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Steve Calvert

(1ère publication de cette bio : 2010)

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Loin des tapis rouges des festivals et des flashs des photographes, la carrière de Steve Calvert se range parmi celles de ces innombrables braves qui œuvrèrent avec une constance méritoire dans le cinéma bis. Son nom ne vous dit sans doute rien, et son visage encore moins. C'est tout à fait normal, puisque le monsieur s'est spécialisé dans un créneau bien particulier, qui suffit amplement à lui gagner l'affection d'un site comme Nanarland : les rôles de gorille. Mais attention hein, on parle ici de gorilles à l'ancienne, en costume véritable, de ceux qu'on voyait péniblement s'ébrouer dans les films de jungle de seconde zone et les serials d'autrefois. De ceux qui, quand ils faisaient face au héros ou la donzelle en détresse, suscitaient l'effroi chez le spectateur naïf, alors que bon, objectivement, le seul vraiment en danger, c'était bien l'anonyme dans son costume, crevant de chaud et manquant suffoquer à tout moment. Rendons donc hommage à Steve Calvert, et, à travers lui, à tous les gorilles pelucheux du cinéma bis.


Steve Calvert, un brave parmi les braves dans l'univers du cinéma bis.

Dans la petite histoire du cinéma, celle dont ne vous parleront jamais Studio ou Première, il était donc une fois Steve Calvert, né le 28 juin 1916 dans l'Illinois, et qui allait devenir l'héritier de figures plus illustres tels Ray "Crash" Corrigan (qui sera évoqué ici) ou Charles Gemora, véritables saints patrons de tous les intermittents en costume de singe.


Une bien belle photo tirée de "Tarzan the Mighty" (1928), de Jack Nelson & Ray Taylor. A droite, Frank Merrill dans le rôle-titre. Face à lui, un anonyme suffoquant dans son costume. Hommage à toi aussi, l'anonyme !

Le peu que l'on sait de Steve Calvert provient en grande partie d'un article que l'on doit à Ted Newsom, qui a pu interviewer l'acteur en 1989, soit peu de temps avant le décès de celui-ci. Cet article, intitulé "Confessions of a Hollywood Gorilla", a paru dans le numéro 16 de la revue Filmfax, puis fut reproduit en 2006, dans une version enrichie, sur l'excellent blog "Gorilla Men" que nous ne saurions trop chaudement vous recommander.


Un article de deux pages paru dans un numéro du magazine Hit, dans les années 60.

Steve Calvert n'a guère plus de 20 ans quand il pose le pied pour la première fois sur un plateau de cinéma. De son vrai nom Steve Stevens (il choisira le pseudo de "Calvert" d'après une marque de whisky), le jeune homme travaille alors comme barman au Ciro's, un nightclub de Sunset Boulevard fréquenté par le tout Hollywood. Un lieu idéal pour faire de bonnes rencontres, et saisir l'opportunité d'arrondir ses fins de mois en jouant les figurants, voire les cascadeurs. Un des premiers boulots de Steve au cinéma consistera notamment à être la doublure de l'acteur Robert Lowery qui, l'ayant à la bonne, aidera le jeune homme à intégrer dans un premier temps la Screen Extra's Guild (syndicat des figurants), puis des années plus tard la Screen Actors Guild (syndicat des acteurs). Steve vivotera ainsi pendant 11 ans entre le zinc du Ciro's et les plateaux de Hollywood, de 1937 à 1948, année où sa micro-carrière dans le 7ème art va connaître un singulier tournant.


Steve Calvert, posant avec son épouse et ses filles devant leur maison, vers 1953.

