Recherche...

Entretien avec
Mike Abbott

Also available English version


Mike Abbott

Gweilo beuglant après Richard Harrison ("Philiiiippe !") ou suant à grosses gouttes dans des costumes ninjas colorés, dégommé au fusil à pompe par Chow-Yun Fat ou mitraillant un Jackie Chan bondissant, l'acteur-bourlingueur Mike Abbott a quelques sympathiques anecdotes à raconter. Bad guy emblématique de l'écurie IFD et de ses productions les plus minables, figurant aux côtés des méga stars de l'âge d'or du cinéma de Hong Kong, cet Anglais au physique de brute mais adorable de caractère revient pour nous sur son parcours dans le meilleur et le pire du cinéma asiatique, entre Godfrey Ho et John Woo en passant par l'Indonésie et Chris Mitchum.

Interview menée par John Nada en juillet 2007.


Pour commencer, pourriez-vous nous dire quelques mots sur vous et ce qu'a été votre vie avant votre expatriation en Extrême-Orient ? Où et quand êtes-vous né ? Quelle était votre profession ?

Mon nom complet est Michael William Abbott. Je suis né le 27 juin 1953, à Penryn, dans les Cornouailles, en Angleterre. Je n'ai pas fait d'études supérieures. De 1972 à 1975, j'ai été portier, moniteur de piscine, animateur pour enfants, barman, sommelier, "redcoat" chez Butlins... [Nanarland : "Butlins" est une chaîne de villages de vacances proposant logement, restauration et activités de loisirs pour tous les âges et toutes les bourses. Les distractions sont organisées par des animateurs vêtus d'un costume rouge et qui, pour cette raison, sont surnommés "redcoats"] Puis j'ai été mineur dans les mines d'étain de Cornouailles de 1975 à 1980, de nouveau barman, puis employé de chantier (1980-1983). En mars 1983, j'ai déménagé pour le sud de la France, à Vias-sur-Mer, où j'ai été gérant d'un bar pour le compte d'un voyagiste anglais. En octobre de la même année, je suis parti pour la Bavière, à Berchtesgaden, pour travailler en cuisine au Berchesgadener, un hôtel pour l'armée américaine. En juillet 1984, je suis parti pour Chicago, aux USA, et j'ai travaillé là-bas dans deux bars (comme barman dans l'un et comme videur dans l'autre). D'avril à juillet 1985, j'ai séjourné en Alaska et j'ai travaillé sur un bateau de pêche. J'ai été en mer pendant quatre mois. Pendant six mois, aux USA, j'ai fait du stop sur 12000 kilomètres, à travers 24 Etats. Une super expérience ! Le 21 juillet 1985, j'ai pris un vol d'Anchorage (Alaska) pour Hong Kong. J'ai d'abord travaillé à Hong Kong comme prof d'anglais, moniteur de gym, gérant de bar... J'ai aussi animé des soirées pour une entreprise dans l'évènementiel. En mai 1989, j'ai monté ma propre boîte, "Abbott Leisure", qui tourne toujours aujourd'hui.

Une fois à Hong Kong, comment avez-vous intégré le monde du cinéma ?

En octobre 1986, alors que je travaillais comme portier dans un bar/discothèque appelé "The Madhoose" (et qui appartenait bien sûr à un Ecossais), j'ai été approché par un agent de casting. Il était impressionné par mon allure (Je fais 1 mètre 82 pour 127 kilos). Il m'a demandé si je voulais faire un film. Bien entendu, j'ai répondu oui. La boîte de prod' était I.F.D. Films, avec Joseph Lai comme producteur et Godfrey Ho et Phillip Ko comme réalisateurs. Ca a été le début de ma carrière au cinéma et de trois ans de boulot avec IFD. D'octobre 85 à 87, j'ai fait neuf films pour IFD et un seul pour Filmark (Tomas Tang). Dans ces films, j'étais le méchant principal. J'avais pas mal de temps de présence à l'écran et plein de dialogue. En général, j'étais deuxième au générique.

