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Alfonso Brescia

(1ère publication de cette bio : 2008)

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Alfonso Brescia (au centre) sur le tournage de « Napoli Serenata Calibro 9 ».


Alfonso Brescia, né à Rome le 6 janvier 1930, fait partie de la génération de cinéastes qui vécurent l’âge d’or du cinéma populaire italien. Sans être le plus doué ni le plus réputé, Brescia, également connu comme la plupart de ses collègues sous de coquets pseudonymes anglicisants (Al Bradley, Al Bradly, Albert B. Leonard), fut un artisan-mercenaire du cinéma actif et multicartes, professionnel à défaut d’être génial, et capable de besogner de sympathiques séries B aujourd’hui caduques comme de torcher des nanars à se rouler par terre. Fils du producteur et distributeur Edoardo Brescia, Alfonso étudie au Centro Sperimentale Di Cinematografia, l’école italienne de cinéma, avant de travailler comme responsable de doublage dans les années 1950. Il devient ensuite progressivement scénariste et assistant-réalisateur, s’illustrant sur un certain nombre de films destinés à un public populaire, avec, mode oblige, une certaine prédilection pour le péplum ; on le retrouve ainsi dans l’équipe de Sergio Leone pour « Le Colosse de Rhodes », scénariste de « La Fureur des Gladiateurs », de Mario Caiano, avec Richard Harrison, ou de quelques comédies avec les pitres siciliens Franco Franchi et Ciccio Ingrassia. Il fait ses débuts à la mise en scène en 1964, avec le péplum « La Révolte des Prétoriens », avec Richard Harrison et Giuliano Gemma, un film qui jouit d’une réputation plutôt correcte.





Il enchaîne avec d’autres films du genre, « Le Gladiateur Magnifique », et « Il Conquistatore di Atlantide », qui aura le douteux privilège de sortir en France plus de dix ans après son tournage, sous le titre désopilant de « Goldocrack à la conquête de l’Atlantide ». Alfonso Brescia continue ensuite de s’illustrer dans les modes successives du cinéma italien, western-spaghettis (« Un Fusil pour deux colts ») et films de guerre (« Dans l’enfer des sables »), imitant tranquillement le cinéma populaire américain dont il produit une version un peu fauchée, mais correcte, à destination des salles de quartier. Capable, si les moyens suivent, de faire du cinéma techniquement très acceptable, Alfonso Brescia se retrouve pourtant plus d’une fois à devoir gérer des budgets faméliques, qui ne l’empêchent pas d’avoir des prétentions épiques en tragique décalage avec ses moyens financiers.







Au tournant des années 1970, Alfonso Brescia s’essaie au giallo mais, parallèlement, n’échappe pas à la mode du graveleux qui commence à submerger le cinéma italien, avec des titres comme « La Vie sexuelle de Don Juan » ou « Elena si… ma di Troia », parodie sexy de « L’Iliade » demeurée mythique en Italie grâce au jeu de mot totalement intraduisible contenu dans son titre (vous n’avez qu’à vous dénicher un manuel d’argot italien). Il commence à donner dans la partie la moins noble du cinéma bis, celle que l’on appelle parfois le cinéma d’exploitation : Terence Young tournant « Les Amazones », qui ambitionne vainement de relancer la mode du péplum, Brescia se dépêche de tourner « Les Amazones font l’Amour et la Guerre », un machin totalement misérable où des cascadeurs romains en perruques de femmes s’empoignent dans un bosquet de la banlieue de Rome. Le plagiat de Brescia sort en Italie avant celui de Young, qui en sera réduit là-bas, pour tenter d’attirer le chaland transalpin, à s’affubler du titre « Les Guerrières aux seins nus ». Afin de bien rentabiliser ses chouettes costumes et lieux de tournage, Brescia usine ensuite « Supermen Contre Amazones », un film dans la droite ligne de l’humour fin à la Terence Hill/Bud Spencer, qui mêle au thème des Amazones une resucée de la série des « 3 Fantastiques Supermen », dont il débauche l’un des acteurs, Aldo Canti.



Alfonso Brescia ne se limite pas à filmer des péplums parodiques, érotiques, ou les deux et conserve sa faculté de polyvalence, s’illustrant aussi bien sur le terrain de la comédie (en réalisant par exemple avec Franco Franchi « L'Eredità dello zio Buonanima », qui remporte un joli succès commercial) ou du film policier à l’italienne, avec des titres comme « Pour un dollar d’argent », où George Eastman en personne (pour une fois dans un rôle de héros) affronte un Jack Palance plus has-been que jamais. Loin d’atteindre le succès commercial d’un Sergio Martino, la notoriété d’un Joe D’Amato ou le relatif prestige d’un Enzo G. Castellari, Alfonso Brescia fait figure, sinon de honte de la famille, du moins de soldat inconnu du bis italien, usinant avec les moyens du bord des films légèrement cra-cra mais vendables, car généralement bâtis autour d’une formule identifiable et surfant, souvent poussivement mais avec une louable régularité, sur toutes les modes qui pointent. Il profite ainsi du succès du « Croc-Blanc » de Lucio Fulci et du simili-revival du western spaghetti pour tourner un « Croc-Blanc et les chercheurs d’or » à la réputation redoutable.





