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Entretien avec
William Winckler


William Winckler

William Winckler est un jeune réalisateur indépendant américain qui n'a, à ce jour, réalisé qu'un film : The Double-D Avenger. Il a cependant frappé un grand coup dans le monde du cinéma underground, parvenant à réunir un casting assez improbable avec les mythiques Raven De La Croix, Kitten Natividad et Haji, les héroïnes des cultissimes films de Russ Meyer.

Interview menée par Labroche en 2002.


Depuis quand évolues-tu dans le milieu du cinéma ?

Je suis dans le show-business depuis une vingtaine d'années. Mon père, Robert « Bobby » Winckler, était un enfant acteur très connu à Hollywood, dans les années 30 et 40. Il a joué dans plus de 80 films et plus de 200 shows radio, et ce avec la plupart des stars de l'âge d'or d'Hollywood : Edward G. Robinson, Judy Garland, Bette Davis, Bob Hope, Jack Benny, Harold Lloyd, Laurel & Hardy, W.C. Fields (il a interprété son fils !), Gene Autry, Shirley Temple, etc. Adulte, mon père a été un brillant représentant en spectacle. Il est mort en 1989. J'ai, quelque part, suivi ses traces, mais de manière un peu différente.

Le jeune Robert « Bobby » Winckler aux côtés de Bill Elliott dans "The Wildcat of Tucson" (1940).

Quand as-tu commencé à y travailler ?

J'ai tenu de petits rôles dans de nombreux films et téléfilms, tels que « Les Enquêtes de Remington Steele », « Arabesque » (« Murder she wrote » en VO), ou encore « K2000 » (« Knight Rider » en VO). J'ai travaillé dans tous les plus grands studios où j'ai pu observer le travail de centaines d'acteurs et de réalisateurs... C'est là que j'ai pu me rendre compte de la connerie qui y règne et de l'incroyable gaspillage généré !

"Remington Steele" (1982), la série mythique qui a lancé Pierce Brosnan... et William Winckler !

Quel a été ton parcours avant « The Double-D Avenger » ?

Parallèlement à mon travail d'acteur, j'allais à l'université, à l'UCLA, pour apprendre à jouer et à réaliser. Dans cette école j'ai reçu des cours de Don Richardson, un réalisateur primé (ce dernier a donné des cours à Ann Bancroft, Grace Kelly, Zero Mostel, John Cassavettes, Elizabeth Montgomery, etc.). J'ai beaucoup appris de lui en ce qui concerne le jeu d'acteur et la réalisation. En plus de jouer la comédie, j'ai toujours été intéressé par l'écriture, la production et la réalisation. J'ai donc écrit et produit la version américaine de « Tekkaman, le chevalier de l'espace » (Tekkaman the Space Knight), une série animée produite à la base par Tatsunoko Production au Japon (les créateurs de « La Bataille des planètes »). « Tekkaman » a reçu un bon accueil et fut très bien distribué aux USA. J'ai ensuite écrit et produit pour la télévision une série d'émissions mêlant action, comédie et variété intitulée « Short Ribbs », avec l'acteur nain Billy Barty (Willow, Under the Rainbow etc.). « Short Ribbs » était une sorte de « Saturday Night Live », mais uniquement avec des nains ! C'était vraiment bizarre ! Après « Short Ribbs », j'ai développé de nombreux projets de téléfilms d'action que je proposais aux grands réseaux américains, en collaboration avec Paul Zastupnevich, le "production designer" de Irwin Allen (Paul a travaillé sur « Lost in Space », « Voyage to the bottom of the sea », « Time tunnel », « Land of the Giants », « Poseidon Adventure », « Towering Inferno », etc.). Beaucoup de ces shows étaient difficiles à vendre à cause de leur budget élevé.

"Tekkaman, The Space Knight" (1984).

Quand as-tu décidé de t'engager dans le circuit indépendant ?

