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New York Ninja

(1ère publication de cette chronique : 2022)
New York Ninja

Titre original : New York Ninja

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :John Liu, Kurtis Spieler

Année : 2021

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h33

Genre : Ninja Fights Back from the Grave

Acteurs principaux :Cynthia Rothrock, Michael Berryman, John Liu, Don ''The Dragon'' Wilson, Adrienne Meltzer

La Team Nanarland
NOTE
5/ 5

 

A l’été 2021, des rumeurs ont doucement commencé à monter autour d’un projet initié par l’éditeur américain Vinegar Syndrome, spécialisé dans la réédition de films bis et d’exploitation vintage. Ils auraient découvert un peu par hasard les rushs d’un film de ninja inconnu, tourné en franc-tireur en 1984 dans les rues de New York par l'acteur et artiste martial taïwanais John Liu.

John Liu Chung-Liang, après une honnête carrière de tatanneur à Hong Kong, cherchait à percer internationalement et avait commencé à réaliser ses propres films à sa gloire hors d’Asie, comme l’obscur La revanche du Chinois tourné en France en 1981, ou l’année suivante l’espagnol et foutraque Dans les Griffes de la CIA déjà chroniqué chez nous.

La conquête de l’Amérique en était la suite logique et John Liu, désireux de profiter de la vague ninja à la mode à l’époque, s’associe à la 21st Century Distribution Corp. Rien à voir avec la 20th Century Fox non, il s’agit d’une petite société opportuniste, surfant un peu sur la confusion des marques et généralement spécialisée dans l’importation de productions bis asiatiques ou européennes, remontées pour le marché américain des drive-ins puis de la vidéo.

Liu scénarise, réalise et s'octroit le rôle principal du New York Ninja qui va appliquer sa propre justice dans une grosse pomme gangrenée par le crime, la corruption et les punks bariolés. S'ensuit un tournage guérilla, aux faibles moyens certes, mais fait très sérieusement pour nous offrir le long-métrage qui fera de John Liu la star des arts martiaux que le monde attend depuis Bruce Lee.

Problème : alors qu’il est en plein tournage, la 21st Century Distribution Corp., qui a déjà pas mal de problèmes financiers, dépose le bilan dans des conditions peu claires, pour être plus tard rachetée par l’escroc, le financier Giancarlo Paretti, par ailleurs futur propriétaire... et faillitaire de la Cannon et de la MGM dans la célèbre et ténébreuse affaire dite du Crédit Lyonnais.

Pour Liu, cette faillite est une douche froide : si le gros de son film a été tourné, il manque encore une poignée de scènes pour finaliser l’histoire et surtout toute la post-production reste à faire, à savoir faire développer la pellicule, réaliser le montage, la bande-son avec musique et buitages, l'étalonnage, les titrages des génériques etc. Résultat : les rushs sont oubliés 37 ans dans les archives de la société. Et ce n’est évidemment pas Paretti, qui rachète donc la marque et le catalogue quelque temps plus tard pour justifier son statut de producteur et bénéficier du nom trompeur sur sa carte de visite, qui va mettre en valeur ce patrimoine oublié.

Après une deuxième faillite, la 21st Century Distribution disparaît complètement en 1996 et son fond de catalogue part dans les archives MGM. Avec le temps, comme beaucoup d’autres vieux films qui n’intéressent pas grand monde, ces bobines qui prennent de la place et la poussière passent de main en main ou plutôt d’entrepôt en entrepôt. Si bien qu’il est envisagé de les détruire pour faire de la place. Heureusement la compagnie de passionnés Vinegar Syndrome, toujours à la recherche de titres d’exploitation à sauvegarder et rééditer, négocie les droits sur ce trésor oublié et, parmi les films archivés, découvre par hasard les rushs de New York Ninja.

Et là, pour les responsables du label Ryan Emerson et Kurtis Spieler, c’est le choc. Ils ont entre les mains une véritable pépite. Un diamant brut à mille carats encore dans sa gangue mais qu’il serait criminel de ne pas exposer au monde.

