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Entretien avec
Nick Nicholson

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Nick Nicholson Révéré sur Nanarland pour ses prestations de militaire fou dans "Commando Massacre", de vengeur moustachu dans "Laser Force" ou de flingueur goguenard dans les films post-apocalyptiques de Cirio H. Santiago, Nick Nicholson fut l'un des seconds rôles les plus emblématiques du cinéma d'exploitation philippin. Sa filmographie imposante et ses diverses activités au sein des équipes de production plus ou moins nanardes faisaient de lui un homme très recherché ici-bas. N'écoutant que sa bravoure, l'impétueux John Nada se mît en chasse, la bave aux lèvres et l'arme absolue en bandouillière, pour une longue traque qui se termina sur un obscur forum de cultivateurs de chanvre indien où sévissait l'homme aux yeux globuleux. Nick, qui demeurait toujours aux Philippines où il vivait assez chichement de la gérance d'un cyber-café, se révéla très amical et accepta de répondre à nos questions avec d'autant plus d'entrain qu'il rassemblait alors ses souvenirs d'acteur dans "Fish Heads and Rice", un projet de livre dont son site internet propose des extraits. Accablé par des problèmes de santé, Nick a depuis tiré sa révérence, le 11 août 2010.

Affable et riche d'anecdotes savoureuses, Nick Nicholson nous livre dans cet entretien un témoignage précieux sur le petit milieu des acteurs occidentaux des Philippines. Un pays qui fut le dernier bastion du nanar à l'ancienne.

Pour commencer, pourriez-vous retracer brièvement votre parcours ? D'où êtes-vous originaire ? Comment êtes-vous arrivé aux Philippines ? Comment avez vous débuté au cinéma ?

Je suis né et j'ai grandi à Redford dans le Michigan. J'ai fréquenté le Lycée Lee M. Thurston que j'ai quitté à l'âge de 17 ans pour m'engager dans l'US Navy. J'ai bourlingué aussi bien en Méditerranée qu'au Vietnam. Lorsque j'étais militaire, j'avais pris l'habitude de me rendre aux Philippines pour faire la fête, si bien que je me suis fixé à Manille lorsque j'ai été démobilisé. Là-bas, j'ai travaillé avec un type dont l'oncle était photographe de plateau pour le cinéma ou bien sur des pubs pour la TV et les magazines. C'est lui qui m'a permis de devenir acteur pour la Kinavesa.

D'après nos sources, vous auriez fait vos débuts à l'écran en 1973 dans une production chinoise tournée à Manille, un film de kung-fu dans lequel vous teniez un petit emploi de méchant occidental. Etait-il fréquent que des productions de HK viennent tourner aux Philippines ?

Non, on ne faisait pas tant de films que ça pour les productions de HK. Ce genre de deal arrivait de temps à autres mais leurs équipes préféraient tourner à Hong Kong ou à Taïwan.

Comme Max Thayer, vous êtes originaire du Michigan. Vous avez à peu près le même âge et vous étiez tous les deux au Vietnam avant de devenir acteurs. Dans un entretien qu'il nous a accordé, Max Thayer nous a confié dans une interview qu'il avait fait un détour par les Philippines pour venir vous saluer alors qu'il se rendait à Bangkok pour tourner "Karate Tiger 2". Vous semblez très bien vous connaître. Auriez-vous quelques anecdotes à nous livrer à propos des tournages de "Laser Force" et "Commando Massacre" ?

Exact, Max et moi sommes tous deux originaires de Redford. On était dans deux lycées concurrents et pendant que j'étais au Vietnam, je crois que Max était en France dans une base de l'OTAN. Oui, je me souviens que Max avait fait la route en stop pour venir me voir avec une bouteille de Scotch vintage et des trips d'acide dans les poches ! Moahahaha ! J'ai écrit le scénario de "Commando Massacre" et j'ai recommandé Max pour le rôle. J'ai adoré travailler avec Max Thayer. C'est un type charmant et un vrai pro. Il connaissait vraiment bien son métier.

Teddy Page, Max Thayer et James Gaines, en visite chez Nick.

J'ai adoré travailler avec Max Thayer. C'est un type charmant et un vrai pro.

