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Alice Sapritch

(1ère publication de cette bio : 2006)

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Ah, Alice Sapritch ! La grande Alice Sapritch, qui nous vient d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître (elle est décédée en 1990), mais pour les autres, elle fut la délirante Dona Juana de « La folie des grandeurs » (la seule oeuvre où elle figure qui reste fréquemment diffusée, de nos jours), la terrifiante Folcoche du téléfilm « Vipère au poing », une grande dame du théâtre, l'égérie d'une marque de décapant pour les parois de four, une maniaque du porte-cigarettes et du turban, une spécialiste de l'exubérance, et surtout, il faut l'admettre, un gage de qualité des pires comédies des années 70...



Pour commencer, je ne peux que recommander cet article. Alice Sapritch est en effet une glorieuse ressortissante turque (visiblement plus célèbre que Cüneyt Arkin pour l'auteur de ce site...), née le 29 juillet 1916 à Ortakoy à proximité d'Istanbul où elle passe son enfance.

Si on associe souvent à Sapritch l'image d'une femme extravagante, il faut savoir que la famille Sapric (son vrai nom de famille) souffrait de graves troubles financiers dus aux dettes de jeu du paternel, d'où une enfance malheureuse. Issue qui plus est de la minorité arménienne, la famille s'exile en Belgique alors qu'Alice n'a que 13 ans. Les difficultés financières n'empêchent pas Alice de se battre dans ses études, à Bruxelles puis à Paris (seule) et son CV est sur ce point remarquable : Cours Simon, puis Conservatoire, elle fait ses premiers pas sur scène dans le rôle de la reine Gertrude dans « Hamlet » et commence à montrer une certaine aisance pour les rôles en costumes. Malheureusement, Alice Sapritch va souffrir d'un visage peu facile et de son caractère particulier, ce qui ne va pas faciliter sa progression...



Après avoir rencontré son compagnon Guillaume Hanoteau (avec qui elle restera pendant 25 ans) pendant la guerre, Alice fait une première apparition sur grand écran dans « Le tampon du capiston » en 1950, scénarisé par ce dernier, de même que « Le crime du Bouif » (1952). Une première (petite) apparition au côté de Yves Montand dans « Premier mai » (1958), de petits rôles auprès de Claude Autant-Lara (« Le joueur », 1958), Robert Hossein (« Le scélérat », 1959), Gérard Oury (« La menace », 1960), Jean Cocteau (« Le testament d'Orphée », 1960), François Truffaut (« Tirez sur le pianiste », 1960) masquent une carrière vierge du moindre premier rôle alors qu'Alice approche dangereusement du cap de la cinquantaine...

Cependant, à force d'obstination et de petits rôles (et de plusieurs compositions sur les planches), Alice Sapritch va enfin découvrir la gloire, d'un coup, en 1971, à l'âge de 55 ans (Cela me surprendrait si Tsilla Chelton n'était devenue « Tatie Danielle » qu’à 70 ans...). Cette notoriété nouvelle, elle la devra autant au petit qu'au grand écran. Sur petit écran, elle joue le rôle titre de l'infâme Folcoche, la mère austère qui traumatisera une génération de jeunes enfants (moi le premier). Sur grand écran, elle croise une première fois un De Funès au sommet de son art dans « Sur un arbre perché » mais c'est surtout « La folie des grandeurs » qui marqua plusieurs générations (et qui continue à en marquer par ses fréquentes rediffusions). Dans le quatrième plus gros succès public de Gérard Oury (et son plus gros budget), elle retrouve également Yves Montand et vole la vedette aux deux grandes stars le temps d'une improbable scène de strip tease !





Si « La folie des grandeurs » est incontestablement son plus gros succès, c'est aussi le début de la fin pour Alice Sapritch... En effet, à vouloir se démarquer dans le registre comique, elle va rejoindre l'incompétent Michel Gérard, encadré de son coscénariste Vincent Gauthier, et de son duo de folie Michel Galabru - Paul Préboist dans « Les joyeux lurons » (1972). C'est surtout 2 ans plus tard avec « Les vacanciers » que cette équipe va entraîner Alice Sapritch dans les tréfonds de la nanardise. Mal encadrée par l'équipe technique (les costumiers et maquilleurs ne la mettront pas du tout en valeur), surjouant beaucoup trop, débitant des répliques incohérentes, et chantant pour la première fois de sa carrière un hymne à la banane (son unique album « Slowez-moi » fait le bonheur des fans de Bide et musique), Alice Sapritch ne joue cependant pas là le rôle le plus infâmant de sa carrière...





