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Disco Dancer

(1ère publication de cette chronique : 2009)
Disco Dancer

Titre original : Disco Dancer

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Babbar Subhash

Année : 1982

Nationalité : Inde

Durée : 2h14

Genre : Discoploitation

Acteurs principaux :Mithun Chakraborty, Kim, Kalpana Iyer, Om Puri, Geeta Siddarth, Yusouf Khan, Bob Christo, Om Shivpuri, Karan Razdan, Rajesh Khanna

John Nada
NOTE
4/ 5


Bollywood, Lollywood, Tollywood, Dhallywood, Mollywood, Kollywood... autant de mots-valises dont l'exotisme susurre à nos oreilles profanes la promesse d'un festin d'audaces visuelles et de mélodrames sucrés à engloutir sans arrière-pensée. Certes, je confesse volontiers que ma conversion aux charmes des cinématographies du sous-continent indien n'aura pas été instantanée ; mais voilà qu'après quelques années d'accoutumance progressive à ce que les élites indiennes qualifient d'"opium des masses", une oeuvre surdosée est venue parachever mon addiction. Film culte impérissable, chef-d'oeuvre immarcescible, monument à la gloire de la musique disco d'une estourbissante kitscherie, "Disco Dancer" est une expérience saisissante comme il en existe peu dans une vie de cinéphage.


"Disco Dancer" nous compte l'histoire d'Anil, mouflet aux yeux rieurs et au coeur pur qui chante et danse dans les rues de Bombay pour les nourrir, sa maman et lui. La mère et son vertueux rejeton sont pauvres mais heureux, jusqu'au jour où un fieffé salopard de haute caste les gifle et les humilie en les accusant à tort de vol, les condamnant à un exil traumatisant sous les lazzis de la foule. Jurant de laver cet affront, Anil grandit dès lors en affûtant jour après jour l'arme ultime de sa revanche : cette arme redoutable, c'est la musique disco !


- "Dis Môman, pourquoi les scénaristes ils sont aussi cruels avec nous ?
- C'est pour te forger le caractère et faire de toi le héros du film, mon p'tit."



Anil adulte (Mithun Chakraborty), notre héros.



P.N. Oberoi (Om Shivpuri), le fieffé salopard de haute caste.



Sa fille, Rita Oberoi (Kim), qui en pince pour Anil.



"Mother, I have my music. I will sharpen this music like a sword and stab the city's heart with it!"


Devenu un jeune adulte beau comme un camion, Anil se prend pour Travolta et danse partout où il va, y compris la nuit sur des auto-ponts déserts (sur l’air de "Cerrone's Paradise"). Cette stratégie s'avère payante : Anil est bientôt repéré par un producteur désireux de remplacer sa star capricieuse et moustachue (l'infâme Sam Oberoi), et devient dès lors JIMMY, le DISCO DANCER adulé de toute la nation indienne, en proie il faut dire à une fièvre disco d'une furieuse intensité.



Au bal des empaffés, Jimmy se révèle un sacré valseur.


"Come, sing, and conquer!" lance le gentil manager David Brown à son poulain Jimmy. Il est interprété par Om Puri, qu'on a notamment pu voir chez nous en 2000 dans la comédie anglaise "Fish and Chips" (East is East) de Damien O'Donnell.



Jimmy fait chavirer le coeur des foules idolâtres en faisant un peu n'importe quoi : ici, il se tire les oreilles en souriant comme un benêt puis, visiblement à court d'idées, se tape sur les joues en incitant le public à l'imiter !


Ainsi, la voie de Jimmy vers la gloire, l'amour et le bonheur à paillettes semble toute tracée : c'était sans compter les affres d'un destin cruel, et le respect profond des scénaristes pour les conventions du cinéma bollywoodien. Les dance floors que Jimmy sanctifie de son aura disco-ravageuse sont en effet semés d'embûches, et son ascension vers les sommets de la renommée sociale et du n'importe quoi artistique sera maintes fois contrariée par un script hautement mélodramatique.



Des loubards qui cognent Jimmy là où ça fait mal : en plein dans la guitare, organe sensible du disco dancer.



Un tueur à gages de haute volée (Bob Christo), recruté par P.N. Oberoi pour liquider Jimmy.



"Mr. Oberoi, this is the man. The bastard's killed seven people in London. And there was a very famous singer... I don't know his name, but he murdered him too. The bastard's a top class criminal."


