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Zaat

(1ère publication de cette chronique : 2014)
Zaat

Titre original : Zaat

Titre(s) alternatif(s) :Attack of the Swamp Creatures, Hydra, Blood Waters of Dr Z, Legend of the Zaat Monster

Réalisateur(s) :Don Barton, Arnold Stevens (non-crédité)

Année : 1971

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h40 (et on les sent passer)

Genre : Bancal comme un poisson hors de l'eau

Acteurs principaux :Marshall Grauer, Wade Popwell, Dave Dickerson, Sanna Ringhaver, Gerald Cruse, Paul Galloway

Jack Tillman
NOTE
1.75/ 5




Ouch ! Celui-là, il était vraiment rude.
"Zaat" est un film tellement mou qu'il serait proche de la purge infâme, du navet intégral, s'il n'avait heureusement pour le défendre des arguments qui nous font aller jusqu'au bout pour voir comment un tel machin peut bien se terminer. Petit topo sur l'histoire : Zaat est le nom de la formule révolutionnaire inventée par un savant fou aux cheveux gras, ancien nazi (tant qu'à faire), frustré, incompris et raillé par ses pairs, et qui a soif de vengeance et de domination du monde. Après avoir adressé un petit speech à ses seuls amis les poissons, au cours duquel il s'est lancé dans de grotesques envolées mélodramatiques ("Mouhouhahaha! Oh, my friends of the deep! This day, I'll become one of you! And together, we'll conquer the Universe! Mouhahaha!"), le savant s'injecte un sérum qui le transforme en mutant mi-homme mi-poisson-chat ! HA HA ! Tremble, misérable et décadente Humanité ! Repend-toi d'avoir pêché et apprête-toi à te prosterner devant tes futurs maîtres, car les poissons s'apprêtent à conquérir la terre ferme !


Le poisson-chat à la conquête du monde (accessoirement, son expression évoque un peu la réaction du spectateur devant le film) !



Les conquérants marchent sur leur nouveau territoire ! C'est la fin de la civilisation ! L'humanité est impuissante face à cette menace rampante !



Reanimator lui doit tout !











Un laboratoire high-tech.


"Zaat" se signale avant tout par un point rare et bienvenu : d'ordinaire, dans un film d'horreur, lorsque le monstre est raté, on le montre le moins possible. Or, ici, le monstre est particulièrement ridicule mais il apparaît TOUT LE TEMPS ! Les rares et courtes séquences où il n'est pas présent à l'écran doivent se compter sur les doigts d'une seule main. C'est vraiment lui la vedette et je dirais même le héros du film. Notre homme-poisson-chat est un craignos monster au design si laid, à la texture si caoutchouteuse, au masque si rigide, à la démarche si balourde et titubante, que rarement un monstre de cinéma censé effrayer le public aura autant ressemblé à un gars dans un costume de fête foraine. Le monstre porte même des chaussures de tennis au détour d'un plan ! Alors quand en plus cette chose pataude est quasiment de tous les plans, filmé le plus souvent en plein jour, en gros plans et sous toutes les coutures (et c'est le cas de le dire) durant tout le film, il y a de quoi se poser des questions et se demander si le réalisateur Don Barton croyait réellement tenir le monstre du siècle. D’après cette très intéressante interview, le metteur en scène ne semble pas se faire trop d'illusions sur le rendu du costume, et il est plus probable qu'en bon professionnel, il savait ce que son public voulait voir et ait décidé de nous faire profiter au maximum de sa créature. On ne le remerciera jamais assez de ce louable parti-pris car grâce à cela "Zaat" est une merveille visuelle de tous les instants.














Comme cette innocente victime, on hurle de terreur face à l'humiliation du pauvre comédien dans le costume, qui a toutefois le privilège de l'anonymat (c'est encore plus pathétique en mouvement).



Sens du timing, fluidité du geste, on vous avait prévenu !



Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre.



En plus, il a un air de ressemblance avec le cyborg de Alien Platoon


A cela, il faut ajouter un plan de domination du monde hautement non-sensique : afin que les poissons puissent conquérir la planète, notre homme-poisson-chat (qui a conservé toutes ses facultés mentales) se met à polluer tous azimut tous les points d'eau (rivières, mares, océans…) avec un mini-vaporisateur... Euh, cette manœuvre ne risque-t-elle pas au contraire de faire mourir toutes les espèces marines ? Et l'homme ne pollue-t-il pas suffisamment son environnement comme ça sans avoir besoin de la contribution, plutôt insignifiante à l'échelle planétaire, de l'homme-poisson-chat et de son ridicule petit aérosol ?






Un plan machiavélique.



Un couple de teenagers qui ignore que c'est toujours comme ça qu'on se fait attaquer par un monstre mutant anthropophage.







Un peu de gore ketchupesque pour la route.


Mais notre craignos monster n'est pas seulement un ichtyophile à la ramasse, il a aussi un cœur et il laisse tomber la cause de ses amis les poissons en cours de route (tout ça pour ça !) car il souhaiterait bien partager son existence avec une madame poisson-chat. Pour cela, il jette son dévolu sur une blonde en bikini à qui il tente d'injecter son sérum. Mais l'expérience échoue avec la mort de l'heureuse élue et notre veuf inconsolable se met alors à la recherche d'une nouvelle pin-up à kidnapper et faire muter par romantisme...


Zaat est colère, Zaat est vengeance, Zaat est maladresse aussi un peu...


