Recherche...

Richard Lynch

(1ère publication de cette bio : 2012)

Consulter la filmographie / Consulter les films chroniqués





Décidément, la camarde est déchaînée ces derniers temps. Les grandes personnalités du cinéma de série B tirent leur révérence les uns après les autres. Charles Napier, Lina Romay, Ernest Borgnine… Peu avant l’été 2012, ce fut au tour d’une autre figure emblématique du cinéma d’exploitation de nous quitter à son tour. Et quelle figure ! Un visage émacié et raviné, un regard fiévreux, une auréole de cheveux blonds devenus blancs, Richard Lynch était devenu aux côtés d’Henry Silva ou de Billy Drago l’une des gueules de méchant les plus inquiétantes du cinéma américain. Le genre de gars à la présence charismatique qui flanque les pétoches d’un seul regard et qui semble né pour jouer les psychopathes ou les sales types



Terrassé par une soudaine attaque cardiaque dans sa résidence californienne de Yucca Flat, Richard Hugh Lynch s’en est allé le 19 juin 2012, à 72 ans, dans la discrétion qui sied aux gentlemen du cinéma.



Richard est né à Brooklyn le 13 janvier 1940 (certaines sources indiquent 1936, mais 1940 semble bien la date la plus probable, confirmée par la notice nécrologique du New York Times publiée par ses proches) dans une famille modeste et nombreuse d’origine irlandaise, venue de la région de Cork. Comme Robert Ginty, il conservera d’ailleurs toujours un attachement particulier pour l’île d’émeraude et prendra plus tard la double nationalité américano-irlandaise.

A l’image de beaucoup de jeunes américains d’origine populaire, Lynch s’engage dans l’armée au sortir de ses études. Il intègre les marines en 1958, voyage avec la VIème flotte dans le Golfe Persique mais ne s’épanouit pas dans la vie militaire. Il revient à la vie civile après un service de 4 ans avec le grade de caporal, et retourne à New York pour commencer à se tourner vers le théâtre et le cinéma. Avec sa gueule d’ange, il semble fait pour les rôles de jeune premier et suit des cours auprès de la prestigieuse école de l’Actor's Studio de Lee Strasberg dont il deviendra sociétaire dans les années 70. Il tourne beaucoup sur scène à Broadway, interprétant des pièces de Shakespeare ou Arthur Miller.



C’est aussi l’époque où il traîne avec la faune du New York hippie et goûte aux plaisirs des substances psychotropes. Non sans risque. Lors d’un trip au LSD en juin 67, il va s’arroser d’essence en plein Central Park avant de s’immoler. Brûlé à 70%, donné pour mort, il en réchappe miraculeusement après une année de soins intensifs, mais pour le restant de ses jours il gardera ces marques au visage qui vont faire de lui l’un des méchants les plus patibulaires du grand et du petit écran. On a parfois prétendu qu’il avait fait ce geste pour protester contre la guerre au Vietnam, mais Lynch le confirmera lui-même très vite : ce n’était rien de plus qu’un trip qui avait mal tourné, comme il le raconte dans "LSD trip to where ?", un court-métrage documentaire éducatif de l’US Navy où l’on croise aussi Timothy Leary, et qui après cet accident met en garde les jeunes recrues sur les dangers de la drogue. M’voyez…


Lynch parlant des ravages de la drogue après son accident.



Pour se reconstruire, Lynch s’investit totalement dans son métier de comédien et tourne beaucoup sur les planches, mais son jeu passionné et son visage marqué ne peuvent que susciter l’intérêt des producteurs de cinéma et de télévision. Pour son premier véritable film, "L’épouvantail" de Jerry Schatzberg, il incarne un détenu violent qui agresse Al Pacino. Puis dans la foulée il joue un homme de main cruel dans "Police Puissance Sept" avec Roy Scheider. Ce n’est que le début d’une carrière florissante où il enchaîne les second rôles et incarne presqu’invariablement des bad guys inquiétants.


Malfrat violent dans "Police Puissance Sept"




Jouant encore les sales types dans "La chasse sanglante", entre John Phillip Law et Peter Fonda



Comme beaucoup d’acteurs typés, il est aussi de toutes les séries télé du moment : "Starsky et Hutch", "L’Agence tous risques", "Super Jamie", "Manimal", "Galactica", "Star Trek" et j’en passe de pleines brouettes.


