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Sharktopus

(1ère publication de cette chronique : 2011)
Sharktopus

Titre original : Sharktopus

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Declan O'Brien

Année : 2010

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h29

Genre : La pieuvre pas neuf

Acteurs principaux :Eric Roberts, Kerem Bursin, Sara Malakul Lane, Liv Boughn

Rico
NOTE
3.5/ 5

Ils m’ont cru trop vieux… Retiré des affaires…
ou mort.
On murmure encore mon nom parfois.
Mais toujours au passé, comme si je n’avais plus rien à proposer.
Un genre de légende, même pas un croque-mitaine.
Pourtant j’ai toujours été là, je n’ai jamais lâché l’affaire.
Ils ont cru pouvoir faire mieux, plus vendeur, plus efficace, moins cher…
Ils ont oublié que quand j’ai commencé, leurs parents n’étaient pas encore nés.
Que j’ai connu Ed Wood, Samuel Z. Arkoff et Al Adamson.
Golan et De Laurentiis…
Et que je les ai tous enterrés.
Que la moitié d’Hollywood me doit la chance d’avoir tourné son premier film…
Et l’autre moitié d’avoir pu jouer chez moi, quand plus personne ne voulait d’eux.
Que j’ai produit quatre cent films, et jamais perdu un dollar…

- "Hummm, oui bien sûr c’est intéressant…"

Le directeur des programmes de Sy Fy considère le dossier qu’on vient de lui remettre. Les projets de films à co-produire pour la prochaine saison. Il se tortille un peu, gêné. En face de lui, le vieil homme plongé dans ses pensées est enfoncé dans son fauteuil de l’autre côté du bureau. Le nom est impressionnant bien sûr, il avait bien vu quelques films dans des soirées arrosées avec ses potes de l’école de commerce. Mais bon, c’était des vieux trucs, les plus récents dataient des années 90. Putain, il est toujours dans le business ?!?

Pourtant aujourd’hui il y a ce vieillard mutique perdu dans ses pensées.

- "On travaille déjà avec les meilleurs vous savez… Wynorsky, The Asylum… Des gars qui savent ce qu’ils font, qui tiennent les budgets… Notre grille pour l’année est quasi bouclée pour ainsi dire. Vous voyez c’est les années 2010 monsieur Corman…"

Un sourire. Le vieillard lève la tête vers le programmateur. La voix est étonnement assurée malgré les années…

"- Allons fiston, je sais à quoi tu penses. Que j’ai passé l’âge, que je ne suis plus dans le coup… Alors laisse-moi te dire un mot, juste un simple mot et tu comprendras qui c’est le papa : Sharktopus !"


Sharktopus ! Moitié pieuvre, moitié requin, la nouvelle terreur des plages et des deuxièmes parties de soirée sur RTL 9 déboule sur nos petits écrans pour le plus grand bonheur des amateurs de films de monstre. Portée sur les fonds baptismaux par la double alliance de la chaîne SyFy et de l’increvable Roger Corman, voici donc une petite pelloche réjouissante mêlant roublardise, décontraction et images de synthèse moisies… Ah Gégé, 85 ans aux prunes et toujours bon pied bon œil pour nous fourguer ses séries Z. Avec soixante années de carrière et quatre cents titres dans sa besace, le bonhomme est quasiment une légende et un monument tellement impressionnant que personne n’a encore eu le courage de se lancer dans sa bio sur Nanarland.
Pourtant malgré son âge canonique, Roger est toujours actif et aligne encore ses trois-quatre productions par an, notamment des monsters flicks parfaitement calibrés pour la chaîne câblée SyFy. Des films qui ne sont pas toujours très bons mais dont les titres claquent suffisamment pour allécher n’importe quel amateur de nanardise : Barbarian, La Fureur du serpent ailé, Scorpius Gigantus, Dinocroc, Supergator, Dinocroc vs Supergator (ben voyons…).




Hé hé, life is good Roger !

