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Les Barbarians

(1ère publication de cette chronique : 2004)
Les Barbarians

Titre original :The Barbarians & Co

Titre(s) alternatif(s) :I Barbari

Réalisateur(s) :Ruggero Deodato

Producteur(s) :Menahem Golan

Année : 1987

Nationalité : Etats-Unis / Italie

Durée : 1H27

Genre : Conan le Barbare avait deux frères demeurés

Acteurs principaux :Michael Berryman, George Eastman, Richard Lynch, Peter et David Paul, Eva La Rue, Virginia Bryant, Sheeba Alahani

Nikita
NOTE
3.5/ 5

Ce film d'heroic-fantasy, réalisé pour le compte de la Cannon par Ruggero « Cannibal Holocaust » Deodato, appartient à une catégorie particulièrement prisée : celle du nanar euphorisant. Du film d'une stupidité tellement franche et joyeuse qu'elle vous fait oublier momentanément tous vos problèmes, vos factures impayées, votre lumbago, pour vous plonger aussitôt dans un univers de bêtise heureuse et décomplexée, où bon sens et logique n'ont plus cours et où les barbares culturistes s'affrontent dans des batailles de tartes à la crème.

Conçu par les patrons de la Cannon, Menahem Golan et Yoram Globus, maîtres incontestés du mauvais goût, comme un blockbuster destiné à détrôner « Conan le barbare », ce film de l'ami Ruggero est une sorte de chef-d'œuvre de mauvais goût années 80, une dégénérescence ultime du bis italien dans une overdose de kitsch sans complexes. Il fut également l'un des derniers succès populaires du cinéma de divertissement italien (bien qu'il soit coproduit par une société américaine, le film fut entièrement confectionné par des Italiens), avant la quasi-disparition de celui-ci. « Les Barbarians » est en effet un édifice tout entier construit à la gloire de ses deux protagonistes, les "Barbarian Brothers" David et Peter Paul.

Ces deux énormes jumeaux, catcheurs et culturistes, (bien qu'ils n'aient semble-t-il jamais participé à de vrais compétitions de culturisme) furent un temps des célébrités médiatiques, un peu comme les "Barbie Twins", mais en version masculine et musclée. Concevoir un film autour de ces deux phénomènes de foire était d'emblée courir le risque du ridicule le plus absolu, ce qui nous confirme une fois de plus que Golan et Globus n'avaient aucun sens de la mesure. Ruggero Deodato, plus finaud, avoue pour sa part avoir voulu d'emblée tirer le film vers la parodie en se rendant compte du potentiel "comique" de ses deux stars. Mais je ne rangerai pas pour autant ce film dans la catégorie du "nanar volontaire", car au-delà même de son humour intentionnel, il remporte d'emblée le prix de l'heroic-fantasy la plus ratée qui soit. Rarement a-t-on vu scénario aussi crétin, personnages aussi clichetonneux, et surtout bande originale aussi ringarde : la chanson du générique de fin, une sorte de rock ignoble, années 80 à fond les manettes, égale celle de « White Fire » au palmarès des morceaux les plus nanars. « Les Barbarians » sont un long vidéo-clip totalement délirant, pétaradant à un rythme d'enfer, et jamais ennuyeux : l'action ne s'arrête jamais, et la nanardise non plus ! Un bonheur, à condition bien sûr d'apprécier un humour niveau cour de récréation.


Détaillons un peu le scénario, qui se situe un peu en dessous du niveau d'un mauvais « Livre dont vous êtes le héros ». La pacifique tribu itinérante des Ragnik (ça fait groupe de hard cheap, non ?) est attaquée par les troupes de l'infâme despote Kadar. Ce dernier prend comme otage la reine des Ragnik, Canary, car il veut lui faire révéler le lieu où est caché un fabuleux rubis magique, trésor ancestral des Ragnik.


Kadar (Richard Lynch) et son truc en plumes.

Deux petits jumeaux Ragnik, Kutchek et Gore (on ne rit pas), mordent soudain la main de Kadar, en lui arrachant deux doigts (main en caoutchouc en vue !). Kadar les épargne, cédant aux suppliques de Canary, mais les emmène avec lui pour leur faire subir des raffinements de cruauté. En effet, de retour à la forteresse merveilleusement cheap de Kadar, les jumeaux sont séparés et confiés au "Grand Bourreau" (en VO : Dirtmaster), dont on comprend aussitôt qu'il est très méchant car joué par l'incroyable Michael Berryman, l'homme dont la seule photo suffit à expliquer la carrière. Ils seront soumis à des mauvais traitements durant des années.


