Recherche...

Les Charlots

(1ère publication de cette bio : 2006)

Consulter la filmographie / Consulter les films chroniqués



L'équipe de Nanarland a consacré un documentaire à Gérard Filipelli, alias Phil, grand blond lunaire des Charlots. Intitulé "Les Charlots au bout du Phil", ce témoignage sur le groupe de comiques le plus populaire du cinéma français vous est proposé dans notre rubrique Nanarland TV.






Il faudra bien un jour réhabiliter les Charlots.

Quand on voit les succès outranciers des rois actuels de la blague grasse ou de la vanne plombée pour plateau d’Arthur, on ne peut être qu’étonné de l’opprobre dont souffrent ces champions du box-office des années 70. Comparez un peu un film des Robins des Bois ou d’Eric et Ramzy à ceux des Charlots et la filiation ne peut que sauter aux yeux.

Avouons-le, ce n’est pas un hasard si, trente ans plus tard, les chaînes françaises nous ressortent un film des Charlots tous les débuts d’après-midi de jours fériés. Après le gigot, toute la famille regarde les pitreries de ces grands dadais infantiles avec une complicité attendrie. Les plus jeunes rient de bon cœur aux gags cartoonesques, alors que les parents se remémorent avec nostalgie les R.12 et le venilia orange et marron de la France giscardienne tandis que le grand père vitupère contre les "p’tits cons aux cheveux longs" qu’ont "foutu le bordel en 68 et qu’avec ça faut pas s’étonner de l’état du pays et qu’c’était autre chose du temps du Général !".

Bref, plus qu'un simple groupe comique, la quintessence de l'esprit français (bon d'accord je m'emballe un peu).

Bien qu’à géométrie variable avec le temps, les Charlots est un groupe de 5 musiciens arrivés un peu par inadvertance dans le cinéma. Le groupe est composé de :

Gérard Rinaldi : le chanteur leader et joli coeur de service, beau brun à la voix de velours, ce sont généralement ses flirts contrariés qui fournissent l’argument moteur des films.
Jean Sarrus : le moustachu à l’accent parigot. Bassiste, pivot du groupe, c'est aussi sa mémoire au travers de son livre de souvenirs.
Gérard Filippelli dit Phil : Le grand blond lunaire, personnalité fantasque et bricoleur de talent mais aussi considéré comme le meilleur musicien du groupe, que ce soit à la guitare ou à l’accordéon.
Jean-Guy Fechner : le grand brun frisé, le batteur, le plus effacé du groupe. C’est le frère de Christian Fechner, leur premier manager.
Luis Rego : Second guitariste, le petit Portugais à l’air endormi, qui a fuit la dictature de Salazar et surtout un service militaire de deux ans dans les guerres coloniales d’Angola ou du Mozambique.


Introducing : Jean Sarrus, Gérard Filippelli, Gérard Rinaldi, Jean-Guy Fechner et Luis Rego (profitez-en, c'est pas souvent que vous les verrez aussi sérieux).



L’histoire du groupe commence au début des années 60, dans une fac parisienne, quand Jean Sarrus et Rachid Mouari rencontrent Gérard Rinaldi et décident de fonder un groupe avec quelques copains de fac. On est alors au début des années rock’n roll et les petits groupes éclosent un peu partout. Pour le nom, ce sera "Les Rebelles" : en effet Rachid a récupéré les affiches d'une formation ainsi nommée qui ne s'est finalement jamais montée...

