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Jean-Marie Pallardy

(1ère publication de cette bio : 2003)

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Jean-Marie Pallardy en Indien dans "Règlements de femmes à OQ Corral" (1974).



Jean-Marie Pallardy est un cinéaste particulièrement cher au cœur de Nanarland : son œuvre est en effet partiellement à l’origine du site, tant la découverte de son célèbre « White Fire » a été pour l’équipe de départ un choc filmique générateur de vocation. Réalisateur emblématique d’une certaine époque du cinéma populaire français, Pallardy est injustement méconnu dans nos contrées. Il est pourtant la preuve ultime que les Français n’ont rien à apprendre des Italiens, Philippins et autre rastaquouères dans l’art délicat du cinéma ringard.



Jean-Marie Pallardy dans "Le Ricain" (1977).



Jean-Marie Pallardy est né en Auvergne, le 16 janvier 1940. Un savant calcul nous permet d’affirmer qu’il a fêté ses 30 ans au tout début de l’année 1970. Il est d’ailleurs amusant de constater combien la date de naissance peut avoir une influence sur la personnalité. Quelqu’un qui est né le premier mois de la première année d’une nouvelle décennie ne peut, en effet, qu’avoir un tempérament de « découvreur » (passé la frustration d’avoir moins de cadeaux que les autres à son anniversaire, parce qu’il y a Noël juste avant).



Il quitte au début des années 60 la ferme familiale et gagne la capitale, où il commence à travailler comme mannequin. « J'étais un des premiers mannequins en France... surtout pour des photos sportives et autres, pour de grands catalogues... », raconte-t-il « et puis, j'en ai eu marre. Je gagnais du fric, mais je m'ennuyais. Je roulais en Ferrari, on sortait avec des filles tous les soirs, etc. Et puis j'ai eu envie de construire quelque chose, alors je me suis dit qu'après le "système mannequin", le seul qui pouvait m'aider à faire quelque chose de bien c'était ou la peinture, mais j'y connaissais rien, ou la musique, mais je suis ignare... alors ce fut le cinéma. » (Interview parue dans la revue "Sex Star System", 1975, et reprise sur le site Erotico 70). Pallardy tâte très brièvement (une semaine !) de l’assistanat, dont son tempérament indépendant ne s’accommode guère, puis réalise une bonne opération avec son premier court-métrage. « Après l'avoir monté et mis dessus de la musique western, je l'ai vendu et j'ai gagné de l'argent avec ! Alors là, j'y ai pris goût définitivement en bon Auvergnat que je suis ! » (ibid). Abandonnant le confort financier de sa carrière de mannequin, notre ami découvre les joies et les incertitudes de la vie de réalisateur-producteur indépendant.









Après quelques courts, Jean-Marie décide d’aborder le cinéma à une plus grande échelle : « Le mot court-métrage signifie trop : peu de rendement et beaucoup de soucis... Alors j'ai pensé qu'avec quatre court-métrages bout à bout, on avait un long-métrage. Alors, autant avoir un scénario complet et puis faire un long-métrage. Alors, j'ai fait "L'Insatisfaite". » (Sex Star System, op. cit.)



Avoir eu 30 ans en 1970 est aussi un détail qui a son importance. En effet, cette date sonnait la révolution sexuelle et la libération de la femme. A l’époque le X n’existait pas, et les cinémas parisiens diffusaient allégrement des films érotico-pornos. Ce qui est sûr, à la vue de la filmographie du monsieur, c’est que son cinéma érotique sent bon les seventies. Des titres comme « Règlement de femme à OQ corral » ou « L’Amour chez les poids lourds » nous rappelant qu’il fut un temps où le porno s’acoquinait plus volontiers avec un humour bon enfant qu’avec une précision quasi chirurgicale. « J’en avais rien à foutre d’être catalogué, on s’amusait, on était entourés de belles filles, on roulait en Ferrari ou en Range Rover... Les clients français demandaient ça à l’époque, des histoires simples, marrantes, tout le monde s’y retrouvait ». (Interview parue dans l'édition grenobloise du journal culturel "Le Petit Bulletin")