L'épisode qui restera gravé pour toujours dans ma mémoire s'est déroulé pendant le tournage de "Laser Force". On était en lisière de la jungle du Mont Makiling et on tournait une scène où Max devait se trouver à l'intérieur d'une cabane en ciment pendant que, dehors, des flics l'assiégeaient. Les accessoiristes étaient censés avoir recours à une bombe fumigène pour simuler des tirs de lacrymo. J'étais en train d'apprendre mon texte quand mon camarade acteur Willie Williams m'a demandé si j'avais vu le genre de bombinette que les gars des effets spéciaux s'apprêtaient à utiliser. Je lui ai répondu que je n'en savais rien et il m'a dit d'aller jeter un ½litre. Je me suis pointé et je me suis rendu compte qu'il s'agissait d'une "Willie Peter" autrement dit une grenade au phosphore, une arme carrément mortelle ! J'ai demandé au gus des effets spéciaux s'il comptait s'en servir, il m'a répondu que non, il voulait simplement la balancer par la fenêtre et utiliser ensuite une machine à fumigation. J'espérais bien qu'il s'en tiendrait là, et je le lui ai dit, parce qu'autrement, la grenade risquait de tuer tout le monde à l'intérieur. Je suis retourné à ma place pour étudier le script. Willie et moi, on était assis à lire pendant que le chef des effets spéciaux creusait des trous et disposait les charges explosives pour la scène finale où nous devions tous mourir. Soudain, il y a eu un gros bruit sec. N'importe qui ayant combattu dans l'armée reconnaîtrait ce bruit. Willie et moi on s'est regardés, puis on a vu une sorte de rayonnement verdâtre à l'intérieur de la cabane et de la fumée blanche qui s'échappait par une fenêtre. Max et les autres sont sortis. Max portait mon bob kaki et du phosphore en fusion qui s'était logé sur le bord du chapeau commençait à lui brûler le visage et la nuque. Christine Lassiter a eu les mains brûlées. Notre photographe, Jun Agravante a pris beaucoup plus que les autres. Il a eu le dos entièrement brûlé au troisième degré, ainsi que le bas des jambes. Etonné que tout le monde ait pu s'en sortir vivant, je suis allé voir à l'intérieur de la cabane et j'ai compris ce qui s'était passé : lors de la mise à feu, la grenade s'était simplement fendue en deux, une moitié s'était fichée dans le plafond et l'autre reposait sur le sol qui grésillait encore sous l'effet du phosphore incandescent. Si la grenade avait explosé comme elle aurait dû le faire, tout le monde aurait été tué !

Willie Williams, Christine Lassiter.

Nous aimerions en savoir un peu plus sur vos participations en tant qu'assistant de production dans les gros films hollywoodiens qui se tournaient aux Philippines, comme "Apocalypse Now" et "Platoon" ? Travailliez-vous également pour des productions locales comme membre de l'équipe technique ?

Sur "Apocalypse Now" j'étais simplement figurant. La plupart du temps, soit j'étais saoul, soit j'étais défoncé (presque tout le monde l'était !). J'en dirais un peu plus quand j'aurais fini mon bouquin, "Fish Heads and Rice". Sur "Platoon", le boulot était dur mais, d'un autre côté, j'ai beaucoup appris de Gordon Boos, de Dale Dye et d'Oliver Stone. Je leur serai toujours reconnaissant de m'avoir pris avec eux sur ce projet. Les conditions de tournage étaient éprouvantes, particulièrement sur la montagne de Maragodon Cavite, mais le boulot en valait la peine. Il y avait trois heures de marche pour grimper au sommet et si on oubliait quelque chose en bas, il fallait dévaler la pente en un quart d'heure pour retourner au camion et ensuite se faire chier à remonter. Tous les acteurs étaient vraiment des personnes fabuleuses, ainsi que l'équipe du film. J'ai effectivement travaillé sur pas mal d'autres productions avec des compagnies locales ou étrangères. Je lis, parle et écris le tagalog couramment.

Etiez-vous acteur à plein temps aux Philippines, ou bien s'agissait-il d'une activité annexe ?

Non, j'ai eu beaucoup d'autres boulots parallèlement. Pendant un moment, je réparais et je revendais des Harley Davidson. J'ai aussi travaillé dans l'immobilier, dirigé une société de surveillance, bossé dans une agence de courtage (je vendais des placements financiers par téléphone, moahahaha !). J'ai fait quantité de choses et croisé des personnages de toutes sortes. Lorsque j'aurai fini "Fish Heads and Rice", je m'attaquerai à un nouveau livre qui traitera de cette autre partie de ma vie.

Quand, où et comment avez-vous été engagé par la firme Kinavesa (connue à l'export sous le nom Silver Star Films ) ? Quel genre de personne était K Y Lim, le patron de cette compagnie ?

Comme je vous l'ai dit plus haut, un type avec qui je travaillais avait un oncle qui était dans la partie et il nous a obtenu le job. Ah... Mr Lim ! Une personnalité totalement incomprise et très décriée. Si Kimmy Lim n'avait pas été là, à l'heure qu'il est, je serais peut-être mort de faim. La plupart de ses films étaient à chier (je rigole quand je dis ça), néanmoins, il nous a permis d'avoir du travail régulièrement. Je serais bien incapable de vous dire du mal de lui ou de sa femme. Sur un tournage de Kinavesa, tout était réduit au strict minimum mais on s'amusait bien.

Sur un tournage de Kinavesa, tout était réduit au strict minimum mais on s'amusait bien.

Dans les nanars de la Kinavesa, les cascades donnent l'impression d'être assez rudimentaires. Il semble que vous ayez eu à déplorer plusieurs fractures lors de scènes de combat. Et sur votre site, on vous voit à côté d'une voiture dont la vitre arrière présente un impact de balle. Le commentaire est le suivant : "Moi après une cascade sur le tournage de Laser Force où je doublais Max Thayer. L'impact a été causé par un projectile de 5.56 mm de diamètre. On m'a tiré dessus à balles réelles avec un M-16 pendant que je devais monter sur le toit de la voiture en marche !" Est-ce que vous aimiez jouer les casse-cous ou bien est-ce que, d'une manière générale, cela faisait partie du jeu sur ce genre de tournage ?

