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Scorpion Thunderbolt

(1ère publication de cette chronique : 2010)
Scorpion Thunderbolt

Titre original : Scorpion Thunderbolt

Titre(s) alternatif(s) :Snake

Réalisateur(s) :Godfrey Ho

Année : 1985

Nationalité : Hong Kong

Durée : 1h26

Genre : De tout au meilleur prix

Acteurs principaux :Richard Harrison, Juliet Chan, Maura Fong, Bernard Tsui, Nancy Lim, Cynthia Ku, Samson Kim, Tony Man, Cathy Evan

John Nada
NOTE
3/ 5


La magie noire, la violence, la perfidie, la peur, le mythique, le kung-fu, l'érotisme et une intrigue policière sont les huit raisons pour lesquelles vous ne devez rater ce film sous aucun prétexte. C'est pas moi qui l'dit, c'est la bande-annonce de Scorpion Thunderbolt. Une bande-annonce dont on saluera le bel esprit de synthèse et l'incomparable puissance argumentative : on tient là en effet un exemple malheureusement trop rare de bande-annonce qui, en s'efforçant de rationaliser toute la richesse thématique d'une œuvre, pré-mâche efficacement le travail du critique. Merci à toi le concepteur de la bande-annonce de Scorpion Thunderbolt, hardi travailleur de l'ombre, noble héros anonyme, car grâce à toi le plan de cette chronique est tout trouvé ! Plus qu'un simple 2-en-1 de chez IFD, c'est carrément du 8-en-1 que tu nous promets ici, avec une voix aux inflexions de camelot en pré-retraite et une musique piquée à John Lennon. Merci à toi le vendeur de rêve !


La bande-annonce de Scorpion Thunderbolt concentre tout le charme et la magie du cinéma bis le plus décomplexé, où les productions les plus misérables sont souvent celles qui claironnaient le plus bruyamment pour racoler le gogo dans les cinémas de quartiers. La bande-annonce de Scorpion Thunderbolt, c'est un pur bijou qui justifie à lui seul l'existence de Nanarland et nous rappelle avec un foudroyant sens de l'à-propos une des raisons d'être de ce site : porter à l'auguste lumière de la connaissance universelle les artefacts filmiques aussi mauvais que sympathiques ayant sombré dans les noirs précipices de l'oubli.




T'aimes le Kung-fu et l'Erotisme ? Alors achète mon film, il est beau mon film ! Et le Mythique, tu aimes le Mythique ? Non ? Et la Perfidie ?


Maintenant, que vaut le film en lui-même ?
Comme c'est souvent le cas dans les productions 2-en-1 de chez IFD, l'histoire de Scorpion Thunderbolt est à la fois fort simple et fort compliquée. Dans le métrage vampirisé par Godfrey Ho et Joseph Lai (pour celles et ceux qui ne seraient pas familiers avec les techniques frauduleuses du duo, je vous renvois à la définition du "2-en-1" qui figure dans notre glossaire), un monstre mi-homme mi-serpent sème la terreur dans une ville d'Asie indéterminée. En gros, il ressemble à un Godzilla à taille humaine, sauf que du coup, à défaut de pouvoir écrabouiller des immeubles, il se contente de quelques meurtres nocturnes comme un banal tueur en série. Un inspecteur de police pas franchement finaud mène l'enquête...


Sur ce canevas scénaristique grossier comme une semelle d'espadrille, Godfrey Ho a greffé tant bien que mal quelques scénettes tournées avec un Richard Harrison frais émoulu de la Gweilo Académie. Dans ces séquences distinctes, Ho tente de nous faire croire qu'une sorcière de Prisunic contrôle le monstre reptilien et le pousse à tuer, que seule une bague magique peut lui ôter ses pouvoirs à elle, et que cette bague, et bien c'est justement ce bon vieux Richard qui la porte au doigt. Du coup, la sorcière envoie de temps à autre un sbire ou une sbirette pour tenter d'occire notre héros. Pourquoi ne pas simplement envoyer le monstre-serpent s'acquitter de la besogne ? Parce que Richard Harrison et lui ne figurent pas dans le même film, bien sûr...


"La magie noire, la violence, la perfidie, la peur, le mythique, le kung-fu, l'érotisme et une intrigue policière sont les huit raisons pour lesquelles vous ne devez rater ce film sous aucun prétexte..." Analyse !

LA MAGIE NOIRE


La magie noire, c'est avant tout une question d'ambiance : dans une pièce sommairement meublée, une sorcière assise sur un tabouret promène ses mains munies de faux ongles en carton autour d'une boule lumineuse achetée au bazar du coin.


