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La Vengeance (L'Exécutrice Sauvage)


La Vengeance (L'Exécutrice Sauvage)

Titre original :Deadly Vengeance

Titre(s) alternatif(s) :L'Exécutrice Sauvage, Dirty Tricks

Réalisateur(s) :Amin Chaudhri (A.C. Qamar)

Année : 1976

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h20

Genre : Mélodrame érotique d'autodéfense

Acteurs principaux :Grace Jones, Betty Harrison, Joe Moreno, Alan Marlowe, Arthur Roberts

LeRôdeur
NOTE
4.5/ 5



En raison d'un look tapageur démontrant à lui seul que la décennie 80 fut atroce pour les yeux, Grace Jones, pour avoir grandement contribué à la montée en puissance d'Alain Afflelou, s'est rapidement vue créditer d'une fiche actrice dans Nanarland. Pourtant, on peinait jusqu'à présent à recenser le moindre nanar dans sa filmographie, il est vrai peu touffue. Aujourd'hui, grâce à la découverte de cette monstrueuse aberration filmique en Cradovision (© Colombus Vidéo) que constitue "La Vengeance", je ne suis pas peu fier d'annoncer que le paradoxe nanar de Grace Jones est en partie mis à mal. En partie seulement, car pour être honnête, et en dépit de ce que laisse supposer la jaquette mensongère de la VHS, "La Vengeance" n'est nullement un film mettant en vedette l'amazone fluorescente des eighties. Elle n'y apparaît en effet qu'en tout début de bande, le temps d'un demi-gros plan et d'une courte scène érotique (la plus faible du lot nanardesquement parlant), et elle y passe d'autant plus inaperçue que "La Vengeance" date d'une période où Jean-Paul Goude ne s'était pas encore livré sur sa personne à la pratique de l'art capillaire à coups d'outils de jardin (il est comme ça Jean-Paul : il ne coupe pas les cheveux, il les sculpte !). Félicitons tout de même Grace Jones pour son apport essentiel : celui d'avoir permis, de par sa seule présence au générique, la réédition de ce ...euh, de ce machin, qui eût été hautement improbable sinon.


Ce n'est d'ailleurs pas la première fois, loin de là, que la célébrité soudaine d'un interprète secondaire amène un producteur à ressusciter sur le marché de la vidéo l'une de ses vieilles bouses érotiques sur celluloïd. Et l'exhumation est opérée avec d'autant plus d'entrain que l'objet en question est susceptible de faire un succès de scandale. Qu'on se souvienne de "The Party at Kitty and Stud's", naveton érotisant tourné par Stallone au temps des bovins anorexiques et réédité - parfois caviardé d'inserts hard - après le triomphe de "Rocky" sous le titre "L'étalon italien", mais encore des erreurs de jeunesse d'Anne "Patricia, un voyage pour l'amour" Parillaud et de Sophie "Lady libertine" Favier dans des navets mous du cul ressortis des cartons une fois la gloire arrivée, et que les intéressées elles-mêmes achevèrent de promouvoir en tentant d'en obtenir la saisie. Le cas le plus odieusement crapuleux dans le genre est probablement celui d'une chanteuse devenue célèbre dont on réédita les vieux boulards tournés sous pseudonyme, cette fois avec son nom et sa photo en gros sur la jaquette et des références dans le titre à sa nouvelle carrière. C'est probablement d'un tel destin dont rêvait Amin Chaudhri, nanardeur multifonction (producteur, scénariste, réalisateur, opérateur, monteur... sous des pseudos différents, pour ne pas qu'on s'aperçoive que le générique technique se limite en fait à une seule personne !) pour son oeuvre "La Vengeance". Nudie millésimé 1976, année torride s'il en fut, "La Vengeance", témoignage manifeste des ravages que la canicule occasionne sur certains neurones (Amin, t'aurais dû t'acheter un bob !), fit sa réapparition au début des années 80 après la percée de Grace Jones dans la chanson. Hélas pour notre ami, Grace Jones ne broncha pas, non plus que le reste du monde pour qui, il est vrai, la perspective de voir la star des publicités Lee Cooper à poil ne constituait pas un événement si exceptionnel. En un sens, c'est assez dommage car les gens sont passés à côté d'une des meilleures comédies involontaires des années 70.