Eh bien, c'est toujours mieux quand on peut faire les cascades soi-même ! Robert Patrick a décroché son rôle dans "Terminator 2" parce qu'il avait adopté cette attitude depuis le tournage des films de Cirio H. Santiago. C'est un authentique "Pigs in Space" (c'est le nom de notre troupe locale). Dans "Laser Force", j'étais accroché à l'arrière d'une voiture et je devais ramper jusque sur le toit pendant qu'un gars sur le siège avant me tirait dessus. Le coup de feu devait être simulé en utilisant l'ogive d'une balle de .45 tirée au lance-pierre. On a essayé par trois fois mais le projectile s'écrasait contre la vitre sans la briser, si bien que Gapo (le mec des effets spéciaux) a dit qu'il vaudrait mieux qu'on le fasse à balles réelles. Sur le moment, j'ai simplement dit "Putain, ouais ! Faisons-le !" et on l'a fait. On m'a filé 100 pesos pour la cascade [NdlR : environ 5$ US à l'époque, soit le salaire journalier d'un figurant] et Max Thayer a passé le reste de la journée à pisser de rire ! C'était plutôt risqué d'être acteur là-dedans, d'autant qu'on ne nous donnait pas la moindre consigne de sécurité à respecter sur les plateaux.

Etant donné votre longue expérience dans le milieu du cinéma philippin et au vu de la faible documentation existante sur ce sujet, nous aimerions vous soumettre, si vous le voulez bien, une liste de nom des acteurs que l'on rencontrait fréquemment sur les tournages et que vous connaissez sans doute. Pourriez-vous nous dire comment ils sont devenus acteurs et quel genre de personne ils étaient ?Romano Kristoff alias Ron Kristoff est l'acteur que l'on voit le plus souvent dans les films de la Kinavesa et il était probablement l'un des rares, avec Mike Monty, à être employé à plein temps. Nous savons que c'était un ancien légionnaire espagnol. Il semble que, comme vous, il participait de temps à autres au travail de production, à l'écriture et à la réalisation. A-t-il été pour vous une sorte d'exemple sur la façon de se comporter dans l'industrie du cinéma philippin ?

Grosso modo, Rom, Mike Monty et moi gagnions notre vie grâce au cinéma. Je crois qu'à présent Rom possède un restaurant. Il était très présent dans le milieu « mondain » ; je n'en dirai pas plus. Mike Monty a fait des films en Italie avant de venir ici. Rom et Mike avaient tous les deux un atout pour bosser avec les Italiens, dans la mesure où ils parlaient leur langue couramment. Je les ai souvent côtoyés tous les deux. Je bossais dans la production de nombreux films. Rom - ou Ron comme vous dites - était simplement un acteur à la base. Moi, si j'étais impliqué dans la production, c'était pour survivre. Je faisais correctement mon travail et les producteurs aimaient bien mon côté absurde. De plus, j'étais, d'entre tous les "acteurs", le seul à être membre du K.A.P.P. (le syndicat des acteurs du cinéma philippin), de la Guilde des Réalisateurs et Directeurs de Production, ainsi que de l'Académie du Cinéma Philippin. Je ne vois pas en quoi Rom aurait pu être un exemple pour moi en cela que je savais très bien me débrouiller seul. Du reste, je ne me souviens absolument pas l'avoir vu tenir la moindre fonction au sein une équipe de production. De plus, j'ai également beaucoup travaillé pour le cinéma local.

Mike Monty et Romano Kristoff.

Les gens louaient nos VHS le samedi avant de se défoncer

Quelque chose à déclarer à propos de Bruce Baron ?

Moahahahahahahahaha ! Bruce Baron... Bien...

On a fait ensemble un film vraiment pourri, qui s'appelait "The Firebird Conspiracy", pour une compagnie nommée Cinex Films. Tout au long du tournage, il n'a cessé de pleurnicher pour un oui ou pour un non, si bien que, par la suite, les producteurs m'ont demandé d'imaginer un moyen de nous débarrasser de son personnage dans le film afin qu'ils puissent engager un autre gars pour jouer le rôle du Capitaine Beck. Alors j'ai envoyé tout le monde courir sur un champ de mines... et BOUM ! On a dit à Bruce de rester à terre pendant une trentaine de secondes pendant que le reste du commando avait reçu la consigne de se relever au bout de dix et de contempler le mort. Fin de l'histoire pour le vieux Capitaine Beck, et bienvenue au nouveau en la personne de Steve Rogers !

Bruce Baron se comportait comme s'il était une sorte d'acteur en vue et il pensait qu'il aurait dû être payé davantage que n'importe qui d'autre. Allons, soyons sérieux... Aucun de nous n'a jamais amené le public en masse dans les salles de cinéma. La plupart des gens ne savaient pas qui on était et s'en foutaient pas mal. Nos projets étaient le plus souvent destinés au marché de la vidéo. Les gens louaient nos VHS le samedi avant de se défoncer. Ils suivaient six ou sept de nos aventures dans la soirée en mangeant du pop-corn, en fumant de l'herbe et en éclusant des bières.

Bruce Baron

Bruce Baron nous a expliqué dans une interview que certains des Occidentaux qui constituaient le casting se retrouvaient là car un boulot normal leur était interdit faute de permis de travail ou de visa et que ce genre de job leur permettait de survivre. De plus, il semble que la plupart des acteurs, s'ils étaient parfois amis, étaient aussi concurrents : les acteurs principaux étant payés dans les 1500 $, les autres cassaient les prix et acceptaient de travailler pour moins cher...

