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Mondo Cannibale

(1ère publication de cette chronique : 2005)
Mondo Cannibale

Titre original : Mondo Cannibale

Titre(s) alternatif(s) :Une Fille pour les Cannibales, Sexo Canibal, White Cannibal Queen, Mangeurs d'Hommes, La Déesse Blonde, La Déesse Cannibale, Déesse Cannibale, L'Emprise des Cannibales, Les Cannibales

Réalisateur(s) :Jesus Franco

Producteur(s) :Marius Lesoeur

Année : 1980

Nationalité : France / Espagne / Allemagne

Durée : 1h29

Genre : Cannibal perdu

Acteurs principaux :Sabrina Siani, Al Cliver, Olivier Mathot, Antonio Mayans, Lina Romay, Shirley Knight

Nikita
NOTE
2/ 5


Mmmmh, il fait chaud aujourd’hui. Pendant mes vacances, je suis bloqué chez moi à garder ma fille. Que vais-je bien pouvoir faire pendant la sieste de bébé ? Me remettre à lire James Joyce ? Repotasser mon manuel « Photoshop pour les nuls » ? Non, tiens, je vais plutôt regarder un film de cannibales produit par Eurociné. Voilà une saine et roborative activité, à la portée de tous depuis que la famille Lesoeur réédite ses chefs-d’œuvre en DVD pas chers !


Ce qui est bien avec les films produits par la firme de Marius Lesoeur, c’est qu’on est rarement surpris : qu’il s’agisse de nanars désopilants ou de navets odieusement chiants, ils ont souvent l’air d’avoir été tournés dans un jardin public, avec des figurants – voire des acteurs – hâtivement recrutés sur place. « Mondo Cannibale » n’échappe pas à la règle et se situe du début à la fin dans une esthétique de la misère qui le change en objet fascinant : comment faire un film avec du rien, comment réussir à extraire une étincelle de vie d’acteurs, de décors et d’un scénario plus morts que morts. Jesus Franco l’a fait, prouvant une compétence dont on ne peut que regretter qu’il l’ait méticuleusement jetée à la poubelle : son film ressemble miraculeusement à quelque chose, réussissant à avoir un début, un milieu, une fin, malgré la matière informe dont il est constitué.


Un gage de qualité.


Produit misérable et miséreux de la mode des films d’anthropophages lancée par « Cannibal Holocaust », « Mondo Cannibale » a l’originalité de présenter une trame relativement proche de celle de « La Forêt d’émeraude », de John Boorman, alors qu’il fut tourné cinq ans plus tôt. Ce qui permit évidemment à Eurociné de refourguer le machin sur les marchés internationaux en le présentant comme « The Original emerald forest » ! Le récit débute par un voyage en Amazonie qui tourne mal : un certain Taylor (Al Cliver), chercheur en voyage d’études avec sa famille, est attaqué par des cannibales demeurés à l’état sauvage. Monsieur Taylor est amputé d’un bras, Madame Taylor est dévorée toute crue sur le pont du navire, et leur fille, Lana, est enlevée par les indigènes. Visiblement fascinés par la blondeur de l’enfant, les cannibales décident d’en faire leur « déesse blanche » et de la vénérer comme telle.


Image rare : Al Cliver glabre !




Un Indien vaguement convaincant (profitez-en, ça ne va pas durer).


Lana (Anouchka Lesoeur, fille de Daniel et petite-fille de Marius).


A l’aide ! Les cannibales m’ont étalé leur maquillage partout !


Tous les effets gore du film sont au ralenti et en sépia, pour masquer le fait qu’on filme un étal de boucherie en gros plan.


La touche Franco : un plan gore-nichon !


Or, on ne voit guère pourquoi les cannibales seraient étonnés par la jeune fille blanche puisqu’ils sont…blancs eux aussi ! Hé oui, les féroces sauvages amazoniens sont interprétés par des acteurs et figurants (français ou espagnols) au physique tout ce qu’il y a de plus européen (cependant, quelques-uns sont noirs, ce qui fait de cette tribu la communauté primitive la plus bigarrée depuis « Les Prédateurs du Futur »), et semblant davantage sortis du bistrot du coin que des recoins les plus sombres de la jungle amazonienne.




Oh ! Le Mime Marceau !


Jungle amazonienne… c’est beaucoup dire ! Car en fait de jungle impénétrable, nous avons droit à une jolie campagne verdoyante avec des arbres – dont quelques palmiers – assez espacés. Comment les cannibales ont-ils pu rester à l’écart de la civilisation, alors qu’ils vivent dans la jungle la plus clairsemée du monde ? Mystère et boule de gomme.






Le Mime Marceau, je vous dis !


Ouéééé ! Sabrina Siani ! On va avoir du plan nichon !