Certes il n’y a pas de son, le film n’est pas fini et une bonne partie des acteurs ne sont même pas identifiables, mais que diable.

Le premier réflexe est de contacter John Liu qui est encore vivant et qui, aux dernières nouvelles, s’est retiré pour vivre en quasi ermite dans un coin reculé du Vietnam. Celui-ci ne veut plus entendre parler de ce film, n’a conservé aucun script et de toute façon s’en moque. Par contre, il donne sa bénédiction à Vinegar pour faire ce qu’ils veulent du métrage.

Commence un travail de bénédictin pour reconstituer quelque chose de la pile de rushs muets et dans le désordre. Kurtis Spieler, qui est monteur et réalisateur, s’attèle à essayer de reconstituer une histoire cohérente à partir de scènes invraisemblables, à remplir les trous du scénar et à imaginer les dialogues correspondant aux situations. Un genre de puzzle à 5000 pièces sans avoir les bords…

Car le projet qui se dessine est d’offrir au film une véritable ressortie sans le dénaturer ni jouer la carte facile de la parodie ou du fun cynique. Faire du mieux possible le film qui aurait dû être fait, s’il était effectivement sorti en 1984.

A partir des rushs remontés de la façon qui semblait la plus logique possible, il réécrit une intrigue et des dialogues plausibles, puis part à la recherche de ceux qui pourront porter vocalement le film et retrouver les intonations et le ton juste d’époque. Pourquoi ne pas recruter des pointures du cinéma d’exploitation des années 80-90. Don "The Dragon" Wilson, Cynthia Rothrock, Michael Berryman, Linnea Quigley… autant de gens qui savent ce qu’on attendait d’acteurs de série B.

Le tout avec une musique synthwave du groupe Voyag3r pour coller à l’ambiance d’époque.

Quand on a vu apparaître les premiers trailers en septembre (coucou Mathieu Berthon), notre position a forcément oscillé entre excitation et appréhension. Excitation tant tout apparaissait dans le style de ces films 80’s que nous aimons si fort, croisement décomplexé entre les films de Godfrey Ho et Le Justicier braque les dealers. Et appréhension tant la crainte était grande de voir ce film transformé en une sinistre parodie méta, détournée par des petits malins au cynisme facile, le sourire en coin.

Alors quand nous nous sommes réunis pour visionner ce New York Ninja, force a été de constater : beau boulot Vinegar Syndrome

Rico

L'avis de Barracuda


J’étais très méfiant en entendant parler de ce projet de rééditer un film perdu des années 80 en refaisant la bande-son. Je craignais un doublage “blague” qui essaie de faire de l'humour et finisse par dégoûter le spectateur en offrant un mauvais “nanar volontaire”. Je suis très heureux de m’être trompé. Le projet a été mené avec en tête le respect de l'œuvre originale, aussi bien ses maigres qualités que sa nanardise époustouflante. 

New York Ninja est en effet une perle brute, un de ces nanars qui le sont dès les premières minutes et ne relâchent jamais la pédale par la suite. On y suit les aventures de John, qui suite à la mort de sa femme poignardée avec un couteau en caoutchouc, devient le héros que la ville ne mérite pas, dont elle n'a pas besoin non plus d'ailleurs, mais enfin bon, maintenant qu'il est là on ne va pas le mettre dehors. 


L'essentiel du film est donc une succession d'affrontements entre John le ninja et des loubards mal attifés, tandis que derrière la scène un savant fou atomiste et son chauffeur ourdissent une sourde machination. 

Présenté comme ça, vous vous demandez peut-être ce qui nous a tellement enthousiasmés, mais comme le répète inlassablement Philippe Etchebest à la télé, la force d'une recette ce n'est pas toujours son originalité. Une carte resserrée, des plats simples avec des produits frais, c'est la véritable clé du succès, et New York Ninja est allé chercher les meilleurs.