C'est des conneries ! Bruce Baron était un trou du cul, sans parler du fait qu'il devenait myope comme une taupe dès qu'il enlevait ses lunettes ! Et personne ne voulait l'engager ! Il s'était présenté au casting d'un des films de Chuck Norris et il avait déclaré au directeur de casting "Je n'accepte que des grands rôles !". Le gars lui avait demandé : "Tu vois cette porte ?", Bruce lui avait répondu "Oui...", et l'autre lui avait dit : "Eh bien, tu marches jusqu'à cette porte, tu l'ouvres et tu disparais !". On était tous potes et on se fréquentait mutuellement. Manille est une petite ville et si tu sais bien placer tes pions, tu es sûr de décrocher des rôles. Cirio H. Santiago m'a recruté parce qu'il aimait mon travail et parce que je m'entendais bien avec tout le monde. Si tu es un emmerdeur, ça se sait très vite et tu ne travailles pas.

Vous souvenez-vous d'un acteur du nom de Mike Cohen ? On le retrouve dans pas mal de films philippins dans des rôles de parrains fourbes, de généraux corrompus, d'affreux communistes, etc. Nous ne savons rien de lui, sinon qu'il est mort dans les années 80...

Mike était un gars haut en couleurs. Il avait un glorieux passé militaire. Lors de la Seconde Guerre Mondiale, il a été décoré de la Médaille Honorifique du Congrès pour avoir chargé une position japonaise tenue par une mitrailleuse à l'angle de Harrison Street dans Manille. Et même après qu'un Jap' lui eût planté sa baïonnette dans l'abdomen, il a continué à les tuer tous ! Il était originaire d'Arizona et descendait d'une famille juive de Russie. Il a été promu officier dans l'Armée de Terre car lorsque vous recevez cette médaille de votre vivant, une commission gouvernementale vous accorde le rang d'officier. Il était Colonel lorsqu'à éclaté le conflit du Vietnam, mais il y a eu une embrouille avec l'ambassadeur américain au Sud Vietnam et on lui a demandé sa démission. Ils n'ont pas pu le passer en cour martiale ni même le virer à cause de sa médaille. Après avoir démissionné, Mike est retourné aux Philippines pour y vivre. Il a épousé une veuve qui est décédée un peu plus tard. En fait, Mike est mort d'une infection suite à la morsure d'un serpent lors du tournage de "Laser Force" sur le Mont Makiling. C'était l'une de ces minuscules vipères qu'on voit partout ici, mais Mike était obèse et il ne s'est pas rendu compte qu'un serpent l'avait mordu à la cuisse. Il est mort quelques mois plus tard. J'ai toujours apprécié de travailler avec lui. C'était un homme d'une gentillesse rare.

Mike Cohen.

On écrivait "Invasion USA" tout en cuisinant des spaghettis.

Don Gordon est l'un des acteurs récurrents des productions Kinavesa. Après sa carrière d'acteur, il semble avoir eu un destin hors du commun. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Don est l'un des membres fondateurs des "Pigs in Space". C'est un ancien soldat de la première compagnie des US Marines. Je l'ai rencontré pour la première fois sur le plateau de "Apocalypse Now", et il m'a paru avoir l'air d'un dingue. Et c'est lorsque j'ai commencé à travailler avec lui que j'ai compris à quel point il était réellement givré ! On est devenus très amis. Il était à moitié Coréen. Il avait été placé à l'assistance par sa mère, car pour une femme, à l'époque de la Guerre de Corée, avoir eu un enfant avec un Blanc était considéré comme quelque chose de scandaleux. Après avoir quitté les Marines, Don est retourné au collège où il s'est fait un ami Philippin. Lui et son copain ont fait un séjour ici et Don a décidé de s'y installer car il y avait des opportunités de travailler comme acteur. C'était alors la période dorée du cinéma philippin. Je ne pense pas que Don soit jamais venu ici lorsqu'il était Marine car sa compagnie avait été directement envoyée des Etats-Unis au Vietnam. Don a quitté les Philippines alors que sa santé mentale commençait à rapidement se détériorer. Trop de drogues, trop claqué par des excès de toutes sortes. Et puis il a rencontré Dieu. Il est retourné aux Etats-Unis, s'est mis à étudier la Bible et il est rentré dans les Ordres. Il a été aumônier de l'armée lors de la première Guerre du Golfe, puis il est retourné à la vie civile. Il a fini par devenir missionnaire en Corée avec l'espoir d'y retrouver un jour sa mère naturelle. Don adorait écrire. Vu que les scénarios de Kinavesa étaient moisis, il en a écrit beaucoup pour eux. Mr Lim les lui achetait pour une bouchée de pain.

Don Gordon.

Don Gordon et Romano Kristoff partageaient un appartement. La fille qui le leur sous-louait était une authentique sorcière ! Je me souviens qu'au retour d'un tournage à Baguio, une ville du nord, Don et moi avions ramené quelque chose comme un demi kilo d'herbe. On écrivait alors "Invasion USA" pour un type du nom d'Ed Murphy (un Blanc. Il ne nous a jamais payé et c'est Chuck Norris qui a finalement récupéré le script) tout en cuisinant des spaghettis. Rom et Don étaient supposés se rendre à leur dojo pour passer leur ceinture noire mais Don nous a supplié de rester pour finir le script. Don et moi on a commencé à préparer la sauce pour les spaghettis et on a décidé de l'assaisonner avec un peu de hasch. On a du en mettre 100 grammes. Le dîner était prêt et on est passé à table. On a servi à Rom trois grosses plâtrées de nouilles. Don et moi on a passé la nuit a se marrer en nous demandant dans quel état pouvait se trouver le pauvre Rom, vu qu'on était nous-même complètement défoncés par la sauce ! Rom, qui ignorait qu'on avait chargé la sauce avec du cannabis, est revenu plus tard dans la soirée et il a simplement déclaré "j'étais en harmonie avec moi-même". On a rigolé de plus belle.