Bref, Lana grandit et devient Sabrina Siani. Toujours considérée comme une déesse blanche par la tribu, elle est promise au nouveau chef, le jeune Yakaké (Antonio Mayans, alias Robert Foster), qui vient de succéder à son père. En Occident, Al Cliver s’applique à monter une autre expédition pour retrouver sa fille. Comme il a un boudin en tissu dans sa manche de chemise gauche pour faire croire que son bras est remplacé par un moignon, tout le monde lui rit au nez et refuse de lui accorder la moindre assistance. Notre héros échoue notamment à obtenir l’aide d’un couple de riches snobs, dont l’homme est incarné par Olivier Mathot, acteur dans tous les films Eurociné ou presque, et sans doute le comédien le plus inexistant depuis l’invention de la prise de vue animée. Légèrement meilleur que d’habitude (mais restant largement au-dessous du niveau de la mer), Olivier Mathot fait preuve comme à son habitude d’une remarquable incapacité à se post-synchroniser lui-même : un exemple assez rare d’acteur parlant systématiquement à côté de sa bouche !


L’innommable Olivier Mathot (à droite).


Al et Lina Romay (Madame Jess Franco dans le civil).


Par un caprice inexplicable (ou en tout cas mal expliqué), les deux affreux richards changent d’avis et décident de financer son expédition : ils l’accompagneront également, car c’est follement excitant de côtoyer des cannibales (éternel syndrome du mauvais film d’horreur : des personnages tellement stupides qu’ils méritent la mort !). Taylor va donc partir à la recherche de sa fille, dont il ignore qu’elle est devenue Sabrina Siani à poil.


Houga Bouga, déesse blanche !


Non mais regardez-moi ce boudin ! (le faux moignon d’Al, pas Sabrina !)


Ce qui suit est sans doute l’aventure de jungle la plus misérable qui ait jamais été proposée à un large public. Filmant les déambulations de ses acteurs dans une pseudo-jungle aussi anémique que le scénario (une légende veut que le film ait été tourné au bois de Vincennes, mais il y a sans doute confusion avec d’autres Eurociné), Franco essaie vaille que vaille de créer une ambiance envoûtante en usant d’un rythme lent et d’une musique aux prétentions hypnotiques. Ses efforts aboutissent parfois (un vrai miracle !), mais ils sont systématiquement sabotés par des figurants à la démotivation quasi-palpable, par un baragouin invraisemblable censé être le langage cannibale et visiblement improvisé par les doubleurs dans le studio de post-synchro (« Ambaraba glou glou tcha tcha glou glou, hommes blancs devoir mourir, badabadabada salut les copains ! ») et surtout par une totale anémie du récit, qui se limite à des embuscades lamentables entre clampins égarés dans la campagne.


Une apparition de Franco lui-même, qui signe son film tel un Hitchcock du Z.


Le rythme du film, délibérément lent, peut susciter l’ennui si le spectateur est mal disposé, mais la prétention qui sous-tend cette ambiance « inquiétante » participe du comique général de l’œuvre. Pourtant, comme il a été dit, Jess Franco, qui n’est pas un manchot à défaut d’être très constant, réussit à tourner un film relativement cohérent, du moins supérieur à certaines des bousasses produites par Eurociné. On ne souffre pas trop de la lenteur du récit, on s’intéresse distraitement au sort du héros, on devine vaguement l’ombre d’une compétence qui aurait pu, avec un vrai budget, d’autres figurants, d’autres dialogues et un scénario à peu près bien fichu, donner un bon film. « Mondo Cannibale » souffre de la réputation d’être l’un des pires Eurociné, il n’est, au contraire, pas loin d’être un fleuron de la firme… c’est dire si le niveau général est bas ! Franco nous prouve en tout cas que s’il est parfois un metteur en scène exécrable, il n’en est pas nul pour autant !








United colors of cannibals !


Réservé aux amateurs de bis cracra, et aux curieux qui désirent voir comment tourner un film professionnel avec des moyens quasi-amateurs, « Mondo Cannibale » est à voir pour mesurer la profondeur des abysses de la production Eurociné, et pour tester son courage avant de voir les films encore plus mauvais, comme « Midnight Party – La Partouze de minuit ». Un nanar pas forcément désopilant, mais intéressant par sa manière de surmonter (plus ou moins) une misère économique que l’on devine écrasante. A voir également en se disant avec fierté que c’est peut-être nanar, mais qu’au moins c’est FRANÇAIS, oui Monsieur ! Cocoricouac !


L’affiche italienne, qui met en valeur Sabrina Siani dans un style très héroïc-fantasy.

- Nikita -
Moyenne : 1.69 / 5
Nikita
NOTE
2/ 5
MrKlaus
NOTE
2/ 5
Rico
NOTE
1/ 5
Jack Tillman
NOTE
1.75/ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation

Le DVD anglais.

Réédité par "E.S.I. / Eurociné" parmi d’autres titres de leur abondant catalogue, le film a été diffusé en kiosques (collection "DVD Cauchemar" au côté de « La Nuit de la Mort »), en solo ou en double avec « Terreur cannibale », une autre production Eurociné. On le trouve sans trop de difficultés en soldes ou sur le Net (on l'a vu à 0,99 € sur certains sites !).



Au passage, je note qu’il faudra d'ailleurs qu'on vous en parle aussi de « Terreur Cannibale » un des ces quatre, parce que celui-là réussit l'exploit douloureux d'être encore plus navrant et fauché que « Mondo Cannibale » ! 

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