Lynch en Klingon.




Lynch en tenancier de casino de l'espace.






Quasi star avec un rôle régulier dans Battlestar Galactica.



La télévision qui, à deux reprises, lui donne la possibilité d’avoir sa propre série, même si c’est pour avoir le rôle du méchant récurrent. Deux projets curieusement très similaires qui ne dépassent pas le temps d’un pilote, transformé ensuite en téléfilm pour la vidéo. En 77, il est le seul élément à sauver de l’assez soporifique "Les forces du mal", où il joue le maître de la secte des adorateurs d’Astaroth qui, visiblement très influencés par Rosemary Baby, veulent transformer l’épouse d’un modeste écrivain en mère porteuse du démon. Puis en 79 dans "Vampire", il incarne le prince Anton Voytek, sanguinaire et magnétique suceur de sang qui séduit l’épouse d’un architecte joué par Jason Miller, plus connu pour son rôle de père Karras dans "l’Exorciste". A chaque fois la série devait raconter la vengeance du héros après la perte de sa bien aimée, accompagné d’un vieux sage de bon conseil, exorciste ou flic selon le projet.


"Vampire", un projet auquel Lynch a beaucoup cru et qu'il a toujours considéré comme une de ses meilleures performances d'acteur.



S’il apparaît à la télévision et dans des rôles secondaires dans des productions de standing, c’est évidement dans la série B et dans le nanar qu’il va connaître à la fin des années 70 une carrière florissante. Rarement du bon côté du manche d’ailleurs, campant au mieux des anti-héros comme dans le sympathique "Delta Fox", un de ses rares premiers rôles où il joue un truand à principes, coincé entre des fédéraux pourris et un caïd de la pègre vindicatif, et qui se retrouve trahi de tous les côtés, ou encore dans le routinier "Night Force" où, en ancien mercenaire, il aide Linda Blair à traquer les terroristes en Amérique Centrale.



Il croise d’ailleurs dans ce film son propre frère Barry, qui a lui aussi embrassé une carrière d’acteur et qu’il retrouvera dans le fauché et pitoyable "Total Force", une histoire de commando usant et abusant des stocks-shots pour masquer son indigence. Barry Lynch qui, s’il ne dépassera jamais le statut de troisième couteau de la série B, réussira à se faire une petite carrière pépère dans le doublage de jeu vidéo et la figuration télé. Toujours au chapitre familial, signalons aussi Christopher, le propre fils de Richard, qui apparaîtra brièvement aux côtés de son père dans "Future Cop 2" mais n’a pas persévéré dans le cinéma.


Barry, le petit frère qui a aussi tourné dans "Star Trek" (comme à peu près tous les acteurs américains) et mène son bout de carrière au théâtre ou dans les studios de postsynchro.



Lynch joue donc rarement les bons gars. Non, la plupart du temps il joue de sa présence et de son phrasé shakespearien pour incarner des méchants mémorables : dans le très bon "Meurtre sous Contrôle" de Larry Cohen, en 76, il interprète un mystérieux personnage fantômatique aux allures christiques qui semble pousser les gens à commettre des atrocités.



Puis on le voit traîner du côté de chez Roger Corman pour le post-apocalyptique "Le Gladiateur de l’an 2000" (ou 3000 selon les retitrages français) dans lequel il affronte à moto David Carradine. De même, en 1982, il joue les sorciers maléfiques dans l’assez réussi "L’épée sauvage" du stakhanoviste Albert Pyun. Un rôle remarqué qui lui vaut la reconnaissance dans le milieu des amateurs de fantastique puisqu’il reçoit le Saturn Award du meilleur second rôle masculin, décerné par "The Academy of Science Fiction, Fantasy & Horror Films", une influente association de fans du genre.




Qu'il affronte David Carradine en l'an 3000 ou qu'il joue les magiciens malfaisants dans des âges barbares, Lynch semble avoir un faible pour les épées rigolotes.