Le ninja : une fois qu'on a souligné que John Liu joue mal, on n'est pas plus avancé. Il faut aller plus loin pour saisir son essence. John Liu joue mal comme si sa vie en dépendait. Il joue plus mal qu'un Français à Roland-Garros. Plus faux qu'un scoop de France Dimanche. Plus à l'ouest que la Pointe du Raz.


Les loubards : il faudrait inventer un nouveau mot pour les décrire. Je propose "Bigariolé". On sent l'inspiration des Guerriers de la Nuit, mais on sent surtout le besoin d'attirer l'attention sur les fringues pour éviter qu'on remarque que les visages se répètent plusieurs fois. On finit par se demander si New York Ninja était réellement si perdu que ça puisque, clairement, des gens chez Desigual avaient vu le film depuis longtemps.

Le savant fou : il a deux passions dans la vie, empaler des mouches sur des aiguilles à tricoter et se masturber en tripotant des matières radioactives, et c'est cette dernière qu'il a choisie comme référence pour son surnom de "Plutonium Killer" (logiquement c'était ça ou "L'Enculeur de Mouches"). On espère que tous les super-vilains ne choisissent pas leur nom comme ça, sinon on va regarder Dr. Octopus et Le Pingouin différemment.

Le chauffeur : l'étoile filante du film. Le jeu d'acteur sans doute le plus drôle de tout le casting - ce qui n'est pas peu dire - un look d'une ringardise extraordinaire dominé par une interminable queue de rat dégueulasse qui lui fait office de personnalité, un style de combat inspiré des plus grands maîtres de Honfleur... N'en jetez plus, Nanarland a une nouvelle icône.

En préparant ces 4 ingrédients de cent façons différentes tout au long des 90 minutes du film, John Liu nous livre une incroyable formule entrée-plat-dessert-café-gourmand du nanar sans jamais se répéter. Il laisse le spectateur éminemment satisfait et repu, sans même le début d'une indigestion malgré sa richesse. Merci chef !

L'avis de Plissken (que vous pourrez retrouver plus en détail sur le forum)

Ce New York Ninja est le New York Ninja de Vinegar Syndrome. C’est indéniable. Ce n'est donc pas le New York Ninja de John Liu. New York Ninja est-il un nanar ? Tentons de répondre honnêtement à cette question.

Du générique à la bande-son, en passant par les dialogues, tout respire le cinéma de genre des années 80 et ses excès.

La moustache est naturelle.

Si New York Ninja était sorti en 1984, sous l’impulsion de John Liu et de la 21st Century, ça aurait été un nanar. Ou du moins, il y a de grandes chances qu’il en soit devenu un.

Il y a trop de choses dans les images qui permette de penser le contraire. Les expressions faciales et les réactions de John Liu sont risibles. Les costumes des loubards des rues de New York sont hyper caricaturaux. La perruque blonde de la sidekick principale est flagrante. Y a des scènes d’action déjantées dont un Ninja qui punit le crime en roller. Le grand méchant du film est sorti d’un grand esprit dérangé.

John Liu et ce sens de l'acting nanar qui n'appartient qu'à lui.

En partant des rushes, même avec la meilleure relecture du monde en post-production, un Samuraï Cop continuerait à nous faire rire à bien des occasions. Il en va de même pour New York Ninja. Et ce n’était d’ailleurs pas l’intention de l’équipe de 2021 de cacher les choses risibles et cheesy. Ca fait partie intégrante du métrage et de ces films. Ils le savent. Ils voulaient les conserver.

Les punks des rues de New York sont tous plus risibles les uns que les autres. Ils sont souvent grimés (mention spéciale à celui qui passe son temps à se promener dans les rues en tenue de Kendo). Mais si ces acteurs portent des masques ou des choses qui dissimulent leur visage, c’est surtout pour cacher la misère et le fait que ce sont les mêmes figurants que le Ninja bastonne en boucle dans le film.