 

Malheureusement, je ne dispose pas de ma filmographie complète, mais j'ai des affiches avec des photos et de l'info. Voilà quelques titres : "Royal Warriors" (avec Richard Harrison), "Hitman le Cobra" (avec Richard Harrison), "Rage of a Ninja", "Platoon the Warriors", "Goddess Mission", "Heaven's Hell", "Joy for the Living Dead", "Kill for Love", "Angel's Blood Mission". C'était les neuf de IFD. Il y en avait un autre, "Nom de code : Ninja", pour Filmark. Dans "Rage of a Ninja", il y avait une scène où je brandissais mon sabre de samuraï en beuglant, "I AM THE ULTIMATE NINJA". C'est peut-être là l'origine du site internet "Ultimate Ninja" ??? [Nanarland : Aujourd'hui disparu] Ca vaudrait le coup de vérifier.

Quels souvenirs avez-vous de "Hitman le Cobra" et de Richard Harrison ?

Hé bien, je me souviens très bien de "Hitman le Cobra", parce que c'était le second film avec Richard Harrison, mais je n'ai pas de souvenirs plus précis que ça. Je pense que c'était sans doute le meilleur film de IFD, simplement parce qu'il y avait Richard. Il en a fait beaucoup et, après qu'il soit retourné en Italie, j'ai continué à jouer les rôles de méchants, mais les gars qui ont été choisis après son départ pour jouer les héros n'étaient pas du même calibre que Richard.

Combien touchiez-vous pour ces films ?

J'étais l'un des acteurs les mieux payés (souvenez-vous que je n'ai jamais été figurant sur ces films). Je touchais neuf dollars américains de l'heure. En moyenne, je travaillais dix heures par jour pour six à huit jours de tournage. Le salaire complet pour chaque film tournait donc entre 540 et 720 dollars américains. Des acteurs comme Richard touchaient plus, bien sûr.

Certains acteurs occidentaux comme Richard Harrison et Bruce Baron, qui ont tous les deux fait des films de ninjas avec Godfrey Ho et Joseph Lai, nous ont expliqué s'être fait arnaquer. En effet, les scènes qu'ils avaient tournées ont été montées en dépit du bon sens avec de vieux films asiatiques et, au-delà du résultat artistique déplorable, ils se sont retrouvés dans bien plus de films que leurs contrats ne le spécifiaient. Avez-vous eu des problèmes similaires ?

Je n'ai jamais eu de problèmes avec IFD ni avec Godfrey Ho. Vous avez dit que Richard s'est fait arnaquer : je me rendais compte qu'il n'était pas content, mais il ne s'est jamais montré grossier avec eux. Richard était un gentleman. Je n'ai jamais eu de contrat avec IFD. Comme c'était mes premiers films, je n'avais pas de point de comparaison. Richard et son pote Bruce, par contre, avaient pas mal d'expérience, donc ils avaient plus à perdre que moi en se faisant "arnaquer". Je trouve que Godfrey a été réglo avec moi. Je l'aimais bien et il m'aimait bien. J'ai été bien traité par l'équipe mais de toutes façons, en général, je m'entends bien avec les gens. Si un acteur était un emmerdeur, il se faisait virer à la fin du tournage !

Disiez-vous vos dialogues en anglais ou en cantonais ?

Tout était en anglais. En tant qu'acteur principal, j'avais jusqu'à trente répliques (ce qui est beaucoup) et pas mal de temps à l'écran.

Mike dans "Princess Madam", un Godfrey Ho de 1990 avec les gweilos Pierre Tremblay et John Ladalski.

Par ailleurs, parlez-vous cantonais ?

Juste quelques mots ; je ne m'y suis jamais intéressé. En fait, pas mal d'étrangers n'apprennent pas le cantonais, principalement parce qu'ils n'en aiment pas la sonorité. Ce n'est pas grave, parce que vous pouvez tout à fait vous débrouiller à Hong Kong si vous parlez anglais.