Ils se font remarquer comme de bons musiciens, même si c’est davantage en tant qu’accompagnateurs de vedettes qu’en tant que véritable groupe qu’ils percent. D’ailleurs le batteur et troisième membre du trio initial, Rachid, les quitte pour accompagner la tournée de France Gall. La formation essayera de nombreux musiciens avant d’arriver à sa configuration définitive, certains d'entre eux comme Donald Rieubon, qui restera longtemps leur batteur attitré, assurant une part importante des concerts. Avec les galas et les changements de membres, le nom évolue lui aussi. Après les « Rebelles » ils seront les « Tarés ». Un soir, ils croisent dans une salle un musicien qui assure au pied levé les éclairages pour son groupe. Pour camoufler le fait que son lead singer chante comme une casserole, il éteint la lumière sur lui pour qu'on l'oublie !! C'est Gérard Filippelli, qu'ils débauchent aussitôt. Puis dans un magasin de musique, c'est Luis Rego qui vient de fuir le Portugal et qui devient le troisième guitariste. Il a en plus un ami organiste et sait où trouver une salle pour répéter.


Le début des problèmes : leur premier disque avec Donald Rieubon au centre. On est encore loin du comique.



Néanmoins, les « Tarés » n’est qu’un groupe de rock comme tant d’autres et se cherche encore une personnalité pour sortir du lot. Ils changent encore de nom pour devenir les « Problèmes » et sortent leurs premiers disques. Désormais, ils tournent beaucoup et commencent à se faire connaître. Ils sont alors repérés par un jeune producteur ambitieux, Christian Fechner, qui les signe et qui les associe à un jeune anticonformiste prometteur qui débute, Antoine.

Avant d'être l'opticien en chemise à fleurs que nous connaissons aujourd'hui, Antoine est une sorte de Dylan rigolard à cheveux longs qui, dans ses Elucubrations, brocarde la France gaullienne, en voulant mettre la pilule en vente libre à Monoprix et Johnny en cage au cirque Medrano. Les Problèmes jouent les musiciens d’accompagnement tout en multipliant les délires sur scène. Le succès est au rendez-vous et ils triomphent à l'Olympia. Là encore, l'ambiance en concert s'avère assez vite orageuse, les fans d'Hallyday ayant décidé de casser la gueule de ceux qui ont manqué de respect à leur idole. Les "Anti-Antoine" sont frénétiques : à Fréjus, une bombe est même lancée sur la scène. Heureusement elle fait long feu. La guéguerre avec Hallyday finira par se calmer assez vite. On parlera même d’un film commun basé sur « Lucky Luke » où les Charlots auraient pu jouer les Daltons. Le projet n’aboutira pas.



Lors de vacances au Portugal, la police de Salazar se rappelle aux bons souvenirs de Luis et vient l'arrêter pour désertion. Le reste du groupe entame une campagne de soutien en écrivant une « Ballade à Luis Rego, prisonnier politique » qui rencontre un vrai écho dans le public. Rego sera finalement libéré.

Avec le succès, Fechner leur dégotte un bien beau cadeau : la première partie des Rolling Stones en tournée française. C'est une période particulièrement rock'n roll dans l'existence des futurs Charlots qui découvrent le mode de vie de Jagger et sa bande : alcool, drogues et concerts chauds bouillants se transformant en pugilat général... En Corse, en plein concert, Jagger se ramasse d'ailleurs une chaise lancée initialement en direction du groupe et termine en sang. Fechner en profite pour en rajouter dans la promo en les présentant comme étant le seul groupe de rock français star en Angleterre. Ils en profitent pour faire quelques concerts à l'étranger. Le déclic du comique viendra justement au Canada en voyant un concert des « Brutos », un groupe italien où officie un Aldo Maccione encore inconnu. Entourant un chanteur beau gosse, les musiciens multiplient les pitreries et les délires, transformant le concert en véritable show. Cela donne l'idée à Fechner de les pousser vers cette voie.

