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Le glossaire du Pr. Ryback

Y comme …

Américaniser le produit



Il faut bien l'avouer, pour vendre un film d’exploitation, le faire passer pour une production hollywoodienne est un plus-produit indéniable. En effet, à moins d’être un incurable optimiste ou un pervers complet, le spectateur lambda a toujours tendance à se méfier d’un space opéra thaïlandais ou d’un film de guerre togolais et à lui préférer une production américaine gage, aux yeux du plus grand nombre, d’efficacité et de gros moyens.


Un chef du FBI âgé de 19 ans et un drapeau américain peint à la main et comptant 22 étoiles dans le film chinois "Project G-7"


La tentation a donc été grande chez les producteurs du monde entier de camoufler l’origine de leurs produits en donnant à leurs films un cachet hollywoodien propre à tromper le gogo. Plusieurs méthodes pour cela :

- Le pseudonyme : C'est la méthode la plus couramment utilisée. Elle consiste à camoufler sous des patronymes outrageusement anglo-saxons, des acteurs ou des réalisateurs plus exotiques. Qui se souvient que, sous le nom de Bob Robertson, se cachait un Sergio Leone débutant ou que John B. Root s’appelle en réalité Jean Guilloré ?

- L’acteur « américain » : Soit un local au physique « américain » promptement rebaptisé tels Terence Hill (Mario Girotti) et Bud Spencer (Carlo Pedersoli), soit l’emploi de vrais américains inconnus ou un peu has-been importés sur place. Quelqu’un comme Richard Harrison fit carrière pendant trente ans de Rome à Hong Kong sur ce concept. Le spectateur attentif ne se laissera cependant pas tromper. Il lui suffit pour cela de se concentrer sur les figurants à l’arrière plan pour démonter la supercherie. Ainsi dans « Laser Force », même si d’authentiques américains comme Max Thayer ou Nick Nicholson occupent le devant de la scène, le physique des seconds rôles convaincra sans peine que nous ne sommes pas à Miami comme on essaie de nous le faire croire mais plus certainement dans un faubourg de Manille où le film a réellement été tourné.

Exemple, le générique de Rush 2, la bête de guerre :


C'est plus classe que Luigi Mezzanotte, non ?


Ah ! tiens, une fôte ! (cf Coquille, cf Initial video)


De son vrai nom Stelio Candelli...


Prononcez "Tonino Ricci".


Ah ben là, ça fait plus trop illusion !


- Le décor « américain » : une grande bannière étoilée, une carte des Etats-Unis accrochée au mur, une canette de coca sur le bureau. Nous voilà dans un commissariat new-yorkais. C’est en tout cas ce qu’essaie de nous faire croire le réalisateur de "Super Ninja" alors que nous n’avons pas quitté Taïwan. Le tournage de quelques plans aux Etats-Unis avec une équipe réduite, voir même, pour les plus impécunieux, quelques stocks-shots touristiques permettent parfois de tromper son monde…


"Super Ninja". On ne demande qu'à y croire... mais en fait non.


Les Etats-Unis ayant une forte minorité "afro-américaine", l'inclusion de comédiens noirs est un moyen parmi d'autres de donner une allure "américaine" au casting, voire de contribuer à faire croire que le film se passe aux USA. L'emploi de citoyens noirs originaires du pays produisant le film est évidemment une solution pratique et économique. Ce qui explique en partie les carrières d'acteurs comme le philippin Jim Gaines (fils d'un fonctionnaire d'ambassade américain) ou l'italien Bobby Rhodes (fils d'un soldat de l'US army).


Jim Gaines, le plus célèbre des Noirs philippins (ici dans "Robowar")


Bobby Rhodes (citoyen italien, né à Livourne) : le "Noir de service" du cinéma bis transalpin, présent dans "Le Gladiateur du Futur", "Hercule", "Alligator", "Les Héros de l'apocalypse", etc.


Un rouquin (le gweilo Alan English) et un drapeau à l'envers suffisent parfois à américaniser un nanar. Ici, "Spécial Commando", le remontage par Filmark d'un western thaïlandais.


Quand ce n’est pas le réalisateur lui-même qui tente de nous vendre une soupe américanisée, c’est le distributeur ou l’éditeur vidéo qui s’en charge, retitrant joyeusement le produit en réinventant au passage une distribution plus anglo-saxonne. Les photos ou les dessins de la jaquette mettant d’ailleurs un point d’honneur à gommer les physiques trop asiatiques de ces héros qu’on veut nous fourguer. Une fois la cassette dans le magnétoscope, c’est déjà trop tard, elle est vendue… La palme du genre revient au film « Sabotage » vendu comme « un policier américain » (écrit en gros sur la jaquette) et qui se révèle être au final un poussif film d’espionnage philippin.


Ninja USA ("Ninja Territory"): Un mélo coréen tout pourri avec des inserts de Stuart Smith en slip. Mais les ninjas et les USA c'est tellement vendeur...


"Les Rats de Manhattan" : dans ce nanar italien, on a vu les rats. Pour Manhattan, on cherche toujours...

"U.S. Warrior" est nettement frappé du syndrome Chuck Norris. On nous promet une guerre du Viêtnam bien ricaine, et on a droit en définitive à l'escarmouche des Philippines en compagnie d'un sosie de François Bayrou.


"Les aventuriers du vaisseau perdu" ("Pertsa & Kilu" en VO), un film familial finlandais réalisé par Taavi Vartia et sorti en 2021. La jaquette du DVD distribué en France n’américanise pas le produit à proprement parler, mais en faisant disparaître les crédits du casting et de l'équipe technique, elle semble vouloir camoufler l'origine non-américaine de l'œuvre.

Voir également : US

Il est à noter pour terminer qu’avec la mode des films d’actions asiatiques ces dernières années, on assiste à des tentatives d’ « hongkonguiser » des productions qui ne le sont pas. Un habillage « kung-fu » permet d’essayer de camoufler l’origine indonésienne du film "Les 3 Furies du Ninja". Le DVD de la piteuse production française "Samouraïs" efface ainsi tous ses acteurs franchouillards de sa jaquette pour mettre en avant ses seconds rôles japonais histoire d’appâter le distrait.