Sa route croise en effet celle de Ray "Crash" Corrigan (1902-1976), figure active du cinéma de genre dont il estime le travail. Après avoir débuté comme prof de gym et de muscu auprès de stars hollywoodiennes, Ray "Crash" Corrigan avait, comme Steve, enchaîné les petits boulots comme figurant ou cascadeur... avant d'avoir l'idée un peu insolite, au début des années 30, de se faire confectionner deux costumes de gorille. Misant sur la qualité du travail (la fourrure est en vrais cheveux, comme les perruques à l'époque), Ray "Crash" Corrigan s'était ainsi trouvé en possession de costumes de si bonne facture qu'ils surclassaient sans peine la plupart des costumes de grands singes miteux vus jusqu'alors. L'investissement s'était avéré payant : en une petite vingtaine d'années, Corrigan aura fait le singe dans une foultitude de productions, prenant grand soin de son outil de travail, qu'il perfectionne à l'occasion. Le masque de gorille très figé qu'il utilise dans des films comme "Tarzan l'homme singe" (1934), "Darkest Africa" (1936) ou "The Ape" (1940) sera ainsi remplacé par une version plus détaillée, avec notamment une mâchoire amovible et des narines qui se dilatent, à l'oeuvre par exemple dans "Nabonga" (1944) ou "White Pongo" (1945).


"Darkest Africa" (1936), avec de gauche à droite Clyde Beatty, Manuel King et, sous le costume, Ray "Crash" Corrigan dans le rôle du sémillant Bonga.


Ray "Crash" Corrigan la même année, dans le même costume, cette fois dans le rôle d'un "Orangopoïde", créature extraterrestre originaire de la planète Mongo (notez la présence d'une corne sur le sommet du crâne). Un être redoutable qu'affronte Flash Gordon, dans l'épisode 8 du serial éponyme mettant en vedette Buster Crabbe.

En 1948, après une carrière aussi poilue que bien remplie, Corrigan consent à passer le relais, d'une part parce que son relatif vedettariat dans une série de westerns à quat' sous semble l'avoir mis à l'abri du besoin (il est notamment l'heureux propriétaire de Corriganville, un ranch transformé en studio de cinéma), d'autre part parce qu'à 46 ans, il n'a plus tout à fait la condition physique requise pour faire le coup de poing contre Tarzan ou Flash Gordon dans un costume de près de 40 kilos. Corrigan revend donc ses deux costumes de gorille, dont Steve Calvert fait l'acquisition pour la coquette somme de 1800 dollars, payable en plusieurs fois.


Steve Calvert et Mme Calvert.

Mais l'habit ne fait pas le moine, et Steve doit maintenant apprendre à singer les grands singes, à l'instar de n'importe quel comédien s'employant à se fondre dans son personnage. Dans une relation de maître à élève qu'on imagine volontiers touchante, le vétéran Carrigan entreprend donc de transmettre au jeune Calvert tous les secrets de l'incarnation simiesque. Un apprentissage que Calvert perfectionne en passant de longues heures au zoo à observer les primates. De son propre aveux, le modèle qui l'inspirera le plus sera Gargantua The Great, le célèbre gorille ayant fait la renommée du Ringling Brothers Barnum & Bailey Circus.


Gargantua the great, le gorille défiguré à l'acide : un modèle pour tous les apprentis primates.

"Tu dois faire abstraction de tes instincts d'être humain, de tes schémas de pensée" expliquait Steve Calvert. "Tu ne marches pas, tu te déplaces lourdement. Tu te montres féroce, pas par antagonisme mais pour effrayer les humains afin qu'ils te laissent tranquille". L'apprentissage complet dure environ 6 mois, au cours desquels Calvert travaille également sa condition physique. Chacun des deux costumes pèse en effet 85 livres, soit tout de même 38,6 kilos ! "La température à l'intérieur du costume grimpait jusqu'à 125 degrés Fahrenheit" [NdlR : plus de 50 degrés Celsius]. "Vous ne pouviez pas rester plus de 5 minutes avec la tête du costume, sans quoi vous tombiez dans les pommes par manque d'oxygène".




Steve Calvert et son épouse, qui l'aide - si l'on ose dire - à se déchausser.