Mais la vraie postérité d’Alfonso Brescia, celle qui lui vaudra d’être autre chose que l’un des innombrables mercenaires du cinéma italien, tient justement à sa capacité à copier sur son voisin, au mépris de toutes les disparités financières et techniques. Le succès de « Star Wars », s’il suscite un peu partout l’enthousiasme des plagiaires de tout poil pour le space-opéra, va trouver dans la filmographie d’Alfonso Brescia sa conséquence la plus extrême. Avec des jouets en guise de vaisseaux spatiaux, des décors d’un kitsch insondable, des costumes indescriptibles, des acteurs hagards et des effets spéciaux trop laids pour figurer dans la pire anthologie du mauvais goût, Brescia, affublé de pseudonymes anglicisants (« Al Bradley » ou « Al Bradly », en fonction de l’heure du déjeuner ou de l’âge du capitaine), tourne une série de films de science-fiction ahurissants, qui resteront comme les exemples les plus extrêmes d’une série Z italienne en pleine dégénérescence.









Réalisés à la va-vite dans les mêmes décors, avec les mêmes costumes et avec des acteurs en commun, des films comme « La Bataille des Etoiles », « Star Odyssey », « La Guerre des robots », « Anno Zero : Guerro nello spazio » (celui-ci est inédit en France ; on le confond très souvent avec « La Bataille des étoiles », dont de nombreux plans seraient apparemment repris en stock-shots, à moins que ce ne soit l'autre film qui les lui pique) sont de véritables nadirs de ridicule et de laideur, avec des extraterrestres à perruque de Mireille Darc qui attaquent la Terre, tandis que d’anciennes vedettes de western-spaghettis (Antonio Sabato, Gianni Garko) voire d’ex-acteurs de série A (Nino Castelnuovo, le partenaire de Catherine Deneuve dans « Les Parapluies de Cherbourg » !!!) les affrontent à coups d’épées laser en plastique. Malgré un rythme inégal selon les films et une certaine tendance de Brescia à achever les récits par des batailles spatiales interminables et assez soporifiques, ces machins insondables plongeront une génération de cinéphiles fous dans des crises de délire hallucinatoire. Alfonso Brescia achève sa série de films de S-F par « La Bestia nello spazio », inédit chez nous : l’actrice finlandaise Sirpa Lane ayant gagné la notoriété avec « La Bête », de Walerian Borowczyk, où elle se faisait enfiler par un yéti en caoutchouc, Brescia l’embauche illico pour cette « Bête dans l’espace », où elle se fait à nouveau violer par un monstre, mais dans un contexte de science-fiction. Farci de dialogues du genre « Arrête de me casser les astéroïdes » et réédité en 1982 avec des inserts hard (sous le titre « La Bestia porno nello spazio »), le film se trimbale une réputation indescriptible et fait figure de Saint-Graal dans l’œuvre alfonsobresciesque.


Et en plus, ils copient l’affiche de « Zardoz » !



Parallèlement à ces pantalonnades tournées autant pour l’export que pour le marché italien, Alfonso Brescia réalise des œuvres à l’identité spécifiquement italienne, et, plus précisément, napolitaine. Il entame en effet une collaboration de plusieurs films avec l’acteur-chanteur Mario Merola et devient l’un des spécialistes de la « sceneggiata napoletana », forme traditionnelle de spectacle napolitain mêlant théâtre mélodramatique et chant, qui connaît dans les années 1970 un revival, avec des transpositions cinématographiques. Merola, grande vedette populaire à Naples, interprète une série de films dans le genre sceneggiata, généralement des mélos musicaux; toujours à Naples et avec Mario Merola, il donne dans la mode du polar urbain italien relevant de styles aussi divers que le drame criminel et social, sur des thématiques du genre « seul contre la Camorra » ou « vengeance familiale dans la pègre » . A ce genre qui paraît extrêmement exotique au nord de Naples, le romain Brescia apporte sa compétence de vétéran de la caméra, capable de boucler un film avec les moyens limités du cinéma sudiste italien.



Alfonso Brescia (au centre) sur le tournage de « Napoli Serenata Calibro 9 ».







Dans la deuxième moitié des années 1980, Alfonso Brescia redevient Al Bradley pour les besoins de « Iron Warrior », alias « Ator le Guerrier de Fer », où Miles O’Keeffe reprend le nom du barbare qu’il avait incarné dans « Ator » et « Ator 2 » de Joe D’Amato. Le film de Brescia n’a cependant rien à avoir avec ceux de D’Amato – à part la présence de Miles et le nom du personnage – se déroulant dans un univers latin éloigné du décor celto-germanique des précédents. Disposant de très beaux décors naturels, de moyens techniques visiblement assez corrects et d’un bon directeur photo, Brescia confère à son film un look rutilant et plutôt original, ce qui ne l’empêche pas de sombrer dans le mauvais goût et un extrême ridicule, par le biais d’un scénario pataphysique et sans queue ni tête.