James Gaines est semble-t-il un métis américano-philippin dont la famille avait d'importantes responsabilités. Savez-vous ce qu'il est devenu ?

James est aussi un bon ami à moi, Vous avez raison, son père était un Noir Américain et sa mère une Philippine. La dernière fois qu'on a travaillé ensemble, c'était James qui réalisait le film. Aujourd'hui, il est conseiller en investissement. C'est assez difficile de le chopper parce qu'il a beaucoup, beaucoup de petites amies...

James Gaines.

Mike Monty est un personnage secret et peu loquace. Vous devez bien le connaître car il a tourné quantité de films sur l'archipel...

Cela fait un bout de temps qu'on ne s'est pas vus. James Gaines doit avoir son adresse et son téléphone, mais comme je vous ai dit, James, c'est un peu dur de savoir où il est. Si vous avez un projet en cours, James saura vous trouver. Il est comme ça. Mike n'est pas tellement gros, mais lorsqu'il débarquait à la cantine sur un tournage, la plus grande des assiettes ne suffisait jamais à contenir toute sa nourriture. Je n'ai jamais vu un mec manger autant tout en restant en forme ! Peut-être qu'il prenait des stéroïdes... je ne sais pas !

Mike Monty.

Jeff Griffith apparait dans les films de Cirio H. Santiago...

Jeff est rentré en Pennsylvanie et cela fait bien 15 ans que je n'ai plus entendu parler de lui.

Jim Moss était employé comme second rôle, on le voit à plusieurs reprises à vos côtés sur votre site internet. C'est un ami à vous ?

Jim est un ami très proche. Il était avec les Marines à Okinawa dans les MP. Un jour il a été mordu par une vipère, ce qui est banal à Okinawa, et il a bien failli mourir. Il s'est retrouvé avec une main bousillée et il a été réformé pour raison médicale. Il touche une pension d'invalidité.

Jim Moss.

Qu'est devenu Ronnie Patterson ? c'est un nom qu'on voit souvent sur les génériques...

Il est rentré au Canada.

Ronnie Patterson.

Il semble que vous entretenez des contacts avec l'acteur Eric Hahn qui, pendant un moment, était actif aux Philippines et qui a tourné quelques films aux côtés de gens comme Michael Dudikoff ou Jan-Michael Vincent. Est-il toujours acteur ?

Eric Hahn vit au Mexique. Actuellement, il doit être en train de tourner une espèce de film de loup-garou au Texas.

Connaissez-vous Paul Vance ? C'est le scénariste de "Laser force", il est parfois crédité comme acteur sur les productions Kinavesa...

Paul Vance était un bon ami. C'était un Flamand. En discutant avec lui, vous aviez l'impression qu'il venait du Wisconsin Je crois qu'il est retourné en Belgique. Paul Vance, ce n'était pas son vrai nom.

Paul Vance.

Bruce Baron nous a parlé d'un certain "Mad" Mel comme d'un personnage peu ragoûtant qu'on croisait sur les tournages à l'époque. Vous souvenez-vous de lui ?

Mel D. ? Une personnalité multiple, homosexuel et pédophile ! Il n'était pas forcément très apprécié par ici. A dire vrai, personne ne pouvait le blairer. Un jour quelqu'un lui a demandé de convoyer trois kilos de cannabis jusqu'au Japon. Il s'est un peu renseigné pour savoir si le coup était sûr, et tout le monde lui a répondu "Ouais ! Vas-y, t'inquiètes pas !". Donc il est parti pour le Japon et lors de son arrivée à l'aéroport de Narita, il a été arrêté pour trafic de drogue ! C'était un malin et il s'est débrouillé pour sortir de prison au bout de trois ans. Il est revenu ici mais il s'est fait expulser, comme il s'était fait expulser de nombreux autres pays auparavant.

David L. ?

Encore un pédophile, mais porté sur l'autre bord. Il doit vivre quelque part du côté de Subic.

David L.

Willie Williams était aussi un second rôle des productions Kinavesa. On le voit à vos côtés dans "Mission accomplie" ou "Laser Force"...

Comme moi, Willie était un ancien de l'US Navy. Il a eu plusieurs femmes philippines, et je crois me souvenir que lorsqu'on s'est rencontrés, il venait de purger une peine de prison aux Etats-Unis. A ce qu'il m'avait dit, il avait surpris un type en train de baiser sa femme et il l'avait descendu avec un 357 magnum. Willie ressemblait vraiment à quelqu'un qui sortait de taule car il se levait tous les matins à 5 heures et demi et faisait des pompes et des flexions pendant une heure ou deux. Il me rendait dingue quand on était dans la même chambre à faire sa gymnastique pendant que j'essayais de dormir. Je crois qu'à l'heure actuelle, il vit à San Diego, en Californie.

Willie Williams.