Comme pour Carrigan des années plus tôt, l'investissement s'avère payant pour Calvert. Tout juste deux semaines après la transaction, il se retrouve embauché sur "Le Trésor de la forêt vierge", premier film de la série des "Jungle Jim", étrennant son costume en pourchassant Johnny Weissmuller dans un bout de jungle reconstitué en studio. "Sam Katzman m'a embauché au tarif de 200 dollars par jour, pour une durée de neuf jours. Pile poil de quoi régler ma créance !". A l'époque, les costumes de Steve semblent représenter un sommet de l'artisanat que les réalisateurs n'hésitent pas à mettre en valeur. "Le masque du visage était suffisamment détaillé pour être filmé en gros plan" se souvient Calvert avec fierté. "Sur Jungle Jim, ils ont utilisé une lentille de deux pouces, emplissant l'écran rien qu'avec ma tête, ça rendait vraiment bien !".


Steve Calvert, singe de génie s'avançant sur la pointe des mains pour surprendre Johnny Weissmuller dans "Jim la Jungle dans l'antre des gorilles" ("Mark of the Gorilla", 1950).

A 32 ans, Steve Calvert entame ainsi une nouvelle carrière qui, si elle ne risquait pas de lui apporter la gloire ni le succès critique, allait au moins lui permettre de faire bouillir la marmite. Dans le circuit ultra-réduit des interprètes de grands singes, il dispose en effet de deux atouts majeurs pour tirer son épingle du jeu. Son costume tout d'abord : avec ses épaules larges, ses dents exagérément grandes et sa fourrure aux longs poils, le costume de Calvert est plus impressionnant que celui de ses collègues. Si l'on prend par exemple ceux que fabriquait et endossait l'américano-philippin Charles Gemora - sans doute le plus célèbre des interprètes de singes au cinéma - ils étaient plus réalistes d'un point de vue anatomique, mais trop petits pour susciter un effroi comparable.


Le Dr Mirakle (Bela Lugosi) et Erik le gorille (Charlie Gemora) en plein argument dans "Double assassinat dans la rue Morgue" (1932). Une bête qui fait figure de demi-portion à côté de Steve Calvert.

Le talent ensuite. Steve Calvert, faire le singe, c'est son gagne-pain. L'acteur peaufine donc ses interprétations de façon consciencieuse, grognant et se tambourinant la poitrine avec professionnalisme. Si on compare son jeu à celui de George Barrows, son grand rival, Calvert l'emporte haut la main. Barrows (inoubliable interprète de "Robot Monster") a en effet une stature et une corpulence plus imposantes, mais qui le contraignaient en partie à la station debout, autrement dit une position propre aux humains qui mettait sérieusement à mal la crédibilité de son interprétation. En somme, Calvert et son costume constituent donc la bonne alchimie, un compromis équilibré, le juste milieu entre trop petit et trop grand, trop réaliste et pas assez.


Un outil de travail, ça s'entretient...


Ici, Calvert enduit les dents, les lèvres et les narines de son costume avec une sorte de vernis pour leur donner un aspect humide plus réaliste.

Parmi les prestations notoires de Steve Calvert, on ne manquera pas d'évoquer l'ubuesque "Le Gorille de Brooklyn" alias "Bela Lugosi Meets a Brooklyn Gorilla", comédie remarquable de non drôlerie, mise en boîte en 7 jours et pour 50 000 dollars par le prolifique tâcheron William Beaudine en 1952. Si on y retrouve, fort logiquement, Bela Lugosi dans un registre des plus classiques (il y incarne le mystérieux Dr. Zabor), les vraies vedettes de ce divertissement redoutable s'appellent Duke Mitchell et Sammy Petrillo, un duo de comiques réunis pour la première et la dernière fois à l'écran. Le premier est un sosie vocal de Dean Martin, le second un sosie physique et vocal de Jerry Lewis, les deux ensemble s'avérant évidemment insupportables. Steve Calvert, le gorille du titre, fait son apparition salutaire lorsque le Dean Martin d'arrière-cour se retrouve inopinément transformé en gorille par Bela Lugosi.


