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SFX Retaliator


SFX Retaliator

Titre original : SFX Retaliator

Titre(s) alternatif(s) :The Heroin Deal

Réalisateur(s) :John Gale (Jun Gallardo)

Année : 1987

Nationalité : Philippines

Durée : 1h25

Genre : F/X, effets spécieux

Acteurs principaux :Gordon Mitchell, Linda Blair, Nick Nicholson, Christopher Mitchum, David Light, Jim Moss, Steve Rogers, Christine Landson

Isatis
NOTE
3/ 5

La présence au générique de Christopher Mitchum, le clone mou de son illustre père, qualifié par certains "d'acteur le plus anémique au monde", et qui ferait passer l'inspecteur Derrick pour un émule de Samy Nacéri, avait de quoi faire saliver. Le voir partager l'écran avec Gordon Mitchell, le rescapé de toutes les modes du cinéma bis et l'archi-has-been Linda Blair avait de quoi faire frétiller. Les voir réunis dans un film philippin datant de l'époque où l'archipel usinait au kilomètre des sous-séries Z pseudo-américaines pour l'exportation avait de quoi faire japper de joie. Autant dire que le visionnage de « SFX Retaliator » prenait l'allure d'un véritable voyage ethnologique au pays du nanar.

Avant toute chose, il convient de dire deux mots sur la musique de ce film... Car dès le début, alors même que le titre tressaute encore sur l'écran, le spectateur averti a déjà compris que la musique qu'il entend marquera à jamais son inconscient. Une sorte de soupe romantico-disco mielleuse à souhait qui, d'un bout à l'autre du film, sera TOUJOURS complètement à côté de la plaque. Comme si le compositeur avait cherché à se mettre au diapason du non-jeu total de Chris Mitchum. Dès lors, il est tout bonnement impossible de regarder sérieusement ce film, rien qu’à cause de l'ambiance totalement décalée dans laquelle nous plonge la BO. Mais passons à l'histoire en elle-même.

Nous sommes aux Etats-Unis, du côté du Milwaukee, et une guerre sans merci oppose deux caïds locaux, Mancini (David Light, qui a promené sa sale gueule dans un bon nombre de Z philippins) et Morgan (Gordon Mitchell, de passage dans l'archipel) dont les hommes de main s'échangent régulièrement des amabilités à grandes rafales de M-16. Bon, en fait de Milwaukee, on est aux Philippines et ça se voit un peu : mais on s'en fout, de toutes manières, un film avec le très zen Chris Mitchum, on a toujours l'impression que c'est tourné dans un monastère bouddhiste…


Cette campagne du Milwaukee ressemble fort à celle qui servit de décor à la célèbre poursuite en voiture de « Slash le Découpeur ».


Gordon Mitchell.

David Light, déjà méchant dans « Les Massacreurs ».

Donc c'est la guerre entre les gangsters, qui cherchent tous les moyens possibles pour se faire des crasses. La dernière en date, c'est Doris (Linda Blair) qui chourave 1 million de dollars à Morgan pour aller les donner à l'autre, Mancini. Franchement, c'est pas sympa de sa part, mais bon, elle a ses raisons aussi. Morgan a fait tuer ses parents sous ses yeux, alors qu'elle n'était encore qu'une jeune enfant innocente aux yeux bridés. Oui vous avez bien lu, Linda Blair enfant avait les yeux bridés...



Adulte, elle est comme ça.

Bah oui, c'était ça ou prendre des stock-shots de « L'Exorciste ». Et puis merde, quoi, aux Philippines, on n'avait pas d'enfant blanche disposée à jouer le rôle de Linda gamine. On fait avec ce qu'on a, zut à la fin ! Heureusement que le film n'a pas été tourné au Cameroun, Alphonse Beni aurait imposé sa fille dans le rôle de Linda enfant en plus de s'attribuer le rôle principal (ce qui aurait été un progrès par rapport à Christopher Mitchum, soit dit en passant).


Gordon est colère, car il est trahison.