Pendant ce temps, un biologiste de la vie marine travaillant en collaboration avec le shérif local s'interroge face à la hausse de la pollution des eaux du coin. C'est alors qu'arrive un couple d'agents écologistes du gouvernement chargés d'enquêter sur place. L'homme (le héros fade de service), après avoir observé brièvement le corps d'une des victimes de l'homme-poisson-chat et établi son diagnostic sur l'assassin, déclare avec un air très sérieux et grave au shérif (accrochez-vous, c'est du brutal) :
_ On the surface, he looks like an animal, like a cat... or an ape. But this man was badly sturbed or burned by some chemical!
_ So ?
_ So, it could be from the fish family.

J'avoue que la foudroyante bêtise de ce raisonnement (et du rapprochement fait entre la physionomie d'un chat et d'un singe) m'a un peu laissé coi l'espace d'un instant.


Une séquence qui a peut-être inspiré Le lac des morts-vivants.



Toute la poésie du bis.





Aller, au pieu ma poulette ! Quel tombeur...



La blonde héroïne (pourquoi toujours une blonde ?).



Le héros, vague sosie de Dirk Benedict alias Futé de L'Agence Tous-Risques. On s'attend à tout moment à le voir offrir un cigare au monstre et George Peppard sortir sa tête du masque pour dire qu'il adore qu'un plan se déroule sans accroc, le film ressemblant trait pour trait aux nanars horrifiques que Hannibal Smith tourne entre chaque mission impossible.



Le héros suit l'homme-poisson-chat à la trace avec son compteur Geiger, car évidemment le monstre est radioactif par dessus le bazar.



Le biologiste de la vie marine fait des prélèvements avec ses éprouvettes d'un air grave et concentré.



Le shérif glande comme de bien entendu.





Le shérif se montre évidemment septique face aux explications des héros. Faut dire que nous non plus on n'y croit pas une seconde.


Le film compte plusieurs répliques pseudo-scientifiques de ce tonneau se prenant très au sérieux, mais dans l'ensemble le nombre de dialogues est peu élevé et on suit les déambulations de l'homme-poisson-chat, qui va et vient entre son laboratoire, les marais et la ville, dans un silence qui ne fait qu’accentuer davantage la misère du film et le côté factice de son costume de farce-et-attrape. Le maître-mot est remplissage, et les scènes visant à laisser tourner la pellicule pour rien ont parfois un côté réellement hallucinatoire quelque chose de planant qu'on ne trouvait que dans les nanars des années 70. C'est ainsi que durant une nuit où le monstre rôde en ville et que toute la police est en état d'alerte, le shérif quitte son poste sans raison pour aller assister à un mini-concert de hippies donné dans un bâtiment abandonné ! Puis les hippies se mettent à chanter, jouer de la guitare et danser en file indienne dans la rue en direction de la prison et les jeunes chevelus se font enfermer de plein gré en continuant à jouer de la musique et à taper dans les mains derrière les barreaux. Aucun rapport avec le reste. Bienvenue dans le monde du nanar baba-cool.


Le chanteur/compositeur/musicien/producteur Jamie DeFrates, un des pionniers du "rock chrétien" héritier du gospel, co-auteur avec John Orsulak de la BO du film.



Scoop : Alec Guinness a joué dans un nanar !





Le monstre mate les filles qui se déshabillent, c'est du propre !



Le héros part à la rescousse de l'héroïne dans son indescriptible mini-char d'assaut de poche à six roues (l'a-t-il ramené de ses vacances à Marrakech ?).


Voilà donc un film de SF/épouvante très étrange, terriblement mou, mais dont la bizarrerie et la profonde débilité ont quelque chose de rafraîchissant, voire même de poétique. Et puis pour une fois, c'est un film de monstre qui finit bien car l'héroïne finit par larguer le héros pour partir vivre sous la mer avec l'homme-poisson-chat. Désolé pour le spoiler, mais ce happy-end aussi réjouissant qu'inattendu m'a paru assez rare pour être mentionné.

A signaler que devant le regain d’intérêt suscité par le film depuis sa ressortie récente, une suite serait en préparation. Cependant, contrairement à "Zaat" qui avait un ton très premier degré, ce "Zaat 2" semble jouer la carte de la grosse parodie, à l’instar des "Birdemic 2", "Samourai Cop 2", "Ultime Combat 2" et autres "Turkish Star Wars 2" capitalisant de façon navrante sur la réputation nanarde de leurs aînés.


Sa journée de tournage terminée, l'homme-poisson-chat va se retirer dans sa loge.



 Dans le livre "Regional Horror Films, 1958-1990: A State-by-State Guide with Interviews", l'auteur Brian Albright nous apprend que le réalisateur Don Barton, directeur d'une boîte de films industriels en Floride, finança Zaat grâce à un assureur, un entrepreneur de tracteurs et quelques avocats - les avantages fiscaux favorisant les investissements locaux. Toute une époque !


Icono additionnelle :
http://billectric.wordpress.com
http://mansplat.wordpress.com

- Jack Tillman -
Moyenne : 1.88 / 5
Jack Tillman
NOTE
1.75/ 5
Rico
NOTE
2/ 5

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

Oubliées durant quatre décennies, les aventures de l'homme-poisson-chat pollueur sont sorties du marais brumeux où elles végétaient pour se lancer à la conquête du monde, via un double disque Blu-ray/DVD sorti chez "Cultra", et qui a ravivé la flamme culte du film auprès du public américain. Par contre c'est en format A/1 donc non-lisible sur un lecteur Blu-ray européen, et le DVD est bien sûr lui aussi au format américain.