On retrouvera régulièrement Richard dans une flopée de titres joyeusement bisseux comme "Alligator II la mutation", "Puppet Master 3 : la revanche de Toulon", "le Loup-garou" et même "Lambada la danse interdite" dont la réputation de nullité mériterait qu’on y jette un œil à l’occasion (à ne pas confondre avec "Lambada", autre film surfant sur la mode des musiques brésiliennes et des robes à pois qui lui a eu droit à sa chronique chez nous).


Gestapiste d'opérette dans "Puppet Master 3".



Un tel potentiel ne pouvait pas laisser les Italiens indifférents. Grand amateur de gueules inquiétantes, Ruggero Deodato le recrute en même temps que l’inénarrable Michael Berryman pour deux films : "Amazonia la jungle blanche", dans lequel il incarne un trafiquant complètement illuminé, et surtout l’improbable "Les Barbarians" où, nanti d’une coiffure rasta proprement inqualifiable, il joue les Thulsa Doom du pauvre face aux frères Peter et David Paul, culturistes décérébrés qui massacrent leurs scènes en beuglant comme des cochons.



Mais s’il ne devait rester qu’un rôle pour marquer les esprits, ce serait celui de l’ignoble terroriste soviétique Mikhail Rostov dans l’extraordinaire "Invasion USA". Face à un Chuck Norris plus monolithique et indestructible que jamais, il incarne l’un des plus extraordinaires méchants du cinéma. Psychotique, enfiévré, brûlant d’une fureur malsaine, il flingue ses sbires maladroits d’une balle dans les roustons et s’attaque au rêve américain à grand coups de bazooka. Comptez sur Chuck pour le punir avec toute la sévérité qui s’impose.


Même ça, ça suffira pas contre Chuck ! C'est fini pour toi Rostov !



Lynch enchaîne les films. Quelque soit la qualité du script, la prestation de Richard surnage. Lynch fait partie de ces acteurs classiques comme Christopher Lee, John Carradine ou Howard Vernon qui ont un tel professionnalisme et un tel charisme qu’ils arrivent à demeurer crédibles même dans les pires productions. Et dans les années 90, Dieu sait s’il enquille les productions faisandées, et les séries B affligeantes pour vidéoclubs de seconde zone où il croise la fine fleur des réalisateurs nanars qui gravitent dans le milieu du cinéma fast food à Hollywood. Des films calibrés et sans imagination dont les titres interchangeables et répétitifs, que les importateurs français ne se donnent même plus la peine de traduire, montrent bien l’opportunisme commercial et les intentions limitées, de "Death Match" à "Death Game", de "Maximum Force" à "Total Force" en passant par "One Man Force"…


Richard cabotinant un brin dans "Scanner Cop".


Et quand c'est pas pour la série B, c'est pour des séries aussi haut de gamme que "Caraïbes Offshore" avec Hulk Hogan.


Richard considérant sa carrière dans les années 90 (allégorie).



Quand il ne tourne pas, Lynch touche un peu à tout, s’adonne à la musique et joue de plusieurs instruments dont le piano et le saxophone. En grand voyageur, il est aussi polyglotte et maîtrise aussi bien l’italien, l’espagnol, l’allemand que le russe et le swahili !

Avec les années 2000, la crinière se blanchit mais Lynch aligne toujours ses trois-quatre films par an. De plus en plus souvent de simples apparitions dans de petites productions amateures qui sont autant d’hommages à sa présence et sa carrière. Toujours populaire, régulièrement présent dans les conventions de cinéma fantastique, on le voit jouer les father figures dans pas mal de films aux budgets faméliques. Il co-finance de petits films d'horreur comme "Les portes de l'enfer" ou joue le président américain dans le sympathique "Mil Mascaras vs. The Aztec Mummy", qui rend hommage aux films de catcheurs mexicains.



En 2007, Rob Zombie, amateur de gueules de cinéma s’il en est, lui offre un rôle de proviseur dans son remake d’"Halloween". C’est d’ailleurs pour Rob Zombie qu’il tourne son dernier film, "The Lords of Salem" (aux côtés de Michael Berryman) pour lequel il incarne le révérend John Hawthorne, célèbre accusateur des sorcières de la ville. un film dont on attend la sortie fin 2012 avec impatience.


Aux côtés de Sherie Moon Zombie, Rob Zombie et Malcolm McDowell lors des promos d'"Halloween".



