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Shoktir Lorai (Banglar Robocop)

(1ère publication de cette chronique : 2022)
Shoktir Lorai (Banglar Robocop)

Titre original :Shoktir Lorai

Titre(s) alternatif(s) :Banglar Robocop

Réalisateur(s) :Iftekar Jahan

Année : 1997

Nationalité : Bangladesh

Durée : 2h08

Genre : Robocopie pas conforme

Acteurs principaux :Danny Sidak, Munmun, Shahin Alam, Notun

Jack Tillman
NOTE
3.75/ 5

50% homme, 50% machine, 100% nanar.

Tremblez, gredins ! Vous n'échapperez pas au juste châtiment de Banglar Robocop !

Le Bangladesh a beau être l'un des pays les plus pauvres du monde, il n'en est pas moins riche d'une industrie ciné rivalisant avec ses grands frères indien et pakistanais sur le terrain du plagiat nanar décomplexé. A Dhallywood, les personnages s'invectivent en se tournant théâtralement face au public (la touche pakistanaise), les chansons, les danses et les drames familiaux font partie du cahier des charges obligatoire, et les grands succès américains sont copieusement repompés. Avec ce Shoktir Lorai (qui signifie en bengali "Une lutte pour le pouvoir"), nous allons évoquer une nouvelle oeuvre culte du réalisateur Iftekar Jahan, un genre de Bruno Mattei bangladais, qui s'attaque ici au Robocop de Paul Verhoeven avec, comme toujours, ce mélange de candeur attendrissante, de système D et d'absence totale de complexes en matière de propriété intellectuelle. Tout ce qu'on aime.

Mourir dans un nanar, c'est tout un art.


Ils sont beaux, mes sbires bangladais !

Approchez, approchez ! Spéciale promo sur la moustache, messieurs-dames !

Le Banglar Lover tête à claques de service.

Comme dans un bon Banglar Death Wish, le Bangladesh est en proie à une vague de criminalité sans précédent. La preuve, on ne peut plus chanter et danser avec sa petite famille sur la plage sans se faire agresser par des voyous moustachus à coupe mulet. Pendant ce temps, un savant fou, le docteur Mola, se livre à des expériences nanardes dans son laboratoire nanar. Son assistant, le docteur Jahan, est témoin d'un meurtre et s'en va dénoncer les assassins à la police. Pour faire pression sur lui, les bandits prennent sa femme et sa fille en otages. Le kidnapping tourne au drame lorsque sa petite fille est tuée par le méchant sous les yeux de notre héros, lequel est à son tour criblé de balles. Sa femme, qui a eu la présence d'esprit de s'évanouir, ramène ensuite le corps de son mari mourant jusqu'au laboratoire du docteur Mola. Le bon docteur se livre alors à une opération nanarde et transforme son assistant en... Banglar Robocop !

La science du futur vue par le visionnaire Iftekar Jahan.

Les gentils avant le drame. Tellement insouciants.

God save the queen Munmun, la muse d'Iftekar Jahan, ici dans le rôle de madame Jahan (le réalisateur en pinçait-il pour elle ? Etaient-ils mariés dans la vraie vie ? Mystère).

Un bon méchant, c'est d'abord une trogne que seuls les méchants peuvent avoir.

Un bon méchant, c'est aussi une déco d'intérieur qui en jette.

Une casserole sur la tête, des morceaux de ferraille scotchés sur tout le corps, un regard complètement ahuri, une démarche d'arthritique des plus cocasses... l'acteur Danny Sidak est un Robocop prodigieusement ridicule. Malgré le fait que le docteur Jahan semble avoir perdu plusieurs dizaines de points de QI et possède désormais une conversation des plus limitées, madame Jahan ne semble pas du tout mécontente du changement opéré chez son époux. Il faut dire que maintenant, il lui obéit au doigt et à l'oeil, et c'est désormais lui qui se tape le ménage, madame Jahan ordonnant à son cyborg de mari de nettoyer les rues de Dacca au kärcher. Et notre justicier en fer blanc de rosser les gangsters de la plus hilarante manière, poursuivant et rattrapant de jeunes voyous en se déplaçant à 1 km/heure. Il faut dire aussi que sa nouvelle nature robotique n'handicape pas notre héros au point de l'empêcher d'esquisser un pas de danse figé lorsque madame se met à chanter et danser amoureusement avec Banglar Robocop dans une séquence franchissant toutes les limites du kitsch.

Entre un coupage de squeele à l'arme de poing...

...et un tabassage de violeurs...


...Banglar Robocop s'autorise une pause karaoké.