Dans les films qui nous sont parvenus, on tombe souvent sur des noms de réalisateurs semblant issus du cinéma local, des gens comme Jun Gallardo, Danilo ou Jun Cabreira... Jun Gallardo était-il parent de Cesar Gallardo, dont des films comme "Geron le vagabond" sont considérés comme des classiques du cinéma philippin ? Avez-vous travaillé avec eux ? Comment se passaient les tournages ?

Dans le cinéma, tous ceux qui ont le même nom de famille sont soit parents soit cousins. Dans les derniers temps, cela restait un secret de famille. Je crois que Jun et Cesar étaient frères. Danilo Cabreira est le plus jeune frère de Jun Cabreira. Ils sont réalisateurs tous les deux. Ils ont aussi un demi-frère du nom de Joey Pineda qui possède un circuit de salles de cinéma. J'ai travaillé avec chacun d'entre eux, excepté Cesar Gallardo. Sur les productions, les problèmes survenaient souvent lorsqu'un de ceux qui bossaient avec vous avait un ego de la taille du Grand Canyon. Je n'ai jamais eu de problème grave. Le plus gros problème pour moi, c'était la bouffe. C'est pour ça que j'appelle mon bouquin «Fish heads and rice » [« Riz et têtes de poisson », Ndt] !

Jun Cabreira.

Teddy Chiu alias Teddy Page était un jeune Chinois qui réalisait beaucoup de films d'action ou de guerre pour Mr Lim. Comment était le travail avec lui ? Savez-vous comment il en est venu à réaliser des films aux Philippines ?

Travailler avec un Chinois n'est jamais facile. De plus, Teddy commettait souvent des bourdes qui coûtaient chères à Mr Lim. Néanmoins, c'est Mr Lim qui lui a donné sa chance comme réalisateur. Teddy avait commencé comme apprenti, sans être payé.

Teddy Page.

Travailler avec un Chinois n'est jamais facile.

A propos des nanars de la Kinavesa, et plus généralement des productions locales qui faisaient tourner des Blancs, nous avons entendu dire qu'ils étaient faits exclusivement pour le marché occidental et demeuraient souvent inédits aux Philippines car le public (ainsi que les politiciens) n'aimaient pas trop voir des héros blancs dans les films philippins. Est-ce vrai ?

C'est davantage une question de décor. Les Philippins adorent les acteurs occidentaux et les films étrangers font habituellement beaucoup plus d'entrées que les productions locales. Les cinéastes philippins ne cessent d'ailleurs de s'en plaindre. Mais lorsqu'un Philippin dépense de l'argent pour aller voir un film étranger et qu'il s'aperçoit que le film a été tourné à Manille, il se sent arnaqué. Tous nos films sont disponibles en VCD ou en VHS et ils sont beaucoup loués.

Un flagrant délit d'américanisation.

Au générique de "Slash le découpeur" on vous trouve sous le nom de "Nick Nichols". C'est votre vrai nom ? De plus, il arrive que sur certaines jaquettes de VHS - sur celle de "Laser Force" par exemple - votre patronyme soit outrageusement mis en avant pour créer une confusion avec votre homonyme "Jack Nicholson" auprès des acheteurs étourdis. Que pensez-vous de ça ?

Mon vrai nom est Daniel Nicholson. J'utilise le diminutif "Nick" à l'écran car c'est comme ça qu'on m'appelle depuis l'armée. Ensuite, comment les crédits peuvent être faits ou comment les films peuvent être vendus, ça n'est pas de notre ressort. On n'en a pas la moindre idée, prenez-vous en aux distributeurs !

En parcourant votre site, on est tombé sur une photo promotionnelle de "Mission Accomplie" où vous êtes aux côtés du karatéka Richard Norton, qui a beaucoup tourné aux Philippines, mais aussi, et plus étonnamment, de Bruce Le (bizarrement crédité au générique sous le nom de Bruce Li, autre clone du petit dragon). Qu'est-ce que Bruce Le faisait là ?

Je crois que Bruce Le était l'un des co-producteurs. Lui et quelques autres gars jouaient les Vietnamiens. Mon souvenir de lui, c'est qu'il n'arrêtait pas de se foutre sur la gueule avec Rex Cutter pendant le tournage. Je n'appréciais aucun des deux. Bruce avait pris l'habitude de nous traiter avec condescendance, nous autres qui vivions aux Philippines. Il était un peu raciste sur les bords.

Bruce Le.

En 1988, vous apparaissez dans "Zombie 4 : After Death", une production de Bruno Mattei réalisée par Claudio Fragasso. Vous souvenez-vous de ce film ? L'acteur principal Chuck Peyton, était en fait connu comme star du X gay sous le nom de Jeff Stryker. Vous savez comment il a eu le rôle ? Claudio Fragasso prétend qu'il ignorait à l'époque avoir engagé une star du porno...

J'ai adoré travailler avec les Italiens ! La bouffe était excellente et ils nous traitaient avec respect. C'étaient des "purs". J'en raconterai davantage dans mon livre. Chuck Peyton était le petit ami du directeur de casting, un Allemand. Quant à savoir si Claudio Fragasso était au courant que Chuck était gay ... Moahahahahaha ! tout le monde était au courant. Vous pouviez le voir dans des pubs de Hustler magazine. Chuck était un brave gosse, bien tranquille, et je ne pourrais rien dire de négatif à son sujet. Je pense que Claudio a voulu être sympa, comme à son habitude, car c'est vraiment un mec bien.

