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John Steiner

(1ère publication de cette bio : 2005)

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Le très british John Steiner est l’un des visages les plus récurrents du cinéma bis italien des années 70-80. Truand sadique, officier anglais snob, comploteur vicelard, traître de mélodrame : le talent et le physique de Steiner en ont fait l’un des seconds rôles les plus cotés d’un cinéma de genre plus riche qu’on ne le croit en "gueules" et en comédiens à plus forte personnalité. Si sa présence ne nanardise pas en elle-même les films qui purent en bénéficier, il a néanmoins gagné ses talents d’acteur nanar occasionnel en jouant dans certaines catastrophes réjouissantes qui laissèrent une image de ridicule à un comédien qui méritait pourtant mieux. Enzo G. Castellari, qui l'employa dans deux films, le décrit comme un homme "exquis, très anglais, très bien élevé, très cultivé. Il avait des goûts raffinés et recherchés. Habitant à Rome depuis longtemps, il parlait l'italien avec l'accent romain." John Steiner est un acteur trop méconnu malgré son imposante filmographie, et cette biographie a pour ambition de lui rendre un peu justice.



John Steiner est né le 7 janvier 1941, à Chester, dans la région britannique du Cheshire. Après une scolarité dans des écoles huppées, Steiner s’engage dans une formation de comédien classique en intégrant la prestigieuse Royal Academy of Dramatic Arts. Il semble y avoir excellé, puisqu’au sortir de cette école, notre homme décroche un contrat de trois ans à la Royal Shakespeare Company qui est alors, dans les année 60, au faîte de son prestige.


John Steiner joue des seconds rôles sur scène et à la télévision, apparaissant dans des pièces dramatiques filmées de la BBC, et dans plusieurs séries, notamment Le Saint, avec Roger Moore. Après divers rôles au cinéma, Steiner apparaît en 1967 dans le Marat-Sade de Peter Brook, qui fait grand bruit à l’époque. Son personnage secondaire lui vaut d’être remarqué, notamment en Italie où le film remporte un grand succès.



La carrière de John Steiner va alors prendre un pli radicalement différent : au cours de vacances passées en Italie, notre homme, grâce à la notoriété que lui a apportée Marat-Sade, va obtenir l'un des rôles principaux dans un de ces westerns spaghetti qui font alors fureur. Dans Tepepa : Viva la Revolucion, film d’action très "gauchiste" de Giulio Petroni, John Steiner, dans un rôle d’anti-héros tragique, partage la vedette avec Tomas Milian et Orson Welles. Grand, maigre et blond, le très british Steiner, qui présente un air de famille prononcé avec Peter O’Toole, se fait tout de suite remarquer et fait rapidement son nid dans l’univers du cinéma italien.



Désormais installé en Italie, il ne va pour ainsi dire plus cesser de tourner jusqu’à la fin des années 80. Si l’on excepte un bref retour en Grande-Bretagne pour les besoins de la série télé Hine, au début des années 70 – une expérience qu’il n’appréciera guère, n'aimant pas les séries télé – Steiner ne va quasiment plus travailler qu’en Italie.


Bâtissant peu à peu sa réputation de comédien sérieux et professionnel, il se fait une place comme acteur de second plan, notamment dans des thrillers sur fond politique comme les Italiens en produisent alors beaucoup : Nous sommes tous en liberté provisoire  de Damiano Damiani ou Viol en première page  de Marco Bellocchio. Mais c’est le Croc-blanc de Lucio Fulci qui va lui donner en 1973 son emploi définitif : dans cette très libre adaptation de Jack London, Steiner excelle dans un rôle de méchant sadique et sans scrupules, antagoniste idéal du preux Franco Nero (héros "humain" du film). Rôle qu'il reprend dans sa suite l'année suite Le retour de Croc-blanc


John Steiner a désormais trouvé son emploi le plus fructueux. Il sera durant les années 70 le méchant de service du cinéma de genre italien, tournant à un rythme très soutenu : truand sadique dans Rome violente, grand méchant dans l’un des derniers westerns spaghetti, Mannaja l’homme à la hache, nazi dans Salon Kitty, conseiller félon de l’empereur fou dans Caligula… Il montre une forte activité dans le polar, qui a remplacé le western comme genre à la mode dans le cinéma populaire italien.








