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BIM Stars

(1ère publication de cette chronique : 2002)
BIM Stars

Titre original :The Apple

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Menahem Golan

Année : 1980

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h30 (1h08 en vidéo française)

Genre : J’ai honte de rien et je le chante

Acteurs principaux :Catherine Mary Steward, Allan Love, Grace Kennedy, Vladek Sheybal

Rico
NOTE
5/ 5


Ça faisait déjà un petit moment qu’elle me faisait de l’œil, celle-là. A chaque fois que je passais dans mon vidéo-club, je ne pouvais pas manquer d’être attiré par cette jaquette au visuel mauve agressif avec son titre énigmatique et son accroche délirante : « Elle devint star grâce… au diable ! ». Et à chaque fois résonnait dans ma tête cette petite voix fluette et lancinante, « loue moi… loue moi… ».

Mais d’autres films me tendaient leurs appâts comme autant de sirènes aguicheuses : « Regarde, je suis un film de prison fauché de chez Eurociné» me criait Helga la louve de Stilberg, « Non moi je suis un film de requin italien » promettait La Mort au largeBruce Le jouait des pectoraux sur Le Défi de la grande muraille et Max Thayer astiquait son M16 dans Karate Tiger 2, bref, j’avais toujours une bonne raison pour prendre un autre film.


Et puis le nanar musical, c’est pas trop mon truc, et après avoir vu Xanadu, je m’étais dit que dans le genre kitscherie chantante on pouvait pas tomber plus bas. Ce soir là, j’avais rafléLe Repaire du Ver Blancde Ken Russell que je guignais depuis assez longtemps, puis j’errais entre les rayonnages contemplant quelques vieux péplums fatigués et quelques films de monstres caoutchouteux terrorisant des blondasses aux gros seins. Et puis je suis retombé dessus. Sur cette jaquette signée Melki et reproduite à l’envers, sur ces bagnoles pseudo-futuristes à la Mad Max, sur cette pouffe extatique bardée de métal dont les mains et la bouche ouverte se tendent vers un micro phallique comme pour une improbable fellation. Dans ma tête de nouveau cette mélopée obsédante : « loue moi… loue moi… »… non grognasse, je résisterai, je serai le plus fort…

2 minutes plus tard, je sortais du vidéo-club avec la cassette sous le bras. Putain, j’ai pas de volonté.

Le futur (1994 dans le film) dont l'architecture n'a rien à envier à l'URSS des années 70


Comment décrire le choc produit par ce film… Disons qu’il existe une frontière ténue entre le sublime et le ridicule. Une lisière fine comme la lame aiguisée d’un rasoir sur laquelle danse par exemple un chef-d’œuvre comme Phantom of the Paradise. BIM Stars, à vouloir à tout prix retrouver les accents faustiens et la posture volontairement grotesque du classique de De Palma, se vautre non seulement la gueule la première sur cette frontière mais en plus y laisse des plumes.


L'avenir de la musique sera argenté.


L'histoire n'est évidemment qu'un prétexte à une débauche de chorégraphies et de chansons dans des décors plus ou moins délirants. Dans un futur forcément déliquescent, en 1994 [le film a été tourné en 1980], le monde est dominé par la société du spectacle (comme quoi Debord avait raison) et plus particulièrement par la firme de disque BIM (Boogalow International Music) que dirige l’énigmatique et décadent Mr Boogalow (le très bon Vladek Sheybal, qui jouait Kronsteen le champion d’échec au service du SPECTRE dans Bons baisers de Russie).


Le grand méchant, décadent à souhait...


Un couple de jeunes chanteurs innocents, Bibi et Alphie, va signer un contrat avec l’ignoble producteur qui veut faire d’eux des stars. Au dernier moment, Alphie, assailli de visions apocalyptiques, a un doute et refuse de signer alors que Bibi, tout doucement [désolé j’ai pas pu résister], se laisse séduire. Celle-ci sombre alors dans un monde fait de superficialité, de drogues, de sexe et de foules en délire pendant qu’Alphie, resté pur, est chassé comme un malpropre du paradis du luxe et de la vie facile et tente de reconquérir sa bien aimée en se heurtant aux sbires de Boogalow... Boogalow qui n’est autre que le Diable en personne venu offrir la pomme de la tentation aux assoiffés de gloire et de célébrité (d’où le titre original du film, The Apple).


Le fruit du délit.

Le fruit défendu.


En fin de compte, après quelques péripéties très décousues, les amoureux iront se réfugier dans une communauté hippie (« ce sont des réfugiés des années 60 ») dirigée par un gourou chevelu (Joss Ackland, hilare, qui cachetonne dans trois scènes).


Encore un coup de ces salauds de hippies !


Menahem Golan, qui n’a pas encore fondé la Cannon avec son cousin Yoram Globus, nous offre un film hallucinant car sous ses dehors de comédie musicale kitsch, ce n’est rien de moins que la damnation d’Adam et Eve qu’il entend nous refaire. Avec de bons gros sabots et un mauvais goût très sûr, Menahem louche très fort du côté de Phantom of the Paradise et essaye d’en retrouver la magie. C’est raté !


Total look.


Le film accumule toutes les excentricités possibles : des chorégraphies démentes avec des moustachus modèle Village People, des types en slip avec des masques d’animaux jouant les diablotins des enfers, des blacks efféminés et surmaquillés en costume rose qui poussent des petits cris de folles tordues en prenant des poses ultra-affectées (on se demandait où Besson avait trouvé le personnage joué par Chris Tucker dans Le 5ème Elément. Cherchez plus…). Ajoutez des fumigènes, des instruments de musique improbables (guitare-clavier double et transparente, trombone à coulisse façon tuyau en PVC), des rayons de couleur (surtout dans les roses fuchsia ou dans les tons argentés), des combinaisons en papier alu, des boules à facettes et la quasi-totalité du casting fringuée et maquillée comme pour une soirée chez Michou.