Jeff stryker.

En 1989, vous avez joué dans "Le Dernier Assaut", un film de l'Australien Brian Trenchard-Smith, qui a réalisé quelques films délectables ("L'Homme de Hong Kong", "Rage de la Casse - la chronique de Nanarland" target="_blank" rel="noopener" class="autoDetect">La Rage de la Casse", "Le Gang des BMX"). Comment cela s'est-il déroulé ?

"Le Dernier Assaut" fut l'un des films les plus difficiles que j'ai eu à faire. On tournait dans une carrière sous un soleil de plomb et on était sous-payés parce que la productrice Marilyn Ong tournait en même temps un autre film qui mangeait la moitié de notre budget. Le film était pré-vendu et on s'est fait entuber par cette connasse de Chinoise ! Le travail avec Brian était en revanche très agréable. Je l'aimais vraiment beaucoup. Il lui fallait composer avec Wings Hauser, un véritable trou du cul qui était en permanence sous tranquillisants. Mon vieux copain Lee Ermey à l'opposé, était de ceux avec qui il était intéressant de travailler.

Brian Trenchard-Smith (à droite) sur le plateau du film.

J'ai adoré travailler avec les Italiens ! C'étaient des "purs".

Vous avez tourné plusieurs films avec le réalisateur / producteur Cirio H. Santiago, un grand nom du bis philippin qui a notamment travaillé pour Roger Corman. Quel genre de personne était-il et comment cela se passait-il sur le plateau ? Nous pensons spécialement aux films "post-apocalyptiques" et autres dérivés de Mad Max. Certains de ces films comme "Equalizer 2000" on l'air d'avoir été improvisés sur place en quelques jours dans une carrière. Y avait-il un scénario et des dialogues ?

C'était très fun de tourner avec Cirio. Il nous ruinait le cul à force de nous faire trimer mais ça valait le coup et tout cela nous amusait. Cirio a un très grand sens de l'humour et il sait vous faire sentir que vous faites partie de la famille. On avait des vrais scénarios, avec des vrais dialogues, et généralement nous tournions en 30 jours. D'ordinaire les dialogues étaient assez lamentables, mais comme disait le grand Spencer Tracy : "vous apprenez votre texte, vous y allez et vous le faites !". Croyez-le ou non, "Stryker", l'un des films de Cirio, a tenu l'affiche à Paris pendant six mois. Le genre "post-apocalyptique" était soutenu par un public d'inconditionnels. Ne me demandez pas pourquoi, mais c'était comme ça !

Nick, dans Equalizer 2000.

Sur les films de Teddy Page, on trouve une équipe d'acteurs très réguliers (Richard Harrison, Bruce Baron, Ron Kristoff, Mike Monty, Don Gordon, Max Thayer, James Gaines...), il semble qu'il y ait eu une deuxième "troupe" autour des films de Santiago (Rick Dean, Joseph Zucchero, Blake Boyd, Henry Strzalkowski, Steve Rogers...). Vous êtes l'un des rares, avec Don Gordon, à faire partie de ces deux "clans". Comment étaient choisis les acteurs d'une production à une autre ?

Don et moi on avait un accord avec Mr Lim et on lui restait fidèle. Nous adorions faire des films et nous n'avions pas d'exigences irréalistes auprès de ces gens. C'est comme cela qu'on arrive à survivre. Vous avez un tarif et vous vous y tenez. On était bien conscients de ne pas être des grosses vedettes d'Hollywood ! On savait bien qu'on faisait de la crotte, mais le boulot, lui, restait le même.

Don Gordon (à gauche) dans Equalizer 2000.

Dans "Dune Warriors" (1990), il y a un môme crédité "Daniel Nicholson" au générique. D'après l'IMDB on le retrouve également dans "Heated Vengeance" (1985) et "Jailbreak 1958" (1986). C'est votre fils ?

Oui, exact, c'est mon cadet ! Aujourd'hui, il a une vingtaine d'années et il est technicien en informatique.

Nick, dans Dune Warriors.

En 1994, vous avez joué dans "Désirs secrets" réalisé par Joe D'Amato. De quoi parle ce film ? Joe D'Amato a la réputation d'être un grand pro qui manque parfois de scrupules. Vous êtes d'accord avec cette opinion ?

Je n'ai jamais eu le moindre problème avec lui. C'était un film érotique dont l'actrice principale était un mannequin russe avec de gros nichons. C'était du gâteau. Le tournage était amusant, c'est tout ce que je peux vous dire. Je ne vois pas ce qui peut bien justifier cette réputation de réalisateur sans scrupules.

Joe D'Amato.

Sur votre site, il y a une photo légendée : "Steve Rogers, moi et Matthew Westfall sur le plateau d'Equalizer 2000. On était tous défoncés sur cette photo !" Il semble que sur les tournages, on ne manquait jamais de San Miguel et de cigarettes qui font rire. Honnêtement, vous autres, les acteurs occidentaux, viviez-vous aux Philippines seulement pour l'amour du cinéma ou bien était-ce également pour la fête, l'alcool et les à-côtés ?

