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Mystérieuse Planète

(1ère publication de cette chronique : 2006)
Mystérieuse Planète

Titre original :Mysterious Planet

Titre(s) alternatif(s) :Galaxie Warrior, La Bataille des galaxies

Réalisateur(s) :Brett Piper

Année : 1982

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h10

Genre : Voyage intersidérant

Acteurs principaux :Paula Toper, Boyd Piper, Michael Quigley, Bruce Nadeau, George Seavey, Marilyn Mullen

Wolfwood
NOTE
3.5/ 5


Ce qu'il y a de fascinant avec les mauvais films sympathiques, c'est qu'on n'est jamais au bout de nos surprises. Même lorsqu'on est prévenu du fort potentiel d'une œuvre, il se peut malgré tout qu'elle arrive à vous prendre totalement à contre-pied et vous fasse vivre un grand moment de rigolade. « Mystérieuse Planète » fait indéniablement partie de ces absurdités cinématographiques oubliées de tous qui, de part son absence totale de qualités, envoie le spectateur très loin dans cette autre dimension, ce monde parallèle où ce qui est mauvais peut devenir drôle.

L'histoire servant de base à cette débâcle générale reste pourtant assez classique, se voulant une adaptation très libre d'un roman de Jules Verne (signalons à ce propos que, malgré les instants de folies passagères que nous avons tous pu constater chez la plupart des grands auteurs – et c'est clair que par moment, même Hugo délire – les inepties de « Mystérieuse Planète » ne sont aucunement imputables à l'auteur de « Vingt mille lieues sous les mers ». Non, la véritable raison de cette allusion au générique, c'est que Jules, ça fait un bon moment qu'il ne peut plus se défendre des conneries qu'on fait sur son dos, et qu'entre ça et « Le Retour du Capitaine Nemo », il est loin d'être verni). Néanmoins, revenons à nos moutons. La trame nous raconte donc les aventures d'un groupe de voyageurs intergalactiques se crashant sur une planète inconnue qui s'avèrera peuplée de monstres en tout genre. Le monde où ils ont atterri étant en outre menacé d'anéantissement par un astéroïde, nos amis chercheront tout naturellement à s'enfuir afin de survivre au cataclysme.


Une VHS allemande.


Voilà. Niveau originalité, on a fait mieux, et pourtant, c'est tout ce qui se passe en une heure et des poussières. Pas de quoi casser trois pattes à un canard, c'est certain. Mais alors, me direz-vous, "qu'y a t'il" ? "Qu'est-ce qui rend ce film intéressant ?" Ma foi, le mot qui convient le mieux pour définir avec précision la nanardise de l'objet, reste encore celui de "chaos". En effet, pas un seul des éléments du long-métrage n'échappe à cette sensation de désastre, de décadence au-delà de la misère. « Mystérieuse Planète », c'est une sorte d'Armaggeddon du cinéma qui, des acteurs à la mise en scène, s'impose comme un film proprement apocalyptique.


"Après la Terre, ils croyaient trouver le néant", nous promettait l'une des jaquettes. Pour une fois qu'une accroche n'est pas mensongère…


Un intérieur de vaisseau qui mettrait la honte à Ciné Excel.


L'élément à charge le plus frappant est sans conteste le manque de moyens. Se posant presque comme le mètre étalon du budget réduit, « Mystérieuse Planète » redéfini totalement l'expression "fauché comme les blés" avec ses planches de carton sur lesquelles ont a gribouillé les décors, ses effets spéciaux d'un autre âge, sans oublier son intrigue se déroulant en majorité dans une caverne, une forêt ou encore sur une plage, mais sûrement pas dans l'espace. Plus que l'indigence commune à de nombreuses autres oeuvres, le souci majeur réside dans le fait que cette pauvreté ronge chaque millimètre de pellicule, sans que cela nous soit caché outre mesure. La scène d'introduction en est un parfait exemple, lorsqu'on tente de nous faire passer pour des vaisseaux spatiaux des maquettes tout droit sorties d'un vieux coffret Lego. Filmées dans l'obscurité, on pense un court instant que le réalisateur va pouvoir donner l'illusion qu'il recherche avant que ce dernier, tout à fait inconscient, filme ses engins de tellement près qu'il faudrait s'appeler Ray Charles pour ne pas se rendre compte de la supercherie.




L'hyperespace, ça désosse les hamsters.