Après plusieurs films ciblant la niche de l’érotisme à la française, Pallardy signe ce qui sera son plus grand succès, et le titre le plus notoire de sa filmographie : « L'Arrière-train sifflera trois fois », parodie érotique de western dont le titre demeure dans la mémoire collective. « Quand j'ai vu que "L'Amour aux Trousses" (un thriller érotique avec Michel Lemoine, NDLR) plaisait, et que c'était un film à peu près professionnel, j'ai décidé de faire ce que j'aimais. Et, avec mon bon esprit rabelaisien toujours en évidence j'ai fait "Règlement de femmes à O.Q. Corral" et "L'Arrière-train sifflera trois fois". » (Sex Star System, op. cit.) L'héroïne en est l’actrice hollandaise Willeke van Ammelrooy, qui sera son égérie le temps de plusieurs films. Détail amusant : pour le polar érotique « La Donneuse », co-production franco-belge tournée en partie aux Pays-Bas, il aurait réussi à obtenir une apparition d'un jeune premier hollandais en vogue nommé Rutger Hauer... en le filmant quasi à son insu !



Jean-Marie Pallardy et Willeke van Ammelrooy.





Jean-Marie Pallardy a durant toute sa carrière, zigzagué entre pornos, pornos softs / érotiques et films classiques et c’est évidemment cette dernière catégorie qui nous intéresse. C’est en 1977 qu’il s’éloigne quelque peu de l’érotisme pour signer sa première série B authentique, « Le Ricain », une co-production franco-turque avec l’ineffable américain de France Jess Hahn.



Une affiche de la version X du « Journal érotique d'une Thaïlandaise », crédité "Boris Pradllay" (anagramme de "Pallardy").



Ce film nous donne l'occasion de noter un élément dans la filmographie Pallardyesque qui est l’aspect « bande de copains » de son cinéma, qu’il s’agisse de l’équipe technique ou des comédiens engagés par Jean-Marie. Jess Hahn et Gordon Mitchell sont en effet des acteurs que l’on retrouve au fil des années, dans les créations de Jean-Marie Pallardy, et ce même si de longues périodes les séparent. Ce qui est la preuve semble-t-il d’une réelle amitié (ou d’une dette de jeu, diront les mauvaises langues)…



Gordon Mitchell dans "Overdose"



Jess Hahn dans "Le Ricain"



On citera également Pierre Pelot, écrivain aujourd’hui célèbre que Pallardy a souvent employé comme scénariste.



Tel un Truffaut ou un Chabrol du cinéma déviant, notre ami Jean-Marie aime à bien s'entourer ! Il a ainsi collaboré, pour les musiques de ses films, avec des figures telles que Ennio Morricone (Le Ricain) et John Lord (White Fire et Overdose).



Une apparition du maître dans "White Fire"



A un niveau plus « analytique », nous avons pu remarquer une certaine constance dans les thèmes du cinéma de Pallardy : ceux de la famille et de l’enfance. En effet, Pallardy décrit souvent des familles décomposées, puis recomposées autour de la figure d’un père adoptif. Ce dernier, rassurant et stable, prend sous son aile protectrice les enfants qui font, eux, figures de victimes. « Les enfants n’ont pas demandé à venir au monde… » concluera Pallardy à la fin du Ricain…



Scène finale du "Ricain"



Ainsi dans White Fire, Mike (après que ses parents se sont fait assassiner), est recueilli et élevé par Sam (Jess Hahn). Dans Le Ricain, Olivier est un jeune garçon délaissé par son père, encore une fois protégé par « l’Américain » (Jess Hahn aussi). Dans Overdose enfin, c’est une jeune fille qui trouvera refuge dans une famille, dont Jess Hahn est encore une fois le patriarche.



Jess Hahn dans "Overdose"



Il peut être intéressant de noter que Gordon Mitchell écope constamment du rôle de méchant qui cherche à détourner l’enfant au cœur pur de son chemin, tandis que Jess Hahn fait figure du père adoptif parfait, parfois même meilleur que le père biologique (Le Ricain). Pallardy, quand à lui, incarne tantôt le père aimant (White Fire), aimant mais trop pris par son business (Le Ricain), tantôt un sbire de Gordon Mitchell (Overdose).