A droite, Steve Calvert, digne dans son costume. A gauche, Sammy Petrillo, sosie de Jerry Lewis à qui l'original faillit intenter un procès à l'époque.

Parmi les autres titres dignes d'intérêt dans la filmographie de Steve Calvert, citons "Bride of the Gorilla" (connu sous le titre "La Femme du gorille" en Belgique) de Curt Siodmak (1951), dans lequel Raymond Burr est victime d'un sortilège vaudou qui le transforme en gorille la nuit venue, la comédie musicale "Bal à Bali" avec Bob Hope et Bing Crosby, le serial "Panther Girl of the Kongo" (1955) avec Phyllis Coates en tarzanne intrépide...

...et surtout le très tordu "La Fiancée de la jungle" (1958), que l'acteur évoquait comme son film préféré. A la faveur d'un script insane signé Ed Wood (agressée sexuellement par un grand singe le soir de ses noces, une jeune femme se souvient que dans une vie antérieure elle a été gorille !), "La Fiancée de la jungle" fait la part belle aux gorilles, aux stock-shots animaliers, aux pulls angora et au n'importe quoi le plus complet, persistant de fait dans la mémoire des 400 et quelques spectateurs de la 5ème Nuit Excentrique.


Avec les dames, Steve assure comme une bête.

"Dans ce film, j'ai notamment exécuté une chute de 4 ou 5 mètres du haut d'un balcon", se souvenait Calvert. "Il y avait des matelas et des cartons pour amortir ma chute, mais l'armature en métal du masque m'a cinglé le visage lors de l'impact. Evidemment, ils avaient décidé de tourner cette scène en dernier !". Le tournage de ce film donne également l'occasion à Calvert de sortir son deuxième costume, réquisitionné pour les besoins d'un final mémorable. Il fit appel à son ami Bobby Small, lui même clown et cascadeur, pour l'endosser.


Passion Angora, les gorilles n'y résistent pas !

Au passage, contrairement à certaines assertions, il semble bien que Steve Calvert et Ray Corrigan n'aient jamais tourné ensemble. On a simplement confondu leurs apparitions du fait qu'ils utilisaient le même costume, le plus souvent sans être crédités. "Aux yeux du public, les gorilles étaient des animaux redoutables et imprévisibles. Les studios faisaient de leur mieux pour que les spectateurs croient qu'il s'agissait de vrais gorilles à l'écran, et je n'ai jamais vraiment cherché à être crédité au générique. Ca aurait gâché l'illusion." Autant dire qu'établir une filmographie exhaustive du monsieur s'avère donc mission impossible.


Steve Calvert fait face à Phyllis Coates dans le serial "Panther Girl of the Kongo" (1955). Aucun (costume de) gorille n'a été maltraité durant le tournage de cette séquence.

Les modes se succédant, on lui connaît quand même quelques incursions dans la science-fiction ringarde, dont les années cinquante marquent l'avènement. En effet, l'heure n'est plus aux films de jungle, et ils faut bien payer les factures. "Il arrivait que je travaille 20 semaines d'affilée, puis plus rien pendant un an." A l'instar de ses coreligionnaires velus (Charles Gemora jouera les extraterrestres dans "La Guerre des mondes" et "I Married a Monster from Outer Space", Ray Corrigan campera la monstrueuse créature de "It! The Terror from Beyond Space" et George Barrows trouvera un compromis ahurissant dans "Robot Monster", en surmontant un costume de gorille d'un casque de scaphandrier assorti de deux antennes !), Steve Calvert tâte donc de la SF de seconde zone. Dans ce registre, il incarne à lui seul l'invasion de la Terre par une armée de robots débarqués de Venus dans "Target Earth" (1954) de Sherman A. Rose. Comme dans "Robot Monster", il n'y a en effet qu'un costume de fabriqué pour le tournage, et donc à l'écran jamais plus d'un agresseur vénusien à la fois. "C'est moi qui faisait toute l'armée ! Du général au capitaine au première classe ! J'avançais d'un côté de la rue, ils enchaînaient sur un gros plan de Richard Denning ou n'importe qui d'autre, puis revenaient vers moi venant de l'autre côté, comme s'il s'agissait d'un autre robot."