Sharktopus s’inscrit dans cette glorieuse lignée à ceci près que, pour une fois, le ramage vaut enfin le plumage. Le rendu à l’écran est vraiment à la hauteur de son titre débile. Tant mieux.

Le croisement entre un requin et une pieuvre s’échappe d’un laboratoire et vient semer la terreur en pleine saison estivale. L’idée n’est pas nouvelle, Apocalypse dans l'Océan Rouge de Lamberto Bava il y a vingt cinq ans nous servait la même tambouille sur un canevas sensiblement identique à celui de notre Sharktopus. A ceci près qu’à l’époque, on n’avait pas d’images de synthèse, mais un monstre en animatronique. Un truc ressemblant à une citrouille avec des dents qui balançait mollement ses tentacules en mousse sur les bateaux de passage.


Qu’est-ce qui fait que Sharktopus sort un peu du lot des films de monstre géant ? Et bien d’abord, à tout seigneur tout honneur, grâce à la bestiole elle-même. Un requin pieuvre. Imaginez une grosse tête de squale montée sur tentacules avec des piques de hérisson pour compléter le tout. Et puis pas le petit modèle. Un machin d’une bonne dizaine de mètres qui, non content de démastiquer un grand blanc ordinaire comme qui rigole, peut en plus se dresser sur ses papattes pour aller faire un tour sur la terre ferme et aller croquer les touristes sur leurs transats. Aujourd’hui avec les CGI on peut se permettre de concrétiser n’importe quelle vision éthylique et là, on sent qu’ils se sont fait plaisir.


Alors qu'est-ce que ça fait de plus être au sommet de la chaîne alimentaire ?


Sharktopus alias S-11 est le énième projet secret de l’armée américaine. Sensée mettre la misère aux pirates somaliens et aux contrebandiers de tout poil, il est l’arme ultime pour sécuriser les mers du monde entier. Son papa, incarné par un Eric Roberts absolument impérial en savant fou suave et arriviste, l’assure d’un sourire carnassier qui semble avoir plus de dents que le requin lui-même. Tout est sous contrôle. Réglé comme du papier à musique, pas d’inquiétude le bestiau a un collier de contrôle qui fait bip bip ! Nous voilà rassurés. Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ? Qu’au premier test d’interception sur des trafiquants de drogues en hors bord, le collier reçoive un jeton et se détache ? Ah ben zut alors, quelle surprise, le monstre est libre et commence à gniaper tout ce qui porte un bikini sur les plages californiennes, avant de filer droit vers une station balnéaire mexicaine à la mode. Qu’à cela ne tienne, il suffit d’embaucher le meilleur chasseur de requin de la profession pour récupérer le prototype en vadrouille.






Filmé tout en désinvolture par Declan O’Brien, un yes man de l’écurie Corman pas plus mauvais qu’un autre (mais pas meilleur non plus), Sharktopus fait fi de toute velléité d’enjeu scénaristique, de tension dramatique voire même d’histoire cohérente. Le film se contente d’aligner des personnages sans consistance dont la destinée est de toute façon de se faire bouffer par le requin au détour d’une scène. L’animateur radio, la journaliste sans scrupule et son cameraman, le vieil alcoolo etc. etc.

En dehors d’Eric Roberts, qui assure son rôle de crapule avec toute la décontraction qu’on lui connaît, le casting, constitué de bimbos interchangeables et de quelques has been de troisième zone ayant traîné dans les précédentes prods cormaniennes, brille résolument par sa médiocrité satisfaite.


Eric Roberts, qui survole sans problème le casting.


Attardons-nous brièvement sur Kerem Bursin, le courageux chasseur de requin qui, s’il arbore fièrement sa musculature avantageuse et ses tablettes de chocolat réglementaires, illumine surtout le film de sa nullité. Déjà, physiquement, il ressemble bien plus à un ado de 14 ans qu’à un aventurier désabusé. Mais il faut le voir prendre un air déterminé, serrer les dents et tomber la chemise pour affronter le requin mano a mano pour comprendre enfin ce qu’intensité du jeu veut dire.