Le film tel qu'il est sorti dans les salles américaines dans les années 70.


Comment vous décrire l'indescriptible ? Pas facile... "La Vengeance" est un voyage aux frontières de l'hygiène mentale qui se vit plus qu'il ne se raconte. Comme tous les chefs-d'œuvre du cinéma - et dans son genre, ce film en est un - c'est une épopée visuelle et auditive difficile à rendre par l'écrit (et heureusement, sinon "le cinéma" s'appellerait "la littérature"). Aussi, cette présente chronique sera sans doute bien en deçà du souffle nanar que provoque ce mélange détonnant de couleurs baveuses et de doublages surréalistes qu'est "La Vengeance". Quoiqu'il en soit, voici l'un des nanars les plus puissants qu'il m'ait été donné de visionner à ce jour. A découvrir absolument (pour adultes et adolescents), comme on dit dans les critiques de cinéma.


Le scénario est d'une simplicité fœtale ("simplicité enfantine", ce serait méchant pour les enfants dont les scénars de cour de récré sont bien plus rigoureux) :
C'est l'histoire de Betty dont l'amant est assassiné par Le Parrain alias Grand Mike, et ses deux sbires, Gino et Le Gorille. En retour, Betty, armée d'une matraque et d'un rasoir, s'en va estourbir Grand Mike et Le Gorille :


Mais à son tour, Betty est liquidée par Gino :


...et voilà, c'est tout ! En 80 minutes il ne se passe rien d'autre, ou si peu.
Mais évidemment, comme dirait Max, l'intérêt est Thayer. (1)


Esthétiquement, "La Vengeance" se situe entre la publicité pour le restaurant local qu'on voit en avant-programme dans les salles de province, et l'assemblage hétéroclite de ces fameux "loops", courts-métrages de nudistes hollandais ou suédois en 16mm que les vicieux s'échangeaient sous l'imper' du côté de Pigalle dans les années 60. Les couleurs sont tantôt criardes tantôt délavées, d'un plan à l'autre on passe du rouge violacé à l'ocre jaune, et la qualité du mastering vidéo, pour déplorable qu'elle soit, n'est pas seule en cause dans l'affaire. L'hypothèse la plus vraisemblable est que "La Vengeance" fut réalisé avec des chutes de pellicules d'émulsions différentes récupérées à droite et à gauche, et visiblement mis en boîte sur une longue période, ce qui expliquerait, par exemple, que l'héroïne aie parfois les cheveux qui poussent de 40 centimètres d'un plan à un autre ! Il semblerait d'ailleurs, d'après des sources peu fiables, que le film connût une première mouture classée X en 1970 intitulée en V.O. "Sweet Vengeance", avant cette nouvelle version soft de 1976 et sa ressortie vidéo dans les années 80, cette fois sous le titre "Deadly Vengeance" (ça change tout !).


Je ne sais au juste qui est le cinéaste Amin Chaudhri (2), mais tout porte à croire qu'il avait alors des accointances avec la communauté jamaïcaine de New York, d'où, je suppose, la présence de Grace Jones, jamaïcaine d'origine exilée en terre new-yorkaise. Les références à la Jamaïque sont assez présentes dans le film, tant dans les dialogues que dans l'esprit : en effet si l'on remarque quelques clins d'oeil au ricain Russ Meyer au travers de contre-plongées dantesques, l'influence la plus indiscutable semble avoir été celle de la Ganja, cette herbe médicinale jamaïcaine si chère à Bob Marley.


La réalisation est d'un amateurisme assez palpable et l'on sent bien que la plupart des plans n'ont guère bénéficié que d'une prise, d'où les nombreux "accidents de tournage" qui ont été conservés : l'héroïne se prend les pieds dans un câble qui traîne et s'étale par terre, la secrétaire du Parrain raccroche mal le combiné de son téléphone lequel se casse la figure, mais comme dirait Ed Wood : "Coupez ! on la garde, car c'était spontané !". Le tout a visiblement été shooté (le mot est adéquat) dans deux ou trois pauvres appartements new-yorkais ornés à la va-vite de tentures ignobles, toujours les mêmes : du gros tissu à carreaux rouges et bleus sur les murs comme sur les fauteuils au rendu psychédélique ma foi bien nauséeux. De même, la déco fleure bon la foire à tout avec ses ours en peluche sur le rebord des cheminées ou ses statuettes en plâtre posées au-dessus du lit pour "personnaliser" les décors faméliques.


