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Entretien avec
Mike Monty

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Mike Monty

Mike Monty, décédé en août 2006, était une sorte de globe-trotter multiforme, incontournable dans l'histoire du nanar. On retrouve cet impavide acteur américain dans une multitude de seconds rôles, au générique de séries B italiennes, de films érotiques français puis, à partir des années 80, dans le cinéma bis philippin, dont il devient un pilier. Un an avant son décès, nous avons pu retrouver la trace de ce chaînon manquant du cinéma et l'interroger au téléphone, depuis son domicile des Philippines, pour reconstituer une carrière étonnante !

Interview menée par Nikita en Juin 2005.


Monsieur Monty, merci de nous accorder cette interview. Nous en savons très peu sur vous, et nous aimerions tout d'abord avoir quelques informations très basiques à votre sujet. Quel est votre vrai nom, Monty ou Monti ? Etes-vous Italo-américain, d'autant que vous avez partagé votre vie entre l'Italie et les Etats-Unis ? Quels sont votre date et votre lieu de naissance ? Comment avez-vous débuté comme acteur ?

Je suis né le 23 octobre 1936 à Chattanooga, dans le Tennessee. Je ne suis pas du tout italo-américain : mon vrai nom est Michael O'Donahue. J'ai pris le pseudo de Monty parce que dans les années 1960, on conseillait aux acteurs d'avoir des noms courts. Plus tard, les Italiens ont écorché mon nom aux génériques de certains films et c'est devenu « Monti » ou « Monte ». Je suis comédien professionnel depuis 1963. En fait, quand j'étais petit, ma mère voulait que je joue dans des films et envoyait ma photo à des agences de casting, mais ça ne m'intéressait pas. Plus tard, j'avais un boulot dans un club de gym qui était fréquenté par des acteurs comme Steve Reeves ou Gordon Mitchell. Ils faisaient des films en Italie... Et de fil en aiguille, j'ai passé un casting pour tourner un film en Italie et j'ai saisi ma chance. Il y avait beaucoup de films qui se tournaient là-bas à l'époque.

Vous avez donc commencé votre carrière au début des années soixante. Mais IMDB liste votre premier film en 1972...

C'est une erreur, j'avais déjà fait quatorze westerns dans les années 1960. C'étaient des rôles secondaires dans de petites productions... Mais je ne peux pas dire si j'étais toujours au générique. En effet, les Italiens n'étaient pas toujours très corrects, il y avait parfois des entourloupes sur l'argent, alors du coup je ne me souciais pas de ma présence au générique et encore moins de voir le film. Je n'ai pas de liste complète de tous mes films, d'autant que parfois ils sortaient sous des titres différents de ceux qui étaient prévus et que je n'allais pas vérifier.

Avez-vous cependant un film préféré parmi ceux que vous avez tournés à l'époque ?

Je n'en ai aucun qui me vienne à l'esprit comme ça... Si, j'aime bien Thompson 1880, l'un de mes tous premiers films, que j'ai tourné en 1965, avec Gordon Mitchell et l'acteur espagnol George Martin.

Gordon Mitchell était-il un ami à vous ?

Un très bon ami ! Nous avons vécu ensemble dix ans ! Rien de sexuel, hein, on était juste colocataires ! (rires) J'étais aussi pote avec Richard Harrison.

Richard Harrison.

Comment était la situation en Italie pour un acteur étranger de second plan, à l'époque ?

Hé bien, il y avait pas mal de hauts et de bas. Pour les seconds rôles étrangers, c'était un peu dur car pour un étranger, il fallait qu'il y ait cinq Italiens sur le tournage ! Parfois, on n'avait pas de boulot, parfois on enchaînait les films, ça dépendait.

Mike Monty dans le rôle (non-crédité) du Captain Nixon, dans le film de guerre italien "Cinq pour l'enfer" (1969).

N'avez-vous jamais été tenté de rentrer aux USA pour y travailler ?

J'y ai pensé, surtout quand j'ai failli jouer dans un film que Bob Hope tournait en Italie. Finalement, je n'ai pas joué dans ce film, car j'étais pris sur un autre tournage... De toutes façons, c'était assez compliqué de bosser aux Etats-Unis, parce qu'il fallait adhérer au syndicat des acteurs, et suivre pas mal de procédures, du coup j'ai laissé tomber.