Michael Berryman joue tout en sobriété et en retenue.

On ne sait combien de temps passe dans l'ellipse qui suit, mais les jumeaux deviennent des adultes – et surtout, des montagnes de muscles – sans que par ailleurs aucun des autres personnages ne vieillisse. Canary est toujours prisonnière de Kadar. Le vil despote et son Grand Bourreau ont, eux, comme plan diabolique de lancer les deux jumeaux l'un contre l'autre dans l'arène, histoire d'égayer un peu les fêtes de fin d'année. Kutchek et Gore, masqués, sont lâchés l'un contre l'autre. Mais évidemment leurs masques de métal vont tomber dans la bagarre, et les deux frères se reconnaître. « Hé, t'es qui toi ? » « T'es pas joli ! » (sic) « Hé, c'est toi mon frère ! Allez, on se barre d'ici ! ». On se demande pourquoi Kadar, qui avait conçu un plan si cruel, n'a pas fait endosser aux jumeaux de masques un peu plus résistants, qui ne seraient pas tombés au bout de trente secondes de baston. Et surtout, pourquoi il n'a pas fait construire une arène un peu plus solide : les deux jumeaux ont en effet tôt fait de fracasser l'enceinte, apparemment bâtie en crotte de pigeon séchée, et de fuir la forteresse de Kadar.


Euh... On ne se serait pas déjà vu quelque part ? Ta tête me dit vaguement quelque chose.

Résumons très rapidement le récit qui va suivre, d'autant qu'il est à la portée de n'importe quel scénariste de comic-book débutant. Kutchek et Gore vont retrouver la tribu des Ragnik, qui ne les reconnaît d'abord pas, puis charge une jeune fille du village, Ismène (Eva LaRue) de les seconder dans leur périple : ils vont en effet s'appliquer à se venger de Kadar, à libérer Canary, et à empêcher les méchants de mettre la main sur le rubis magique, caché dans la grotte sacrée sous la protection d'un dragon. L'âme damnée de Kadar, la perfide sorcière China, accompagnée du Grand Bourreau, essaie de son côté de trouver le rubis pour le souffler à Kadar.


Des monstres redoutables. No comment !

Ce postulat étant posé, la baston ne va pour ainsi dire plus cesser pendant le reste du métrage. Tout le film est en effet à l'image de ses deux interprètes principaux, les jumeaux Paul : infantile et joyeux, idiot et sympathique, rabougri du cervelet et débordant de testostérone ! David et Peter Paul sont à eux deux un spectacle tout bonnement UNIQUE !

Imaginez deux énormes morceaux de barbaque huileuse, se dandinant dans des pagnes en peau de bête, une hébétude ravie pour toute expression. Imaginez non pas les deux plus mauvais acteurs du monde, mais LE plus mauvais acteur du monde, qui aurait été cloné à l'identique et se livrerait avec son propre double à un festival de singeries navrantes. Imaginez le cerveau d'un gosse de sept ans, dernier de la classe et qui passerait ses journées à lancer des boulettes à ses copains, transplanté dans le corps d'un culturiste large comme trois armoires, multipliez cette vision par deux et vous aurez une vague idée du spectacle offert par les frangins Paul.

Grimaçant et grognant comme des gorilles bourrés à la bière, les deux bestiaux font les imbéciles avec un tel naturel que ça en devient troublant… et de fait ils ne composaient absolument pas, puisque Deodato repensa tout le film en fonction de leur vraie personnalité, transformant ce qui devait être une heroic-fantasy sérieuse en semi-parodie. Je dis semi-parodie, car la partie « aventure » est censée être sérieuse… et c'est là que le bât blesse, car le ratage est ici total, sauf à se baser intégralement sur le quotient nanar de la chose. Pas une situation, pas un costume, pas un acteur, pas une note de musique (Mon Dieu ! Cette bande-son…) qui n'échappe au ridicule le plus réjouissant.


Suis-moi et soyons discrets...