Notre fougueux danseur disco devra ainsi affronter des hommes de main au charisme atrophié qui claquent des doigts en cadence comme dans "West Side Story", un tueur à gages barbu au look pas possible, une guitare électrique piégée qui sera fatale à sa génitrice et autres coups tordus fomentés par le clan Oberoi, à savoir le père, P.N. Oberoi, celui-là même qui avait injustement humilié Jimmy et sa mère des années plus tôt, et le fils, Sam Oberoi, le rival jaloux et égocentrique, sorte de disco dancer maléfique dont les chorégraphies d'animateur du Club Med singent avec une confondante maladresse le jeu de jambes d'un John Travolta.




"Thirty six managers like you would appear upon just one of Sam's dance movements, but a star like Sam is born only once every two or four centuries... Sam is the heartbeat of millions of girls. Now get out!" (Sam Oberoi, s'adressant à son futur ex-manager David Brown)



Conséquence d'un énième coup bas des méchants, Jimmy perd sa mère et se voit dès lors frappé d'un mal redoutable : la phobie des guitares !


Jimmy saura t-il venger sa mère et emballer la fille du clan Oberoi au passage ? Parviendra t-il à vaincre sa guitarophobie et remporter le grand concours international de disco, face à des Africains et des Français se dandinant sur scène n'importe comment ? La réponse est évidente, mais peu importe puisque l'intérêt du film est ailleurs : à la fois dans son esthétique post-dadaïste et colorée (l'évocation du moindre décor appelle une avalanche de superlatifs non-sensiques), son ouragan kaléidoscopique de loupiotes clignotantes contre lesquelles il convient de mettre en garde les spectateurs épileptiques, ses répliques au lyrisme échevelé assénées avec un sérieux papal par des acteurs au jeu sans nuance, ses bastons pataudes où les coups de pieds ont bien du mal à s'élever au-dessus de la rotule, voire même ses passages mélos sirupeux qui attendrissent plus qu'ils n'agacent.



Quand le destin l'y oblige, Jimmy le Disco Dancer se transforme en Disco Fighter, et tatanne du méchant en sautillant comme une danseuse étoile.



The International Disco Dancing Competition, introducing the disco kings and queens from Africa and Paris !


Bien entendu, l'intérêt de "Disco Dancer" réside aussi et surtout dans ses séquences chantées et dansées, caractéristique indispensable à tout film musical, bollywoodien de surcroît. Et autant le dire tout de suite : le score de "Disco Dancer" est une tuerie atomique jouissive au plus haut point, que je m'enorgueillis de voir figurer en bonne place dans ma cédéthèque. Avec ses lignes de basse entraînantes, ses rythmiques au charme irrésistible et ses mélodies inspirées, la musique de "Disco Dancer" est marquée au coin du savoir-faire de Bappi Lahiri, compositeur stakhanoviste dont le nom n'évoquera sans doute pas grand chose au lecteur profane, mais qui constitue une figure emblématique du paysage bollywoodien depuis maintenant près de 40 ans, signant littéralement plusieurs centaines de bandes originales de films (outre deux titres phares tirés de "Disco Dancer", notre radio-blog propose à l'écoute l'entêtant "Let's Dance for the Great Guy Bruce Lee").




Argh, mes yeux, mes pauvres yeux !!!


De cette BO, on citera notamment l'implacable "I am a Disco Dancer", dont on dit que Devo s'est inspiré pour sa chanson "Disco Dancer" en 1988, mais aussi une reprise azimutée de "Video Killed the Radio Star" des Buggles, une reprise du "Jesus" des Tielman Brothers et une autre du tube "You're OK" du groupe disco Ottawan, les fameuses paroles "T'es ok, t'es bath, t'es in" devenant "Jimmy Jimmy Ajaa", exhortation que chante l'amoureuse de Jimmy pour sortir ce dernier de sa torpeur guitarophobique ! Ce morceau dans sa version indianisée sera à son tour repris, en 2007, par l'artiste londonienne d'origine sri lankaise M.I.A. (cette dernière version étant elle-même reprise par le groupe Of Montreal…!) Signalons également pour l'anecdote, lors de la scène de l'anniversaire de la fille du maire de Bombay, la présence en fond sonore d'une infâme reprise à l'orgue Hammond du hit de Grease "You're the one that I want", qu'on jurerait interprétée par un avatar de Charlie Oleg passablement ensuqué, et une autre piquée à la BO du film "American Fever".




A ces compositions hautes en couleurs sont associées des chorégraphies d'un autre âge, d'un autre monde, exécutées dans des décors clinquants où plus d'une pie perdrait la tête, célébration du bling-bling en carton-pâte où tout brille, surtout le bon goût par son absence. Voir le fringant Jimmy psalmodier "Krishna Dharti Pe Aaja" entouré d'un aréopage de zigotos en jupette rose et collants bleus ciel dépasse l'imagination la plus extravagante. Voir ce même Jimmy se déhancher au milieu de bayadères replètes enguirlandées comme des sapins de Noël vaut également son pesant de chips au curry. Propres dans leur ensemble à combler l'amateur de mauvais films sympathiques, ces chorégraphies singulières se voient ponctuellement magnifiées par la grâce de figurants moustachus ou d'accortes donzelles, papillonnant au second plan avec une fluidité corporelle que ne leur envieraient pas un groupe d'otaries bourrées à la bière.