Vous avez beaucoup travaillé avec le producteur américain Dick Randall, qui était alors très actif en Italie. Quel genre d'homme était-ce ?

Oh, c'était un personnage intéressant ! Il avait eu des ennuis avec la justice, et fait un peu de taule pour une arnaque financière, du coup il était plus ou moins exilé en Europe (rires). Il était très doué pour produire des films pour pas un rond : ce n'étaient jamais de gros succès, mais ça ramenait toujours assez de blé pour en produire d'autres, et ainsi de suite.

Le producteur Dick Randall.

Quels souvenirs gardez-vous du film Le Château de l'horreur (alias Le Château de Frankenstein), où vous tenez un petit rôle de paysan ?

C'était marrant. Encore une production Dick Randall. Le casting était fabuleux : Rossano Brazzi, Gordon Mitchell... Il y avait Edmund Purdom, qui était un mec très sympa et un bon acteur. C'est vraiment dommage qu'il n'ait pas eu une meilleure carrière, mais il avait un problème d'alcoolisme à l'époque. Il y avait le nain Michael Dunn, et puis Salvatore Baccaro, qui jouait l'homme des cavernes. C'était un mec très gentil, très calme, mais avec un physique effrayant. Je n'avais jamais vu une gueule comme ça de toute ma vie !

Salvatore Baccaro.

Vous avez joué dans plusieurs films du réalisateur français Jean-Marie Pallardy. Quels souvenirs en avez-vous gardé ?

Jean-Marie était un bon pote à moi. J'ai fait quatre, cinq films avec lui. C'était des pornos softs et on s'amusait bien. Je l'avais rencontré en Italie et je venais souvent lui rendre visite en France ; lui venait me voir en Italie. Il était assez frénétique et désordonné, mais on s'y faisait. Il avait toujours plein d'idées et de projets. On travaillait sans scénario : quand on lui parlait du script, il répondait qu'il avait tout dans la tête ! Aujourd'hui, je bosse souvent avec les Japonais, qui sont un peu comme ça. Au moins, avec Jean-Marie, on pouvait parler la même langue ! (rires) Dans L'Amour chez les poids-lourds, l'actrice principale était un transsexuel, Ajita Wilson. Une personne très bizarre... J'étais assez intrigué par elle et j'ai longtemps eu des doutes sur son changement de sexe... Mais elle avait de grandes mains, très masculines... Elle traînait beaucoup avec Dick Randall. Qui sait ce qui se passait entre eux ? (rires)

Ajita Wilson.

Vous êtes resté en contact avec Pallardy ?

En fait, je lui ai parlé au téléphone il y a un an : il avait un projet de tournage aux Philippines, mais ça ne s'est pas fait parce que c'est un peu mort pour les coproductions.

L'un des films que vous avez tourné avec lui, Le Journal érotique d'une Thaïlandaise, avait une version hard. L'actrice principale, Brigitte Lahaie, était alors une actrice porno très connue...

Ouais, c'était un soft, mais on a fait une version alternative avec des scènes hards. Je me souviens que Brigitte était une très bonne pompeuse. J'avais un rôle assez simple, et je n'ai pas participé à ces scènes, mais j'étais sur le plateau et je me suis bien rincé l'oeil ! (rires). [Nanarland : contrairement à ce qu'il nous raconte, Mike joue bien des scènes hard dans le film, notamment avec Brigitte Lahaie et Marilyn Jess] J'ai aussi rencontré Sylvia B., une vedette de l'érotisme très connue à l'époque. Elle avait le béguin pour moi et on a eu une histoire pendant six ou sept mois. Elle venait me voir en Italie, je venais la voir en France... C'était une sacrée chaudasse, elle n'avait pas froid aux yeux ! J'ai vu quelques-uns de ses films et je n'arrivais pas à croire ce qu'elle faisait à l'écran ! Elle possédait un sex-shop à Paris, où elle vendait des trucs comme des vélos avec des godes sur les sièges ! (rires)


Comment en êtes-vous venu à vivre et à travailler aux Philippines ?

Hé bien, je suis allé là-bas pour la première fois en 1980, pour y tourner Pleasure Island, un film produit par Dick Randall. C'était un film d'aventures érotique, et je jouais le héros. J'étais une sorte d'aventurier dont le bateau fait naufrage sur une île, dont je vais libérer les habitantes de l'esclavage sexuel...