Nom de Code Ninja

Comment étaient les producteurs Joseph Lai et sa femme Betty Chan, si tant est que vous les ayiez jamais rencontrés ? M. Lai était-il parfois présent pour superviser le tournage ou Godfrey Ho était-il le seul metteur en scène ?

Je n'ai jamais rencontré Betty Chan. J'ai rencontré une fois Joseph Lai ; je lui ai juste serré la main et c'est tout. Il ne venait jamais sur le plateau. Godfrey Ho était toujours là, tout le temps, et s'occupait de tout. Il travaillait très dur. Quand Godfrey ne réalisait pas, c'était Phillip Ko qui s'y collait. Phillip était un acteur (il jouait dans "Fatal Termination"), et il était souvent présent. Godfrey Ho et Phillip Ko, ainsi que leurs équipes, étaient supers sur le boulot.

Vous dites avoir fait un film avec T(h)omas Tang, mais nos informations actuelles ne nous permettent pas de savoir si Mr Tang était une personne réelle ou bien uniquement un pseudonyme collectif utilisé par plusieurs réalisateurs de IFD / Filmark, notamment Godfrey Ho. Bizarrement, "Tomas Tang" est censé avoir péri dans l'incendie du building où IFD et Filmark avaient leurs bureaux...

Tomas Tang existait vraiment, je l'ai rencontré ! J'ai fait un film pour sa boîte, Filmark. Il cherchait désespérément des acteurs, mais je travaillais déjà pour IFD, et la politique était "Si tu travailles pour IFD, tu ne travailles pas pour Filmark", et vice-versa. En fait, il m'ont demandé de ne faire qu'un film avec lui et c'est pour ça que je n'en ai fait qu'un avec Tomas Tang et Filmark. A l'époque où j'ai travaillé avec lui, il devait avoir 35-40 ans. Je m'en souviens comme de quelqu'un de tranquille et d'assez agréable. Je ne sais pas s'il est mort dans l'incendie du Garley Building.

Bruce Baron nous a aussi dit "Les Triades étaient profondément infiltrées dans l'industrie du cinéma de HK" et que sur les films IFD, "Leurs équipes étaient composées des pires racailles avec lesquelles [il ait] jamais eu le malheur de travailler, avec pas mal de petites frappes des Triades qui utilisaient leurs boulots de techniciens comme couverture." Avez-vous quelque information sur les liens entre des sociétés comme IFD et Filmark et la pègre de Hong Kong ?

Oui, je pense que c'est vrai. Je ne pourrais pas vous en dire davantage, mais ils avaient sans aucun doute des liens étroits avec les Triades.

Mike Abbott dans "Thunder Ninja Kids: Golden Adventure" (1990), que Godfrey Ho réalise sous le pseudo de "Charles Lee".

De temps à autres, vous apparaissiez dans des films plus importants, comme "Le Syndicat du crime 2", de John Woo...

C'est exact. En 1987, j'ai tourné deux jours sur "Le Syndicat du crime 2", et j'ai fait une cascade. Je me faisais tirer dans la poitrine avec un fusil à pompe. L'impact m'a envoyé à travers la porte qui se tenait derrière moi. Je tenais un Uzi avec lequel je tirais à travers le plafond tandis que je tombais en arrière. On a dû faire la prise trois fois avant qu'elle soit bonne. J'ai touché 300 dollars de HK (soit environ 37 dollars américains) par jour. Je n'ai jamais vu le film, donc je ne sais pas qui m'a flingué.

Hé bien en fait, la personne qui vous a tiré dessus était la superstar asiatique Chow Yun-Fat ! Avez-vous des souvenirs de lui et de John Woo ?

...Je n'ai jamais rencontré Chow Yun-Fat, parce que... ben, il n'était pas là. Vous me dites que c'est lui qui me tue dans le film, mais sur le tournage, je ne faisais pas face à Chow Yun-Fat mais à une caméra ! J'ai fait ce film en 1987 et ce n'est que vingt ans plus tard que vous m'apprenez que c'était Chow Yun-Fat...

Quant à John Woo, je l'ai rencontré brièvement; on a juste parlé un peu, sans que je sache qui il était. Il n'était pas si célèbre à l'époque... (ou bien si ?)