Mais ce qui fait toute la saveur de "La Vengeance" ce sont les dialogues, ou plutôt la version française. Les faux raccords, l'intrigue débile, les acteurs mous, l'incohérence visuelle, faisaient déjà en l'espèce de ce film une pièce nanarde de premier choix, mais une fois passé entre les mains de nos amis les doubleurs approximatifs, on tutoie les sommets. La VF annihile toutes les longueurs que l'on subit habituellement dans ce genre de mauvais mélos érotiques aux scènes de remplissages éhontées, et c'est ici l'intégralité de la bande son qui mériterait d'être reproduite dans la partie "ils l'ont dit" du site tant les coq-à-l'âne, les savonnages de textes, les intonations à côté de la plaque ou les accents mal maîtrisés sont abondants. Pour parler chiffres, on se situe aux alentours de 40° Smith en équivalent-navrance avec un coeff. de déplorabilité supérieur à 3 Wood, c'est dire si c'est coolos ! Un véritable must have !
(1) Jean Roucas m'a obligé à écrire cette phrase sous la menace d'une arme.
(2) D'après Imdb, Amin Q. Chaudhri (alias A. C. Qamar) est d'origine pakistanaise. Rongé par le démon du cinéma, il lâche tout très jeune pour se rendre en Angleterre, puis à N.Y. afin de faire des films indépendants. "La Vengeance" serait son troisième, visiblement alimentaire, après notamment un obscur "Scandal That Rocked Britain". Au milieu des années 80, après divers tâcheronnats, il parvient à se faire une place comme producteur, en Pennsylvanie, dans le milieu très encombré du ciné indie américain en signant ses deux oeuvres majeures : "Tiger Warsaw" (qu'il réalise lui même) avec Patrick Swayze et "Hit Man" avec Forest Whitaker et Sherilyn Fenn.

**** Part Deux : Chronique bonus avec caps audio ****


Dans une deuxième partie, afin de donner une mince idée du désastre, je vais reproduire quelques extraits sonores, dévoilant plus précisément le contenu du magnifique bestiau. Si toutefois vous avez la possibilité de mettre la main sur la K7 facilement, jetez-vous dessus toutes affaires cessantes sans lire ce qui suit, afin que l'impact nanar soit maximal. Sachez toutefois que je ne déflore pas le cinquième de la nanardise de "La Vengeance". On pourrait écrire quinze pages de chronique que ce film en aurait encore sous la semelle !
Reprenons depuis le début. C'est l'histoire de Betty qui vient de Jamaïque pour fêter l'anniversaire de sa belle-sœur, Helen, à New York. Helen vit avec son frère Mark, le copain de Betty. Betty se réveille pendant que Mark fume un chichon : c'est l'occasion où jamais de disserter sur les avantages de New York et de ses Hippies...


* cliquez ici pour tout savoir sur Johnston, New York et ses Hippies.
Malheureusement, Mark n'aura pas le loisir de faire visiter la ville à Betty, car en sortant de chez lui, il est accosté par les deux sbires de Grand Mike : le Gorille (qui a une voix délicate malgré son physique de brute) et Gino.


* Cliquez ici pour écouter Mark qui s'énerve et la belle voix du Gorille.

Les deux nervis conduisent Mark auprès de Grand Mike. Nous découvrons alors Le Parrain qui, comme tous les mafieux, est italien (il a comme un accent !). Nous le surprenons dans son travail de tous les jours (Grand Mike S.A. - proxénétisme et recouvrement de dettes) au téléphone avec l'une de ses mères maquerelles.