1. Servir le public
2. Protéger les innocents
3. Faire respecter la loi
4. Chanter et danser n'importe comment sur la plage

Cependant, tout cela n'est pas du goût du méchant, un parrain de la pègre moustachu, qui décide de kidnapper la femme et la fille du docteur Mola, et de les attacher sur des chaises électriques nanardes. Le gangster cherche ainsi à obliger le gentil savant à transformer sa jeune maîtresse en invincible femme-cyborg, capable d'arrêter les balles avec ses avant-bras comme Wonder Woman (ou comme Catman) et de massacrer des innocents sans défense, sans aucune pitié et en faisant la moue.

Le méchant et sa sexy bitch, avant la robotisation de cette dernière.

La Terminatrice bangladaise.

Satisfait de son plan machiavélique, le méchant kidnappe une deuxième fois madame Jahan pour contraindre Banglar Robocop à affronter sa Banglar Lady Terminator. Pour accentuer le caractère décisif de cet affrontement de titans, le réalisateur filme d'abord les deux adversaires avançant très très longuement l'un vers l'autre dans un ralenti bien pompier, avant de leur faire s'échanger des beignes façon Banglar Trinita, de casser tout le décor et de se taper dessus à coups de troncs d'arbre en mousse. Cette baston homérique (tendance Simpsons) se conclura de la plus spectaculaire manière par l'association d'un stock-shot de volcan et d'un effet spécial foireux.

Banglar Robocop et Lady Terminator commencent par s'affronter dans un concours "à celui qui écarquillera le plus les yeux".

Un bon point pour le film : la Terminatrice se démène vraiment comme une bête pour dynamiser la baston finale.

Iftekar Jahan n'oublie pas de photocopier plusieurs passages du chef-d'oeuvre de Verhoeven. Notamment la scène culte où Robocop neutralise une bande de violeurs sur une aire d'autoroute en tirant dans l'entrejambe d'un des agresseurs à travers la jupe de la fille prise en otage. Ou encore la scène où Robocop retrouve la mémoire de son passé, ici en se rendant sur la tombe de son enfant, ce qui provoque un flashback musical suivi d'un viril beuglement vengeur de Danny Sidak. Comme dans Banglar Superman et dans Banglar King Kong, le réalisateur ne se prive pas non plus de piquer quelques plans au métrage hollywoodien dont il s'inspire (ici, le plan iconique où Robocop sort son gros flingue de son armure robotisée). Et il va sans dire que le pillage s'étend aussi au domaine sonore, les musiques de Superman, de La fièvre du samedi soir, de Black Rain, d'Il était une fois dans l'ouest et de Pour une poignée de dollars étant aussi mises à contribution.

Le cousin bangladais du Robo Warrior, le cyborg hongkongais de "Robo Vampire".

"...""...""..."_ "Oui, allô docteur Mola ? Je vous appelle parce que mon mari semble avoir une panne de circuit. Sa fonction "expression faciale" a l'air de ne plus marcher."

_ "Ah, attendez, je crois qu'il se réveille..."_ "BEEEEEUUUUAAAAAAAAARRRRHHH !!!"_ "C'est bon docteur, ce n'était qu'une fausse alerte. Excusez-moi de vous avoir dérangé."

Voilà encore un fort beau rip-off bangladais, qui donne envie d'explorer davantage le cinéma populaire de cette contrée, même si je dois vous prévenir qu'il faut attendre une heure pour que notre héros soit changé en Banglar Robocop. Pour patienter pendant cette première moitié un peu molle, on a droit à quelques bagarres typiquement bangladaises et à une scène à la Mission : Impossibledans laquelle le gentil jeune flic retire son masque et se révèle être le vieux méchant déguisé, malgré ses vingt bons kilos de plus, son double-menton et sa tête beaucoup plus massive (enfoncé, Tom Cruise !).

"Gnééééhéhéhé !"

"Transformation !"

"Pikabouh !"

Démoniaque, le méchant se lance dans un impitoyable numéro de cabotinage, qui tétanise ses victimes.

Et puis dès qu'arrive la partie SF, le nanaromètre menace brutalement d'imploser : c'est à partir de là que commencent vraiment les réjouissances. Encore un monde aux personnages unidimensionnels, où quand vous avez été prise en otage avec vos parents par un mafieux psychopathe, vous vous mettez à chanter langoureusement avec votre kidnappeur. Bref, ce film est une perle.

Et bien sûr, comme tout spectacle familial bangladais, le film respecte son quota d'ultra-violence et d'hémoglobine.

"Ce rôle, c'est la consécration de ma carrière. Cette casserole à visière renforce mon charisme, je le sens."

- Jack Tillman -

Cote de rareté - 7/ Jamais Sorti

Barème de notation

Trouver ce film par des moyens légaux, c'est un peu comme essayer de faire le cent mètres dans le costume de Banglar Robocop. Et même si vous parvenez à mettre la main sur une copie VCD délavée sur le net, ce sera du bengali non-sous-titré, mais ça je pense que vous vous en doutiez.