LE ROUGE !!!

John Liu a forcé l’actrice Adrienne Meltzer a porter une perruque dans le film, parce que, d’après lui "les Européens adorent les blondes".

Notons également que le Ninja de New York passe une bonne partie du film à secourir des gens qui se font agresser dans la rue. Je dis des gens ? Non ! En fait, John Liu sauvera encore et encore cette même actrice des griffes des loubards des rues. La pauvre se fait agresser tous les jours.

Encore une fois, sans doute leur était-il impossible et/ou trop coûteux de caster d’autres actrices pour se faire kidnapper ou agresser. Alors on fait en sorte que la même se fasse kidnapper 4 fois, et on la sauve tout autant de fois.

Et essaie pas de noyer le poisson, John, je te vois.

Et puis il y a le méchant, le Plutonium Killer.

À noter que parmi les personnages, mis à part John (parce que John Liu s’appelle toujours John dans ses films internationaux), c’est l’un des seuls dont on connaisse le nom, car son sobriquet apparaît dans un journal.

Vu que les rushes étaient sans son, impossible d’être sûr du nom de tous les autres. Si bien que Vinegar Syndrome va continuer sur cette lancée et donner des noms originaux aux autres : Rat Tail, Freddy Cufflinks, Switchblade... Des surnoms qui fleurent bon les années 80.

Mais… revenons au Plutonium Killer…

Vinegar Syndrome ne bénéficiait donc pas du son. Et là, dans leurs rushs… ils se rendent compte qu’il y a un personnage qui hypnotise des femmes pour les tuer, qui craint la lumière mais pas toujours, qui est capable de faire saigner les photos, qui empoissonne les gens avec un stylo-sarbacane, qui peut changer de visage, qui semble décrépir de temps à autre, et j’en passe… Mais que Diable est passé par la tête de John Liu pour pondre un tel personnage. Qui est-il ? Quel est son projet ? Pourquoi a-t-il ces facultés et ces problèmes ? Tout cela, il impossible de réellement le savoir. Seul le créateur de ce personnage aurait pu répondre à ces questions, et encore...

Et pourtant… pourtant. Si ce personnage est sans aucun doute affreusement nanar dans le métrage d’origine, il sera ici de loin celui qui va crever l’écran et piquer la vedette à John Liu. Absolument rien n’a de sens avec ce personnage… mais la magie du cinéma en fait un personnage qui pourrait devenir culte si New York Ninja le devient.

C’est en cela qu’il est difficile de déterminer si la version de 2021 est nanar ou non. Parce que le Plutonium Killer reste ridicule. Mais son traitement le rend immensément sympathique et même intriguant. J’envisage d’écrire une fanfic sur son passé une fois que j’aurais terminé cette chronique.

Et il y a la séquence en patins à roulettes. Elle est très symptomatique des choix qu’a pu faire Vinegar Syndrome dans le film. Dans les rushs d’origine, il y a un faux raccord flagrant.

Le ninja fuit en patins à roulettes une horde de loubards des rues.

Une voiture lui coupe la route, il saute par dessus. Les patins à roulettes ont disparu.

POUF ! Ils réapparaissent à l’atterrissage.

Le monteur a fait le choix de laisser ce faux raccord. Parce que, pour lui, ça fait partie des choses fun que l’on peut trouver dans ce genre de film. Oui, c’est une erreur flagrante. Il aurait pu la faire disparaître. Mais ce n’était pas le but du projet. [Note de Nanarland : le monteur disposait-il vraiment de prises sans ce faux raccord, ou même de plusieurs prises ? Vu l'indigence du projet, ça semble peu probable non ?]

Dans le film de 1984, le faux raccord aurait été une erreur. Dans la version de 2021, le laisser est pour moi un bon choix.

Par contre, pour d’autres scènes. Le choix inverse a été fait. C’est notamment le cas des scènes de baston.