* Cliquez ici pour écouter Le Parrain, très fâché après sa taulière, et admirez l'accent parfait de son doubleur : des mois d'Actor's Studio pour chopper l'accent italien !
Note : attendu que le doublage a été effectué en mono surround avec un dictaphone de chez Franprix, il est parfois peu intelligible. Je retranscris donc le début du dialogue :
Grand Mike (au téléphone) : "Je te le dirai pas deux fois : je suis pas content !... Je sais, tu connais les filles et le boulot ! Moi aussi, je connais ! Les clients doivent continuer à venir, comme d'habitude, ou je change de taulière ! Si tu n'es pas contente va te plaindre à ton syndicat !" (il se retourne vers un sbire) "Bubbles, fais entrer !" (au téléphone) "oui, oui... à plus tard, j'ai de la visite !" (Mark pénètre dans la pièce)...
Après quelques minutes de parlementations navrantes, Mark est lâchement assassiné à coups de poings par cette brute de Gorille car, comme chacun sait, les méchants sont méchants.


Et pour bien qu'on comprenne que les méchants sont vraiment méchants, Le Parrain Grand Mike va trucider gratuitement deux de ses sbires : sa secrétaire, et Slick Jones, un Noir dont les mauvaises langues diront sans doute qu'il n'était là que pour assurer le quota de scènes de cul "interraciales", selon l'expression boularde en vigueur.


* Cliquez ici pour écouter Slick Jones en train de draguer la secrétaire. Il s'agit du dialogue intégral de la scène de drague : 18 secondes chrono ! Quel tombeur ce Slick Jones !
Mark est mort, Betty est triste. Elle se console auprès de sa belle-sœur. Ou si vous préférez, en langage boulard : elle se la tape ! ah, mais ! c'est pas parce que c'est un drame qu'il n'y en a pas moins également un quota de "scènes lesbiennes" et de "scènes semi-incestueuses" à respecter ! Auprès d'Helen, Betty commence à fomenter le sinistre plan de LA VENGEANCE de manière assez informelle.


* Cliquez ici pour écouter Helen et Betty.

Mais le plan de LA VENGEANCE va réellement prendre forme lors de la visite de Betty à Shaggy, alias l'homosexuel qui aimait les femmes (à l'image du film, son orientation n'est pas trop claire), un copain photographe et peintre sur corps très influencé par l'œuvre graphique de Gérard Jugnot. Shaggy va entraîner Betty au karaté (3 minutes de roulades grotesques dans Central Park) et lui conseiller les armes absolues nécessaires à LA VENGEANCE : une (ridicule) matraque et un rasoir (normal).


* Cliquez ici pour écouter Shaggy.

Cette fois Betty est bien décidée à passer à l'action, entraînant avec elle sa copine Helen.
* Cliquez ici pour écouter le plan de Betty.
Le plan est d'entrer en contact avec la mère maquerelle de Grand Mike, la charmante Diana à la voix de velours. Betty entre donc dans le bar que fréquente Diana en se faisant passer pour une prostituée (et re-plan cul !).


* Cliquez ici pour écouter les voix de Sam et de Diana.
Cette feinte permet à Betty de s'introduire chez Grand Mike et ses sbires afin d'accomplir LA VENGEANCE. Grand Mike et Le Gorille vont faire les frais de son art du maniement de la matraque et du rasoir normal. La suite se passe de commentaires, je vais donc laisser parler les images, en vous remerciant d'être allé jusqu'au bout de cette longue chronique (mais le film le valait bien, je pense) :






- LeRôdeur -
Moyenne : 3.69 / 5
LeRôdeur
NOTE
4.5/ 5
Nikita
NOTE
3/ 5
Rico
NOTE
4/ 5
Labroche
NOTE
4.5/ 5
MrKlaus
NOTE
3.5/ 5
Kobal
NOTE
3.75/ 5
Barracuda
NOTE
3/ 5
Wallflowers
NOTE
3/ 5
Jack Tillman
NOTE
4/ 5

Cote de rareté - 6/ Introuvable

Barème de notation
Film fort rare qui ne doit sa sortie en France qu'à la soudaine notoriété de Grace Jones. Et encore, furtivement et en VHS chez Mercury Century Fox" (?) sous le nom de "l'Exécutrice Sauvage" puis chez Colombus (c'est le même éditeur). La cassette de "La Vengeance" est du reste une simple copie de celle de "L'Exécutrice Sauvage", ils ne se sont même pas donnés la peine d'effacer le premier titre sur la bande. Même aux Etats-Unis, où le film est aussi ressorti dans les années 80 avec une jaquette volante montrant Miss Jones au sommet de sa gloire, ce film est devenu quasiment indénichable.