Recherche...

Aadi Yug

(1ère publication de cette chronique : 2024)
Aadi Yug

Titre original :Aadi Yug

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Tatineni Prasad

Année : 1978

Nationalité : Inde

Durée : 1h46

Genre : Quand les stock-shots dominaient le monde

Acteurs principaux :Saheen Aman, Ramesh Goyal, Mehndi Jamal, Rafeeq Khan, Vinay Kumar

Jack Tillman
NOTE
2.5/ 5



Quand la Hammer, alors sur le déclin, retrouve quelques couleurs (le vert des billets surtout) grâce au plébiscite de Un million d'années avant Jésus-Christ (1966) et la fraîcheur d'une Raquel Welch immortalisée en bikini-fourrure, c'est un peu la divine surprise. Consciente qu'il faut battre le fer du succès commercial tant qu'il est chaud, la firme enchaîne avec Les femmes préhistoriques (1967), Quand les dinosaures dominaient le monde (1970) et Creatures the World Forgot (1971) sorti chez nous sous le titre dingo Violence et sexe aux temps préhistoriques (!). Pendant un temps, les films sur les hommes des cavernes, les pin-up en peaux de bêtes et les grosses bébêtes antédiluviennes reviennent ainsi à la mode dans le cinéma d'exploitation, et notamment... en Inde. Citons l'alléchant Purana Purush, la graveleuse série des Adi Manav (dont le premier opus psychédélique nous refourgue en intro cinq minutes de stock-shots crasseux de 2001 L'Odyssée de l'Espace), le Aadi Yug qui nous occupe aujourd'hui, et sans doute encore d'autres merveilles à (re)découvrir. Des films tout à fait accessibles à un public occidental qui plus est, car ici point de barrière de la langue puisque tout le monde s'y exprime en borborygmes et en bouga-bouga comme dans les oeuvres originales de la célèbre firme britannique.


Afin sans doute de ménager toutes les sensibilités et susceptibilités religieuses, Aadi Yug nous raconte les débuts de la vie sur Terre en mélangeant créationnisme et darwinisme à la manière d'un Adam et Eve contre les cannibalesA l'aube des temps donc, Adam et Eve (à moins qu'il ne s'agisse de leurs versions hindoues Manu et Ida) se baladent à poil dans la campagne indienne, une feuille de papier pudiquement (et très très discrètement) tenue devant l'objectif de la caméra pour dissimuler leurs parties intimes. Ayant croqué dans le fruit défendu, nos deux ancêtres potelés s'envoient en l'air hors-champ et nous les retrouvons ensuite vêtus de pagnes, baguenaudant toujours dans un paysage rocailleux.

L'art de la jouer consensuel dans un pays très conservateur.

Cacher ce zigouigoui que nous ne saurions voir.

Comble du raffinement et de la subtile suggestion : deux branches d'arbre se frottent l'une contre l'autre pour symboliser les ébats d'Adam et Eve.

La suite du film est pourtant beaucoup moins prude et nous joue "La guerre du feu aux fesses", dérogeant à la chasteté habituelle des productions du sous-continent.

Des cadrages renversants.


Soudain, nos deux tourtereaux sont attaqués par un éléphant qui se met à les poursuivre. Eve se met à pousser d'hilarants gémissements orgasmiques en courant. C'est alors que nous assistons ébahis à l'arrivée d'un second pachyderme, et à ce qui se veut un "combat" à mort entre les deux éléphants : à l'écran, les deux animaux restent placidement l'un à côté de l'autre sans se toucher, l'air un peu perdus, et on aperçoit régulièrement le bâton d'un cornac qui tente désespérément de les exciter pour les rendre plus "sauvages". Plan de coupe sur Adam et Eve qui assistent terrifiés à ce choc de titans. Plan suivant : un des éléphants est à terre, censément mort, et l'autre s'en va d'un pas tranquille. De son côté et après avoir repassé la scène pour bien comprendre ce que le réalisateur a essayé de lui montrer, le nanardeur est écroulé de rire devant ce spectacle hallucinant.

Un "combat" d'une sauvagerie extrême.


La suite s'intéresse aux descendants d'Adam et Eve : une tribu de couillons passant leur temps à chasser, à faire la cueillette, à copuler, à se battre entre eux pour la possession d'une femme et surtout à cabotiner à plein tube en éructant des borborygmes de demeurés, en braillant des grognements de traumatisés faciaux et en rigolant comme des abrutis sans aucune raison, dans un concours permanent de grimaces. Difficile de raconter le scénario car il n'y en a pas mais nous allons quand même essayer de résumer ce joyeux foutoir...

Gnééé !

Gneuh !

Bounga !

Gmurf !

Booorh !

Waaarh !