Brescia persévère ensuite dans le cinéma d’action, en tournant en pleine débandade du cinéma commercial italien, avec des Américains en pleine panade (Richard Roundtree, David Hess…) et des têtes plus ou moins connues du bis européen (Harrison Muller, Florence Guérin, Tomas Arana), des thrillers et des polars qui iront garnir sans bruit les rayons VHS de supermarchés pas regardants et les heures creuses des chaînes de télévision nécessiteuses. Après avoir réalisé en 1995 une comédie où Alvaro Vitali tentait vainement un énième come-back, Alfonso Brescia raccroche les gants pour raisons de santé ; il meurt à Rome, le 6 juin 2001, des suites d’une longue maladie, dans la plus parfaite indifférence des médias italiens.





Bien qu’ayant été l’un des moins respectés parmi les metteurs en scènes du bis italien, Alfonso Brescia mérite de rester dans l’Histoire du cinéma comme exemple de l’un de ces professionnels du cinéma, sans gloire ni prestige, qui surent pourtant besogner à une échelle artisanale des films correspondant à la demande populaire de l'époque. Sa période de metteur en scène quasi-attitré de la sceneggiata le lie, pour le public italien, à un genre extrêmement local, mais c’est bien son activité de sous-sous-sous-sous-George Lucas qui lui vaut de ne pas être oublié ailleurs que dans son pays. Une double postérité, à l’image de la carrière de ce faiseur multicartes à la ringardise sympathique.

Sources iconographiques :

www.gentedirispetto.com

www.pollanetsquad.it

www.clubdesmonstres.com

www.rarovideo.com


- Nikita -

Films chroniqués

Filmographie

 

1995 - Club Vacanze

1991 - Omicidio a luci blu / Homicide in Blue Light

1990 - Sapori di morte / Deadly chase

1989 - Miami Cops

1988 - Cross Mission (Fuoco incrociato)

1987 - Ator le Guerrier de Fer (Iron Warrior)

1983 - Laura... a sedici anni mi dicesti si

1982 - Tradimento

1982 - Giuramento

1982 - I figli… so’pezzi e’core

1981 - Carcerato

1981 - Napoli, Palermo, New York, il triangolo della Camorra

1980 - Lo Zappatore

1980 - La tua vita per mio figlio

1980 - La Bestia nello spazio

1979 - Lo Scugnizzo

1979 - Napoli... la Camorra sfida, la città risponde

1979 - Il Mammasantissima

1979 - Les Contrebandiers de Santa Lucia (I Contrabbandieri di Santa Lucia)

1979 - Star Odyssey (Sette Uomini d’oro nello spazio)

 

1978 - Le Dernier voyou / 357 Magnum (L’Ultimo guappo)

1978 - Napoli serenata calibro 9

1978 - La Guerre des robots / Cosmos Invasion (La Guerra dei robot)

1977 - La Bataille des étoiles (Battaglia negli spazi stellari / Cosmo 2000 : Battaglia negli spazi stellari)

1977 - Anno zero : guerra nello spazio

1976 - Pour un dollar d’argent (Sangue di sbirro)

1976 - Frittata all’italiana

1976 - L’Adolescente / La Gioventù è bella

1975 - Croc-Blanc et les chercheurs d’Or

1975 - Amori, letti e tradimenti

1975 - Supermen contre Amazones (Superuomini, superdonne, superbotte / Amazzoni contro Supermen)

1974 - Croc Blanc et les cherhceurs d'or (La Spacconata)

1974 - L’Eredità dello zio Buonanima

1973 - Elena si… ma di Troia

1973 - Les Amazones font l’amour et la guerre / Amazones, filles pour l’amour et pour la guerre (Le Amazzoni – donne d’amore e di guerra)

1972 - Le Manoir aux filles (Ragazza tutta nuda assassinata nel parco)

1972 - Poppea una prostituta al servizio dell’Impero

1971 - La Vie sexuelle de Don Juan (Le Calde notti di Don Giovanni)

1970 - Un joli corps qu’il faut tuer / Meurtre (Il tuo dolce corpo da uccidere)

1969 - Dans l’enfer des sables (Uccidete Rommel)

1969 - Nel labirinto del sesso / Psichidion

1968 - Carogne si nasce

1968 - Tête de pont pour huit implacables / Huit implacables / Apocalypse army (Testa di sbarco per otto implacabili)

1967 - Calibre 32 (Killer Calibro 32)

1967 - Les Jours de la violence (I Giorni della violenza)

1967 - Un fusil pour deux colts (Voltati… ti uccido)

1966 - La Colt è la mia legge

1965 - Goldocrack à la conquête de l’Atlantide (Il Conquistatore di Atlantide)

1965 - Missione sabbie roventi

1964 - La Révolte des prétoriens (La Rivolta dei pretoriani)

1964 - Le Gladiateur magnifique (Il Magnifico gladiatore)