Après le boom de l'Internet, j’ai été embauché par Galaxy Online, un site dédié au développement de films de science-fiction "direct to video" et DVD, qui auraient été distribués via Internet. Je développais des films avec des stars de la science-fiction telles que Christopher Lloyd, Michael York, Jeff Goldblum, Walter Koenig, Michelle Nichols, Robert Culp, Claudia Christian, etc. Malheureusement, le crash de l'Internet a coulé Galaxy Online... J'ai donc dû prendre une décision : travailler pour un grand studio hollywoodien ou suivre ma propre route, celle de producteur / réalisateur indépendant. J'ai choisi de suivre les traces de Roger Corman !

Roger Corman, icône du cinéma indépendant !

Quand as-tu commencé à envisager de réaliser « The Double-D Avenger » ?

Au début de l'année 2000, j'ai eu l'idée d'un film qui mettrait en scène un personnage comique et sexy du type « Wonder Woman ». J'ai toujours été fan de séries B et de films cultes. J'adorais les classiques de chez AIP pictures, les films de monstres, de S-F, d'Heroic-Fantasy, d'aventures, les comics, les Godzillas etc. J'envisageais donc une série de comédies sexy basées sur ce personnage à la « Wonder Woman » que j'avais baptisé Chastity Knott (« Ceinture de chasteté »). Elle allait avoir 21 ans, serait très marrante mais aussi incroyablement sexy... Tous les hommes auraient souhaité coucher avec elle ! J'ai commencé le script et l'ai fini en quelques mois.

« The Double-D Avenger » offre un casting assez prestigieux. A-t-il été difficile de contacter et de convaincre ces stars ?

Au début, je comptais me limiter à un casting d'acteurs inconnus pour « Double-D ». Je pensais engager des jeunes filles sexy du type « playmettes de Playboy ». Cependant, pendant que je travaillais à Galaxy Online, j'ai rencontré Kitten Natividad. J'ai ensuite imaginé combien il pourrait être cocasse d'aller à l'encontre d'un casting classique, et d'engager une femme qui avait dépassé la cinquantaine pour interpréter le rôle principal ! Ce serait une sorte de révolution : la seule super-héroïne âgée de plus de 50 ans ! Cela n'avait encore jamais été fait ! Kitten était partante et m'a présenté à Raven De La Croix et à Haji, qui étaient aussi intéressées. J'ai donc retravaillé le script de manière à ce que les 3 icônes de Russ Meyer puissent figurer au casting ! Pour la scène du musée de l'horreur, ce ne pouvait être que Forrest J. Ackerman. Il y a quelques années j'avais visité sa célèbre maison, son mémorial de l'horreur (« The Ackermansion »), et Forry m'était apparu comme un gars super sympa. Quand je lui ai proposé le rôle, il a gentiment accepté. Il a même annulé une interview qu'il devait tenir le jour du tournage pour pouvoir apparaître dans « The Double-D Avenger ». C'était son 95ème rôle !

Kitten Natividad !

Combien de temps s'est déroulé entre ton idée de départ et le pressage du premier DVD ?

Le script a été totalement fini en à peu près une année, et nous avons pu commencer les prises de vue en avril 2001. Nous n'avons finalisé le tout qu'en septembre 2001 (date de sortie officielle). Nous nous sommes ensuite consacrés au marketing, à la promotion et à la distribution tout au long de l'année 2002. Ca a été une masse de travail considérable, mais ça valait le coup puisque depuis le film marche bien.

Le film a-t-il nécessité une grosse préparation ?

Il a fallu consacrer beaucoup de temps aux divers préparatifs ainsi qu'à la pré-production. Nous avons répété le film comme une pièce de théâtre avant de commencer à filmer. J'ai aussi un peu travaillé avec Kitten Natividad. Je lui ai donné des leçons de comédie. Ma petite amie et moi avons été chez Kitten une bonne douzaine de fois, afin de lui faire apprendre les dialogues ligne par ligne et lui faire comprendre l'importance du timing en comédie... Sincèrement, Kitten a été une strip-teaseuse toute sa vie, pas une actrice de théâtre pétrie d'expérience. Du coup, la seule façon vraiment efficace d'obtenir d'elle des résultats, c’'était de la faire répéter encore et encore. Au final ça a fonctionné, des fans ont même écrit pour dire que c'était le meilleur film de Kitten. Elle a été brillante dans le genre « actrice rigolote », du type Lucille Ball.