Un dernier rôle qui va comme un gant à cette figure charismatique du cinéma fantastique, toujours impressionnante même fourvoyé dans les pires navetons pour chaînes câblées. So long Mister Lynch, votre visage scarifié et votre regard profond hanteront encore longtemps nos soirées télé…

- Rico -

Films chroniqués

Filmographie



2012 - The Lords of Salem

2011 - Gun of the Black Sun

2010 - Resurrection

2010 - Lewisburg

2009 - The Rain

2009 – Chrome Angels

2009 - Laid to Rest

2007 - Halloween

2007 - Mil Mascaras vs. The Aztec Mummy

2006 - The Wedding Crashers (+ producteur associé)

2005 - The Great War of Magellan

2003 - The Mummy’s Kiss

2003 - Les portes de l’enfer (Corpses are Forever) (+ producteur associé)



2003 - Ancient Warrior

2003 - Fabulous Shiksa in Distress

2003 - First Watch

2003 - Final Combat

2002 - Curse of the Forty-Niner

2002 - Crime and Punishment

2002 - Outta Time

2002 - Reflex Action

2001 - Ankle Bracelet

2001 - Death Game

2000 - Strike Zone

1999 - Lima : Breaking the Silence

1999 - Lone Tiger

1999 - Eastside

1999 - Enemy Action

1998 - Love and war II (+ producteur associé)

1998 - Armstrong

1998 - Shattered Illusions

1997 - Engrenage fatal (Under the Oath)

1997 - Divine Lovers

1997 - Ground Rules

1997 - Total Force

1996 - Diamond Run

1996 - Warrior of Justice



1996 - The Garbage Man

1996 - Le loup-garou (The Werewolf)

1996 - Vendetta

1995 - Midnight Confessions

1995 - Destination Vegas

1995 - Dragon Fury

1995 - Toughguy

1995 - Takedown

1995 - Terminal Virus

1994 - Death Match

1994 - Dangerous Waters

1994 - Cyborg 3 : The Recycler

1994 - Scanner Cop

1994 - Roughcut

1994 - Loving Deadly

1993 - Necronomicon

1993 - Showdown

1993 - Double Threat

1993 - Merlin

1992 - Relations Interdites (Inside Edge)



1992 - Maximum Force

1991 - Puppet Master III Toulon’s Revenge

1991 - Future Cop 2 (Trancers II)

1991 - Alligator II, la mutation (Alligator II : the Mutation)

1991 - The Last Hero

1990 - Invasion Force

1990 - Lockdown



1990 - After Shock (Aftershock)

1990 - La lambada, la danse interdite (The Forbiden dance)

1989 - One Man Force

1989 - High Stakes

1988 - Bad Dreams

1988 - Chantage au KGB (Little Nikita)

1987 - Les Barbarians (The Barbarians)

1987 - Nightforce



1985 - Le crépuscule sauvage (The Savage Dawn)

1985 - Invasion USA

1985 - Amazonia : La jungle blanche (Inferno in diretta)

1984 - Treasure : In Search of the Golden Horse (narrateur)

1983 - The Last Ninja

1983 - White Water Rebels

1982 - L’épée sauvage (The Sword and the Sorcerer)

1981 - Sizzle

1980 - La formule (The Formula)

1980 - Alcatraz

1980 - La Neuvième Configuration (The Ninth Configuration)

1979 - Delta Fox

1979 - Vampire

1979 - Des nerfs d’acier (Steel)

1978 - Les gladiateurs de l’an 2000 / Les gladiateurs de l’an 3000 (Deathsport)



1977 - Dogs and Cats

1977 - Les risque-tout (Stunts)

1977 - Les forces du mal (Good Against Evil)

1977 - Roger and Harry : The Mitera Target

1977 - The Baron

1976 - Meurtres sous contrôle (God Told me to)

1976 - The Premonition

1975 - Madam’

1974 - La chasse sanglante (Open season)



1973 - Police puissance 7 (The Seven-Ups)

1973 - L’épouvantail (Scarecrow)

1968 - LSD Trip to Nowhere (documentaire)



Et encore faudrait-il rajouter pratiquement autant de rôles dans des séries télévisées !