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La Lunule

(1ère publication de cette chronique : 2005)
La Lunule

Titre original :The Pyx

Titre(s) alternatif(s) :The Hooker Cult Murders, Sacrilège

Réalisateur(s) :Harvey Hart

Année : 1973

Nationalité : Canada

Durée : 1h48

Genre : Antéchriss' (de câliss')

Acteurs principaux :Christopher Plummer, Karen Black, Donald Pilon

Zord
NOTE
2.5/ 5


Tabarnak de Criss' ! "La Lunule", c't'un beau nanar de choix ! Typiq'mîîîîînt Québécois ! Et même que "Tabarnak" et "Criss", c'est deux mots qui s'associent bîen avec, vu qu'ça caûse de r'ligiôn, d'sâtânisme, et qu'le gârs Christopher Plummeûûr, il a quînd même une belle tête d'curé, vouère même d'jésuite ! Et qu'dîns tout l'fîlm, il a l'air aussi gai qu'un pasteûûûûr puritain ! Ou même qu'un husky dépressif qu'auraît pô eu sa râtion d'buns au sirôp d'érââââble !


Du Québec, on connaissait surtout les grands films d'action ("Clanches!", "Ça va clencher", "Air bagnards"), les comédies burlesques ("Nigaud de professeur") ou encore les brûlots sociaux contemporains ("Ferrovipathes", "La Légende du gros poisson", "Danser dans le noir"...). En revanche, on connaissait beaucoup moins la production horrifique des rives du Saint-Laurent, ignorance que "La Lunule" vient vite combler, prouvant au passage que la francophonie nanarde est une réalité, et que, de l'Hexagone à la Belle Province en passant par le Cameroun, on sait aussi produire du cinéma médiocre, n'en déplaise aux bisseux transalpins, aux zédeux yankees et aux ninjas philippins ! Vive la francophonie et le Québec libre, bordel !!


Fourbement dissimulée derrière sa jaquette mensongère bourrée de barbarismes nanars ("vous avez peur... vous allez souffrir d'angoisses") et sa vaine tentative de faire croire au naïf chaland que le film est une suite de "L'Exorciste" ("L'Exorciste n'a plus aucun pouvoir...."), "La Lunule" est un concentré des classiques de la nanardise qu'il deviendrait presque fastidieux d'énumérer : acteurs démotivés, images délavées, mauvais montage, scénario bancal et plans-nichons inutiles, parfaits cache-misère pour masquer la paresse de l'intrigue. "Paresse" étant d'ailleurs le mot adéquat pour qualifier non seulement le métrage en lui-même, mais aussi la prestation de son acteur principal, la star du film, probablement débauchée à grands frais : Christopher Plummer ! Un Plummer qui se fait royalement chier ici (l'esprit probablement obnubilé par l'imminence d'un redressement fiscal ou une quelconque sommation d'huissier) et ne semble pas souhaiter pousser ses prestations d'acteur plus loin que la diction monotone et le regard de cocker triste qui feront tout son charme quelques années plus tard dans "Starcrash, le choc des étoiles" de Luigi Cozzi.


Inside the actor's studio with Christopher Plummer. Aujourd'hui : le contrôle fiscal.


Néanmoins, avec beaucoup d'efforts, il réussit tout de même à s'arracher deux ou trois sourires dans la durée. Enfin, "sourire" est peut-être un bien grand mot. Disons plutôt qu'on voit son visage se déformer en une espèce de rictus qui veut sans doute exprimer quelque chose comme "la joie", "le rire" ou même "l'amusement", mais au final, on ne saura vraiment jamais tant il est évident que Plummer s'ennuie profondément.


Inside the actor's studio with Cristopher Plummer. Aujourd'hui : le chômeur en fin de droits.


Heureusement, pour compenser la dépression de Plummer, le réalisateur lui a collé aux basques un faire-valoir particulièrement exubérant, Donald Pilon. Acteur habitué aux "nudies" et aux séries TV canadiennes qui réussit, par son jeu d'acteur aussi sobre et digeste qu'une coulée de sirop d'érable sur un steak de caribou, à contrebalancer la performance minimaliste de Christopher Plummer, recréant ainsi à l'écran l'un des duos préférés des petits z'enfants : le clown blanc et l'Auguste. Seulement voilà, il ne suffit pas toujours de surjouer pour nanardiser... Certains s'y sont essayés et s'y sont cassés les dents. Mais là où Pilon est fort, c'est que non seulement il joue mal, mais en plus, il joue mal... en patois local et avec l'accent québécois ! Et quel accent, hostie d'câliss ! En comparaison, Céline Dion, Garou et le Roi Heenok pourraient parfaitement passer pour des Parisiens de souche.