On l’a dit, John Liu est un artiste martial accompli. Il sait proposer de belles bastons… si en face il y a du répondant. Or dans New York Ninja, les ennemis de John Liu ne sont pas des artistes martiaux, et cela se ressent. Les combats sont plus que téléphonés. Pire, certains sont maladroits. Dans les bonus, le monteur nous raconte une scène où un assaillant se prend une branche d’arbre et trébuche en pleine scène d’action. Il a trouvé cela trop ridicule et a choisi de l’enlever.


Le monteur a voulu que les scènes d’action soient de belles scènes d’action. Et qu’elles ne soient pas risibles. La magie du montage nous donnera des combats nerveux (et expédiés très vite) pour masquer la pauvreté et l’amateurisme du film sur ce point. Ce qui fait que si les combats du métrage sont plus qu’acceptables et globalement maîtrisés, la plupart manquent d’âme et se résument souvent à un coup de tatane de John Liu dans la tronche pour y mettre fin. Fallait-il laisser les maladresses et les barres de fer en caoutchouc qui se plient ostensiblement ? L’équipe a jugé que non. Cela nuirait trop au film. Un vrai dilemme éthique.

Kudos tout de même à Rat Tail. Personnage mystérieux et silencieux, même avec une bande son, qui nous offrira un beau petit duel Rapière VS Katana.

Ces exemples montrent bien les difficultés et les choix que Vinegar Syndrome a dû faire. C’est un film des années 80 avec ses défauts, et il faut donc en laisser, mais il ne faut pas tout laisser. Il a fallu se mettre dans le mindset d’un producteur/monteur/réalisateur de film de genre des années 80. Qu’est-ce que John Liu aurait gardé ? Qu’est-ce qu’il aurait jeté ?

C’est pour ces différentes raisons que je ne considère pas New York Ninja comme un nanar. Ça a l’odeur du nanar, la couleur du nanar et le goût du nanar, mais ce n’est pas un nanar.

Tout le travail sur le doublage, sur le montage, sur le script pour faire une intrigue qui tienne la route avec les scènes non terminées à disposition et l’amour mis dans le projet par ces passionnés sauve, pour moi, le métrage. Et même si on a laissé des erreurs dans le résultat final, ce sont pour moi de bons choix. Parce que c’est exactement ce à quoi je m’attends, et ce que j’ai envie de voir quand je regarde un film d’action à petit budget des années 80.

Le film n’est par contre pas avare en cascades.

Ici, un simple bout de carton a été placé au sol pour que le dos de John ne prenne pas trop trop cher après avoir été traîné sur plusieurs mètres.

Un passage que n’aurait pas renié notre Bébel national.


Je ne peux pas dire que le monde entier va apprécier le film et crier au génie. Peut-être que certains ou certaines n’adhéreront pas à la démarche. Ce n’est certainement pas un film fait pour tout le monde. Mais personnellement, la passion investie dans ce projet, palpable du début à la fin, fait que j’ai avalé tout le contenu du double blu-ray en un week-end… et que comme je n’en avais pas assez, j’en ai écrit une chronique.

De l’aveu du monteur/dialoguiste, ce personnage apparaissait trop peu dans les rushs pour déterminer sa réelle implication dans le métrage d’origine.

Il va alors prétexter une histoire d’enquêtes internationales. Parce que vous savez… Interpol et film de ninja… ça fait généralement bon ménage.


L'avis de Kobal

Je rejoins l’avis de mes camarades sur la méfiance que j’ai initialement pu éprouver pour un tel projet quand j’en ai entendu parler pour la première fois. Le risque apparaissait grand de dénaturer l'œuvre originale en la passant à la moulinette de la parodie facile du cinéma d’action des années 80. Le miracle est d’autant plus saisissant à l’arrivée que le boulot proprement hallucinant de Vinegar Syndrome semble donner l’impression de s’effacer derrière le film de John Liu tel qu’il aurait pu être intégralement réalisé à l’époque du délit.