Steve Calvert incarne la menace venue de Vénus dans "Target Earth".

En dehors du cinéma, Steve Calvert est également apparu en costume de singe à de nombreuses reprises, aussi bien à la télé (dans des séries comme Superman, Lassie ou Bat Masterson notamment) que dans des spectacles live. Au cours de sa carrière, il s'est ainsi produit aux côtés d'humoristes tels que Bob Hope, Ed Wynn, Tennessee Ernie Ford, Johnny Carson, Jack Benny ou encore Buster Keaton, avec qui il se souvient avoir improvisé une partie de ping-pong burlesque sous l'oeil de la caméra. De quoi constituer un joli réservoir d'anecdotes.


Steve Calvert et son fiston. L'avantage de faire un boulot pareil, c'est qu'au moins ça fait des photos de famille moins banales que la moyenne...

Sur la série télé Superman, celle mettant en vedette George Reeves, Calvert se souvient ainsi que "les producteurs voulaient un gorille albinos, donc on a passé un coup de spray couleur argent sur le costume. Le spray a attaqué le caoutchouc et la tête est partie en morceaux ! Ca m'a coûté 350 dollars pour la faire refaire, ce qui fait que sur ce coup-là j'ai travaillé pour des prunes."

Quant aux apparitions publiques de Calvert, il en est une croquignolette rapportée par Robert Cremer dans la biographie qu'il a consacrée à Bela Lugosi, "The Man Behind the Cape", et que lui aurait narrée Ed Wood. Nous sommes en 1953, Wood fait la rencontre d'un Lugosi vieillissant dont il devient à la fois l'ami et l'associé. La carrière de l'acteur est alors au plus bas, et son moral aussi. Pour montrer au public qu'il est toujours en vie, Wood propose à Lugosi une apparition en public, et saisit l'opportunité quand Alex Gordon et la Warner Bros proposent à Lugosi de parader en tenue de prince des ténèbres devant le Paramount Theater pour l'avant-première de "L'homme au masque de cire". Le soir venu, une limousine avec chauffeur vient chercher Lugosi, qui s'est dignement vêtu de son costume de Dracula et coiffé avec soin. Plutôt content, le vampire le plus célèbre du cinéma tombe rapidement des nues en découvrant qu'il doit défiler devant les badauds en tenant par une chaîne... un gorille - Steve Calvert ! -, et tentera sans succès de s'esquiver.

Prévue par Wood comme l'occasion d'apporter à Lugosi une bonne publicité, la performance de ce dernier tournera au fiasco absolu (lorsqu'il s'approche d'une spectatrice et fait mine de la mordre au cou, elle lui verse son verre de lait sur la tête...), y compris l'interview télévisée que Wood avait obtenue pour l'acteur. "La journaliste Shirley Thomas avait oublié ses notes pour l'interview, qui avait déjà été préparée. Bela préférait les interviews préparées parce qu'il était dur d'oreille. Quand Shirley s'est mise à poser les questions dans le désordre, Bela a lui répondu dans l'ordre initialement prévu. C'était le chaos absolu." (citation de Robert Cremer, tirée de "Lugosi: The Man Behind the Cape", 1976). Quand on évoquait cette anecdote auprès de lui, en insistant sur l'embarras supposé de Lugosi à se compromettre avec un type en costume de gorille, Calvert s'en étonnait. "Je ne vois pas de quoi il avait honte. Après tout, lui même était bien habillé en Dracula !".


Histoire de rester dans la thématique : une photo de Bela Lugosi tirée de "L'Homme-singe" ("The Ape Man", 1943). En face de lui, Emil Van Horn, un autre spécialiste des rôles de gorille, qui fut très actif dans les années 40.

