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Tim Kincaid

(1ère publication de cette bio : 2006)

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Attention, carrière atypique. Le cas de Tim Kincaid, réalisateur emblématique du pire cinéma d’horreur et de science-fiction des années 1980, mercenaire de la pire série Z d’un côté mais metteur en scène culte dans un certain cinéma bien particulier de l’autre, mérite de figurer bien haut au firmament des bizarreries insondables de l’histoire du nanar.

Né le 2 juillet 1944 à Santa Ana (Californie, Etats-Unis), Tim Kincaid est tout d’abord comédien, et cachetonne surtout dans des publicités. Le travail n’abondant pas, il passe de longues heures dans les cinémas new-yorkais, s’abreuvant aussi bien de classiques que de films d’horreur… et de pornos. Laissant de côté sa carrière de comédien, notre homme décide finalement de passer derrière la caméra, travaillant comme technicien sur des films indépendants, puis des pornos, hétéros et homos. En 1973, il choisit le secteur de l’érotisme pour tenter sa chance comme réalisateur, et dirige un porno-soft. C’est cependant dans un autre secteur de l’érotisme qu’il va finalement accéder à la notoriété sous le pseudonyme de Joe Gage. Pourquoi un pseudonyme ? Hé bien car notre ami Tim, en pleine révolution sexuelle, décide de contribuer à la libération des mœurs en oeuvrant dans le marché alors relativement peu développé du porno homosexuel. On le voit d’ailleurs comme acteur dans un film de cette catégorie, « Morning, Noon and Night » (1975), où il donne joyeusement de sa personne avec deux partenaires. C’est avec son premier film porno gay en tant réalisateur, « Kansas City Trucking Co. » (1976, sorti en France sous le titre « Le Secret des routiers »), que Kincaid/Gage devient le chouchou des amateurs de porno gay, certains le qualifiant de « poète du prolétariat homosexuel ».

Adepte des hommes virils, aux physiques de prolos, Joe Gage s’applique à faire un cinéma porno de qualité, avec un minimum de scénario et un certain travail sur l’image. Il n’hésite d’ailleurs pas à revendiquer des influences classiques comme François Truffaut, dont il avouera avoir plagié le dernier plan des « 400 coups » dans son premier porno gay. Ses trois premiers films, incluant l’œuvre précédemment citée ainsi que « El Paso Wrecking Corp » et « L.A. Tool and Die », sont considérés comme des classiques par le public de ce genre de films.




Richard Locke, acteur fétiche des films de Joe Gage dans les années 1970.


Quelques traces des exploits de Tim Kincaid dans sa première période, et plus précisément dans son seul rôle de comédien. Comme quoi le nom de Joe Gage continue décidément d'être vendeur pour les amateurs de porno gay vintage.

S’ensuit au début des années 1980 une période où Kincaid réalise quelques films plus obscurs, toujours dans le registre du porno gay : à des productions un peu « expérimentales » succèdent des œuvres plus commerciales tournées en vitesse pour payer les factures, sans le cachet de qualité des habituelles productions Joe Gage. Kincaid utilise pour ces œuvres alimentaires le pseudonyme de Mac Larsen.

Puis, au grand désespoir des fans de beaux messieurs s’empapaoutant le postérieur, la carrière porno de notre homme va s’arrêter. Déjà un peu lassé par le hard, comme l’indiquait son renoncement à une certaine qualité, Tim Kincaid va abandonner pour de bon sa première carrière, s’essayant au passage au rôle de metteur en scène de théâtre, pour la pièce off-Broadway « Naked Highway ». Tim Kincaid décide de passer à un cinéma plus traditionnel, et plus précisément dans la catégorie du cinéma d’exploitation. D’une part pour profiter du marché naissant de la vidéo et de la télé câblée. Ensuite, pour des raisons plus personnelles : bisexuel, notre homme s’est en effet marié avec la productrice Cynthia De Paula, qui lui demande de réorienter sa carrière.

Hélas, plutôt qu’une entrée par la grande porte à Hollywood, son passage au « vrai » cinéma va plutôt s’apparenter à une plongée dans les égouts. Kincaid considère honnêtement avoir œuvré dans le cinéma d’horreur et de science-fiction « de seconde zone » (« bargain basement ») : c’est effectivement dans ce que le cinéma bis peut offrir de plus bas que notre homme va désormais se faire un nouveau nom, dans le mauvais sens du terme.

Le tandem Kincaid / De Paula va en effet travailler pour la firme Empire, dirigée par Charles Band, et dont la gestion hasardeuse va résulter dans la plus intense production de daubes des années 1980 : sous la houlette de Band et de son épouse comme productrice exécutive, notre ami va accoucher de quelques-unes des pires catastrophes du cinéma d’exploitation américain. En 1986, sa collaboration avec Empire démarre très fort avec « Robot Holocaust », film de science-fiction post-apocalyptique avec des costumes bricolés grâce à des morceaux de pneu et des effets spéciaux obtenus avec trois rustines et deux sparadraps. Si le porno a donné à Tim Kincaid la compétence pour tourner en un temps record, savoir filmer deux routiers en train de s’enfiler ne donne pas le talent nécessaire pour réaliser un bon film de genre. C’est une catastrophe hautement nanardesque, qui fera s’esbaudir des années durant les clients pervers de certains vidéo-clubs.

Kincaid frappe ensuite très fort avec « Breeders » (plusieurs fois diffusé en prime time sur la 5 à la grande époque, sous le titre « L’Hybride infernal »), film d’horreur science-fictionnesque où un alien gluant et verdâtre viole des new-yorkaises vierges (jouées par des starlettes trentenaires revenues de tout) dans les couloirs du métro. C’est un nouveau triomphe de mauvais goût, dialogues, interprétation et effets spéciaux étant au diapason de la nullité générale du produit.


