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Devil's Express

(1ère publication de cette chronique : 2024)
Devil's Express

Titre original : Devil's Express

Titre(s) alternatif(s) : L'express du diable, Gang Wars

Réalisateur(s) : Barry Rosen

Année : 1976

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h23

Genre : Zarbi dans le métro

Acteurs principaux : Warhawk Tanzania, Larry Fleischman, Wilfredo Roldan, Stephen DeFazio, Theodore Gottlieb

Jack Tillman
NOTE
3.5 / 5

 

Si la Blaxploitation nous a légué quelques classiques (Coffy, la panthère noire de Harlem, la saga Shaft...), on lui doit aussi un paquet d'aberrations filmiques aussi fauchées que crétines, dont voici un exemple particulièrement ridicule. Pour préparer cette chronique après avoir vu le long-métrage un peu par hasard, je me suis rendu compte que cette oeuvre est un nanar culte, dont la redécouverte fait marrer toute la toile, et nous allons découvrir que sa renommée n'est pas usurpée. Cette petite bande d'exploitation complètement loufoque, shootée dans les rues de Harlem et le métro new-yorkais, est un écrin nawak à la gloire d'un improbable ersatz de Jim Kelly, le fantastique Warhawk Tanzania. Oui, oui, WARHAWK TANZANIA... Et dire qu'on se moque du pseudo de Tony Anthony... Et Warhawk Tanzania, c'est un héros 200% nanar dont je m'en vais vous narrer les aventures hautement nonsensiques.

Au moins, comme ça c'est clair.

Warhawk Tanzania, faut pas venir lui baver sur les rouflaquettes !

Warhawk Tanzania, l'homme qui hypnotise les serpents.


Tout commence en Chine, 200 ans avant Jésus Christ. Un cercueil et un médaillon maudits sont enterrés dans un gouffre par des moines qui se font ensuite décapiter par leur maître, lequel se fait alors seppuku. Après un générique dont la bande musicale est grandement malmenée par le monteur, nous voilà à Harlem dans les seventies, où nous faisons connaissance avec notre héros, Sifu Luke Curtis (ma nouvelle idole Warhawk Tanzania), un prof de kung-fu black doté de tous les attributs virils du badass ultime des 70's : une moustache, des pecs saillants exhibés à tout va, une volumineuse coupe afro parfaitement ridicule, un sens de la répartie approximatif et une cool-attitude décomplexée de sage à qui on ne la fait pas. Accompagné de son sidekick blanc Rodan (Wilfredo Roldan), notre héros part effectuer un genre de pèlerinage martial à Hong Kong, afin d'atteindre le haut degré de zénitude qui en fera le plus grand badass du monde (ce n'était pas déjà censé être le cas dès l'introduction du personnage ?). Mais, sans doute complexé par son nom de Ptérodactyle géant japonais, Rodan a eu la mauvaise idée d'explorer le gouffre du début et de s'emparer en loucedé du médaillon maléfique, ce qui a pour conséquence de réveiller un méchant démon qui va suivre nos héros jusqu'en Amérique.

Nos héros dans la Chine ancestrale (reconstituée au Brooklyn Botanic Center, parc japonais de New York).

Warhawk Tanzania, Don Juan de Harlem...

... prince de New York...

... et grand adepte du lèche-vitrine torse poil.

 

Tentative d'originalité louable dans un genre très codifié et surexploité, Devil's Express est un réjouissant gloubi-boulga, mélangeant Blaxploitation, kung-fu-flick, film d'épouvante fantastique et buddy cop movie dans un désordre narratif complet, où plusieurs intrigues se chevauchent, s'empilent l'une sur l'autre comme un cheeseburger. Car outre cette histoire de malédiction chinoise, nous avons droit à une guerre des gangs qui fait rage entre voyous noirs et loubards chinois pour une obscure vendetta, à un affreux monstre visqueux qui tue des gens dans le métro, à un duo de flics mal assortis qui mènent l'enquête en pédalant dans la choucroute, à une barmaid experte en arts martiaux, etc. Sans oublier Warhawk Tanzania alias Sifu Luke Curtis (mais qu'on préfèrera de loin appeler Warhawk Tanzania) qui nous offre un long montage romantique avec sa petite amie, sur fond de slow funky aussi langoureux que ringard, sans que ça n'apporte quoi que ce soit à l'intrigue, sauf à assurer le quota "héros black qui est un roi du ghetto vénéré de tous, tombe les gonzesses et baise comme un dieu" du cahier des charges de tout Blaxploitation en bonne et due forme.

 

La police a toujours un train de retard.


Castagne en cuisine.



Le film qui a inspiré "Les Guerriers de la Nuit".


 

Outre une réalisation de série D (j'emploi le terme série D car ce n'est pas tout à fait aussi fauché qu'une série Z mais c'est quand même bien bien cheap) relativement fonctionnelle, le film jouit d'une interprétation souvent réjouissante d'amateurisme. Certes, Larry Fleischman ne s'en sort pas trop mal dans son rôle de flic de terrain encombré d'un coéquipier balourd/flic de bureau à la ramasse, qui raconte à tout le monde que les victimes ont été tuées par des souris et des chats mutants et géants vivant dans le métro (?!). Les interventions de ce faire-valoir comique sont réellement drôles tant elles sont systématiquement à côté de la plaque, bien qu'on ne sache pas toujours si l'on rit avec le film ou du caractère grotesque et décalé de ces interludes sortis de nulle part. La saynète de la vieille femme folle insultant tous les passagers du métro est aussi bien amenée. Par contre, Wilfredo Roldan et Warhawk Tanzania nous régalent d'intonations outrées, de surjeu grimaçant, de poses ridicules et de diction laborieuse. Et nous assistons à un défilé de figurants aux trognes sémillantes, comme dans tout nanar cheapo-discount affichant un budget de 100 000 dollars grand max.