En 1961, le producteur Herman Cohen planche sur son dernier né, "Konga", l'histoire d'un savant caractériel ramenant d'Afrique un bébé chimpanzé sur lequel il va expérimenter un sérum de croissance révolutionnaire... Pour tenir le rôle-titre, il songe immédiatement à Calvert, qu'il connaît depuis l'époque du Ciro's, et a déjà embauché sur deux de ses productions précédentes, "Bela Lugosi Meets a Brooklyn Gorilla" et "Target Earth". Mais Calvert a déjà tourné la page. Découragé par la raréfaction progressive des offres d'emploi simiesque, et diminué par un accident cardio-vasculaire, l'artiste s'éloigne définitivement des studios. Selon certaines sources, il aurait même revendu ses costumes à Western Costume (de sorte que pour "Konga", Herman Cohen devra louer un costume de gorille à George "Robot Monster" Barrows et embaucher un certain Paul Stockman pour l'endosser). Avec le temps, la fourrure synthétique et le caoutchouc se seraient désagrégés, laissant à nu l'armature métallique du masque, qui figurerait aujourd'hui dans la collection du regretté Forrest J. Ackerman.




Steve Calvert dit non à "Konga" et passe le relais à Paul Stockman. Bon, forcément sur la photo ça ne saute pas aux yeux, je vous l'accorde...

Au cours des dernières années de sa vie, Steve Calvert a notamment travaillé comme charpentier pour une chaîne de vidéo-clubs de Los Angeles. A Ted Newsom, il déclarait alors qu'il ne serait pas contre travailler à nouveau dans l'industrie ciné, "mais plus dans un costume de singe. Je suis trop vieux pour la guérilla du gorille". L'occasion ne se présentera pas. Steve Calvert s'est éteint à Los Angeles le 5 mars 1991, à l'âge de 74 ans, dans sa maison de la vallée de San Fernando, rejoignant ses aînés Emil Van Horn, Charles Gemora et Ray Corrigan au paradis des gorilles en mousse. Avec lui disparaît ainsi tout un pan de mémoire du cinéma bis, inestimable et dérisoire à la fois. Une "petite histoire du 7ème art" riche en figures anonymes auxquelles le cinéphage, dans un bref instant d'émotion, voudra bien rendre grâce chaque fois qu'il posera le regard sur un brave engoncé dans un costume de singe...


"J'ai toujours été timide. Du coup je me sentais en sécurité derrière mon masque. Du moment que personne ne pouvait deviner qui j'étais, j'aurais pu jouer n'importe quoi. Tandis que si j'essayais le visage à nu, j'étais tétanisé." Steve Calvert

Liens :

L'excellent blog Gorilla Men, sans le boulot duquel cette bio ne serait rien.

La bande-annonce originale de "La Fiancée de la jungle"

La bande-annonce originale de "Bride of the Gorilla" (et ici le film, libre de droit)

La bande-annonce originale de "Bela Lugosi Meets a Brooklyn Gorilla" (et ici le film, libre de droit)

Et puis un grand merci à Jean-Pierre Putters pour sa contribution à l'iconographie de cette bio. Louée soit la munificence insolemment bath de ce Monsieur !

- John Nada -

Films chroniqués

Filmographie

1958 - La Fiancée de la jungle (The Bride and the Beast)

1955 - Hook a Crook

1955 - Panther Girl of the Kongo (serial de 240mn) / The Claw Monsters (remontage ciné de 100mn sorti en 1966)

1954 - Target Earth

1954 - Superman and the Jungle Devil (TV)

1954 - The Bowery Boys Meet the Monsters

1953 - Here Come the Girls

1953 - Spooks! / Tails of Horror

1952 - Bal à Bali / En route pour Bali (Road to Bali)

1952 - Le Gorille de Brooklyn (Bela Lugosi Meets a Brooklyn Gorilla)

1951 - Fraidy Cat

1951 - La Femme du gorille (Bride of the Gorilla)

1950 - Forbidden Jungle

1950 - Jim la Jungle dans l'antre des gorilles (Mark of the Gorilla)

1948 - Le Trésor de la forêt vierge (Jungle Jim)