Un casting de feu.




Heureusement pour Kerem Bursin, les requins-pieuvres n'aiment pas les endives.


Soyons honnête, le film, qui n’est absolument pas dupe du cahier des charges du film de requin géant, pousse le genre dans ses derniers retranchements et offre un spectacle franchement décomplexé. Le réalisateur prétend avoir voulu faire un film parodique qui lorgne sur le Piranha 3D d’Alexandre Aja par son atmosphère très estivale, tequila et bikinis, façon spring break qui tourne mal... Il faut reconnaître que le second degré est présent ne serait-ce que par l’avalanche de poncifs et de personnages en mousse. Les attaques se multiplient pour le plaisir des yeux, d’autant que S-11 ne dédaigne pas faire un tour sur la terre ferme pour compléter son menu. Il choppe en plein vol une vacancière qui fait du saut à l’élastique (jouée par la fille de Roger Corman), vient semer la terreur dans un spectacle de danse folklorique pour touristes, part en ballade dans un village-vacances… Les effets spéciaux sont très corrects même s’il ne faut pas être trop regardant sur la qualité de l’incrustation.








A la pêche, l'important c'est le choix de l’appât !

Avec ce Sharktopus (qui faillit d'ailleurs s'appeler Octoshark, mais bon, gageons qu'un tel titre ne sera pas perdu pour tout le monde), Corman remplit parfaitement son objectif : fournir un film rigoureusement calibré qui ne révolutionnera pas le genre mais qui saura être suffisamment fun pour fonctionner au premier comme au second degré. D’ailleurs, après avoir copieusement buzzé sur internet grâce à sa bande-annonce, le film s’est taillé un beau succès lors de son passage sur Sy Fy. Fier de son nouveau concept, la même équipe est en train de préparer… Piranhaconda.








Sharky dans ses oeuvres...

Pour terminer, évoquons cette scène qui à mon sens résume finalement à elle toute seule l’esprit dans lequel le film a été tourné. Une bimbo blonde parcours la plage avec un détecteur de métaux sous le regard d’un vieux vagabond incarné par Roger Corman lui-même. Soudain, elle tombe sur une vieille pièce d’or. Joie ! Jaillissent alors des tentacules qui entraînent la fille dans l’eau pour se faire dévorer. Le vieil homme, passé la surprise, se contente d’aller ramasser la pièce d’or et, après avoir évalué sa prise, sourire aux lèvres, la met dans sa poche avant de repartir.


400 films et jamais perdu un dollar…

Depuis la rédaction de cette chronique, deux suites ont vu le jour tout aussi déjantées et rigolardes : "Sharktopus vs Pteracuda" et "Sharktopus vs Whalewolf". Que voulez vous laisser perdre une idée pareille, ce serait limite un crime !

                                                                  

- Rico -
Moyenne : 3.75 / 5
Rico
NOTE
3.5/ 5
Labroche
NOTE
4/ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation

Sharktopus est sorti en DVD chez nous en coffret avec son petit frère "Sharktopus Vs Pteracuda" chez "Program Store" (dont nous avions interwievé le fondateur Sébastien Auscher, pour l'occasion). Je n'avais vu le film qu'en V.O. à l'époque de l'écriture de cette chronique, mais le revoir doublé dans notre langue en a encore renforcé sa saveur. En effet ce doublage français parfaitement désinvolte, rempli de scènes de foule interprétées par deux personnes, de figurants jouant faux et de "ils l'ont dit" savoureux le magnifie littéralement et rend l'achat du DVD français indispensable !

Vous trouverez aussi facilement des légions de blu ray en langue étrangère, comme la zone 2 de chez "Anchor Bay" (collection Roger Corman) que vous pourrez ranger fièrement entre ceux de "Dinoshark" et de "Dinocroc vs Supergator"…