Dans le même temps, le groupe commence à acquérir une personnalité propre en dehors de l'accompagnement d'Antoine. C'est lors d'une émission de radio d'Edouard, célèbre animateur de l'époque, qu'ils se font vraiment connaître comme groupe comique : partant sur un délire, Gérard se met à parodier l'un des tubes d'Antoine, « Je dis ce que je pense et je vis comme je veux », qui devient « Je dis n'importe quoi, je fais tout ce qu'on me dit » avec l'accent berrichon. Phil s'empare d'un accordéon présent dans le studio pour accompagner les guitares, les autres membres découvrant pour l'occasion que celui-ci a été premier prix d'accordéon dans son enfance !. Fechner comprend vite qu'il y a là un vrai potentiel à exploiter. Le succès est énorme. S'ils restent « Les Problèmes » quand ils accompagnent Antoine, ils deviennent « Les Charlots » quand ils jouent en solo et se lancent désormais franchement dans le rock comique. Les textes oscillent entre la pochade premier degré (« Paulette la reine des paupiettes ») et la satire doucement vacharde (« Merci Patron »). Leur grand truc étant la parodie des chansons des autres (« Les Play boys » de Dutronc devenant « Les Play Bois »). Ils jouent dans un premier temps affublés de cagoules, tant que personne ne sait encore que Problèmes et Charlots ne font qu’un puis dès que le pot aux roses est révélé, ils se griment en Beatles, avec de préférence une frange qui leur tombe franchement sur les yeux, et assurent à la fin des années 60 des tournées marathons de plus de 300 dates par an. L'argent arrive désormais à flots et dans l'ambiance délirante de l'époque, entre joints, alcool et jolies filles, les Charlots/Problèmes mènent la grande vie.



Cette ambiance débridée et une blessure suite à un jet de projectile lors d'un concert houleux ont raison de Donald, leur batteur. Pour le remplacer, Christian Fechner propose les services de son frère Jean-Guy, qui intègre le groupe. Il devient néanmoins difficile de mener les deux groupes de front. Adieu donc « Les Problèmes », le quintet devient « Les Charlots » à plein temps et continue ses tournées effrénées.



Leur arrivée au cinéma se fait un peu par hasard. Le masseur de la femme d'un de leurs musiciens d'accompagnement connaît un producteur de cinéma, Michel Ardan, qui apprécie les performances des Charlots (ils font rire ses enfants !) et aimerait les avoir pour un film. Après s'être rencontrés, le courant passe et le projet « La Grande Java » se met en place. Très vite, sous l'impulsion de Christian Fechner qui flaire le bon filon, la participation des Charlots évolue : au départ limités à un numéro musical, il apparaît vite que leur personnalité en font les co-vedettes obligées aux côtés de Francis Blanche. Pour finaliser le projet se met en place un genre de dream team : le débutant Claude Zidi au scénario et rien moins que Philippe Clair à la réalisation. Ce dernier est d'ailleurs décrit par Jean Sarrus dans ses mémoires comme une sorte de bulldozer cinématographique totalement incontrôlable mais tellement chaleureux et sûr de son fait qu'on ne pouvait rien lui refuser. Le résultat est un Philippe Clair pur jus, film délirant et outrancier où tout le monde est en roue libre mais où finalement les Charlots sont parfaitement à leur place.



Le film ayant remporté un succès modeste mais réel, ils signent pour deux autres films et embrayent sur un deuxième projet dont ils sont les vedettes uniques, cette fois-ci réalisé par Zidi lui-même : « Les Bidasses en Folie ». Pour limiter les risques au box office, les résultats sont couplés à deux autres productions plus sérieuses avec Jacques Brel, « Les Assassins de l'Ordre » et « Franz », histoire de partager les pertes éventuelles. Au final, c’est lui qui va renflouer les deux autres. Le film est une pochade gentiment antimilitariste décrivant les mésaventures d'un groupe de rock un peu baba cool qui tente par tous les moyens d'échapper aux rigueurs du service militaire en ridiculisant leur inoubliable sergent incarné par le chauve Jacques Seiler.