J'ai adoré le pays, la vie n'était pas chère, les gens étaient adorables et parlaient aussi anglais. Et les filles étaient vraiment incroyables. Vous voyez, à l'époque j'avais 44 ans et ça devenait difficile avec les nanas en Italie. Un homme de mon âge, on l'appelait « Matusa », ce qui veut dire à peu près « vieux schnock » ! (rires) Mais aux Philippines, ouaaaaah ! J'avais des filles de 16, 17 ans plein les bras ! J'étais dans un vrai Paradis pour hommes ! (rires) Donc, comme je n'avais pas énormément de boulot à l'époque, j'ai fait des allers et retours, et je me suis fixé définitivement là-bas en 1983. J'ai fait savoir aux cinéastes que je vivais là et ça m'a permis de bosser dans plein de coproductions internationales tournées aux Philippines. J'ai aussi conseillé à pas mal de cinéastes italiens de venir aux Philippines pour y faire des films. Il y en a, comme Anthony M. Dawson / Antonio Margheriti, qui sont venus de leur fait, mais il y en a d'autres que j'ai fait venir.

Ce pervers de Mike Monty abuse de mannequins en mousse sans défense sur le tournage des "Aventuriers de l'enfer" (1985) [photo fournie par John Dulaney, à gauche de l'image].

Etiez-vous également assistant à la production ou à la réalisation sur ces films ?

Non, à l'époque j'étais juste acteur. J'avais beaucoup, beaucoup de boulot dans ces années-là. Il y avait des équipes du monde entier, américaines, italiennes, allemandes, françaises, qui venaient tourner aux Philippines. Et les Philippins se sont mis eux aussi à faire leurs propres films pour l'export, certains étaient même vendus sur le marché américain. J'ai dû faire 14 films rien qu'en 1986 ; en tout, je pense avoir tourné environ 80 films dans les années 1980.

Mike aux côtés de Christopher Connelly, toujours sur le tournage du film "Les aventuriers de l'enfer" (1985), réalisé par Antonio Margheriti (alias Anthony M. Dawson).

Pouvez-vous nous en dire plus sur les autres acteurs occidentaux qui tournaient aux Philippines, comme Romano Kristoff, Mike Cohen, Don Gordon Bell, Nick Nicholson, Jim Gaines ?

Romano Kristoff et Nick Nicholson vivent toujours aux Philippines. Je n'ai pas vu Nick depuis un certain temps ; à une époque on faisait du doublage de films ensemble. Don Gordon a eu une espèce de révélation, il a fait son retour à Dieu et il est devenu missionnaire. On l'a envoyé en Corée du Sud. Jim Gaines est né aux Philippines : son père travaillait à l'ambassade américaine, je crois, et sa mère était Philippine. Il y a même une équipe américaine qui l'a contacté il y a quelques temps pour faire un documentaire sur sa vie, mais je ne sais pas si ça s'est fait. Pas mal d'Occidentaux faisaient les acteurs pour s'amuser : Mike Cohen, par exemple, était un colonel en retraite qui avait ouvert un supermarché à Manille. C'était un gars très gentil. Il est mort il y a pas mal d'années, peu après qu'on ait joué ensemble dans Desert Warrior, un film post-apocalyptique avec Lou Ferrigno. Le pauvre, il avait un grave problème de surpoids...

Don Gordon Bell, Mike CohenNick Nicholson et Jim Gaines.

Des souvenirs sur Max Thayer, avec qui vous avez fait notamment Laser Force et Commando Massacre ?

Max Thayer est un peu bizarre, il est assez froid sur le plateau et super sympa en dehors. J'imagine que c'est parce que c'est un acteur sérieux. Je l'ai revu aux USA en 1987, quand j'étais venu voir s'il y avait des possibilités de boulot là-bas. Il ne bossait pas trop, alors on a passé du temps ensemble. Je ne suis pas resté aux Etats-Unis, toujours à cause de cette histoire de syndicat d'acteurs.

Ivre de rage, Max Thayer lance des pions d'échec sur Mike Monty dans Commando Massacre...

Avez-vous lu l'interview que Bruce Baron nous a accordée ? Il nous a expliqué que les acteurs principaux gagnaient environ 1500 dollars par film...