Bref, le gars Morgan l'a un peu mauvaise, ce qui donne l'occasion à Gordon Mitchell de nous gratifier de quelques-unes de ces mimiques impayables dont il a le secret. Linda pourrait se préparer à passer un sale quart d’heure, mais c'était compter sans notre héros des temps nouveaux, j'ai nommé Steve Baker alias Christopher Mitchum ! Chris passait par hasard dans le coin, et il va se retrouver malgré lui embourbé au cœur de l'embrouille. Il commence par sauver la mise de Doris au cours d'une scène absolument mythique. Alors que cette dernière est sur le point de se faire plomber le buffet par les sbires de Morgan, elle arrête la première voiture qui passe, celle de Chris, et le convainc de la prendre à bord. Pendant ce temps, la demi-douzaine de types armés jusqu'aux dents ne semble pas réagir... Ah si, finalement, ils se décident à braquer nos deux amis. Plutôt longs à la détente, ces truands hypra-dangereux.


Bon maintenant on arrête de déconner...


Chris Mitchum, fidèle à lui-même, reste absolument zen, sort une grenade de sa poche et la dégoupille : "attention, si je la fait tomber on saute tous...". Imaginez un épagneul breton cancéreux en phase terminale déclamant cette phrase et vous aurez une idée assez juste de l'effet produit.

Forcément les méchants hésitent, Chris lance la grenade et en profite pour s'enfuir avec Linda. Et la grenade ? Ben elle pète pas, car c’était une fausse ! Hé oui, le boulot de Steve Baker, qui cachait très fort ses compétences professionnelles sous ses airs de Droopy sous lexomil, c'est technicien en effets spéciaux dans le cinéma ! Il se balade d'ailleurs la plupart du temps dans un superbe camion badigeonné de couleurs hurlantes (on n'ose même plus dire criardes) avec l'inscription "Steve Baker - FX". Comment ? Vous dites que c'est tout copié sur « F/X, effets de choc », qui avait bien marché l'année précédente ? Même que Bryan Brown y était bien plus convaincant que Christopher ? Mais vous êtes méchants, vous ! Incapables d'apprécier le cinéma du Tiers-monde à sa juste valeur. Bref, s'ensuit une poursuite homérique entre les méchants et notre Mitchum junior, qui reste aussi zen qu'une tranche de rôti.

Donc voilà, Chris gare sa passoire devant un bar, Linda descend sans lui dire ne serait-ce qu'au revoir et Chris essaie vainement de lui adresser un sourire niaiseux. Et là franchement, on ne peut s'empêcher d'avoir de la compassion pour le pauvre gars. Il prend en stop une jolie fille, on lui ruine sa bagnole, et la fille le laisse en plan tranquillos sans qu'il dise un mot, sans même qu'il ne pose une question...


Bon ben à la prochaine hein...

Ouais c'est ça...

Christopher retourne donc à son boulot pour faire exploser des décors en carton pour un mauvais film de guerre... Le nanar à l'intérieur du nanar, ou le principe de la mise en abyme. Sans doute la production voulait-elle rentabiliser au maximum décors et costumes de l'un de ses films de guerre de prestige (« Ultime Opération Suicide : Mission Cambodge », ou autres titres interchangeables). Cela permet de voir passer d'autres têtes connues du nanar philippin : pour un peu, on se croirait dans le making-of de « Commando Massacre ».

Morgan, pas content, fait enlever Kate, la femme de Steve. Le deal est simple bonhomme : ta femme contre mon million de dollars. Mais notre héros a des nerfs d'acier et n’exprime… strictement aucune émotion. Mieux que Steven Seagal.


Cet homme vient d'apprendre le kidnapping de sa femme.

Errant dans la ville comme un chien qui a perdu son maître, notre héros voit sa quête molle accompagnée par une chanson tellement mauvaise qu’elle a dû être composée pour le film (personne n’en aurait voulu ailleurs, c’est pas possible, sinon).
Tentative de retranscription des paroles :
"Please somebody know the reasons why
Someone takes my love away from me
I got myself the stranger over run
[Inaudible]
I got to find this woman ??
Take the money back before it's too late
She's my girl until the end"

Et elle se répète en boucle pendant toute la scène. Affreux.
Pris entre deux feux, Baker va patauger stoïquement dans les emmerdes d'un bout à l'autre du film avec autant d'aplomb qu’un caillou dans un verre de Ricard. [NdlR : Dis donc Isatis, tu as conscience que cette phrase ne veut rigoureusement rien dire !] Heureusement, ce Monsieur FX, roi de la bricole, a truffé sa baraque de pièges qui font peur à base de lumière rouge et de squelettes en plastique...