...non, le plus infâmant aura lieu quand elle rencontrera l'incroyable, l'innommable, l'irregardable Philippe Clair dans son film le plus trash, « Le Führer en Folie » !







Inqualifiable !



Finalement, les critiques de Charlie Hebdo sont ceux qui qualifient le mieux ce machin...

Transformer Eva Braun en Alice Sapritch, c'est exactement ce qu'Eva Braun méritait. On est loin du beau SS de « Portier de nuit » regardant danser sa belle prisonnière aux seins nus. Quel plaisir, dans « Le Führer en folie », de voir ce qu'étaient exactement les SS, vous savez, ces fins mélomanes, ces artistes, qui s'offraient des matinées musicales pour se récréer. Dans « Le Führer en folie », ces pantins grotesques et sanglants chialent comme des veaux en écoutant du Rossini, jusqu'au moment où trois loustics parigots lâchent de la poudre à éternuer. Ah, putain, quel plaisir ça fait ! La néo-propagande pour les corps d'extermination d'élite le prend en plein dans son citron pourri. Il est bien moins con, bien plus drôle que l'affiche ne le laisse présager, le film de Philippe Clair. D'abord, rareté, ça cause presque pas. Presque tous les gags sont visuels. Il en est de fameux : Eva Braun sur le champ de bataille dans son char d'assaut rose bonbon. Eva Braun et Hitler réfugiés en Amérique du Sud. C'est elle qui porte la culotte. Il est devenu Eva Braun, elle est devenue Hitler. Il y a des images baroques, dans ce film, qui valent leur pesant de savon à la graisse humaine. On sort de ce film, on n'a pas mal à la rate, mais on a bien rigolé.

Il faut dire qu'Alice Sapritch n'avait ni le physique, et surtout ni l'âge pour jouer Eva Braun...

On retrouve aussi Alice Sapritch à l'affiche de « Le Plumard en Folie » (aka « Les Farfelous ») (avec Michel Galabru, Paul Préboist, Jean Lefebvre, André Castel, Henri Tisot, Claude Gensac, Patrick Topalof...) et de « Gross Paris » (au côté de Roger Pierre, Jean-Marc Thibault, Claude Pieplu et... Sophie Agacinski, oui, la belle-soeur de Jospin !). « Drôles de Zèbres », seul et unique film de Guy Lux (on comprend un peu pourquoi) la met encore aux prises avec un casting de folie (Sim, Michel Leeb, Coluche entre autres...).



Alice, reine de l'érotisme dans « Le Plumard en Folie » (aka « les Farfelous »)





Alice jouant les âmes damnées de Sim dans « Drôles de Zèbres » signé Guy Lux.



La suite de la carrière d'Alice Sapritch sera beaucoup moins agitée. A part dans un spot publicitaire vantant les mérites d’un décapant pour four et une dernière comédie lourdingue, « Adam et Eve » (1984), au côté de Michel Galabru, Popeck, Jackie Sardou et Jean-François Dérec, Alice Sapritch retrouve le grand et petit écran pour des rôles plus « sérieux », dans « Les soeurs Brontë » de Téchiné en 1979, ou dans « L'affaire Marie Besnard », un téléfilm de 1986 où sa performance dans le rôle titre de la plus célèbre empoisonneuse de France lui permettra de redorer un blason sérieusement écorné par la grivoiserie de ses expériences comiques...



Même lorsqu'elle accumulait les pires comédies franchouillardes, Alice n'a jamais délaissé les planches pour des rôles plus austères où, de ses débuts dans « Hamlet » à la pièce de théâtre filmée « Phèdre », elle restera une grande tragédienne très appréciée.



Son dernier rôle sera celui de Catherine de Médicis dans un téléfilm éponyme sorti en 1989, où elle retrouve l'un de ses anciens complices Vincent Gauthier, les deux prouvant qu'on peut se retrouver dans le comique nanar sans forcément manquer de talents dramatiques...

Alice Sapritch quittera ce monde le 24 mars 1990, au terme d'une carrière qui aurait pu être honorable sans cette spirale infernale des années 70 (enfin, il faut bien vivre...).