Pallardy en sbire sadique dans "Overdose"



D’un point de vue plus formel, on peut noter que Jean-Marie Pallardy est plus qu’un réalisateur. En effet il s’octroie un rôle dans quasiment tous ses films, allant même jusqu’à interpréter de temps en temps le héros (il interprète par exemple Ulysse dans « L'Amour chez les poids lourds », un porno soft qui transpose assez librement le mythe de l'Odyssée chez les camionneurs, ou Serva dans Le Ricain).

Avec les années 80, la demande du public évoluant, Pallardy tâte sans conviction de la réalisation de films pornos hards, sous les pseudonymes de Boris Pradley ou Boris Pradlay. Mais Jean-Marie ne s’en accommode pas et vise un cinéma plus classique et ambitieux. « Je ne voulais pas rentrer dans ce système qui disait que pour tourner de l’érotique en 35mm il fallait absolument insérer des plans hards. J’ai déchiré mon contrat au bout de cinq films et je suis parti aux Etats-Unis faire des séries B ». (Le Petit Bulletin Grenoblois, op. cit.)

Jean-Marie Pallardy sort donc du carcan franco-français et vise immédiatement une dimension internationale. Via sa société, « Les Films J.M.P. », il est co-producteur du mémorable « Bruce contre-attaque », avec l’éternel imitateur Bruce Le, improbable film d'arts martiaux franco-italo-chinois dont il réalise quelques scènes et où il tient également un petit rôle.



Finalement, en 1984, grâce à l’accord de principe de l'acteur américain Robert Ginty, alors vedette de la série B, Jean-Marie parvient à convaincre des producteurs anglais et turcs d’investir dans « White Fire » alias « Vivre pour survivre » alias « Le Diamant », son projet le plus ambitieux à ce jour.



On retrouve dans ce film mémorable Fred Williamson (quand même 15 avant que Tarantino et Rodriguez ne le récupèrent pour « Une Nuit en enfer »… sans doute une référence !). Apparemment satisfait de sa collaboration avec Pallardy, Williamson travaillera avec notre ami sur « Piège pour un tueur » (Foxtrap), médiocre polar réalisé par le grand Fred avec un coup de main de Pallardy pour les scènes se déroulant en France.





Malgré le relatif succès de White Fire, qui s’est bien vendu à l’international, Pallardy peine ensuite à monter ses projets suivants. Il tourne en Espagne, dans des conditions drastiques, « Overdose », avec Gordon Mitchell, Jess Hahn et, plus surprenant, Bruce Baron, star déchue de la série B asiatique. Selon une légende entretenue par Jean-Marie lui-même, une jeune inconnue nommée Sharon Stone aurait failli jouer le rôle principal…



Les années 90 sont laborieuses pour Jean-Marie : le marché de la série B s’assèche en Europe. Il multiplie les contacts et les projets : un remake du Ricain, avec Michael Dudikoff ; une histoire d’amour en Yougoslavie, pour laquelle ses bailleurs de fonds croates se sont retirés au dernier moment ; un mélo en Italie avec la sculpturale Anna Falchi… Autant de projets tombés à l’eau.

En 2000, Pallardy achève difficilement le tournage de « The Donor », production américano-turque tournée à Istanbul. Ce mélodrame plutôt soigné bénéficie notamment de la présence de David Carradine en guest-star. C’est d’ailleurs le regain de notoriété de ce dernier, grâce à « Kill Bill », qui permettra au film de sortir en France, directement en DVD, sous le titre de « Femmes ou maîtresses ».



En 2007, Pallardy sort un roman : "Amours parallèles", sombre histoire criminelle à base de vengeance provinciale et de lesbianisme torride, a d'abord été un projet de film que Pallardy, malgré des rumeurs de coproduction franco-italienne avec Monica Bellucci et Anna Falchi dans les rôles féminins principaux, ne put mener à bien. Tel Jean-Jacques Beineix qui transforma son projet de film de vampires, "L'Affaire du siècle", en une BD homonyme, Jean-Marie Pallardy se tourne donc vers la littérature là où le cinéma se refuse à lui laisser illustrer son imagination.