Kikou !

Beeeuuurgh !

Yiiiiiik !

Le clan de la caverne des cabotins.


Un stock-shot d'éruption volcanique ayant décimé leur tribu, le héros et son sidekick moustachu sont acceptés par une autre tribu aux moeurs un poil plus "évoluées" que les leurs : ils surjouent eux aussi comme des débiles profonds mais mangent des fruits et mettent en commun la nourriture au lieu de se battre pour la moindre cuisse de poulet. A un moment, le méchant balance le mannequin en mousse du chef de la tribu depuis une falaise (avec un "Aaaaaaah !" ridicule) pour devenir calife à la place du calife et violer la fille du chef. Mais le héros ne laissera pas une telle fourberie impunie et se battra contre le malandrin, au cours d'un duel rendu quelque peu confus par la ressemblance du héros avec le méchant (ils ont la même tête, la même coiffure et sont habillés exactement pareil, on n'y comprend que dalle !). Pour s'occuper entre deux bastons, nos Cro-Magnon matent aussi des nanars, en l'occurence des stock-shots cradingues et tout gondolés de Frankenstein conquiert le monde !


 Scoop : dans la préhistoire, nos ancêtres mataient du kaiju pour passer le temps !


Et comme ils étaient primitifs, ils ne respectaient même pas le ratio d'origine ces sauvages !

Et puis comme si ça présence via des inserts volés ne suffisait pas, le monstre Baragon...

...se retrouve carrément propulsé sur l'affiche. Gros coup de gourdin sur la propriété intellectuelle.

Le saviez-vous ? Le mascara et le rouge à lèvres étaient très prisés des femmes des cavernes !


Aadi Yug
fait partie de ces nanars mineurs mais extrêmement sympathiques, qui compensent le néant absolu de leur scénario par une combinaison d'éléments réjouissants. L'ambiance très singulière, avec sa pellicule granuleuse, son montage chaotique, ses zooms brutaux, ses bruitages rigolos et son synthétiseur fou faisant couiner en continu ses mélodies pouêt-pouêt expérimentales. Le surjeu souvent désopilant des acteurs en demeurés congénitaux des cavernes, ou les comédiens qui en font des caisses pour mimer un combat contre un stock-shot de "dinosaure" (enfin, de lézard avec une collerette collée sur le dos). Le déluge de stock-shots en noir et blanc (piqués à Tumak, fils de la jungle, un film américain de 1940 !) intercalés avec les plans en couleurs de 1978. L'attaque risible du yéti, craignos monster grotesque et libidineux joué par un intermittent en pyjama de fourrure. Bref, tous les ingrédients d'un spectacle d'une naïveté rafraîchissante sont réunis.

L'ancêtre de Mike Ransom contre l'ancêtre de Jakoda.

Un yéti pelucheux.

Just married.

Stock-shot.

Pas stock-shot.

Stock-shot.

Pas stock-shot.

Stock-shot.

Pas stock-shot.

Stock-shot.

Pas stock-shot.

Un caméo involontaire de Victor Mature, le héros de "Tumak, fils de la jungle" (One Million B.C.), production hollywoodienne de 1940. "Tumak, fils de la jungle" a d'ailleurs été pillé par de nombreuses productions, parmi lesquelles de flamboyants nanars comme Robot Monster (1953), Vampire Men of The Lost Planet (1970) ou encore le turc Tarzan Korkusuz Adam (1974).


Ne vous attendez toutefois pas à de la rigolade non-stop. Aadi Yug appartient à la catégorie du "mou hypnotique" (copyright Kobal), un ovni hyper-fauché au premier degré imperturbable, dégageant une atmosphère étrange qui pourra plaire aux amateurs de pures bizarreries filmiques. Il y a beaucoup de longueurs mais l'oeuvre est impossible à détester. Pas trop long du fait de l'absence de séquences musicales, ce film se résume à une poignée d'acteurs de patronage s'amusant comme des gamins dans leurs rôles de consanguins de l'âge de pierre, au milieu de stock-shots tellement voyants que c'en devient tout simplement magique. Un beau petit nanar, au sens le plus affectueux du terme, sans prétention mais suscitant un fort capital sympathie.

Youpi ! On est sur Nanarland !

- Jack Tillman -

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

Devinez quoi ? Ce film n'est jamais sorti sur support francophone. Mais comme tout le monde parle en borborygmes, on pourra sans problème se contenter du VCD indien édité par Moser Baer, lequel peut se dénicher sur le Net et sans doute dans quelques boutiques indiennes. Avec ce genre de film, il ne faut de toute façon pas trop compter sur une prochaine sortie Blu-Ray restauration UHD 4K avec trois heures de bonus, scènes coupées et making-of.