On sent bien que les scénaristes ont décidé d'exploiter jusqu'au bout le concept du "spécialiste en effets spéciaux de cinéma", mais on le dirait plutôt technicien moyennement compétent pour mauvais train fantôme de fête foraine. Voir des malfaiteurs très dangereux armés de M-16 prendre la fuite comme des gamins apeurés face à des pièges aussi grotesques achève de faire sombrer le film dans des profondeurs inexplorées depuis le Titanic, et le spectacle de Chris se carapatant en pilotant sa propre voiture à distance grâce à une télécommande vient nous donner le coup de grâce.

Ne s’embarrassant pas trop de sentiments, Chris réussit à retrouver Linda et à la convaincre de l'accompagner. Enfin c'est surtout son flingue qui la convainc car son regard d’épagneul mourant n’y aurait peut-être pas suffi.



Des sbires qui passent un mauvais quart d'heure.

Mais les embrouilles ne sont pas terminées pour notre héros. Après divers retournements de situations, chausse-trapes, morts débiles, et la disparition stupide du personnage de Linda Blair (dont le cachet devait être trop élevé pour qu’elle reste plus longtemps sur le plateau), Chris/Steve mettra à profit sa science des effets spéciaux pour occire les méchants à coups de gadgets ineptes. A titre d’exemple, son vieux break Chevrolet pourri se révèlera un engin de guerre plus performant que K2000, bardé de fumigènes, mitrailleuses et autres lances-missiles. Le tout commandé par de gros boutons lumineux fixés sur une plaque de contreplaqué.


James Bond et Weng Weng peuvent aller se rhabiller.

A l'heure de la vengeance, Chris Mitchum est colère. Il retourne chez lui et bricole pendant des heures, ce qui nous ramène à ces fameuses scènes récurrentes de « L’Agence tous risques », où les héros bricolent bagnoles et armes de la mort qui tue. Sauf que là, on a Chris tout seul, ce qui ressemble un peu aux vidéos sur les ponceuses qui passent en boucle chez Mr. Bricolage.


Avec le MultiBricolo de chez Castorama, vous pouvez poncer, couper, cisailler, écarteler et même polir tout type de matériaux.


Mais puisque je vous dis qu'il y a un tank en carton garé en double file devant chez moi !

« SFX Retaliator » a tous les éléments d’un bon nanar policier made in the Philippines : scénario en carton bouilli fait de bric et de broc avec des éléments plagiés ailleurs, mise en scène molle et surtout, acteurs en plastique. La grosse majorité du casting, oscillant entre sous-jeu anémique et surjeu crispé, fait preuve d’une incompétence flagrante que la VO anglaise – on suppose qu’il s’agit des vrais voix de la plupart des acteurs – ne fait que souligner. La production a manifestement raclé les bas-fonds des occidentaux présents dans l’archipel : si le casting le moins exigeant aurait refoulé sans pitié ces bras cassés en Occident, le réalisateur était manifestement obligé de se contenter de tout ce qui était disponible comme occidental dans les parages. Être blanc aux Philippines dans les années 1980, c’était manifestement assez cool : l’appartenance ethnique était apparemment suffisante pour vous assurer une carrière de mauvais acteur ! Une mention spéciale doit être décernée à David Light, qui réussit l’exploit, dans son rôle de méchant, d’être à la fois très crédible (il a vraiment une sale tronche de rat, ce qui correspond assez bien aux quelques informations dont nous disposons sur ce sympathique expatrié) et pas du tout convaincant (il joue comme une savate).


En ce moment, dans le gweilo, il y a promo sur le brun moustachu inconsistant, ça vous tente ?

Des sbires à têtes de winners.

Il n'est décidément pas bô. S'il évitait de vouloir jouer la comédie, ce serait parfait.