L'enfer vu par Menahem Golan. S'il y a un psychiatre dans la salle...


Comme le monde est censé être futuriste et semi totalitaire (Boogalow en prend le contrôle), les flics ont des uniformes tout cuir et roulent dans des bagnoles échappées d’un post-apocalyptique italien. Ajoutez encore à cela tout un tas d’idées stupides comme par exemple le BIM-badge, sorte d’autocollant triangulaire qu’on doit se coller sur la tronche sous peine d’amende, ou l’heure de danse obligatoire : tous s’arrêtent quand les hauts parleurs l’ordonnent et se mettent à danser frénétiquement. Y compris les pompiers, les bonnes sœurs et les chirurgiens en train d’opérer !


« Arrêtez tout, c’est l’heure du BIM ! »


Et les chansons, me demanderez-vous ? Elles sont lamentables, entre hymnes disco avec chorégraphies lourdingues, glam-rock FM et love songs sirupeuses. Le comble du ridicule est atteint quand Boogalow se met à chanter « Be a master » sur un air de reggae (!). N'hésitant pas à friser l'escroquerie, la jaquette française proclame très fort que les chansons ont été composées par le pape du funk, Georges Clinton. Attention, il s'agit ici de Georges S. Clinton, homonyme qui entamait là une carrière fructueuse de compositeur de B.O. (Austin Powers entre autres).


Venez jouer votre âme.


En Amérique, ce film est visiblement devenu culte grâce au revival 80's, des projections délirantes façon Rocky Horror Picture Show ayant lieu un peu partout, drainant des fans toujours plus nombreux à balancer des vannes sur le film et à reproduire les chorégraphies… Attention toutefois, la version que j’ai pu voir, sortie en cassette chez Hollywood Vidéo, relève de l’escroquerie : outre une qualité d’image plus que médiocre, elle a le culot de se proclamer « version intégrale » sur le dos de la jaquette alors qu’elle ne fait qu’1h08 ! Surpris par la fin brutale, j’ai consulté quelques sites américains qui m’ont appris que tout le véritable final du film manque, soit presque vingt minutes, avec notamment l’arrivée de Dieu dans une Rolls Royce blanche volante !


La Rolls de Dieu... Menahem Golan a une vision très personnelle de la religion...


C’est tout simplement honteux de mutiler un tel chef-d’œuvre ! Assassins ! Le disco vaincra !!!

Addendum de John Nada :

En gros fan impénitent des comédies musicales, après avoir d'abord racheté au vidéo-club la VHS louée par Rico, j'ai poussé le vice jusqu'à commander en import le fameux DVD US édité par MGM (voir la cote de rareté ci-dessous). Sans surenchérir dans la débauche d'excentricité accumulée tout au long du métrage, le final qui voit Dieu débarquer sans prévenir dans sa Rolls volante pour sauver les hippies et les emmener aux cieux avec lui dans une aura de lumière aveuglante a de quoi laisser sur le cul, notamment par son atmosphère de suicide collectif de secte façon Temple Solaire. A noter qu'on aperçoit dans la bande-annonce proposée sur le DVD un court extrait d'une chanson où les niaiseux Alphie et Bibi, réunis au sein de la communauté hippie, ont un bébé d'amour ("Child of love", chanson également présente sur la BO du film). L'absence de cette séquence dans le montage final permet donc d'affirmer que, malgré les 20 mn supplémentaires qu'il propose par rapport au montage de la VHS française, le DVD américain ne constitue pas la version longue ultime. Un montage à ce jour jamais sorti sous quelque support que ce soit, et qui mériterait qu'on harcèle Menahem Golan pour savoir si les bobines originales existent toujours ! Citons pour finir cette anecdote, rapportée par François Kahn dans son ouvrage Encyclopédie du Cinéma Ringard :
« Le film a été tourné à Berlin, ce qui explique en partie la lourdeur des chorégraphies et le nombre de figurants moustachus. (...) Les premiers spectateurs de "Bim Stars, the Apple" à Los Angeles s'étaient vus offrir des vinyles de la bande originale. Les ouvreuses durent y renoncer après la première séance : le public se servait des disques comme de frisbees pour viser l'écran. »

"Nous vous attendions, Mr. Bond..."

- Rico -
Moyenne : 4.13 / 5
Rico
NOTE
5/ 5
Labroche
NOTE
4/ 5
Peter Wonkley
NOTE
5/ 5
John Nada
NOTE
4/ 5
Wallflowers
NOTE
4/ 5
Nikita
NOTE
3.5/ 5
Kobal
NOTE
4.25/ 5
Barracuda
NOTE
4/ 5
Hermanniwy
NOTE
4.8/ 5
Drexl
NOTE
4/ 5
Jack Tillman
NOTE
3/ 5
Mayonne
NOTE
4/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation

Si vous promettez de ne pas vous en servir de frisbee, vous pourrez facilement trouver le DVD zone 1 de chez "MGM" (qui a racheté le catalogue Cannon) sur n'importe quel site de vente en ligne. Le son et surtout la qualité de l'image sont remarquables, permettant d'admirer le scintillement des paillettes et le chatoiement des coloris criards dans un cinémascope impeccable. Il n'y a hélas pas de bonus (juste une bande-annonce), mais au moins vous n'aurez pas l'immonde version française tronçonnée de chez "Hollywood Vidéo".

Depuis un Blu-ray reprenant le visuel de l'affiche internationale est sorti chez "Scorpion Releasing" avec quelques bonus, dont un commentaire audio de l'actrice Catherine Mary Stewart, mais toujours pas de VF.

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