L’interrogation de Plissken sur la nature bicéphale de New York Ninja, film de 1984 finalisé par des choix de 2021, est pertinente car ce double enfantement par des équipes à la culture et aux objectifs différents a forcément un impact sur sa construction et sur son essence-même. Nanar ou pas ? Mauvais film involontaire et sympathique (donc nanar malgré lui), ou mauvais film volontairement reconstruit comme tel… et sympathique (donc série B auto-consciente) ? Je crois qu’in fine, tout se joue sur le mauvais et sympathique. Et surtout, sur le plaisir incommensurable ressenti devant le spectacle foudingue qu’il propose. Car oui, qu’est-ce qu’on s’est marré ! Et de très bon coeur !


Le résultat est là : New York Ninja est indiscutablement une pure pépite des ninja-flicks 80’s, transpirant à chaque instant ses choix à côté de la plaque dans une valse ininterrompue de moments magiques et de personnages improbables. Comme je le disais, Vinegar Syndrome a effectué un travail de valorisation du pré-existant tellement parfait qu’il ne se perçoit presque pas et donne au spectateur tout le luxe d’en profiter dans de superbes conditions de visionnage. Même les voix célèbres qui donnent vie aux personnages ne sonnent jamais faux.

Pour moi, le film est un nanar au sens le plus noble du terme, en ce qu’il apporte sans l’avoir pensé ainsi une joie bienfaitrice au spectateur : jamais on ne se sent emporté par les affres émotionnelles que traverse le héros ; jamais on n’applaudit la restauration de l’ordre dans les rues de la ville ; jamais on ne se prend d’enfiler sa tunique et ses rollers pour pacifier la société. Mais qu’est-ce qu’on rigole, quel kif de découvrir chaque nouvelle tenue de loubard dont le fournisseur devait être un cirque en faillite (ou pour certains, le fanclub de Stupeflip), quelle fascination que ce concept de Plutonium Killer adepte du viol radioactif (!!).


Mes collègues en ont déjà dit beaucoup sur les atouts nanars de New York Ninja, on pourrait en parler des heures, alors que je suis persuadé que les images du film suffiront à convaincre n’importe qui du bien fondé d’une précipitation excitée sur le Bluray de VS en hurlant un “IL LE FOOOOOOOOOO” justifié. J’ajouterai juste cet élément qui m’a beaucoup amusé tout au long du film, à savoir la mise en scène de l’insécurité urbaine, portée aux confins de la démesure : dans New York Ninja, il est impossible de faire trois pas sans se faire agresser par des gangs de voyous ricaneurs. La délinquance est constante et absolue, pire que dans un Bronson post-apo. Nul n’est à l’abri, pas même les voyous eux-mêmes qui se font parfois agresser par d’autres loubards ! C’est l’escalade dans la violence comme projet de société. Heureusement que 1984 est également l’année de la 1ère commercialisation grand public d’un nettoyeur haute-pression par Kärcher, ce qui signera le début de la fin des ninjas justiciers.

 

L'avis de Wallflowers

Tous ont douté du travail et de l'intention de départ de Vinegar Syndrome sur ce projet. Et tous ont changé d’avis dès les premières minutes du métrage. Taillé sur mesure pour les nanarophiles, aucun de ceux qui verront New York Ninja ne regretteront leur investissement en temps et en argent. Possédant les qualités requises pour passer une soirée quasi parfaite entre amateurs de baston crétine et de jeu d’acteur indigent (ou l’inverse) on tient là une vraie "pièce maîtresse" du mauvais cinéma sympathique. Si John Liu se trouvait devant moi, je lui crierais mon amour pour sa sincérité, ou plutôt sa candeur de croire que son film allait susciter autre chose que nos rires francs, jouissifs et l’écarquillement de nos yeux qui jamais ne semblent être repus de situations grotesques, comme celles qu'on trouve à peu près toutes les 15 mn dans ce nanar sorti, pour le coup, de nulle part