Kitten Natividad, strip-teaseuse devenue actrice et héroïne de « The Double-D Avenger ».

Quelles ont été les principales difficultés que tu aies rencontrées en tant que réalisateur et producteur indépendant ?

J'ai écrit Double-D Avenger, je l'ai produit, réalisé et j'ai joué dedans. J'ai aussi tout financé avec mon propre argent. Je n'ai donc pas eu de problèmes avec un quelconque commanditaire. Nous n'avons de ce fait pas réellement rencontré de problèmes pour réaliser le film. Cependant, il est vrai que d'un point de vue marketing/distribution, le producteur indépendant peut aujourd'hui rencontrer des problèmes. En effet, il y a dans le cinéma américain ce que l'on appelle "les sept monopoles hollywoodiens", qui contrôlent 99% de tout ce qui concerne la production et la distribution des films et téléfilms. J'ai la chance, contrairement à beaucoup de réalisateurs, que mon film soit un succès et soit amorti depuis des mois. Nous sommes désormais bénéficiaires. Cependant je suis une très très rare exception !

Peux-tu nous livrer quelques anecdotes de tournage ?

Pendant les prises de vue, des gens croyaient souvent que je réalisais un film porno ! Nous avons vu beaucoup de monde regarder « attentivement » les filles, particulièrement durant les scènes se passant dans la rue. J'avais pris l'habitude d'envoyer Bob Mackley, qui jouait le rôle du shérif, voir les gens et leur dire de circuler... Ils pensaient que Bob était réellement un shérif ! On a aussi rencontré des difficultés pour trouver le lieu idéal pour le club de strip-tease d'Al Purplewood. Tous les propriétaires de « bars américains » étaient de vrai radins qui pensaient que j'étais le directeur des studios Universal, ils exigeaient des sommes incroyables pour louer leur établissement. Par chance, j'ai trouvé un endroit hors de Los Angeles tenu par une femme qui avait déjà dansé aux côtés de Kitten ! La règle d'or des réalisateurs indépendants c'est : plus on est loin de Hollywood, plus le tournage est facile ! (The farther away you get from Hollywood, the easier it is to film !). Lors des prises de vues au Musée de cire de « Movieland », Kitten n'arrêtait pas de voir des statues de cires à l'effigie de ses célèbres conquêtes... Tony Curtis, Tom Selleck, Redd Fox... Ca m'a fait rire, et j'ai demandé à Kitten avec combien de ces mannequins de cire elle avait couché !

Kitten, Forrest et... une ex-conquête ?

Les passants pensaient que c'était le tournage d'un film porno !

Apparemment, le film marche plutôt bien !

« The Double-D Avenger » est en effet une des meilleures ventes dans la catégorie « Cults movies » sur le site de vente en ligne amazon.com. Nous vendons à la fois online mais aussi offline. Le film commence aussi à être distribué dans des cinémas, et c'est pour nous une réelle surprise que d'être projeté dans plusieurs salles indépendantes à travers le pays (un peu à la « Rocky Horror Picture Show » !). Les acteurs et moi-même nous amusons beaucoup à faire des apparitions lors des projections ! Nous avons d'ailleurs de vrais fans du film. Les gens qui ne l'aiment pas sont ceux qui n'aiment pas vraiment les comédies de genre, ou ceux qui pensaient avoir affaire à un film porno. Or je ne suis pas un pornographe ! Bien sûr, il y a aussi tous les gens qui ont été lobotomisés avec succès par le conglomérat des sept majors hollywoodiennes, qui ont réussi à leur faire penser que tous les films devaient paraître identiques, sonner de la même manière et coûter le même prix (comme le Mc Donald). Je considère ces gens comme des causes perdues... Par chance, ces tranches de population n'affectent aucunement le film. Par ailleurs, je suis très surpris, et ravi des réactions encourageantes que nous rencontrons avec les fans français. Les Français semblent réellement aimer « The Double-D Avenger » ! Il va sérieusement falloir que j'engage quelques merveilleuses Françaises dans mon prochain film !

Bill Winckler en tournée.

Tu es sur le point de réaliser une suite à Double-D, peux-tu nous en dire un peu plus ?