Le film est d'ailleurs assez largement inspiré des difficultés qu'ils ont réellement rencontré lorsqu'ils tentèrent quelques années plus tôt de se faire réformer pour éviter l'armée, alors qu'ils étaient musiciens débutants. Au passage, ils se retrouvent lors d'une scène en compétition dans un radio crochet face aux Martin Circus qui interprètent leur succès "Je m’éclate au Sénégal". Ces mêmes Martin Circus qui quelques années plus tard se verront offrir par Michel Ardan leur propre film, « Les Bidasses en Vadrouille », qui tente allégrement de copier le succès des Charlots.



Contre toute attente « Les Bidasses en Folie » est un triomphe au box office. Malgré des critiques assassines (une constante pour tous les films des Charlots), le film fait un score pharaonique de 7 millions d'entrée en France et rafle encore 5 millions de spectateur à l'étranger. Le groupe se trouve propulsé méga star du comique du jour au lendemain.


Une affiche allemande : les Charlots deviennent des stars mondiales.



C'est le moment où Luis annonce au reste du groupe qu'il voudrait prendre du champ pour se consacrer à ses propres projets et ne veut plus participer aux disques et aux concerts. Il veut bien continuer les films, mais plus les tournées. Et puis il veut s'investir dans autre chose que du comique pour gosses. Comme il le dira plus tard: « Les autres allaient un peu trop dans le sens de celui qui mettait l'argent sur la table. » Une attitude jugée inacceptable par le reste du groupe, qui désormais continuera à quatre.



Luis poursuit sa carrière de son côté, participant pour commencer à quelques films haut de gamme comme, hum... « Le Führer en Folie » de Philippe Clair, avant d'obtenir la reconnaissance avec « Les Bronzés » et l'émission de radio « Le Tribunal des Flagrants Délires » où, en avocat ibérique faussement endormi, il doit sauver la tête des invités face au redoutable procureur Pierre Desproges. De très grands moments radiophoniques. Il est à noter que la brouille avec le reste des Charlots ne durera pas très longtemps puisqu'il réapparaîtra de temps à autre en guest-star sur scène ou dans les films du groupe.


Mr l'avocat le plus bas d'Inter...



Les Charlots continuent à enchaîner d'un côté les concerts et de l'autre les films. Fechner, roublard, revend les droits cinématographiques du groupe à Claude Berri alors qu'il doit encore un film à Ardan. L'affaire se termine au tribunal au bénéfice de Fechner et Berri. Les films s'enchaînent : « Les Fous du Stade » (un terme, les fous, qui va servir à les désigner dans de nombreux pays), puis « Le Grand Bazar », « Les Charlots font l'Espagne », « Les Bidasses s’en vont en Guerre ».

Gérard, qui s’est raconté à travers des interviews, avoue que son meilleur souvenir était un voyage en Inde où ils ont eu la surprise de découvrir qu'ils étaient de véritables stars au point que leurs apparitions publiques déclenchaient des émeutes. Pour le reste, la vie des Charlots c'était surtout les voyages interminables en bagnole pour se rendre aux concerts pendant lesquels il leur arrivait de péter les plombs. C'est là qu'ils auraient eu la plupart de leurs idées délirantes pour les chansons et les films.




Les films marchent, même s'ils s'apparentent plus à une suite de sketchs où les gags s'enchaînent dans une bonne humeur potache qu'à un véritable scénario construit. Le schéma est à peu près toujours le même : les Charlots partent à la recherche de la fiancée de Gérard ou viennent en aide à un ami et en profitent pour semer le désordre face aux institutions. Ainsi, dans « Le Grand Bazar », ils prennent fait et cause pour un petit commerçant face à un supermarché tentaculaire. Leurs films reflètent aussi une synthèse de l'esprit baba cool soixante-huitard, avec un monde rural franchouillard un peu poujadiste très camembert-baguette, désemparé par une modernité déshumanisante. C'est bien simple : s’ils tournaient encore aujourd'hui, ils viendraient en aide à José Bové. Les Charlots muses de la confédération paysanne ?



