rappelle à notre souvenir… la voix off ! « Oh, non, Lupita, ne fais pas ça ! » s’écrie un narrateur anonyme.





Damned ! Elle est allée ramener la poupée !



Hé oui, car le film entier est commenté en voix off de la manière la plus crétinisante qui soit. Peut-être pour donner un peu de rythme à l’action, le narrateur commente en effet l'action du récit de la manière la plus pléonastique qui puisse se concevoir. Par exemple, lors d’une apparition de Precio : « Aaay, ma voici lé diable ! ». Car, de surcroît, la version "française" diffusée sur Arte nous gratifie d’un commentaire en français (alors que les dialogues des comédiens sont en espagnol sous-titré) prononcé avec un accent hispanique stéréotypé particulièrement crispant et une emphase à se taper la tête contre les murs d’exaspération.


« Oh ma qu’ils sont beaux, les rennes magiques de Santa Claus ! » (texto)



La voix off n’est cependant pas le seul facteur d’horreur et d’épouvante distillé d’un film conçu sous le signe du mauvais goût à tous les étages. Décors et accessoires hideux, avec une mention toute particulière pour le super-ordinateur grâce auquel le Père Noël peut surveiller tous les enfants du monde, dont la bouche géante et le télescope rétractile sont particulièrement obscènes ; cabotinage frénétique des acteurs (le Père Noël, à force de surveiller les enfants à la longue vue, a parfois l’air d’un vieux voyeur aux intentions pas catholiques), niaiserie insupportable… Le traumatisme esthétique du film est si violent qu’il a sans nul doute donné naissance à une génération entière de psychopathes serial-killers. Ce n’est pas un film de Noël, c’est « Voyage au bout de l’horreur ».



L’ordinateur magique.


Papa Noël ou pervers pépère ?



Non content d’ajouter la nunucherie extravagante du propos à la laideur visuelle, le film se permet en outre des gags à la Philippe Clair, comme lorsque le Père Noël s’attaque aux fesses du diable avec sa seringue à ressort. Idiot, bêtifiant, moralisateur, « Santa Claus » semble tout entier voué à entraîner le spectateur vers une cauchemardesque régression au stade anal. On regrettera juste l’aspect outrageusement simpliste du récit, qui l’amène à une résolution un peu banale et l’empêche de verser dans un délire total. Il n’en reste pas moins une vision particulièrement horrifiante de ce que le cinéma pour enfants peut nous offrir de pire.




Papa Noël est un sadique !



Un mot sur l’histoire de l’exploitation de ce « Santa Claus » mexicain : comme il a été indiqué plus haut, le film fut racheté pour une poignée de pesetas par K. Gordon Murray, distributeur spécialisé dans l’achat, le doublage et la distribution aux Etats-Unis de films étrangers, notamment sud-américains. Grâce à quelques astuces de marketing, Murray rentra largement dans ses frais et se débrouilla pour distribuer et redistribuer le film à l’infini en période de fêtes, faisant de cet obscur bis mexicain un quasi-incontournable des programmes américains durant les années 1960 et 1970, traumatisant ainsi des milliers de gamins que leurs parents inconscients abandonnaient devant la chose. Quelques années plus tard, c’était 68, les hippies, la drogue et Woodstock. Quand on vous disait que l’importation de films métèques nous conduisait à la chienlit !

En attendant, n’hésitez pas : si vous voulez pourrir un réveillon de Noël, passez une copie de « Santa Claus ». Ambiance sinistre, mines déconfites et pleurs des enfants garantis ; insatisfait ou remboursé !

- Nikita -

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

Son mini-statut d’oeuvrette culte aux Etats-Unis a valu à ce film plusieures rééditions en DVD Zone 1 chez "Vci Video"dans la version originale ou américaine. En France, il ne semble pas avoir fait l’objet d’une quelconque distribution, malgré l’existence d’une simili-VF (seule la voix off étant « doublée », comme indiqué dans la chronique) qui a peut-être été concoctée tout spécialement par l’équipe d’Arte ; merci les gars, c’est sympa. On se vengera !)




Affiche mexicaine.


Affiche américaine.



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