John Steiner en méchant au look draculesque dans le western-spaghetti "Mannaja, l'homme à la hache" de Sergio Martino.


John Steiner fait du Stargate SG-1 avant l'heure dans "Caligula".

Le visage hâve et inquiétant, parfois livide, de John Steiner se prête à merveille à ces emplois souvent sans nuances, son côté  "tourmenté et ténébreux" le faisant parfois ressembler à un hybride inattendu entre Peter O’Toole et Klaus Kinski. Comédien de talent, il n’en est pas moins très expressionniste, avec des résultats qui oscillent entre l’excellent et le ridicule en fonction du rôle ou de la qualité du film : ainsi, il en rajoute vraiment trop dans Les Déportées de la section spéciale SS, rejeton de la nazi-exploitation assez crapoteux où il incarne un officier nazi dérangé du cerveau.


Dans "Déportées de la section spéciale SS", film sensible et délicat.


Au mieux John Steiner peut être superbement inquiétant, au pire, ses rôles les plus caricaturaux le font parfois ressembler à une version live de Satanas (celui de Satanas et Diabolo ), d'autant que ce comédien stakhanoviste n'hésite pas à travailler dans le cinéma bis le plus tapageur. Mais son registre ne s’arrête pas là, comme il le prouvera en tenant, pour une fois – et fort bien – un rôle sympathique dans le film d’horreur Les démons de la nuit / Shock, avant-dernier (et excellent) film du grand Mario Bava. Il retrouve également Lucio Fulci pour le parodique Dracula in Brianza, dans lequel il interprète un vampire homosexuel, le Comte Craduleco (!).

 

Lucio Fulci a aussi tourné des comédies très fines...




La carrière de John Steiner dans le bis italien ressemble désormais, au vu de son rythme soutenu de tournage, à une partie de plaisir. Il sera néanmoins assez frustré de ne pas voir son parcours passer à la vitesse supérieure, même après de superbes prestations comme celle du méchant de Mannaja : dans une interview, il regrettera ainsi de n’avoir jamais décroché le gros lot malgré ses très nombreux films. Contrairement à certains comédiens étrangers travaillant en Italie (Tomas Milian, par exemple), Steiner n'accèdera que très occasionnellement aux premiers rôles, du fait notamment de son emploi habituel de méchant. Sa filmographie est en outre essentiellement axée sur le cinéma bis – dans le bon et le mauvais sens du terme – avec fort peu de productions de prestige bien vues de la critique. Film d'action ou d'aventures, horreur, S-F, polar, western, John Steiner visite tous les genres du cinéma de divertissement, pour le meilleur et pour le pire.

Aux côtés d'Annie Girardot pour Alain Cayate dans L'amour en question (1978).


Fourbe tortionnaire communiste très cabotin dans Striker (1988).


Faisant le coup de feu avec Lewis Collins dans Commando Leopard d'Antonio Margheriti (1985).


Il va ainsi se fourvoyer dans de solides nanars, au fur et à mesure que le cinéma populaire italien entame sa descente vers le n’importe quoi : il participe notamment à  Yor, le chasseur du futur, classique parmi les classiques d'Anthony M. Dawson alias Antonio Margheriti, pour lequel il campe l’un des méchants de S-F les plus caricaturaux qui soient.



 
Mouahaha, c'est moi le méchant... comme d'habitude...


On le voit néanmoins dans certains des derniers grands succès de Cinecittà : Les Aventuriers du cobra d’or, sous-Indiana Jones du même Dawson, Amazonia, la jungle blanche de Ruggero Deodato, et surtout Ténèbres de Dario Argento. Le rôle secondaire qu’il tient dans ce dernier film restera l’un des ses plus célèbres, du fait de la mort particulièrement gore de son personnage.