Alternant frénétiquement les fêtes, les tournées et les films, les Charlots ne font pas vraiment attention à la qualité de ce qu’ils tournent, d’autant qu’ils n’écrivent pas leurs scénarios et que l’important pour eux reste la musique. Coluche, de passage sur le plateau du « Grand Bazar », les mets en garde. Soyez plus sélectifs et faites attention à ce que vous signez. Avertissement ô combien prophétique.


Leurs exploits transcrits en BD.



Pourtant, des projets plus intéressants commencent à arriver. « Les Charlots dans l’Espace » sur une idée de Guy Lux (O.K. c’est pas forcément un meilleur concept, mais quel film ça aurait été !) et surtout une rencontre avec Louis de Funès qui les apprécie. Sous l’égide de Claude Berri, on commence à parler d’un film commun. C’est le projet « Merci Patron » qui finit par échouer à cause des prétentions financières de Christian Fechner. Ils recrutent un nouvel agent pour gérer leur carrière, André Bézu (oui, celui de « La Classe »). Malheureusement pour eux, Bézu sera un peu leur mauvais génie. Si celui-ci est un personnage sympathique d’un point de vue relationnel, il s’avère vite que ses abus de substances illicites et son caractère fantasque nuisent à la stabilité du groupe.


Sans rire, des stars mondiales on vous dit !



Stars du box office, les Charlots s’offrent quelques caméos surprises sur des productions amies, comme « Je ne sais rien mais je dirais tout » de Pierre Richard et surtout entament de plus gros projets, « Les Charlots Mousquetaires » coupé en deux films, puis « Bons Baisers de Hong Kong ». De gros films bénéficiant de budgets élevés et de campagnes publicitaires importantes.




Au passage, il y a un aspect de la vie des Charlots que Jean Sarrus aborde ouvertement dans son livre, c'est la drogue. Héritage des années 60, les Charlots sont des fêtards invétérés. Ainsi, pour le noël de l'Elysée qu'ils animent en 73, invités par le Président Pompidou, ils reçoivent en cadeau une boîte à sucre en argent qu'ils trouvent idéale... pour ranger l'herbe... Même s'ils pratiquent la consommation de substances illicites en dilettantes, ils cherchent à expérimenter des produits nouveaux. « Bons Baisers de Hong Kong » va d'ailleurs être l'occasion pour eux de traîner dans les fumeries d'opium. Ils se feront une vraie peur lorsque Gérard sera malade au point de tomber dans le coma après avoir chassé le dragon.

Mais le cas le plus incroyable c'est Bézu qui, d'après Sarrus, était défoncé et ivre mort du matin au soir. Les gens venus négocier des contrats le trouvaient nu et stone, effondré dans le living room. S'ils l'appréciaient humainement et s'ils sont restés amis même après l'avoir viré, il les a tout de même poussés à se fâcher avec Fechner et à planter des projets extrêmement intéressants, notamment un film avec Bertrand Blier et un autre avec Jean-Jacques Beineix, pour préférer la facilité de petits films comiques. En fait, Sarrus laisse entendre qu'il était devenu leur dealer attitré et que c'est surtout à ce titre qu'il s'était mis à régenter la vie des Charlots.

Les relations deviennent orageuses avec Christian Fechner. Les résultats en salle, bien qu’encore honorables sont décevants au regard des espoirs initiaux. L’avortement de projets comme « Merci Patron » ou « Charlots, Charlottes » avec Bertrand Blier, et l’influence de Bezu, les pousse à demander des comptes à Christian sur leurs contrats. D’autant qu’ils s’aperçoivent que Fechner a récupéré la majeure partie des bénéfices et tous les droits des rediffusions télé. Le clash est inévitable, l’affaire se termine devant les tribunaux. Avec le recul, la rupture avec Fechner semble surtout avoir été une question d'ego, personne ne voulant céder entre Gérard, poussé par Bezu qui demandait une renégociation des contrats, et Christian de l'autre, qui entendait continuer à gérer à sa guise la carrière de ses poulains. Le problème c’est Jean-Guy qui se retrouve coincé entre son frère et ses amis. Celui-ci doit faire un choix et décide de quitter le groupe pour ne pas se brouiller avec Christian. Les Charlots ne seront dès lors plus que trois.