Y'en a qui ont vraiment pas de pot : traverser toute la galaxie pour atterrir dans un monde en papier bristol…


On peut aussi s'attarder un temps sur le bestiaire monstrueux qui hante cette contrée sauvage : rarement on aura vu des animaux faisant autant penser à des gants de cuisine, ou des blocs de mousse, vaguement maquillés avec de l'aluminium et deux confettis pour les yeux. Certaines créatures ont beau être plutôt réussies, comme l'escargot bicéphale, les techniques employées pour les animer sont tellement rudimentaires qu'il est difficile de ne pas au moins sourire à chacune de leurs apparitions. Avec un budget si serré, on a d'ailleurs du mal à comprendre comment Brett Piper, réalisateur et co-financier du film, a pu oser se lancer dans la reconstitution d'un univers qu'il ne pouvait décemment pas rendre crédible. Un film semblable réalisé dans les années 50 aurait peut-être pu être qualifié de gentiment kitsch, de tendrement ringard, mais avoir pondu un tel truc en 1982 ne manquera pas de laisser le spectateur songeur.




- Oh ! Regardez ce que j'ai trouvé à manger : un crabe en plastique.
- Chouette !



Oui, ce sont bien des fils au dessus du ptérodactyle.


Loin de compenser la misère de son projet, les talents de mise en scène de Brett Piper imposent notre homme comme un vrai disciple d'Ed Wood. Outre des scènes visiblement tournées en une prise en dépit de leur qualité, et d'autres passages proprement incompréhensibles à cause d'éclairages inexistants ou d'effets stroboscopiques, notre homme a su insuffler à son film un rythme très étrange : jamais on ne s'ennuie et pourtant, il ne se passe rien. Ainsi, au-delà de l'intrigue principale imposant à nos explorateurs de trouver un moyen de quitter cette planète, le film est bourré de scènes de remplissage incroyablement creuses nous montrant un type qui va chercher de l'eau, la découverte d'un minerai étrange ou des discussions à l'intérêt discutable. Toutes ces séquences ont clairement pour but de gonfler la durée du film mais sont tellement flagrantes d'inutilité qu'elles en deviennent captivantes. Le tout étant filmé avec une telle mollesse qu'elle ferait passer la série Derrick pour une réalisation Michael Bay, on finit par être subjugué par ces successions de scènes dont la pertinence frôle le vide cosmique.


Alors là, me demandez pas ce qui se passe, je n'en sais fichtrement rien.


Un film à voir les yeux fermés.


Toujours bien inspiré, le metteur en scène a eu la bonne idée de rythmer certaines de ses séquences de mélodies tenant plus d'Alfred Bontempi que de John Williams. Une particularité phonique impardonnable quant on remarque que sept personnes sont crédités au générique, rien que pour la musique. La sonorité de ces scènes est toutefois à l'avenant de ce qui apparaît à l'écran et ces moments de bravoure sont d'un grotesque extrême, tel ce passage où la capitaine du vaisseau, aidée d'une corde, traverse un ravin à la seule force de ses bras. En temps normal, nous aurions déjà eu un peu de mal à y croire, mais à ce niveau, ça dépasse tout.



Des trucages à couper le squeele.


Notez l'ombre suspecte qui traverse l'écran.


En ce qui concerne les acteurs, le constat est tout aussi catastrophique. Déjà peu convaincants s'il s'agissait d'animer la kermesse paroissiale de Promizoulin, les comédiens présents dans ce film ont le double défaut non seulement d’être effroyablement mauvais mais surtout de se moquer royalement du résultat de leurs prestations à l'écran. Certes, une partie du casting semble s'amuser, et se marre même lorsqu'elle est sensée être poursuivie par un monstre, mais il suffit de voir deux des passagers tenter de repousser une créature avec des bâtons, en la frappant avec un manque de conviction palpable, pour se dire que tout ce beau monde a bien fait de ne pas persévérer dans le Septième Art par la suite. S'il nous était dit que toutes ces personnes n'ont aucune expérience dramatique et ne sont là que pour aider leur ami réalisateur, nous pourrions le croire sans peine.





Des acteurs avec du talent à revendre… pas trop cher.


Cet homme a peur (puisqu'on vous le dit).