Steiner attrape mal à la tête dans "Ténèbres" (1982).


Mais le déclin du cinéma italien, au long des années 80, va entraîner un ralentissement de la carrière de Steiner : suremployé dans les années 70, il voit désormais ses rôles se faire plus rares et moins consistants. Comme il l'avoue en interview, ses revenus chutent dramatiquement et il doit envisager de se reconvertir. Intéréssé par l'immobilier et notamment la rénovation de résidences, il va gérer pendant deux ans une société de charpente en Angleterre. Il revient encore de temps à autre en Italie pour des rôles. On le retrouve ainsi en méchant grand vizir particulièrement caricatural dans le catastrophique Sinbad d'Enzo G. Castellari.





John Steiner grimace beaucoup dans le très ultime "Sinbad".


Après un dernier rôle en 1991, John Steiner décide de couper court à sa carrière et entame, à 50 ans, une reconversion radicale. Quittant l’Italie, il s’installe en Californie avec sa famille et entame, avec succès, une carrière dans l’immobilier. 

Il est amusant de noter que John Steiner a été en 2003 associé à un petit événement culturel : son personnage dans Ténèbres s’appelait en effet Cristiano Berti, et un photographe italien lui-même appelé Cristiano Berti, a eu l’idée de réaliser une exposition de photos sur le thème de l’homonymie, composée de portraits d’hommes tous appelés Cristiano Berti. L’ensemble de photos se terminait sur un portrait grandeur nature d’un John Steiner superbement conservé. Comme quoi on peut tourner du bis et des nanars en pagaille et rester en excellente santé ! Même s'il a refusé, depuis, diverses offres de retour au cinéma, notre homme a participé bien volontiers à plusieurs suppléments et interviews pour la ressortie en DVD ou Blu-ray de ses films, ayant pris conscience de leur statut culte lorsque, alors qu'il vendait une maison à Sage Stallone, le fils de Sylvester, celui-ci lui a fait part de son enthousiasme et son amour pour le cinéma bis italien, lui recitant certains dialogues des films auxquels il avait participés et que Steiner avait lui même oubliés.


John Steiner en 2003 (photo de Cristiano Berti).

Pendant 20 ans, John devient un agent immobilier extrêmement coté à Beverly Hills, d'abord en indépendant en s'associant avec Joan Yarfitz, puis en intégrant avec elle un énorme cabinet spécialisé dans l'immobilier de luxe. Il lance sa chaîne Youtube prodiguant ses conseils immobiliers. Et à 80 ans passés, continue à être associé au cabinet Engel and Volkers.

Hélas, le 31 juillet 2022, nous apprenions avec tristesse qu'alors qu'il circuleait en voiture à Los Angeles, il est victime d'un accident qui lui coûte la vie (et dont les circonstances sont encore en cours d'enquête au moment où nous écrivons ces lignes). 

Bien que la qualité de ses films – de beaux navets et nanars dans le tas ! – ait été variable, ce comédien qui aurait sans doute mérité d'avantage de notoriété, n’en a pas moins été l’un des plus solides piliers d’un cinéma de genre européen aujourd’hui disparu. Et son visage maigre et inquiétant continue de hanter les souvenirs de bien des amateurs de cinéma bis… 


Merci à Rico, au Rôdeur (pour la filmo) et à Cranston Mc Millan pour ses informations.

- Nikita -

Films chroniqués

Filmographie

Nous n'avons pas marqué les apparitions en quasi figurant de John en début de carrière à la télévision, ni les séries télé où il n'a joué que le temps d'un épisode.