Pendant les années 1980, il y avait apparemment de bonnes opportunités de travail pour les occidentaux dans des films tournés à HK ou aux Philippines, dont les industries du cinéma étaient florissantes. Qu'en était-il de l'Indonésie ? Quelles étaient les principales différences entre un tournage à HK et en Indonésie ?

En effet, les années 1980 étaient un âge d'or pour les occidentaux dans le cinéma de Hong Kong, mais aussi partout ailleurs en Asie du Sud-Est. Je n'ai jamais vraiment travaillé aux Philippines, mais j'y ai passé quelques semaines à la mi-1986 et j'ai travaillé une journée comme figurant sur un film intitulé "The Spear of Destiny" [Nanarland : alias "Future Hunters" / "Les Nouveaux Conquérants", de Cirio H. Santiago]. Il faisait une chaleur étouffante dans la jungle, j'étais habillé en soldat et je me suis fait tuer d'une flèche par un nain qui se trouvait dans un arbre !!! (Je vous en dirai plus sur les mille et une façons de tuer Mike Abbott). Mon premier film comme acteur était "Royal Warriors".

En octobre 1987, j'ai été appelé par un gars qui s'appelait Rik Thomas et qui possédait une société de doublage de film. Il m'a dit qu'un producteur indonésien cherchait un grand gars pour jouer le méchant principal dans un film. La société de production s'appelait "Rapi Films", elle était gérée par Gope and Sam Samtani [Nanarland : producteurs de "Lady Kickboxer", entre autres]. J'ai rencontré Gope et le 3 novembre, j'ai embarqué pour Djakarta où j'ai fait trois films : "Final Score" (1987) avec Chris Mitchum, "Empire on Fire" (1988) avec des acteurs locaux et "Lethal Hunter" (1988) avec Chris Mitchum et Bill "Superfoot" Wallace.

L'Indonésie, c'était génial ! Les plateaux de tournage étaient plus grands, il y avait plus de caméras, des équipes plus importantes et plus de sous ! C'était super de bosser avec Chris Mitchum, un acteur de Hollywood qui avait travaillé avec mon idole, John Wayne ! Je reste en contact avec Chris, c'est un mec sympa. J'adore l'entendre parler de son père Robert Mitchum.

En juillet 1988, je suis revenu à Hong Kong et jusqu'à la fin de l'année, j'ai fait quatre ou cinq autres films pour IFD, et trois autres films pas très importants. En 1989, j'ai arrêté de travailler pour IFD. J'ai fait encore trois films pour eux, mais les rôles étaient moins importants. En mai 1989, j'ai lancé ma propre société d'événementiel, "Abbott Leisure", et j'ai rapidement commencé à gagner de l'argent. Du coup, j'ai cessé de bosser pour eux, après trois ans à être leur principal méchant sur 15 ou 16 films. C'était le bon temps....

En 1989, j'ai fait trois films assez importants : "Casino Raiders" en avril; j'avais du dialogue et une scène de combat avec la vedette, Allan Tam. J'ai gagné environ 200 dollars américains par jour, pour cinq jours de tournage (c'est avec ces sous que j'ai lancé ma boîte le 5 mai). "Fatal Termination" a été tourné en 1989, après "Casino Raiders". Je jouais le rôle d'un taré qui kidnappe une petite fille. J'ai passé six jours sur ce film et je me suis vraiment amusé. A la fin, j'avais une scène de combat avec la vedette, Ray Lui, et je finissais empalé sur une pointe en métal ! (Encore une autre méthode pour tuer Mike Abbott)

Mike cabotine un brin dans "Casino Raiders".