La sorcière du diable, reine des scorpions et des faux ongles en carton.


Immédiatement, on comprend que cette sorcière là est une proche cousine de Monica, son homologue de Crocodile Fury. A côté d'elle, on a posé une bassine d'eau dans laquelle se contorsionne une malheureuse anguille éclairée au néon rouge. Sur fond de zoui-zoui sonores bidouillés au theremin, la sorcière se lève parfois pour exécuter quelques mouvements de chorégraphie aussi raides que peu inspirés, sous un éclairage stroboscopique aux couleurs outrageusement criardes sans doute censé illustrer son profond état de transe.


La magie noire dans Scorpion Thunderbolt, c'est aussi un maître des serpents qui se ballade dans des ruelles à la nuit tombée en jouant du flutio.

 

LA VIOLENCE


Pas de cinoche d'exploitation sans VIOLENCE, cette violence racoleuse, vicieuse et crapoteuse dont sont avides les unsophisticated audience qui en veulent pour leur argent (20 francs le ticket à l'époque). Scorpion Thunderbolt sait à qui il s'adresse, et offre donc son lot de scènes-choc, comme cet amant éconduit qui attache une drôlesse en position assise, jambes écartées sur la moquette, et lui envoie des boules de billard en plein dans l'origine du monde, ou cette femme qui allaite un bébé mi-humain mi-serpent et se fait mordre le sein dans un grand geyser de gore grumeleux.


Une violence sordide, volontiers arrosée de gros rouge qui tache et que distillent les scènes que n'a pas tournées Godfrey Ho, c'est-à-dire celles piquées à un film obscur que notre collègue espagnol Jesus Manuel Perez Molina a identifié comme étant une co-production entre Taïwan et le Corée du Sud datant de 1983, et connue sous le titre "Grudge of the Sleepwalking Woman" ("Mongnyeohan" en coréen).


Jeux de mains...


...jeux de Chinois !


LA PERFIDIE


A défaut de talent, voilà un élément qui ne semble pas avoir manqué à Ho & Lai dans l'élaboration de ce Scorpion Thunderbolt. Ingrédient indispensable à tout "2-en-1", la filouterie légendaire de nos Arsène Lupin des videoclubs transparaît ici dans le dépeçage crapuleux d'un film qu'ils n'ont pas tourné, dans l'enculage à sec avec du gravier – métaphoriquement parlant – de Richard Harrison (même si au final l'acteur semble s'être moins fait berner que ce qu'il a bien voulu nous dire en interview) et le viol répété du copyright via l'emprunt d'un grand nombre de musiques picorées à droite à gauche. Une pratique dont IFD n'avait certes pas l'apanage (c'était même courant dans l'industrie HK de l'époque), mais qui transforme la projection de Scorpion Thunderbolt en joyeux concours de blind test. Auront été reconnus, en vrac : le Watching the Wheels de John Lennon, des bouts de BO de Carrie, L'Exorciste 2, Star Wars, Indiana Jones, Les Dents de la mer, du Jean-Michel Jarre, et la chanson Power Tools du groupe Planet P Project.


Indiana Thunderbolt, un film avec Richard Harrison Ford (alias L'Aventurier Archi-Perdu).


LA PEUR


Bon, là soyons francs : seuls les bambins en bas âge et quelques rombières de l'Office Catholique pourront frissonner d'angoisse devant un tel spectacle. Pour les autres, les réactions oscilleront entre l'ennui poli, la pure consternation et la franche rigolade.


En revanche, si l'on considère que la peur la plus primale, la plus instinctive, c'est la peur du noir, alors il faut concéder à Scorpion Thunderbolt une approche formelle pertinente : en fin de métrage, les scènes nocturnes proprement illisibles abondent et le spectateur en est réduit à tirer des conjectures hasardeuses à partir de ce qu'il entend ("RRROARRR !" "Hiiiiiiii !" - tiens, quelqu'un a dû mourir). Ce choix artistique osé (qui a dit incompétence ?) se révèle tout de même plus agaçant qu'anxiogène.