1991 - Paprika

1990 - Michel-Ange (A Season of Giants - mini série)

1989 - Sinbad (Sinbad of the Seven Seas)

1989 -Il Professore - Boomerang (série)

1989 - Les années infernales (The Nightmare Years - mini série)

1989 - Le Roi blessé ( Gioco al massacro)

1988 - Le triangle de la peur (Der Commander)

1988 - Appuntamento a Liverpool

1988 - La nuit des requins (La Notte degli squali)

1988 - Striker

1987 - Julia and Julia (Giulia e Giulia)

1986 - Lone Runner / Flashfighter

1986 - Notte d'estate con profilo greco, occhi a mandorla e odore di basilico

1986 - Body count (Camping del terrore)

1986 - Troppo forte

1986 - Portami la luna 

1986 - Per un pugno di diamanti

1986 - Commando cobra / Cobra Mission

1985 - Berlin Affair (The Berlin Affair)

1985 - A.D. - Anno Domini (mini série)

1985 - Commando Leopard (Kommando Leopard)

1984 - Amazonia: La jungle blanche (Inferno in diretta / Cut and Run)

1984 - Un caso d'incoscienza

1984 - I due carabinieri

1984 - Le Temple du dieu soleil (I Sopravvissuti della città morta)

1983 - Yor, le chasseur du futur (Il mondo di Yor)

1983 - Mystère

1982 - Ténèbres / Tenebrae (Tenebre)

1982 - Les Aventuriers du cobra d'or (I Cacciatori del cobra d'oro)

1981 - La salamandre (The Salamander)

1981 - L'Enfer en 4ème vitesse / Thunder Run : le contrat (Car Crash)

1980 - Action

1980 - Héros d'apocalypse (L'Ultimo cacciatore)

1979 - Caligula (Caligola / Io, Caligola)

1979 - Il Piccolo Archimede

1978 - L'Amour en question

1978 - Il prigioniero

1977 - Antigang (La Malavita attacca... la polizia risponde !)

1977 - Ya ya mon colonel / Le Kolonel pédale dans le choucroute (Von Buttiglione Sturmtruppenführer)

1977 - Les démons de la nuit /Cauchemar /Schock 

1977 - Mannaja, l'homme à la hache (Mannaja)

1977 - Goodbye e amen

1977 - Gang Buster (L'Avvocato della mala)

1977 - Antonio Gramsci: i giorni del carcere

1977 - La Gabbia

1976 - Le Guêpier

1976 - Madame Kitty (Salon Kitty) 

1976 - Brigade anti-terroriste aka Calibre 44 agent très spécial (Mark colpisce ancora)

1976 - E tanta paura

1976 - Commando terreur (Milano violenta)

1976 - Les Déportées de la section spéciale SS (Le Deportate della sezione speciale SS)

1975 - Una Ondata di piacere

1975 - Il Cav. Costante Nicosia demoniaco, ovvero: Dracula in Brianza

1975 - Rome violente (Roma violenta)

1975 - Evil Baby (I Don't Want to Be Born)

1975 - Le dernier jour d'école avant les vacances de Noël (L'Ultimo giorno di scuola prima delle vacanze di Natale)

1974 - Le Retour de Croc Blanc / Le retour de Buck le loup / Les aventuriers du grand nord (Il ritorno di Zanna Bianca)

1974 - Occupations

1974 - L'invention de Morel (L'Invenzione di Morel)

1973 - SS représailles (Rappresaglia)

1973 - Croc-blanc (Zanna Bianca)

1973 - La villégiature (La Villeggiatura)

1973 - La Police au service du citoyen (La Polizia è al servizio del cittadino?)

1972 - Rads 1000 (court métrage)

1972 - Viol en première page (Sbatti il mostro in prima pagina)

1971 - Hine (série TV)

1971 - Nous sommes tous en liberté provisoire (L'Istruttoria è chiusa: dimentichi)

1970 - Une jeune fille nommée Julien (La Ragazza di nome Giulio)

1970 -  Alba pagana

1970 - L'Ane d'or (L'Asino d'oro)

1970 - Aventure à Bali (Incontro d'amore)

1970 - El bosque del lobo

1969 - Douze et un (Una su 13)

1969 - The Franchise Trail

1969 - Trois pour un massacre - Tepepa (Tepepa... Viva la revolución)

1968 - Work Is a 4-Letter Word

1967 - Marat-Sade 

1967 - Fantasmes (Bedazzled)

1965 - Darling Chérie (Darling - non crédité)