On trouvait autrefois sur le site zoomrang.com un hommage touchant regorgeant d'anecdotes sur l'Alice Sapritch anti-star, qui refusa notamment d'être placée sur liste rouge malgré sa notoriété, qui admit lors d'un retour à Istanbul avoir « raté sa vie » (et pourtant, bon nombre d'actrices auraient aimé avoir sa carrière...), qui fut toujours polie, appréciait l'autodérision, et qui déclara au détour d'une chanson de son album « Slowez-moi » :





Tu me demandes si je suis heureuse…

Si le bonheur, c'est une chambre vide

Avec des bouteilles vides

Et des cendriers remplis de cigarettes pas finies,

Alors je te réponds : je suis heureuse

Tu me demandes si je suis heureuse…

Si le bonheur, c'est le téléphone qui ne répond pas

Et l'après-midi qui n'en finit pas

Et des lettres que tu n'envoies pas,

Alors je t'affirme que je suis heureuse

Heureuse… heureuse…

Tu me demandes si je suis heureuse…

Si le bonheur, c'est un lit défait

Dans une chambre défaite,

Avec dans un miroir défait

Le visage d'une femme défaite

Alors, je te le jure : je suis heureuse

Heureuse… heureuse…

Mais si le bonheur,

C'est un sourire,

Si le bonheur,

C'est un regard,

Si le bonheur,

C'est la tendresse,

Si le bonheur

Est une caresse…

Alors…

Je te réponds franchement :

Je ne suis pas heureuse… vraiment

Non… pas véritablement…



- Enzosullivan -

Films chroniqués

Filmographie

Catherine de Médicis (1989) (TV)

Phèdre (1988) (TV)

Le Cri de la chouette (1986) (TV)

L'Affaire Marie Besnard (1986) (TV)

European Vacation (1985)

Le Mystérieux docteur Cornélius (1984) (TV)

Adam et Ève (1984)

Un bon petit diable (1983)

Une mère russe (1981) (TV)

La Pharisienne (1980) (TV)

Les Jardins secrets (1979) (TV)

Les Soeurs Brontë (1979)

L'Horoscope (1978)

Solitudes (1977) (TV)

Drôles de zèbres (1977)

Le Trouble-fesses (1976)

Les Douze travaux d'Astérix (1976) (voice)

L'Arriviste (1976)

Les Guichets du Louvre (1974)

Gross Paris (1974)

Le Führer en folie (1974)

Le Plumard en folie (1974)

Les Vacanciers (1974)

"Molière pour rire et pour pleurer" (1973) (TV)

L'Histoire très bonne et très joyeuse de Colinot Trousse-Chemise (1973)

L'Affaire Crazy Capo (1973)

Le Concierge (1973)

Une atroce petite musique (1973) (TV)

Les Malheurs de la comtesse, Les (1973) (TV)

La Raison du plus fou (1973)

Elle court, elle court la banlieue (1973)

L'Evénement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune (1973)

L'Image (1972) (TV)

Les Joyeux lurons (1972)

La Folie des grandeurs (1971)

Sur un arbre perché (1971)

Vipère au poing (1971) (TV)

Alice au pays des merveilles (1970) (TV)

L'Ile aux coquelicots (1970)

La Boniface (1968) (TV)

Le Démoniaque (1968)

La Fille d'en face (1968)

Lamiel (1967)

Le Chevalier des Touches (1966) (TV)

Qui êtes-vous, Polly Maggoo ? (1966)

Drame à un personnage (1965) (TV)

Destins (1965) (TV)

Les Deux orphelines (1965)

Cousine Bette (1964) (TV)

Le Chemin de Damas (1964) (TV)

Janique aimée (1963) (TV)

Tout ceux qui tombent (1963) (TV)

Les Bostoniennes (1962) (TV)

La Reine Margot (1961) (TV)

Candide ou l'optimisme au XXe siècle (1961)

La Fille aux yeux d'or (1961)

Le Tracassin (1961)

Tirez sur le pianiste (1960)

Le Lien (1960) (TV)

Le Testament d'Orphée, ou ne me demandez pas pourquoi! (1960)

La Menace (1960)

Les Tripes au soleil (1959)

Les Scélérats (1959)

Le Joueur (1958)

Premier mai (1958)

Le Crime du Bouif (1952)

Le Tampon du capiston (1950)