Malgré le passage de 4 à 3, les Charlots restent les chouchous des enfants.



Les Charlots se retrouvent seuls et connaissent un petit passage à vide. Le procès qui les oppose à Fechner, des problèmes familiaux (ou fiscaux pour Sarrus, qui se tape un redressement fiscal carabiné), les tiennent éloignés des plateaux de 75 à 78. Après trois ans sans tourner, ils attaquent un nouveau projet avec le producteur Jacques Dorffman (oui, celui du futur « Vercingetorix » avec Christophe Lambert), « A Nous la Liberté » de Serge Korber, pochade militaire qui est un échec. En effet, outre le fait que le film lui même n’est pas très bon, le marché est saturé de films de bidasses et de comédies du même tonneau. Ils redressent la barre financière avec le million d’entrées du pourtant très mauvais « Les Charlots en Délire » (descendu par Sarrus lui même, mais le film a encore quelques défenseurs sur le forum) puis c’est « Les Charlots contre Dracula » où apparaît un débutant nommé Gérard Jugnot. De nouveau un échec.



Les Charlots abordent les années 80 avec difficulté. Même s’ils marchent encore et continuent à tourner en concert, la qualité de leurs films a baissé et surtout il leur devient de plus en plus difficile de rester crédibles en jouant les chiens fous à quarante ans passés. Leur image s’est un peu ringardisée face au café théâtre qui monte. Ils ont trop joué la facilité en reprenant les grosses ficelles de leurs films précédents et en préférant travailler avec des tacherons du genre Jean-Pierre Desagnat, Richard Balducci ou Michel Vocoret plutôt que d’essayer de se renouveler ou de moderniser leur style.



Après s’être séparé de Bezu devenu incontrôlable, ils se tournent vers le théâtre et reprennent le classique du boulevard « La Cuisine des Anges », où ils jouent trois bagnards évadés de Cayenne qui vont se transformer en bons samaritains. La pièce, jouée à la comédie Caumartin puis en tournée (jusqu’en Asie), rencontre son public et permet aux Charlots de vivre deux ans.

Ils continuent les disques et les galas tout en préparant leurs nouveaux films. Mais le paradoxe, c’est qu’alors qu’ils ont un mal fou à concrétiser leurs projets, leurs anciens films, eux, cartonnent en rediffusion à la télévision. Le hic, c’est que les Charlots ne touchent pas un centime, Fechner en ayant gardé les droits. Si « Le Retour des Bidasses en Folie » où Luis vient les rejoindre sauve encore les meubles, on ne peut pas autant en dire de l’affligeant « Charlots Connection », où ils sont laissés en roue libre dans un film sans queue ni tête. Censés parodier les polars, les Charlots jouent les hommes préhistoriques au détour d’une scène sans la moindre raison.

Ils obtiennent de nouveau un succès en chanson avec « Chagrin de Labour » et « L’Apérobic » où Gérard reprend son accent berrichon, puis remplacent une saison Michel Drucker à la présentation d’une émission dominicale. Pendant ce temps, Gérard fait du doublage et obtient quelques propositions de rôles en solo au théâtre. En octobre 85, ce dernier, à la terrasse d’un café, avoue à ses deux amis qu’il veut arrêter l’aventure. Il estime qu’à leur âge il devient grotesque de continuer sur la voie de la grosse comédie. Les Charlots s’autodétruisent. Rinaldi connaîtra une seconde carrière au cinéma et à la télé avec le sitcom « Marc et Sophie ».