 







Le formidable Wilfredo Roldan, autre révélation du film.

Oula ! Ca vire au porno gay SM cette histoire !

Ah, ouf ! Nous voilà rassurés !


Les bastons sont quant à elles de très grands moments de nanardise. Tous les combattants bougent au ralenti, comme des petits vieux qui auraient peur de réveiller leurs tendinites aux articulations, sur fond de bruitages outrés dignes des pires kung-fu-flicks hongkongais, avec des coups portés à trois kilomètres de l'adversaire. On a au mieux le sentiment d'assister à des démonstrations amicales plutôt qu'à des combats à mort entre gangs. Le plus risible est bien sûr Warhawk Tanzania lui-même, qui se bat avec l'énergie et la grâce d'un hippopotame arthritique, obligeant ses assaillants à l'attaquer un par un en patientant pendant une plombe entre chaque coup. Notre héros est tellement lent qu'on a le sentiment de voir un amateur tout seul dans son salon, s'efforçant de reproduire une gestuelle qu'il aurait vu dans un film de Bruce Lee la veille au cinoche. Sauf qu'on essaye de nous faire croire qu'il s'agit du plus grand karatéka de l'univers en pleine lutte à mort contre un gang de nervis impitoyables et surentraînés. Un vrai guignol mais qui s'y croit à fond, pour notre bonheur. On hallucine d'autant plus devant ces combats de toquards complètement bras cassés que Warhawk Tanzania et Wilfredo Roldan tentent à toute force de nous faire croire qu'ils sont deux ceintures noires méga-balèzes.

Il faut lui reconnaitre une indéniable présence à l'écran !




La colère vengeresse, par Warhawk Tanzania.

La surprise, par Warhawk Tanzania.

Ah non, en fait c'est censé être la détermination. Si, si, j'vous jure !

La peur, par Warhawk Tanzania.

 

La partie fantastique n'est pas plus crédible que la partie action. Le démon réveillé de son sommeil bimillénaire prend d'abord possession d'un Chinois, qui se met à errer en aveugle parce que le maquilleur lui a peint les paupières de telle manière qu'on a l'impression que l'acteur s'est fait coller des balles de ping-pong à la place des yeux. Puis, le démon fait exploser le corps du pauvre bougre afin de prendre sa forme démoniaque, à savoir celle d'un beau craignos monster tout grumeleux et pâteux. Face à la vague de meurtres inexpliqués sévissant dans le métro, la police piétine sévère, attendant la cinquième ou sixième victime horriblement déchiquetée pour se décider à boucler la zone. Mais un seul homme est de taille à débarrasser la ville de la créature de Satan. Equipé du médaillon magique que lui a donné un vieux maître chinois, Warhawk Tanzania s'en va affronter le démon mano a mano, torse poil sous sa virile salopette à pattes d'eph en satin doré (!!!), défiant le monstre en criant avec une voix suraiguë. Le démon a beau se métamorphoser en prenant diverses apparences fantomatiques, il ne peut rien face au style martial à nul autre pareil du déterminé et invincible Warhawk Tanzania, suprême badass du ghetto de Harlem, digne héritier de la tradition Shaolin et bloc de testostérone au pseudo qui claque.

 







Les effets spéciaux en mettent plein les yeux.




La salopette de la mort.


Blackbelt Jones contre le démon en papier mâché. Le choc des miteux.

T'as pas une gueule de porte-bonheur !

 

Rythmé (à part quelques petites longueurs pendant la partie "enquête policière"), déjanté, scénarisé par un émule de Godfrey Ho, baignant dans une ambiance ultra-70's et sympathiquement mal joué, voilà du beau cinéma de quartier ringard, qui plaira autant aux fans de nanars de tatane bas du front qu'aux amateurs de nanars d'horreur fauchés, mais aussi à tous les nostalgiques du New York crade et populaire de l'époque. Alors gloire au faucon de guerre de Tanzanie, qui n'a illuminé de son charisme qu'un seul autre film, Force Four, un autre nanar de Blaxploitation aux bagarres d'une mollesse éléphantesque.

Un caméo de Theodore Gottlieb en prédicateur fou, Doté d'une trogne et d'une voix inoubliables, cet acteur allemand fut, entre autres, le narrateur emphatique de "Vampire Men of the Lost Planet". La même année que cet "Express du Diable", il était à l'affiche de "Gums", une parodie porno rigolote des "Dents de la Mer". Il terminera sa carrière de façon plus honorable en jouant aux côtés de Tom Hanks, Bruce Dern et Carrie Fisher dans "Les Banlieusards" de Joe Dante.

- Jack Tillman -
Moyenne : 3.25 / 5
Jack Tillman
NOTE
3.5 / 5
Rico
NOTE
3 / 5

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation


Malgré une diffusion sur le câble à la télévision française, pas l'ombre d'une édition francophone pour ce film, dont nous ne saurions dire s'il existe un doublage français qui atténue ou sublime le jeu phénoménal du grand Warhawk Tanzania et de son alter-ego Wilfredo Roldan. L'éditeur américain "Code Red" a toutefois sorti un Blu-ray multizone contenant le film, numérisé et restauré en 2K à partir du négatif original, ainsi que des bandes-annonces en bonus. Par contre, ce sera de l'anglais sans sous-titres. Personnellement, j'ai eu la chance de voir le film sous-titré en français grâce à un blog dont je tairai le nom car ce n'est peut-être pas hyper-légal (spéciale dédicace à Candid et à fulci67). Mais ce fut d'une grande aide pour comprendre l'argot newyorkais des dialogues.

Dossier de presse d'époque.