Cette même année, j'ai tourné une journée sur un film intitulé "Hong Kong Gigolo" [Nanarland : du réalisateur David Lam, avec Mark Cheng et Simon Yam parmi d'autres], je dansais et je me désappais dans un night-club... Vous pouvez imaginer ça ? Ce n'est pas la première fois que je me déshabillais dans un film. Une autre fois, j'étais dans une allée avec trois autres gars ; nous étions habillés en flics, puis une nana arrive en courant, poursuivie par un mec avec un couteau. Puis, tous les quatre, nous braquons nos lampes-torches sur eux, et nous nous mettons soudain à enlever nos uniformes ; c'était en fait une blague aux dépens de cette pauvre fille. C'était un film réalisé par Jing Wong, que j'ai revu trois ans plus tard pour faire "Niki Larson". Il m'avait dit que le film était débile ; je crois qu'il avait raison. [Nanarland : le film dont nous parle Mike s'appelle "The Big Score"]

 

1989 était donc plutôt une bonne année. En 1990 et 1991, je ne me souviens pas d'avoir fait grand-chose au cinéma ; j'ai dû être figurant une ou deux fois. En 1992, j'ai travaillé sur "Niki Larson" avec Jackie Chan et une belle jeune actrice japonaise, qui s'appelait Kumiko Goto. C'était mon film préféré. J'ai travaillé 16 jours sur le tournage : 10 jours au Japon, dont la moitié sur un bateau de plaisance, et quelques jours de tournage à Hong Kong. C'était un film important pour moi, parce qu'il y a une scène avec uniquement Jackie Chan et moi. Je lui tire dessus au fusil et il court comme un dératé pour m'échapper.

"Niki Larson / City Hunter", avec Jackie Chan, Richard Norton, Gary Daniels...

 

Jackie Chan était très occupé, donc je ne l'ai pas connu plus que ça, mais on s'est bien entendus. J'ai pu connaître assez bien Gary Daniels et Richard Norton, c'était vraiment sympa de travailler avec eux. Je ne les ai pas revus après ça, mais je pense que tout va bien pour eux.

 

Il y a une autre scène où j'essaie de tuer Kumiko, mais c'est elle qui me tue à la fin ! Elle me balance du haut du navire et je passe à travers le pont ! Ca, c'est une belle sortie de scène. Kumiko était vraiment belle (parfois, durant les pauses, je faisais semblant de lire un journal pour la mater du coin de l'oeil). Elle n'avait que 19 ans et je la trouvais vraiment super. Elle s'est mariée à un pilote de course français il y a quelques années, vous savez qui c'est ? [Nanarland : Jean Alesi]

 

Après "Niki Larson", ça s'est calmé pour moi du côté du cinéma, mais ma boîte marchait bien. Je ne me souviens pas d'avoir fait un autre film avant 1997. L'été de cette année-là, j'ai tourné trois jours sur "Enter the eagles" [alias "And now you're dead"], un film de la Golden Harvest réalisé par Corey Yuen. Je joue un costaud en arrière-plan, qui se fait flinguer avec trois autres gars. Un artiste martial du nom de Benny "the Jet" Urquidez avait un grand rôle dans ce film, et Michael Wong y jouait, avec la fille de Bruce Lee. [Nanarland : Shannon Lee]. Apparemment, le film n'a pas bien marché et Golden Harvest a perdu beaucoup de sous !

Une apparition éclair dans "Enter the Eagles", le temps pour Mike de se prendre une bastos dans le mou.

 

En 1999, j'ai tourné un jour sur "Purple Storm". Je jouais le rôle d'un père psychopathe qui frappait son jeune fils avec une batte de baseball ! (qu'est-ce que ça sera la prochaine fois!?!) J'ai touché 150 dollars américains pour trois heures de travail. Ca a été mon dernier film, après j'ai fait quelques pubs pour la télé.

"Purple Storm"

Vous avez donc fait des pubs pour la télé ?

Oui, je ne me souviens pas de toutes, mais je me souviens qu'en 1986, j'ai fait une pub pour la bière Sapporo, qui m'a rapporté quelque chose comme 35 dollars par jour. Plus récemment, vers 2001, je suis allé à Taïwan et j'ai tourné une pub pour une marque de voiture (Camaro, je crois). J'ai travaillé un jour et demi et j'ai touché 1500 dollars américains. C'était du bon argent de poche, inhabituellement bon, je dois dire (en fait, l'un des boulots les mieux payés que j'aie eus, mais il y en a eu peu comme celui-là !) Il y en a un autre que j'ai fait en 2000, je crois, à Guangzhou (Canton), et pour lequel j'ai touché 1000 dollars américains pour un jour de travail. Pas mal non plus.