Mais c'est mal connaître le matois Jean-Marie qui réussit de façon nébuleuse par trouver des financements pour adapter son livre en film en Italie en 2009. On parle à demi mots d'un gagnant de l'Euromillion que Pallardy aurait réussi à convaincre de placer ses gains dans l'affaire. Ce sera l'extraordinaire "Kill For Love" polar érotique qui se classe très haut dans son panthéon de la folie furieuse où il incarne un riche homme d'affaire victime de nébuleuses machinations.

Le financement du film (allégorie)

 

Dans les années 2010, ses films érotiques finissent par être réédités par "Le Chat qui fume" lui permettant de se livrer au travers d'interviews où il n'a perdu ni son franc-parler, ni son bagout légendaire. Reconcilié avec nous après avoir longtemps menacé de nous casser la figure s'il nous croisait à l'occasion, il a même fait une apparition lors d'une Nuit Nanarland au Grand Rex obtenant une ovation de la salle.

En conclusion, Jean-Marie Pallardy nous apparaît vraiment comme une figure à part dans le paysage cinématographique français. Injustement méconnu, il n’a attendu personne pour réaliser des séries B plus « intrigantes » les unes que les autres et est l’auteur de quelque nanars incontournables, dont "White" Fire, qui fait figure de mètre étalon en la matière.



Un caméo de Pallardy dans "Femmes ou maîtresses"



Contrairement à Joe D'Amato, célèbre réalisateur italien qui a lui aussi oscillé entre plusieurs genres cinématographiques, dont le porno et l’érotique, JMP n’aura pu profiter d’une industrie du bis typiquement française qui eût certainement permis à sa carrière de mieux prendre son envol.



Cette comparaison soulève cependant une interrogation : bien que, comme dit le proverbe, « Nul n’est prophète en son pays », pourquoi le célèbre réalisateur italien est-il plus connu en France que son homologue Français ? Injustice que nous tentons, à Nanarland, de réparer.


Jean-Marie en Italie sur le tournage de son film, "Amours Parallèles", devenu depuis "Kill for Love"




- La Team Nanarland -

Films chroniqués

Filmographie



2009 - Kill for Love

2000 - Femmes ou maîtresses (The Donor)

1987 - Overdose

1987 - Foxtrap / Foxtrap, le piège /Piège pour un tueur (acteur et co-réalisateur non crédité)

1985 - Emmanuelle à Cannes / Emmanuelle Goes to Cannes (Boris Pradlay)

1984 - Vivre pour survivre / White Fire / Le diamant

1982 - Y flippe ton vieux (acteur uniquement)

1982 - Bruce contre-attaque / La Revanche du ninja (acteur, possible co-réalisateur non crédité)

1980 - Trois filles dans le vent

1980 - Le Journal érotique d'une Thaïlandaise / Emmanuelle 3 / Carnet intime d'une Thaïlandaise (France : version classée X)

1979 - Pénétrations méditerranéennes (Boris Pradley)

1979 - Une femme spéciale



1978 - L'Amour chez les poids lourds / Convoi spécial / Love trucks

1978 - Prends-moi de force (Boris Pradley)

1977 - Le Ricain

1975 - La Donneuse / Tremblements de chair / Naked and Lustful

1974 - L'Arrière-train sifflera trois fois / Lucky Lucky et les Daltines

1974 - Règlements de femmes à OQ Corral / Règlement de femmes à OQ Corral / Règlements de comptes à OQ Corral / Gunfight at OQ Corral / Les Sept partouzards de l'ouest / Sweet Sierra / Viols dans la Sierra

1973 - L'Amour aux trousses / Love Connection

1973 - Le Journal érotique d'un bûcheron

1973 - Le Piège

1972 - Le Dossier érotique d'un notaire / Le Journal érotique d'un notaire / Erotisme à l'étude

1971 - L'Insatisfaite

1970 - Il était une fois dans la banlieue Ouest (court-métrage)

1970 - Mon ennemi, mon frère (court-métrage)

1970 - Le Chercheur d'Or (court-métrage)