Donald Pilon.


Dans le film, Pilon est l'Inspecteur Paquette, un flic plutôt dur, aux méthodes assez expéditives, qui n'hésite pas à rudoyer des suspects pour les faire avouer. Oui, mais quand on retranscrit l'un des interrogatoires musclés de l'Inspecteur Harry du Saint Laurent, ça donne ça :

J'suis ûn gârs bîn côrrect ! Mais s'tu m'crôches pô l'môrceaû, j'te prômets d'm'ôccuper d'toué avec tout l'râffinemîîîînt qu'tu mérîtes !

Forcément, ça le fait moins.


Par ailleurs, Pilon – qui nanardise toutes ses apparitions sans exception – explose les limites de la bizarrerie lors d'une scène particulièrement surréaliste : un dialogue entre lui, Plummer et un indic quelconque où, subitement, sans la moindre explication, Donald va passer du français à l'anglais puis, tout benoîtement, repartir de plus belle en langue française sans aucune utilité pour l'histoire, ni d'ailleurs sans qu'on sache très bien pourquoi il se sent obligé de le faire. Sans doute pour justifier la notule "capable de jouer en anglais" en marge de son CV, en mettre plein la vue aux centaines de producteurs américains qui n'allaient pas manquer de remarquer sa prestation et lui proposer des millions de dollars pour honorer leurs futurs films de sa présence. Malheureusement, au vu de sa fiche IMDB, il semblerait que ça n'ait pas été suffisant pour conquérir Hollywood... Hélas pour Donald, le monde est rempli de béotiens qui ne savent pas reconnaître le talent, même lorsqu'il gesticule pathétiquement devant eux.


Evidemment, en dehors d'une irrésistible envie de faire ma mauvaise langue et d'accabler le malheureux Donald Pilon qui n'avait pas besoin de ça, je n'ignore pas que le Canada est un pays bilingue, et que les transitions subites entre le français et l'anglais sont sans doute habituelles dans la production locale. Toutefois, vu d'ici, cette transition est plutôt déstabilisante. D'autant que le dialogue en question n'est pas des plus limpides non plus.

(Indic) - Heu non... ce n'est pas un médaillon... c'est une lunule !
(Plummer) - Une lunule ? C'est quoi une lunule ?
(Pilon) - Une lunule... mais... IT'S A PYX !
(Plummer) - A Pyx ? What's a Pyx ?
(Pilon) - A Pyx ! My grandmother nearly died four times, and each time, the priest weared a lunule ! (sic)
(Plummer) - Ah oui ! Une lunule !... A Pyx !


Je paye la tournée à celui ou celle qui, grâce à ce seul dialogue, est capable de me définir ce qu'est une lunule...


Inside the actor's studio with Christopher Plummer. Aujourd'hui : le passage de l'huissier.


...Mais comme je suis radin, je préfère le faire moi-même : une lunule est une petite boîte dans laquelle le prêtre range les hosties consacrées lorsqu'il doit donner les derniers sacrements aux mourants et aux malades incapables de se mouvoir. Une sorte de ciboire de poche en quelque sorte.


Un objet qui est au cœur de l'intrigue du film, puisque ladite lunule sera retrouvée dans la main du cadavre d'une prostituée défenestrée, qui sera le départ de l'enquête de deux flics de "l'escouade de la moralité" (l'équivalent canadien de notre brigade des moeurs), les inspecteurs Lexomyl et Guronzan, alias Christopher Plummer et Donald Pilon, les sergents Anderson et Paquette. Une enquête dans le milieu de la prostitution de luxe qui ne sera qu'un prétexte pour le réalisateur Harvey Hart à l'accumulation poussive de plans-nichons, de furieux mouvements de caméra en cercle qui donnent mal au crâne et de zooms approximatifs sur divers éléments "symboliques" du décor (des objets religieux principalement) afin de conférer une ambiance "éthérée et onirique" à son film.