 

Je me suis fait tuer de nombreuses manières, certaines assez étranges. J'ai été tué à coups de pistolet, fusil, fusil à pompe et mitraillette. J'ai été battu à mort à coups de pieds et de poings. J'ai été poignardé, explosé et empalé. Sur un film de IFD, j'avais de la poudre colorée qui rembourrait mon costume de ninja au niveau de la poitrine. Quand le moment est venu pour mon personnage de mourir, quelqu'un m'a donné un coup de sabre. Lorsque la lame m'a frappé sur la poitrine, les explosifs sous la poudre se sont déclenchés, et ma poitrine a explosé en un arc-en-ciel de couleurs... c'était ridicule ! J'ai eu plus de 100 poches de sang sur moi pendant ma carrière. Dans un film ("Angel Enforcers", je crois), je me faisais mitrailler par trois ou quatre gars, et j'avais pas moins de 10 poches de sang sur moi (il n'y en a que neuf qui ont marché, ceci dit). Les balles devaient me frapper des genoux jusqu'à la poitrine... une belle mort ! En Indonésie, Chris Mitchum a fait exploser mon hélico avec une grenade. Dans un autre film indonésien, Bill "Superfoot" Wallace me tue à coups de pied, abandonnant mon cadavre flottant sur le ventre dans l'eau d'une piscine. J'ai été empalé dans "Fatal Termination", et j'ai été flingué dans une quinzaine d'autres films. Je ne survis que dans une poignée de films. C'est la routine pour une vedette de films d'action ! Ha ha !!

Comment viviez-vous votre statut de "gweilo" [blanc] à HK ? Comment étiez-vous considéré par les acteurs chinois ?

Hé bien, sur les films de IFD, il n'y avait pas d'acteurs chinois (ou très peu) et la plupart du temps, surtout des gweilos comme moi. Par contre, sur des films comme "Casino Raiders" ou "Niki Larson", c'était bien sûr un peu différent. Par exemple, les femmes chinoises peuvent se montrer assez snob : elles ne parlent pas aux étrangers. Je me souviens d'une nana sur "Niki Larson", qui s'appelait Joey Wong. Mon Dieu, elle était infecte, personne ne l'appréciait ! Richard Norton et Gary Daniels ne pouvaient pas non plus la blairer. Je me souviens que Richard disait des trucs sur elle qui ne pourraient pas être retranscrits dans cette interview...

Joey Wong

"Purple Storm", réalisé par Teddy Chan en 1999, est donc votre dernier film. Votre carrière au cinéma s'est-elle arrêtée par manque d'opportunités de travail ? Avez-vous tenté de travailler, d'une façon ou d'une autre, dans l'industrie du cinéma ; envisagez-vous par exemple de retravailler comme figurant, si l'opportunité se présente ?

J'ai essayé, bien sûr, mais il n'y a rien eu de concret. Mais j'ai plusieurs agents ; je dois refaire des photos, pour tenter de me relancer. Je suis resté en bonne forme et comme maintenant j'ai les cheveux longs, ça me donne une certaine allure (même si ça limite un peu mes rôles, parce que la plupart des étrangers jouent aujourd'hui des agents de la CIA ou des gangsters, qui n'ont pas souvent les cheveux longs, alors que moi j'ai les cheveux jusqu'à la taille !).

Actuellement vous travaillez comme animateur pour enfants, via votre propre société, et êtes même passé à la télévision. Pourriez-vous nous en parler ? Vous êtes semble t-il également moniteur de culture physique.