Comme si tout ceci ne suffisait pas, il nous faut parler à présent de ce qui reste le grand atout du film, à savoir les doublages. Et là, on tend vers le superbe, la version française sublimant magistralement l'œuvre, grâce à son indiscutable nullité. Si vous vous êtes un jour demandé ce qu'aurait pu donner un film comme « Planet of Dinosaurs » doublé par l'équipe d'« Eaux Sauvages », les délires sur le karma en moins, vous aurez une sérieuse idée de la réponse avec « Mystérieuse Planète ». Les dialogues ont beau être assez plats dans l'ensemble, l'interprétation accentue encore cette sensation de perpétuelle catastrophe. Bafouillages, hésitations, phrases qui se chevauchent ou déclamées avec plusieurs temps de retard, textes récités sans aucune ponctuation, bruits de fond suspects laissant supposer le déplacement d'une chaise ou l'ouverture d'une porte, bruitages à la bouche... tout semble avoir été réuni pour constituer l'une des pires VF de tous les temps.


Le dragon, ou comment faire du doublage en parlant dans un tuyau.


Un extra-terrestre, imitateur officiel de Tic et Tac à ses heures perdues.


Parmi la longue liste de ces errances, on peut notamment distinguer les interprétations de certains membres de l'équipage, à commencer par un des personnages qui réussira l'exploit de déclamer toutes ses répliques en ne remuant jamais les lèvres. Sans doute télépathe, l'explication sur cette particularité scénaristique nous sera apportée de manière si discrète que nous aurons plus l'impression qu'une erreur s'est produite lors de la distribution des rôles, et qu'un comédien s'est vu attribué le doublage d'un personnage muet. Mais c'est surtout avec le doubleur responsable d'un autre passager du vaisseau, Hank, vague cousin de "La chose" des 4 fantastiques, que nous allons battre des records olympiques de post-synchro débile. Il apparaît très difficile de retranscrire de manière textuelle le niveau du naufrage, mais si vous imaginez Yves Mourousi victime d'un cancer de la gorge, vous commencerez a avoir un bon aperçu. Jurant d'autre part comme un charretier, on a vraiment le sentiment que c'est Dédé, le taulier du bar en face du studio d'enregistrement qui, en pleine cuvée, a été engagé à l'improviste pour prêter son bel organe au projet. Quitte à faire n'importe quoi, vous pouvez ajouter à la note un alien en plein trip hélium ou une autre créature, pour laquelle le comédien s'est contenté de se pincer le nez pour camoufler sa voix, au point où on en est...


Le "Silent Bob" ventriloque.


Hank : même masqué il joue mal.


Transpirant tellement l'amateurisme qu'il faut s'appeler « Devil Story » pour le surclasser, « Mystérieuse Planète » se pose comme un grand moment de ciné débile. Bien gratiné avec son budget réduit et ses acteurs en dessous de tout, il est transcendé par une version française hilarante, tirant par le fond une production qui n'avait pas besoin de cela pour apparaître risible. Certains pourront peut être y trouver des longueurs dans les séquences de remplissage, mais pour peu que vous soyez réceptif à l'expérience, attendez-vous à du brutal. Une jolie preuve qui nous montre qu'on n’a pas besoin d'aller jusqu'aux confins de l'Univers pour vivre des expériences au-delà du terrestre.


C'est bon les gars ! On se serre un peu et on sourit : c'est pour Nanarland.


Un très grand merci à Ghor, Nikita, Rotor et Walter G. Alton pour leur aide et leur patience.

- Wolfwood -
Moyenne : 3.38 / 5
Wolfwood
NOTE
3.5/ 5
Nikita
NOTE
2.5/ 5
Wallflowers
NOTE
3.5/ 5
Rico
NOTE
4/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation
Edité chez US Video (déjà distributeur d'« Eaux Sauvages » et « Wendigo », merde quoi, la classe !), "Mystérieuse Planète" est également trouvable chez Casa Video sous le nom de « La bataille des galaxies » ou sous le titre de « Galaxie Warrior » chez Ciné Budget. S'il n'y a guère pour l'instant de DVD français (allez savoir pourquoi), des psychopathes allemands en ont proposé une réédition, sous le titre de « Star Odyssey - Mysterious Planet ». Apparemment, il s'agit bien uniquement du film de Brett Piper et pas de « Star Odyssey » d'Alfonso Brescia ou d'un DVD couplant les deux films. Dommage, ç'eut été formidable. Malheureusement, cette édition ne semble proposer qu'une piste sonore allemande.


Une fantabuleuse jaquette volante dont le visuel repompe une des affiches de « Space Mutiny ».




Le DVD teuton.