Inside the actor's studio with Christopher Plummer. Aujourd'hui : le redressement d'impôts.


D'autant que si la réalisation se veut originale, le montage ne l'est pas moins. Hart est parti sur un découpage a priori audacieux : celui de raconter simultanément deux histoires, l'enquête de police d'une part et la dernière journée d'Elisabeth Lucy, la prostituée, de l'autre, insérée à la trame principale via des flash-back récurrents. Un concept furieusement novateur qui se traduit dans les faits par un bordel monstre. Personne ne sait vraiment qui est qui, ni ce qui se passe exactement. L'intrigue saute du coq à l'âne en permanence, les acteurs arrivent dans la trame et en disparaissent sans raison. Au final, le réalisateur manie l'ellipse à merveille, sans que ce soit vraiment volontaire, mais cache la misère derrière ses zooms frénétiques et ses mouvements de caméra circulaires. C'est audacieux, certes, mais ça donne un peu envie de vomir. Envie accentuée par l'indicible "70's touch" du film (couleurs délavées, cols pelle à tarte, coupes de cheveux indécentes, vestes grises cintrées, décorations d'intérieur marronasses...) qui me poussent à remercier le ciel que mes parents ne m'aient conçu qu'à l'extrême fin de cette décennie.


Inside the actor's studio with Christopher Plummer. Aujourd'hui : la dernière sommation avant saisie.


Et tout ça dans le louable effort de faire monter la pression jusqu'à la révélation de son horreur finale : une sombre histoire de secte satanique et de sacrifices humains sur fond de chants grégoriens passés à l'envers, de cadrages de fou sur des moustachus en robes noires et des types dissimulés derrière des masques de corbeaux et de grenouilles, le genre qu'on peut trouver pour 2 dollars dans tous les magasins de farces et attrapes pour Halloween.

C'était l'horreur finale, merci de votre attention.


Un peu de chair dénudée, ça ne fait jamais de mal.


Et maintenant, le paragraphe politiquement correct de circonstance. Est-ce qu'un film devient un nanar juste parce que ses acteurs ont un accent très marqué ? N'est ce pas mal de se moquer des différences culturelles et des particularismes locaux ? Réponse : non, l'accent ne fait pas le nanar... mais il y contribue fortement. Alors, peut-être qu'un jour nous vivrons tous dans un monde utopique et merveilleux dans lequel tous les hommes seront frères et gambaderont dans les champs de bégonias en chantant "I believe I can fly", mais en attendant, il serait dommage de se priver des chefs-d'œuvre de la production nanarde du Québec, hélas trop méconnue dans nos contrées.


En bonus : Christopher Plummer en slip kangourou.


Icono :VHS Survivors et billy-petersen.com

Merci à Astrozombie pour ses renseignements sur la carrière de Donald Pilon.

- Zord -
Moyenne : 1.19 / 5
Zord
NOTE
2.5/ 5
MrKlaus
NOTE
1.5/ 5
Nikita
NOTE
0.5/ 5
Jack Tillman
NOTE
0.25/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation
Plusieurs éditions DVD existent (voir visuels disséminés tout au long de la chronique). En zone 1, on pourra sans regret se passer de celle de "Pro-Active Entertainment" sous le titre de "The Hooker Cult Murders", à la copie de mauvaise qualité, pour privilégier celle de "Trinity Home Entertainment", plus récente, sous le titre "The Pyx". On la même vu dans une compilation de 10 films de chez "Treeline Films" avec "Night Train To Terror – Train Express Pour l’Enfer". Ou comment profiter de la présence de deux films connus ("Bad taste" de Peter Jackson et "Driller killer" d'Abel Ferrara) pour en fourguer huit autres à peu près invendables en d'autres circonstances. Par contre, curieusement, pas de version québécoise ni même canadienne. Etrange.



En France, le film a bénéficié de quatre éditions au format VHS sous le titre « Sacrilège », chez "Initial", "Panorama Studios", "Atlantic Home Video" et "Metropole Video", toutes quatre avec le même visuel. Mais bon comme à chaque fois ce sont des sous-marques d'"Initial", on est en famille.



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