J'ai un peu repoussé la production de « The Double-D Avenger 2 ». Tout simplement parce qu'il se passe trop de choses avec le premier film pour que je commence à me consacrer au nouveau. J'ai la version finale du script, c'est plus gros, mieux, plus marrant et plus sexy que le premier. Il y aura aussi plus de références aux films de monstres et aux films cultes en général. On pourra voir d'autres stars des films de Russ Meyer, Raven De La Croix tiendra deux rôles et le premier rôle masculin sera incarné par Butch Patrick, la star de la série TV « Les Monstres ». Le film va coûter bien plus cher, c'est pourquoi je m'y attellerai quand je serai vraiment fin prêt. Quelques vedettes qui ont joué dans « The Double-D Avenger » seront présentes : Lunden De Leon, Mimma Mariucci, G. Larry Butler, Gary Canavello, et Elizabeth Starr auront un rôle. Je dois d'ailleurs admettre que G. Larry Butler, qui interprète Al Purplewood, a réellement porté une bonne moitié du film sur ses épaules, il a vraiment fait un travail fantastique ! Il a connu quelques succès en jouant dans des programmes tels que Perry Mason, avec Raymond Burr.

Raven De La Croix, futur premier rôle de « The Double-D Avenger 2 » ?

Tu es de toute évidence un grand fan de Russ Meyer, quels sont les films de lui que tu as préférés ?

Le film de Russ Meyer qui a le plus fonctionné (financièrement et artistiquement) est « Faster Pussycat! Kill! Kill! », c'est mon favori. J'ai aussi beaucoup aimé « Motor Psycho ». Il est intéressant de remarquer que le film ne comporte pas vraiment de scènes de nudité, et n'offre quasiment aucune séquence « profane ». Les éléments sexy sont plus suggérés qu'autre chose... Un peu à la manière d'un catalogue de lingerie « Victoria Secrets » ! C'est bien plus sexy à mes yeux que la nudité totale que l'on peu voir partout et qui est finalement plus facile. Cependant je ne me suis pas vraiment intéressé aux films les plus récents de Russ Meyer, ceux écrits par Roger Ebert. Les films des 60's en noir et blanc sont pour moi les meilleurs. Kitten, Raven et Haji m'ont raconté pas mal d'anecdotes à propos de Russ Meyer. Sa vie comporte beaucoup d'éléments tragiques... Son père l'a abandonné alors qu'il n'était qu'un gosse, en espérant que Russ et sa mère mourraient ! Je pense que du coup l'homme en a gardé quelques cicatrices morales. Kitten, Raven et Haji me parlaient de la violence des films de Russ à l'encontre des femmes, et ont réellement apprécié le fait que mon film se situe totalement à l'opposé de cela. C'est un film marrant, sexy et surtout qui érige les femmes sur un piédestal afin qu'elles ne soient qu'aimées et adorées ! Personnellement, je n'ai jamais levé la main sur une femme et je ne pourrai jamais le faire, jamais. J'adore les femmes sexy et plantureuses ! Je me considère comme une personne passionnée et artistique. Cependant mon amour des femmes n'est pas une obsession comme c'était le cas pour Russ Meyer ! J'aime aussi la science-fiction et la fantasy, ce qui n'était pas le cas de Russ Meyer. Une fois, j'ai demandé à Kitten pourquoi Russ n'avait pas réalisé de comédie de science-fiction et elle ma répondu : « Tout ce qui lui importait, c'était les seins » !

Le grand Russ Meyer.

As-tu d'autres projets ?

J'ai prévu de réaliser quelques « Double-D Avenger » et ensuite de me consacrer à d'autres films, toujours dans le même genre.

Est-ce que Double-D Avenger sera un jour distribué en France, et si oui quand ?

Je suis actuellement à la recherche d'un distributeur en France pour produire une version doublée ou sous-titrée en français. Pour l'instant les Français peuvent se procurer le film en V.O., le DVD fonctionne partout (il n'est pas zoné) par le biais de notre site Internet. Le film est livré en moins de cinq jours. L'adresse du site est www.doubledavenger.com.

Merci beaucoup !


- Interview menée par Labroche -