Jimmy et ses copains nous font leur coming out (enfin je crois).


Fort de son charme naïf et délicieusement suranné, le film de Babbar Subhash déploie ainsi ses fastes disco avec un enthousiasme communicatif et ravageur, venant réchauffer nos petits coeurs d'albâtre transis par trop de films impersonnels et lisses comme du papier glacé. Que vous soyez fan de nanars, fan de films d'exploitation, fan de disco, fan de bollywood, fan de cinéma ou même fan de rien du tout, "Disco Dancer" est un monument incontournable que tout être humain civilisé ou non se doit d'avoir vu au moins une fois dans sa vie. Un joyau kitsch dont l'éclat hypnotique s'emploie de toutes ses forces à vous faire croire que la musique disco peut sauver le monde... et y parvient !


A noter que dans le registre de la discoploitation, le scénariste-réalisateur-producteur Babbar Subhash remettra le couvert à deux reprises, une première fois en 1984 avec "Kasam Paida Karne Wale Ki", fortement influencé par Michael Jackson période "Thriller", et dans lequel on retrouve Mithun Chakraborty en tête d'affiche, puis en 1987 avec "Dance Dance", toujours avec Mithun Chakraborty en vedette (il ne s'appelle alors plus Jimmy mais Roméo), Om Shivpuri dans le rôle de l'agent artistique David Brown et une bande-son de Bappi Lahiri outrageusement disco. Aux amateurs les plus insatiables, on recommandera également "Star" de Vinod Pande, autre hit disco produit par l'industrie bollywoodienne en 1982, et qu'on trouve parfois en DVD double-programme avec "Disco Dancer".


Il existe par ailleurs des plagiats/remakes de "Disco Dancer" réalisés par les industries Kollywood (le tamoul "Paadum Vaanampadi" en 1985, avec Anand Babu), Tollywood (le télougou "Disco King" en 1984, avec Nandamuri Balakrishna) et Lollywood (le punjabi "Disco Dancer" en 1987, réalisé par un certain Zahoor Hussain Gillani et avec les vedettes pakistanaises Anjuman, Sangeeta et Yusuf Khan au casting).


Le "Disco Dancer" du voisin pakistanais...

- John Nada -
Moyenne : 3.42 / 5
John Nada
NOTE
4/ 5
Kobal
NOTE
3.5/ 5
MrKlaus
NOTE
3.5/ 5
Drexl
NOTE
4/ 5
Wallflowers
NOTE
2/ 5
Rico
NOTE
3.5/ 5

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation
"Disco Dancer" est une œuvre culte non seulement en Inde, mais aussi dans toute l'Afrique, ainsi que la Chine et une grande partie de l'ex-URSS. "C'est le film préféré de toutes les ménagères comoriennes, maliennes, ivoiriennes, tunisiennes, marocaines etc. Ma mère garde jalousement son exemplaire !" (dixit un forumer originaire des quartiers Nord de Marseille). "Disco Dancer" a ainsi bénéficié de plusieurs éditions VHS et DVD. Editée par Eros Entertainment, celle que nous avons pu visionner, achetée 2€ dans un Cash Converter, propose le film dans une copie passable, en VO avec sous-titres optionnels anglais et français. (Attention : indiqués sur la jaquette, les sous-titres français n'apparaissent pas dans le menu mais sont bien présents sur le DVD, il suffit de lancer le film et d'utiliser la touche "subtitles" de sa télécommande pour pouvoir les sélectionner.)


Le DVD édité par Eros Entertainment.

Une autre édition DVD qui se targue de proposer le film au format scope 2:35 avec son Dolby Digital et sous-titres Anglais, Français, Arabe, Hollandais, Espagnol, Allemand.



Pour celles et ceux qui habitent Paris, le film est disponible pour une bouchée de pain dans la boutique "Bollywood Paris" située au 98 rue du faubourg Saint-Denis, pas loin de la gare de l'Est. N'hésitez pas à réclamer le film directement au vendeur derrière le comptoir à DVD, il a une connaissance encyclopédique du cinéma bollywoodien. Il raconte d'ailleurs lui même que lorsque des clientes africaines tombent sur le DVD de "Disco Dancer" dans sa boutique, elles se mettent presque toujours à en fredonner les chansons. Une vraie drogue on vous dit !