La fesse cachée des Charlots : leurs chansons érotiques.



Phil et Jean restent seuls à tenter de ranimer la flamme. Après un long passage à vide, ils recrutent un jeune musicien pour remplacer Gérard et jouer l’atout charme : Richard Bonnot. Ils continuent encore quelques temps les concerts, mais les salles sont de plus en plus petites et les galas de plus en plus fauchés.


L'époque avec Richard Bonnot, un disque qui fleure bon l'ambiance fin de banquet.



Ils tentent en 92 un ultime baroud avec « Le Retour des Charlots », dans lequel ils rameutent quelques amis comme Luis, Guy Montagné, Django Edwards ou Gustave Parking. Le film, écrit et réalisé par Jean Sarrus, est, avouons-le malgré toute la sympathie qu’on peut avoir pour eux, absolument nul. Les gags hors d’âge tombent à plat et les situations les plus outrancières tiennent lieu de scénario. Le film, descendu par les quelques critiques égarés dans la salle, passe totalement inaperçu, marquant la fin définitive des Charlots.


Le film de la dernière chance.



Dés lors, Luis Rego et Gérard Rinaldi ont continué tranquillement leur carrière à la scène, à la télé et au cinéma. On a pu d'ailleurs entendre la voix chaude de Gérard dans de nombreuses pubs radios et doublages, jusqu'à sa mort brutale le vendredi 02 mars 2012 des suites d'une longue maladie. Jean-Guy Fechner est resté dans la production de films aux côtés de son frère. Jean Sarrus s’est tourné vers la country. Reconnu dans le milieu, il organise des festivals et a animé une émission sur ce thème sur Paris Première puis à la radio. Gérard Fillippeli lui s’est retiré, mais on l'a vu toujours faire le bœuf avec quelques amis musiciens à l’occasion. Il nous a hélàs quitté le 31 mars 2021 emporté à son tour par un cancer. Enfin Richard Bonnot, après avoir travaillé pour Patrick Sébastien, continue à animer des spectacles et des foires à la saucisse, seul ou avec son groupe : Band a Bonnot .


Phil et Luis se retrouvant pour un petit concert improvisé.



On a d'ailleurs revu en 2019 Jean Sarrus, Jean Guy Fechner et Richard Bonnot pour une petite tournée 100% Charlots.



Et pour les revoir ? Il ne nous reste plus qu'à attendre le prochain après-midi de jour férié et nous les retrouverons encore, bondissants et non-sensiques, faisant tourner en bourrique toutes les institutions. Et quoiqu'on dise, on y replonge toujours en confiance, parce que nous aussi on est restés de grands gosses...

Sources, iconographie et si vous voulez retrouver les Charlots :

Le livre de Jean Sarrus "100% Charlot"

Le site des Charlots animés par les propres enfants de Jean Sarrus et Gérard Filippelli : une mine d'or bourrée de photos, d'affiches, d'infos faisant vivre la légende et d'un forum actif. mais ayant fermé ses portes, il a été relayé par un autre site de passionné : la folie des Charlots.

Le site la folie des Charlots

- Rico -

Films chroniqués

Filmographie


1992 - Le Retour des Charlots

1984 - Charlots Connexion

1983 - Le Retour des Bidasses en Folie

1980 - Les Charlots Contre Dracula

1979 - Les Charlots en Délire

1978 - Et Vive la Liberté !


1975 - Trop C’est Trop (caméo)

1975 - Bons Baisers de Hong Kong

1974 - Les Quatre Charlots Mousquetaires

1974 - A Nous Quatre Cardinal

1974 - Les Bidasses S’en Vont en Guerre

1973 - Le Grand Bazar

1973 - Je Sais Rien Mais Je Dirai Tout (caméo)

1972 - Les Fous du Stade

1972 - Les Charlots Font l’Espagne

1971 - Les Bidasses en Folie

1970 - La Grande Java