Parmi la piétaille de ces touristes désoeuvrés / hippies alcooliques / vétérans du Viêt-nam restés en Asie / trafiquants de drogue / mauvais comédiens (rayez les mentions inutiles, sauf « mauvais comédiens », qui est une constante), le cinéphile curieux aura le plaisir de reconnaître quelques trognes plus ou moins connues du nanar philippin de l’époque, dans des rôles plus ou moins importants.

 


Jim Moss (à gauche).

Warren McLean.

Steve Rogers (à droite).

Nick Nicholson, largement méconnaissable, car pour une fois imberbe.

Mais la cerise sur le gâteau, c’est Chris. Un comédien paradoxal, car il se montre si inexistant que lorsqu'il apparaît à l'écran, on ne voit plus que lui. Une sorte de phénomène d’absence irradiante. Un magnifique sommet de nanardise est atteint quand les tourtereaux, enfin réunis, au lieu de chercher un abri, se dépêchent de copuler comme des castors – une scène de lit avec Chris Mitchum, ça frôle la nécrophilie – dans leur maison que les méchants des deux camps ont plusieurs fois visitée. On imagine la suite… A peu près aussi intelligent que le syndrome du « un tueur rôde, séparons-nous » des films d’horreur. Clou de la scène de sexe, Kate, en pleine extase, crie à Chris/Steve « Action ! », ce qui nous donne droit à des scènes d’explosion, les mêmes que celles du film sur lequel bossait notre héros. Le cinéma se regarde beaucoup le nombril et le nanar ne fait pas exception. Chris Mitchum, quant à lui, est si inexpressif que même avec une nana à poil entre les pattes il est pas foutu d'exprimer autre chose que l'interrogation d'un teckel sur l'horaire de sa pâtée. Mitchum Junior, le premier héros en état de mort cérébrale.




J'vais t'montrer qui c'est qui porte la culotte à la maison !

Chris Mitchum est... McGyver !


Chris Mitchum est... Rambo !

Ce qui aurait pu n’être qu’un nanar très moyen et potentiellement ennuyeux peut s’avérer une excellente surprise pour le spectateur bien disposé. Ersatz mal foutu de « FX », réduit désormais à un succédané de mode oubliée, « SFX Retaliator » est un bel exemple de série B philippine incompétente. Le fait de disposer apparemment d’un budget un peu plus important qu’un film comme « Laser Force » n’empêche en rien le film de sombrer pavillon bas. Une action plutôt dense, assez peu de temps morts, le non-jeu absolu de Christopher Mitchum, une Linda Blair à gros seins et à chemisiers criards qui se demande ce qu’elle fait là, un Gordon Mitchell qui surjoue un peu pour compenser la prestation de Mitchum Jr, une Christine Landson (Kate) presque aussi amorphe que son mari... Y’a vraiment tout ce qu’il faut : en tout cas, ce film est fortement recommandé à tous les fans de Christopher Mitchum, qui voudraient admirer leur idole en pleine non-action.

- Isatis -
Moyenne : 2.42 / 5
Isatis
NOTE
3/ 5
Nikita
NOTE
2/ 5
Jack Tillman
NOTE
2.25/ 5

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

Bizarre autant qu’étrange. Alors que le marché de la VHS française accueillait tant de produits philippins frelatés, ce film ne semble pas être sorti chez nous. Il a cependant été distribué dans plusieurs pays européens. Un DVD zone 1 existe chez "Digiview Entertainment" mais il est tellement rare qu'on l'a vu proposé à 299,95 $ sur Amazon !


Jaquette néerlandaise.

Jaquette espagnole.


Attention aux faux amis :

Si vous tombez sur cette VHS française : il s'agit d'un autre film, « Prototype », un film de SF archi-mou à fuir séance tenante !



Sur cette VHS néerlandaise aussi, on retrouve un titre trompeur. Mais là, c'est un peu plus normal, puisqu'il s'agit de « Programmé pour tuer » connu aussi sous le nom de « Retaliator », film d'action assez ennuyeux malgré son beau casting.


Quant à celui-là, malgré sa jaquette trompeuse, il s'agit de « Rendez-vous avec le déshonneur », un honorable film italien des années 70 avec Klaus Kinski et Adolfo Celi.

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