Et pourtant, on connaît les nanars qui s’essoufflent en cours de route, ceux qui promettent beaucoup au début puis déçoivent sur la fin, ceux qui donnent tout - à l’inverse - sur une scène finale après de nombreux tunnels de remplissage soporifiques. Ici il n’en est rien. Quand ce ne sont pas les bastons de rue qui nous rendent hilare, c’est le jeu d’acteur de John Liu. Et quand ce dernier décide de ne plus apparaître à l’écran et que les scènes de tatane commencent à se répéter (quitte à ce que je passe pour un pénible blasé de tout), c’est là qu’il se décide à installer un nouveau personnage (le chauffeur !) qui, dès lors, nous happe là où nous nous y attendions le moins.

Faire la liste des choses qui ne vont pas dans New York Ninja - ou plutôt ce qui nous va à nous - serait superfétatoire. Tout comme faire la liste des costumes et innombrables accessoires qui composent la garde-robe des voyous de rue qui en veulent systématiquement à l’intégrité de notre héros. Fringués tels des cosplays de personnages secondaires du jeu vidéo Street of Rage, chaque gredin se prenant une gifle par John Liu au détour d’une ruelle mériterait qu’on s’intéresse à lui au point de lui rêver une biographie ou une fiche Wikipédia. Il devient d’ailleurs très ludique de repérer un bonnet, un bandeau ou une paire de lunettes que l’on a vu sur la tête d’un punk à crête se retrouver sur un autre la scène suivante.

Clairement un hommage à la composition dans la peinture classique.

Et de regarder New York Ninja nous vient alors une évidence : oui il reste des films de la grande époque des cinémas d’exploitation ou des direct to VHS qui attendent d’être découverts. Et oui avec ce travail de restauration d’image réservé trop souvent aux classiques du 7ème art, l’expérience n’en est que plus magnifique. La surprise est un élément du nanar, et avec cette pépite retrouvée, remasterisée et re-doublée le nanardeur en moi ressent comme une plénitude. La qualité d’un blu-ray avec l’ambiance pour le coup ultra authentique des années 80.

Est-ce donc une pièce parfaite de Nanarland ? Quasiment. Entendons-nous bien, avec une version française d’époque on aurait touché au sublime. Ici avec une VO "actualisée" (étant donné que le film retrouvé n’avait aucune piste son), on reste dans un cadre peut-être trop sage - compte tenu des éléments fous du film - mais 100% honnête. Évitant ainsi cette idiote facilitée qui aurait été de refaire des dialogues ineptes sous prétexte de second degré rigolard, ne faisant plaisir dès lors qu’à ceux qui aiment se moquer sans aimer. En choisissant de faire plaisir aux cinéphiles sincères mais déviants que nous sommes, Vinegar Sydrome a eu un million de fois raison. 

- La Team Nanarland -
Moyenne : 4.43 / 5
La Team Nanarland
NOTE
5/ 5
Rico
NOTE
4/ 5
Barracuda
NOTE
5/ 5
Kobal
NOTE
5/ 5
Drexl
NOTE
5/ 5
John Nada
NOTE
4/ 5
Jack Tillman
NOTE
4.75/ 5
Mayonne
NOTE
3,5/ 5
Hermanniwy
NOTE
4/ 5
Peter Wonkley
NOTE
5/ 5
Labroche
NOTE
2.5/ 5

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

Le blu-ray édité par "Vinegar Syndrome" est évidement achetable sur leur site. C'est une édition limitée de toute beauté, avec pléthore de bonus expliquant la génèse compliquée du film et le travail de titan pour reconstruire le métrage à partir des négatifs originaux. Les frais de port sont certes un peu élevés mais la perspective de découvrir une telle pépite les vaut largement, à moins que vous ne fassiez une grosse commande à plus de 120 $ pour bénéficier des frais de port gratuits. Et franchement vu leur catalogue, c'est dur de ne pas y laisser son Livret A.