LE MYTHIQUE


En annonçant du "mythique", la bande-annonce faisait sans doute référence au redoutable monstre reptilien et à l'épais mystère qui l'entoure (à moins qu'il ne se soit agit que de placer un mot qui sonne bien pour survendre le bouzin), mais objectivement, la seule vraie figure mythique de Scorpion Thunderbolt, c'est Richard Harrison, notre moustachu hédoniste préféré, dont on admirera ici la sublime impassibilité. L'acteur, lucide, sait qu'il n'a jamais atteint des sommets : en tournant ce film, il a dû se dire qu'il pourrait difficilement tomber plus bas. A tort bien entendu, puisque son front d'hidalgo allait bientôt être souillé par les bandeaux ninja de l'ultime disgrâce...


Richard Harrison, qui traverse le film sans un lever de sourcil.


Le spectateur familier avec la filmographie de Richard Harrison mesurera lui aussi sa déchéance à l'aune de sa petite gloire passée, hier jeune apollon couronné roi du bis italien pour ses rôles de gladiateur invincible, soldat valeureux, espion décontracté, pirate, cowboy, aventurier, super flic, d'abord rabaissé au rang de Tom Selleck d'arrière-cour chez Eurociné et aux Philippines, puis définitivement destitué à Hong Kong dans ces productions IFD qu'il qualifie lui-même de "films les plus nuls de l'histoire du cinéma".


Richard Harrison, acceptant son sort avec stoïcisme, tel une vierge vouée au sacrifice d'un pittoresque démon chinois.


LE KUNG-FU


Bien qu'il s'agisse d'une production hongkongaise, n'espérez pas trouver ici des prouesses acrobatiques dignes d'un Donnie Yen ou d'un Jet Li. Contrairement à ses films de ninja, où le port de la cagoule permettait un recours systématique à une doublure svelte et bridée, c'est bel et bien Richard Harrison qui fait ici le coup de poing face à des sbires stagiaires dont n'aurait même pas voulu un parrain philippin à la Mike Cohen.


A chaque problème sa solution : contre la prolifération des sbires en débardeur bleu...



...il y a Richard Harrison.


En fait de kung-fu, on assiste donc à de plates distributions de beignes selon un schéma immuable : un sicaire, invariablement vêtu d'un discret débardeur bleu à tête de mort, vient tenter d'en finir avec Richard Harrison. Furieux qu'on le dérange en plein footing ou au beau milieu d'une série de pompes, celui-ci s'emploie alors à le tabasser jusqu'à ce que mort s'en suive. Pour conclure par un bel hommage à Peckinpah, le sbire défait s'en va généralement s'écrouler dans un interminable ralenti sur une table de jardin couverte de chips, de pelures d'oranges et de canettes coca-cola vraisemblablement vides.


Bien visé Richard !


L'EROTISME


Hormis quelques brefs plans-cuisse et une scène de douche assez chaste – où une donzelle en plein shampooinage est attaquée par le monstre dans une sorte de remake reptilien de Psychose complètement idiot – le potentiel érotique de Scorpion Thunderbolt se concentre avec l'énergie du désespoir sur la plastique filiforme d'une gweilette vulgos aux allures de junkie.




Hommage à Hitchcock.



« L'érotisme » selon IFD. Du grand art !


Après avoir pris la dame en stop (elle venait de lui montrer ses seins, merde quoi, la classe), ce gentleman de Richard entreprendra vite de lui faire goûter aux étreintes fougueuses du gladiateur invincible. Quel homme !


En même temps, pas évident de résister à un effeuillage sur du Jean-Michel Jarre (le morceau Oxygene 4 et son antique synthé VCS 3, dont les vertus émoustillantes ne m'avaient pas franchement frappé jusque-là). Sacré Godfrey ! Il faut quand même être un grand malade pour voir un clip avec des manchots sur la banquise et se dire "Tiens, je vais faire copuler Richard Harrison et une touriste anglaise sur cette musique dans mon prochain film, ça plaira sûrement au public occidental".


La gweiloploitation, version post-moderne de la traite des blanches (mais bon, comme c'est pour le bien de la culture on dira rien).


Ceci dit, notre réal' quasi-préféré ne perd jamais le Nord puisqu'il profite de cette séquence pour se livrer à son passe-temps favori : le reyclage. La gweilette en question (Cathy Evan) se présente en effet comme une comédienne, et invite notre héros à venir admirer ses prestations en privé dans une petite salle de cinéma. Sur l'écran sont en fait projetées des scènes de Majestic Thunderbolt – autre production de Ho & Lai tournée quelques mois plus tôt – dans lesquelles la même Cathy Evan s'adonnait aux joies du bondage et du bodypainting avec Philip Ko, acteur-réalisateur maison d'IFD. Y a pas d'petites économies ma bonne dame !