Ho le joli visuel DVD ! On se demande où ils vont chercher ça…


Tim, en compagnie de son épouse de l'époque Cynthia De Paula et de leur enfant, sur le tournage de "Breeders". (Image tirée du journal "Evil Z")

Parmi ses autres titres notables, notons en 1986, le film de prison de femmes « Bad girls’ dormitory », qui remporte un succès inattendu, étant acheté et abondamment rediffusé par les réseaux câblés. S’ensuivent également plusieurs autres collaborations avec Charles Band, comme « The Occultist », principalement connu pour sa valse de titres, ayant d’abord été annoncé comme « Maximum Thrust » (soit, approximativement, « Pénétration maximale » !), puis comme « Waldo Warren, private dick without a brain ».

Les affiches nous font rêver en nous promettant un Terminator invincible cachant une arme absolue dans sa poitrine. D’une affolante pauvreté budgétaire, le film nous offre un cyborg benêt avec une mitrailleuse cachée dans sa braguette. Bavard et assez ennuyeux, « The Occultist » tire une partie de sa réputation de la scène affolante qui voit le héros descendre des méchants en leur tirant dessus avec sa bite-mitraillette (l’organe demeurant malheureusement hors champ). Tous les films de Kincaid tournés pour Band se distinguent d’ailleurs par des affiches glorieusement flashy, survendant allègrement des films minables à tous points de vue. Joe Gage était l'idole des homos pornophiles, Tim Kincaid est la risée des amateurs de fantastique.








Un trio de winners dans « Robot Killer / Mutant Hunt ».

Notre homme enchaîne ensuite avec « Morte mais pas trop », une comédie fantastique avec Carrie Fisher. Nouvelle catastrophe. L’ex-Princesse Leïa confiera plus tard avoir été, à l’époque, tellement sous l’emprise de la cocaïne qu’elle ne garde aucun souvenir du tournage.

Déçu par sa carrière « mainstream », Tim Kincaid décide d’arrêter les frais et s’oriente vers d’autres activités. Il travaille comme directeur de casting, fonde sa propre entreprise et tente par ailleurs sa chance dans la littérature, en publiant deux romans « alimentaires ».

Tim Kincaid, couronné pire ringard des années 1980, ne fait plus ensuite parler de lui dans le cinéma, jusqu’en 2001. Divorcé, ses enfants étant désormais indépendants, Kincaid décide de mettre à profit son temps libre pour revenir à ses premières amours  : il reprend contact avec le milieu du cinéma, et reçoit en premier lieu des offres de travail dans le porno. Objet d’un hommage à un festival du film gay en 2001, il décide de reprendre son pseudonyme de Joe Gage pour tourner de nouveaux pornos à l’attention d’un public toujours demandeur. Redécouvrant une industrie du porno gay désormais totalement « corporate », alors que ses films relevaient du cinéma baba-cool, Kincaid en tire son parti et tourne à un rythme très soutenu (dix-huit films en cinq ans) des films hard dont plusieurs semblent faire l’objet d’un culte, le nom de Joe Gage demeurant un gage de qualité pour un certain type de spectateurs. En 2017, ils tourne ses derniers films pour prendre une retraite bien méritée.



Venu d’un statut d’auteur vénéré dans le milieu très underground du porno, Tim Kincaid se sera ramassé un beau gadin dans le cinéma tout-public, avant de pouvoir revenir à ce qu’il sait faire le mieux. Le premier choix de carrière est parfois le bon ! Reste de son « autre » carrière une poignée de nanars fantabuleusement eighties, qui passeront à la postérité pour la plus grande gloire du mauvais cinéma.


Son site officiel très explicite: www.joegage.com (éloignez les enfants et les électeurs de Philippe de Villiers !)


Icono :

www.vhs-survivors.com

https://www.zonebis.com

www.bjland.ws, le site d'un amoureux du porno gay

- Nikita -

Films chroniqués

Filmographie

1973 - The Female response

1976 - Le Secret des routiers (Kansas City Trucking Co.)

1978 - El Paso Wrecking Corp

1979 - L.A. Tool and die

1980 - Close set

1981 - Handsome

1981 - Cellblock 9

1982 - Heatstroke

1982 - Oil Rig 99

1982 - Tough guys

1983 - In the name of leather

1983 - Red ball express

1984 - 501

1984 - Closed set 2

1986 - Robot Holocaust

1986 - Bad girls’dormitory

1986 - Breeders

1987 - Riot on 42nd Street

1987 - Occultist, terreur vaudoue (The Occultist / Maximum Thrust / Waldo Warren private dick without a brain)

1987 - Mutant / Mutant Hunt / Robot Killer (Mutant Hunt / Matt Riker)

1987 - Necropolis

1989 - Morte mais pas trop (She’s back)

2001 - Tulsa County Line

2002 - Closed set : the new crew

2003 - Joe Gage sex files vol 1

2003 - Joe Gage sex files vol 2

2003 - Joe Gage sex files vol 3

2004 - Truck stop on I-95

2004 - Men’s room : Bakerfield Station

2004 - Back to Barstow

2005 - 110° in Tucson

2005 - Tough guys : gettin’off

2005 - Gale Force : men’s room II

2005 - Alabama Takedown

2006 - Closed set : Titan stage one

2006 - Deep water beach patrol

2006 - Lifeguard : the men of Deep water beach

2006 - Arcade on route 9