Ouais, j'ai lu cette interview. Bruce Baron n'a pas changé d'un iota. C'est un mec très aigri, très négatif. Je ne l'ai jamais entendu dire quoi que ce soit de positif sur qui que ce soit. Mais ce qu'il vous a raconté, c'est du pipeau. J'étais très copain avec Mr Lim, le producteur, et je sais combien Bruce Baron touchait. Vous pouvez être sûrs que c'est moi qui touchait plus de fric que lui et pas le contraire ! (rires)

Bruno Mattei, Mike Monty et Claudio Fragasso dans Zombi 3.

Pouvez-vous nous parler de Bruno Mattei, avec qui vous avez fait plusieurs films, notamment Zombi 3 (commencé par Lucio Fulci), et Strike Commando, pour lequel vous n'êtes pas crédité au générique bien que votre rôle soit important ?

Bruno est un mec pro, peut-être un peu collet-monté... Il sait que ses films, ce n'est pas Docteur Jivago, mais il a des histoires à raconter, et il les raconte comme il faut. Seulement, parfois il se retrouve à bosser avec des mecs qui ne sont même pas de vrais comédiens... Je n'ai aucune idée de la raison pour laquelle je ne suis pas crédité sur Strike Commando : quand le film est sorti à Manille, j'étais crédité. J'ai bien aimé bosser avec Reb Brown. C'est un mec très sympa, très expérimenté...

Reb Brown.

Les tournages de films pour l'export semblent avoir plus ou moins cessé aux Philippines vers 1991...

Ouais, les Philippines ont arrêté de faire des coproductions... Les coproducteurs faisaient les malins avec le fric, et du coup ce n'était plus intéressant. Les films n'étaient pas d'assez bonne qualité pour le marché international, qui était de toute façon saturé, du coup les Philippins ont cessé d'en tourner. Et puis le pays a aussi eu des problèmes de terrorisme, ce qui fait que la plupart des équipes étrangères ont cessé de venir.

Mike Monty, Romano Kristoff, et des techniciens du film "Ninja Warriors" (1985) réalisé par Teddy Page [photo fournie par John Dulaney].

En 1994, vous avez joué dans La Maîtresse de Saïgon, un film érotique tourné par Joe D'Amato. Des souvenirs de ce film ?

J'ai fait ça ??? Ah ouais, vous avez raison, je crois que je jouais un grand-père ou un truc comme ça... Désolé, je n'en ai aucun souvenir.

Vous avez continué à tourner depuis que l'industrie du cinéma philippin s'est ralentie. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Hé bien, j'ai fait plusieurs films pour les Japonais. J'ai eu la surprise d'apprendre que j'étais assez connu au Japon ! J'ai notamment tourné une série télé japonaise, copiée sur Drôles de dames, avec trois actrices blanches. Je jouais plus ou moins le rôle de Bosley, le chauffeur-majordome. Je crois que ça avait un titre du genre « White Tiger », mais je ne sais pas trop quel titre ils ont employé pour la distribution internationale. Maintenant, je bosse souvent pour les Japonais. Je suis en semi-retraite, mais grosso modo, quand ils viennent tourner aux Philippines et qu'ils ont besoin d'un acteur blanc, je suis disponible.

Mike Monty sur la jaquette de "Blowback: Love and Death" (1991), produit par des Japonais et tourné aux Philippines.

Vous avez également tourné dans plusieurs films que Bruno Mattei a réalisé aux Philippines entre 2000 et 2004...

Oui, j'étais plus ou moins assistant de production, j'ai donné un coup de main pour les scénars, en les traduisant notamment pour les membres de l'équipe locale. J'ai aussi joué de petits rôles. Je vais sur mes 69 ans, et je ne peux plus jouer les héros de films d'action ! (rires) Certains de ces films étaient des histoires d'aventure ou d'horreur, d'autres étaient des érotiques tournés en vitesse.

Comptez-vous finir votre vie aux Philippines ?

En fait, je suis marié et j'ai un fils de 19 ans sur le point de terminer ses études universitaires, ce qui veut dire que bientôt je n'aurai plus à m'occuper de lui. Peut-être que nous resterons aux Philippines, mais l'Italie me manque, donc on ira peut-être vivre là-bas. On n'est pas trop sûrs pour le moment.

Merci, Monsieur Monty.

Merci à vous !

- Interview menée par Nikita -