On ne buvait pas sur les tournages. Jamais ! On fumait beaucoup d'herbe mais on ne buvait pas. Sur le fait de vivre aux Philippines, je ne peux parler qu'en mon nom. Quand je suis rentré aux Etats-Unis, après le Vietnam, j'ai souffert du choc culturel et j'ai détesté ça. Auparavant, j'étais tombé amoureux des Philippines alors je m'y suis installé. Si j'étais resté aux Etats-Unis, je serais peut-être en prison ou bien mort à l'heure qu'il est ! Il y avait de l'herbe à foison, mais ça n'a pas eu une grande influence sur ma décision de m'installer ici, car j'aurais tout aussi bien pu m'en procurer aux Etats-Unis.

Steve Rogers, Nick et Matthew Westfall.

J'accuse le gouvernement

Life of debauchery est un forum de discussion où chacun vient raconter ses expériences décadentes. Vous y intervenez fréquemment. Quel regard portez-vous sur votre "vie de débauche" ?

Pour autant qu'il continue à vivre, le site Lifeofdebauchery.com est un endroit distrayant où interviennent de bons cyber-potes. J'avais l'habitude de passer beaucoup de temps devant un ordinateur pour mes anciennes affaires, et encore maintenant puisque je suis propriétaire d'un cyber-café. C'est plutôt un endroit sympa pour passer son temps. Parfois les gens prennent ça un peu trop au sérieux, mais à l'occasion vous pouvez avoir de bons débats d'idées. Mais à présent je n'y suis plus tant que ça.

Vous vous êtes beaucoup impliqué dans la production. N'avez-vous jamais eu l'idée de monter votre propre structure de production comme Ron Marchini l'a fait avec RoMar Int. par exemple ?

C'est un voeu qui n'a jamais été exaucé faute d'avoir eu les finances nécessaires.

Ron Marchini.

L'industrie du film des Philippines a connu un net déclin après 1990. Elle semble avoir arrêté de produire des films pour l'export. Y a-t-il une raison spécifique à cela ? Quel est l'état du cinéma philippin à l'heure actuelle ?

Bonne question ! Petit à petit, le gouvernement philippin a fini par se tirer une balle dans le pied ! Durant l'ère Marcos, sa femme Imelda était une vraie patronne pour la culture. Elle veillait à ce que les producteurs étrangers qui venaient tourner ici fussent bien accueillis. S'ils avaient besoin d'équipement militaire, elle faisait en sorte de leur faciliter la tâche. En échange, les producteurs versaient de l'argent qui servait à la conservation et à la maintenance des équipements. Aujourd'hui, il faut passer par le Ministère de la Défense et il faut soudoyer tout le monde depuis le général jusqu'au moindre balayeur. De plus, il y avait auparavant pléthore de figurants blancs disponibles. Mais Fred Limp [NdR : Fred Lim, le maire de Manille à l'époque. Il s'agit d'un jeu de mot entre « Lim » et « Limp » (mou, en anglais)] nous a mis des bâtons dans les roues quand il a décidé de fermer le quartier de réserve de Manille et qu'il a contraint au départ les immigrants qui vivaient là. Pensez que sous Marcos il se tournait en moyenne 40 films étrangers par an dont le budget moyen par film était de 300 000 à 450 000 dollars. Tout l'argent que les extras gagnaient profitait ensuite à l'économie du pays. J'accuse le gouvernement en premier lieu, et ensuite une saturation du marché. Trop de saloperies que personne ne voulait plus acheter !

Avez-vous eu des échos concernant la carrière de vos films aux Etats-Unis ? Des critiques sur vos films ou bien sur votre propre travail ?

Max Thayer avait pris l'habitude de m'envoyer des articles du magazine Variety... des critiques pour la plupart assez fades mais pas vraiment déplaisantes.

Votre dernier film est apparemment "Les Oiseaux de passage" (2000) avec Stacy Keach et Charlotte de Turckheim. Cette dernière est une comédienne célèbre dans notre pays. Qui vous a embarqué dans cette aventure ?

Oly Laperal de RS Video m'a eu le boulot. Oly essayait de monter une agence de prestation de service avec cette compagnie. Au passage, quiconque souhaite tourner ici se devrait de passer par lui car il possède le meilleur équipement de toute l'Asie. Et c'est vraiment un type avec lequel il est facile de traiter.

Vous reverra-t-on bientôt jouer dans un film ? Avez-vous complètement arrêté votre activité dans le milieu du cinéma ?

Malheureusement, je ne peux plus travailler pour le cinéma à cause de problèmes cardiaques. J'ai subi plusieurs attaques sérieuses depuis "Les Oiseaux de passage" et mon médecin m'a convaincu de prendre ma retraite.

Nous savons que vous écrivez un livre "Fish Heads and Rice" sur le cinéma philippin (ça vous fait au moins autant de lecteurs potentiels qu'il y a de visiteurs sur notre site !). Pouvez-vous nous en dire plus ?

C'est un "livre-vérité" qui traite de la série B des Philippines. Cela consistera en une description sans fard de ce à quoi pouvait ressembler le travail sur ces films, ainsi que de la faune bigarrée que constituaient les acteurs, les figurants et les techniciens. Ceux qui liront ça se diront "ce n'est pas possible !" mais je vous garantis que chaque ligne de ce livre sera vraie !

Bien, c'est la fin, alors pour conclure, au nom de tous les membres et les lecteurs de Nanarland, nous vous remercions chaleureusement pour vous être montré si abordable et si amical, Mr Nicholson. Nos meilleurs voeux vous accompagnent !

- Interview menée par La Team Nanarland -