Il faut voir le costume frou-froutant de Kadar, le cruel despote, qui ressemble à l'arrivée à un vieux travesti en pleine déconfiture. Les tenues «crazy horse saloon» de Canary et de la sorcière China. La corne de bébé rhinocéros que le malheureux Michael Berryman se trimbale sur la tête pendant tout le film. On a même droit à une apparition de George Eastman, le Big Ape de « 2019, Après la Chute de New York », ingrédient indispensable du bis italien des années 80, qui grimace à volonté dans un rôle de chef barbare ! George Eastman ne gardait pas un très bon souvenir de l'infantilisme des frères Paul : « Ce ne sont pas des professionnels. Ils sont vulgaires. Tu dois refaire 20 fois une scène parce qu'ils font des erreurs stupides. Et ça devient ennuyeux quand cela se produit sur chaque scène. »(Propos cités par le défunt site secondscouteaux.com )


L'ami George vient faire un petit coucou

Un petit mot sur le casting, simplement pour nous réjouir de la présence de Richard Lynch et Michael Berryman, deux des tronches les plus incroyables du cinéma de genre. Interprète du rôle de Kadar, Richard Lynch est un comédien tristement sous-exploité : gravement brûlé dans sa jeunesse, il en a gardé un inquiétant visage de charognard, qui lui vaut régulièrement des rôles de méchants et de sadiques. S'il put montrer un vrai talent d'acteur dans les rares occasions où il eut quelque chose de consistant à jouer (Il faut le voir dans « L'Epouvantail », où il tient tête sans problèmes à Al Pacino), Lynch a malheureusement toujours été abonné aux pires nanars et navets (Invasion USA !).


Rasta Power !

Michael Berryman, quant à lui, n'a qu'à apparaître à l'écran pour défier le vocabulaire. Il est hélas, et c'est là une grosse déception des « Barbarians », particulièrement sous-employé, son personnage étant réduit à sa plus simple expression de méchant. Quant aux comédiennes, Eva LaRue (Ismène), Virginia Bryant (Canary) et Sheeba Alahani (China), hé bien elles sont très jolies. Mes félicitations aux costumiers.

Vous l'aurez compris, «Les Barbarians », s'ils représentent un point de décadence ultime de l'heroic-fantasy, n'en sont pas moins un nanar hautement réjouissant, au fort potentiel zygomatique. Nanardise volontaire, certes : mais la nanardise involontaire est elle aussi suffisamment présente pour que chacun en ait pour son argent. Je vous recommande notamment le combat contre le dragon. On regrettera simplement que la fin soit un petit peu bâclée. Mais si vous avez l'occasion de mettre la main sur ce classique trop oublié, n'hésitez pas !

Allez, encore un petit coup de Michael Berryman pour la route :


- Nikita -
Moyenne : 3.22 / 5
Nikita
NOTE
3.5/ 5
Kobal
NOTE
B.F./ 5
Rico
NOTE
3.5/ 5
Barracuda
NOTE
3.5/ 5
Wallflowers
NOTE
B.F./ 5
John Nada
NOTE
3/ 5
Labroche
NOTE
1/ 5
Drexl
NOTE
1.5/ 5
Peter Wonkley
NOTE
5/ 5
Jack Tillman
NOTE
4.75/ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation

Une fois n’est pas coutume, ce sont les Italiens de chez "Legocart" (non ne cherchez pas, je ne ferai pas de plaisanterie oiseuse sur ce nom, j’ai pas envie) qui ont réédité le film en DVD à bas prix. Si vous ne parlez pas italien (c’est un tort !), restent les cassettes de chez "Warner" ou "Stella" (pour la Suisse).

En 2018, les Allemands de "Koch Media GmbH" nous ont offerts un coffret Blu-ray/DVD avec pas mal de bonus intéressants, dont des documentaires et entretiens avec Deodato.


Ah ah ah ! Notre forumer Cherycok nous signale avoir trouvé le film dans son Leclerc sur un DVD à 2,99€ de chez "Monarch". Attention toutefois avant de s'enthousiasmer, il s'agit d'un repiquage à partir d'une VHS particulièrement pourrie avec son mono essoufflé ! Affreux ! Ca sent le bidouillage de nos chers escrocs de "Prism"... N'empêche, belle jaquette...

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