En fait, j'ai fait de l'animation pour enfants à HK depuis 1986, mais j'ai monté ma propre boîte en 1989. Je ne bosse pas énormément ces jours-ci. J'en faisais beaucoup avant, mais j'ai pas mal de concurrents maintenant, parce que des tas de boîtes se sont lancées là-dedans... Mais mon spectacle est vraiment excellent : je travaille avec des marionnettes, je fais des tours de magie, des sculptures en ballon, etc. Je suis passé à la télé trois fois, une fois en 1993, une autre, je crois, en 1997 et encore en 1998, où je suis passé cinq minutes comme invité.
Effectivement, je suis également coach personnel, mais c'est aussi un business qui marche moyennement en ce moment (je n'ai qu'un seul client pour l'instant !)... pas grand-chose de passionnant à raconter là-dessus.

Apparemment, vous êtes réellement passionné par la photo et les voyages : vous vous décrivez comme un "photographe amateur chevronné" et vous avez réalisé des expositions. Pouvez-vous nous en parler un peu ?

Oui j'aime prendre des photos et j'ai fait des expositions. Vous pouvez voir un peu de mon travail [a href="http://www.abbottleisure.com/photography/index.htm" target="_blank"]ici.

A ce jour, j'ai réalisé quatre expositions. Je n'ai vendu que quelques trucs, mais ce n'est pas grave du moment que quelqu'un apprécie ce que vous faites (et c'est génial de penser qu'une petite dizaine de maisons à HK ont des photos à moi sur leurs murs).

"Pura Ulun Danu Bratan est un temple bouddhiste indou construit sur les petites îles du Lac Bratan, à Bali. Le temple a été fondé au 17ème siècle et est consacré à Dewi Danu, la déesse des eaux. Le temple, le lac et la montagne perdue dans les nuages rendent ce paysage vraiment magnifique".

Avec le recul, comment voyez-vous votre carrière dans le cinéma ? Vous y êtes-vous réellement intéressé, ou bien était-ce simplement un boulot parmi d'autres ?

Faire des films, ce n'était pas un boulot ordinaire : c'était spécial. C'est quelque chose que j'aurais bien voulu faire davantage si j'avais eu plus d'opportunités. Entre 1986 et 1999, je suis apparu dans environ vingt-quatre films comme acteur ou comme figurant, avec pas mal de dialogues et de temps à l'écran, dans environ huit autres films comme figurant et dans environ cinq pubs. J'ai vraiment aimé ça et j'aurais aimé en faire plus.

Quels sont vos meilleurs et vos pires souvenirs, comme acteur ou comme figurant ?

Je crois que mon meilleur souvenir est d'être allé en Indonésie pour faire le film "Final Score" : les plateaux étaient vraiment grands, il y avait pas mal de boulot, j'ai rencontré Chris Mitchum qui est un acteur connu, nous demeurions dans un bel hôtel dans un joli endroit... Tout était vraiment plus chouette que ce que j'avais fait avant. IFD, c'était cool, mais c'était de très petits budgets et là je me retrouvais sur un gros film, avec Chris Mitchum qui était vraiment un mec bien... C'était super. C'est mon meilleur souvenir, je ne l'oublierai jamais.

Je n'ai pas vraiment de mauvais souvenirs. Je n'ai jamais été blessé, enfin rien de sérieux. Le seul truc, c'était avec IFD. On tournait surtout pendant l'été, et on nous donnait des fringues assez lourdes à porter : du coup, on avait très, très chaud. Et on avait aussi de longues journées de travail, de 10 à 14 heures par jour, du coup c'était très inconfortable et le boulot était parfois pesant.

Depuis les années 1980, la vie a-t-elle changé pour les occidentaux expatriés à HK comme vous ?

Oui, c'est très difficile maintenant, il y a moins d'argent en circulation, l'économie n'est pas terrible... Bien sûr, la rétrocession de Hong Kong à la Chine a joué un grand rôle, ça a changé la ville. Franchement, je ne me suis jamais vraiment intéressé à la politique, mais je crois que si les Anglais étaient encore là, la vie à Hong Kong serait plus facile... Mais HK a été mon foyer depuis des années, et je ne me vois pas vivre ailleurs.

- Interview menée par John Nada -