Au premier plan, Cathy Evan se dandine. Au second plan, la projection d'une scène de Majestic Thunderbolt, avec la même Cathy Evan et Philip Ko.

 

UNE INTRIGUE POLICIERE


Alors là je dis "MENSONGE", je dis "BALIVERNES", "RAGOTS D'ENFANT EN BAS AGE" et autres "ELUCUBRATIONS DE SYCOPHANTE AVINEE". Non franchement, "2-en-1" oblige, la narration accumule les coq-à-l'âne douteux, sans même se donner la peine de lier la sauce avec une voix off pour résumer l'intrigue (procédé grossier mais efficace) ni amener les acteurs à soliloquer pour faire régulièrement le point sur la situation. A la limite, on se serait satisfait d'un banal dialogue téléphonique entre le monstre et la sorcière, mais visiblement ils n'ont pas osé, allez savoir pourquoi. A charge donc au spectateur de comprendre de quoi il retourne...


LA MAGIE NOIRE !


LA VIOLENCE !


LA PERFIDIE !


LA PEUR !


LE MYTHIQUE !


LE KUNG-FU !


L'EROTISME !


ET UNE INTRIGUE POLICIERE...


...sont les huit raisons pour lesquelles vous ne devez rater ce film sous aucun prétexte. CQFD !


J'vais t'en donner moi du Mythique, tu vas voir...

- John Nada -
Moyenne : 2.69 / 5
John Nada
NOTE
3/ 5
Rico
NOTE
2/ 5
Labroche
NOTE
2.75/ 5
Jack Tillman
NOTE
3/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation


Le poster original de Grudge of the Sleepwalking Woman / Snake Woman, film taïwano-coréen de 1983 qu'IFD a cannibalisé pour réaliser Scorpion Thunderbolt.

Comme c'est souvent le cas avec les productions IFD des années 80, Scorpion Thunderbolt a fait l'objet d'éditions nombreuses et variées, mais pas forcément évidentes à acquérir.


Une édition VHS de "Grudge of the Sleepwalking Woman".



Une affiche thaïlandaise du même "Grudge of the Sleepwalking Woman".


Côté DVD, on le trouve aux Etats-Unis dans une édition double aux côtés du kung-fu flick "One Foot Crane", chez Ground Zero, dans une collection "Animal Masters" qui semble réunir un peu tout et n'importe quoi pourvu qu'il y ait un nom de bestiole dans le titre.


Toujours en DVD, toujours aux Etats-Unis, est sortie chez Videoasia une autre édition double-programme à bas prix. Il s'agit du volume 5 de la collection Tales of Voodoo, qui réunit cette fois notre film avec "A Dog Called... Vengeance", film espagnol de Antonio Isasi-Isasmendi daté de 1976.


Incroyable mais vrai, la VF de ce film existe sur support DVD ! Remercions pour cela nos camarades espagnols Domingo Lopez (Asian Trash Cinema) et surtout le passionné hardcore Jesus Manuel Perez Molina, qui nous ont sollicité pour sortir ce film en Espagne, dans une édition double aux côtés de "L'Exorciste" version Bollywood. Avec notre modeste concours, "Scorpion Thunderbolt" figure donc sur cette galette en VHS-rip (mais de qualité correcte) avec pistes son espagnole et française, ainsi que notre docu sur Richard Harrison entre autres bonus. La crise économique démarrée en 2008, et qui a frappé l'Espagne plus durement encore qu'ailleurs, a pourtant bien failli avoir raison de ce beau projet. Après avoir été repoussée puis annulée, la sortie de ce DVD s'est finalement faite sous la bannière d'un autre distributeur, "Tema Distribuciones". Cette sortie semble néanmoins assez confidentielle, puisqu'on n'en trouve mention que sur la version espagnole d'Amazon...


Pour voir Scorpion Thunderbolt en VF, il faut sinon arriver à mettre la main sur une des éditions VHS d'époque, chez Moonlight Productions sous le titre "Snake", ou celui de "Scorpion Thunderbolt" chez BM Productions ou Magical Moments (il s'agit en fait du même éditeur). Une fois n'est pas coutume, le film est proposé dans son format d'origine (CinemaScope 2,39:1), alors que les versions espagnole, grecque, japonaise etc. sont toutes recadrées en 4/3.








Une VHS espagnole...



...une allemande (visuel de toute beauté !)...



...une japonaise...



...une grecque...



...et une russe (ou bien une autre grecque ?), avec des visuels et des crédits d'autres productions IFD.

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