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Superman IV : le face à face

(1ère publication de cette chronique : 2016)
Superman IV : le face à face

Titre original :Superman IV: The Quest for Peace

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Sidney J. Furie

Producteur(s) :Menahem Golan

Année : 1987

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h29 à 1h32

Genre : Mockbuster malgré lui

Acteurs principaux :Christopher Reeve, Margot Kidder, Mariel Hemingway, Gene Hackman, Jon Cryer, Mark Pillow

La Team Nanarland
NOTE
3.5/ 5

A la demande expresse mais ferme d'un enfant de dix ans, Superman rassemble toutes les bombes nucléaires de la Terre dans un gros filet pour les envoyer droit dans le Soleil, sous les applaudissements nourris des Nations Unies. De son côté, le vil Lex Luthor dérobe un cheveu de Superman dans un musée, l'attache à l'ultime arme atomique qu'il envoie également dans le Soleil, mais cette fois pour créer un mutant grimaçant et a priori indestructible, du moins tant que le beau temps est de la partie.


En matière d’effets spéciaux, Superman IV, c’est du vol.



You'll Believe a Man Can Fly… ou pas.

Déjà bien amoché par le tournant comique de son troisième volet ainsi que le désastreux spin-off Supergirl, la franchise Superman mettra près de 20 ans à se relever de ce Superman IV, véritable séquelle au sens propre du terme que même les fans les plus hardcore ne cherchent plus à défendre. Les doigts accusateurs eurent vite fait de désigner les pontes de la Cannon, raillés pour avoir réussi l’exploit peu flatteur de transformer de l’or en plomb. Pris à la gorge après les échecs de Life Force et de L’Invasion vient de Mars, on raconte que le tandem Golan & Globus racheta les droits de la franchise dans l’espoir de se refaire une santé financière. Hélas pour eux, ce coup de poker ne fera que les enfoncer un peu plus.


La Cannon, nouvelle kryptonite de Superman.

Le projet part sur de très mauvaises bases : peu de temps avant le tournage, la Cannon, au bord de la faillite, est contrainte de réduire le budget initial de moitié, passant de 36 à 17 millions de dollars. De fait, Superman IV est un peu la Bible de ce qui se fait de pire en matière de post-production bâclée : transparences hideuses, incrustations préfigurant l'ère du logiciel Paint, câbles apparents, figurines en plastique à gogo, volcans en carton-pâte, sound design pouet-pouet, tout y est, mis en images avec un manque de passion patent par le routinier Sidney J. Furie, mobilisé entre deux épisodes de la saga militaire Aigle de Fer. Paradoxe déroutant, Superman IV ressemble au final à un mockbuster de Superman, en nous rappelant au bon souvenir des exploits zédards de Supersonic Man ou de L’Incroyable Homme Puma.


Non content d’offrir des séquences de vol moins crédibles que celles du premier Superman (pourtant tourné près de dix ans plus tôt), Superman IV recycle les mêmes plans de Christopher Reeve tout au long du film, en changeant juste l’arrière-plan.

Un minimum d'honnêteté intellectuelle impute aussi une part non négligeable de responsabilité à un script inepte, mélange à la louche de quatre sous-intrigues toutes plus indigentes les unes que les autres. Superman IV raconte n'importe quoi, n'importe comment, sans se soucier une seconde de son public perdu entre un discours anti-militariste niveau CM1, le tandem comique douloureusement foireux de Lex Luthor et son neveu, le ménage à trois vaudevillesque entre Lois, Clark et leur nouvelle patronne Lacy Warfield, ou encore le dévoiement de la ligne éditoriale du Daily Planet par de vilains financiers racoleurs (ce qui ne manque pas d'ironie dans un produit aussi misérablement calibré).


Lex Luthor (Gene Hackman, en mode "j'en n’ai plus rien à foutre") et son neveu Lenny, tout droit sorti d'un clip de Vanilla Ice, nous la jouent à la Satanas & Diabolo.

Le spectateur n'a pas le temps d'y retrouver ses petits que débarque l'inénarrable adversaire principal de l'homme d'acier : l'homme nucléaire, enfant d'un cheveu de Superman et d'une bombe atomique jetés contre le Soleil. Côté look, les scénaristes ne se sont pas foulés : l'homme nucléaire ressemble à Musclor (soit une sorte de culturiste californien blond et bronzé) mais avec les ongles de Skeletor (car il est méchant), ce qui donne lieu à des scènes de baston très viriles où il tente de griffer Superman comme un matou de mauvais poil.


Pourquoi est-ce que quand je regarde cette scène…



…j'ai l'impression de voir ça ?

Acteur d'un seul film, d'une seule cause perdue dans les méandres du divertissement gommé de toute aspérité, l'étoile filante Mark Pillow donne tout ce qu'il a. Il fronce les sourcils à s’en donner mal au crâne, grimace bien au-delà du raisonnable, grogne plus souvent qu’à son tour (il n’a que onze répliques en tout et pour tout, dont un émouvant « Détruire Superman ! » aux accents mongolo-néandertaliens) et s’agite autant qu’il le peut dans sa combinaison en Spandex d’homme nucléaire nanar.


BEEUUUUAAAARRRRGH !!!!!

Pour le fan, c'est un désastre. Mais pour le nanarophile, Superman IV est évidemment du pain béni. Car contrairement à de nombreux ersatz de Superman produits à bas coût dans le monde, il se révèle généreux en morceaux de bravoure foireux : sauvetage de la station Mir, rame de métro qui s’emballe, destruction (et reconstruction) de la Grande Muraille de Chine, volcan en éruption, combat dans l’espace et sur la Lune, enlèvement de la Statue de la Liberté etc. La Cannon, avec son style tape-à-l’oeil habituel, a vu les choses en grand, trop grand pour ses frêles épaules sans doute. Parmi les moments les plus what the fuck, on retiendra aussi cette séquence absurde où la patronne du Daily Planet, kidnappée par l’homme nucléaire et emportée dans l’espace vêtue d’un simple tailleur, arrive à RESPIRER, hurler, avoir du vent dans les cheveux et ne pas mourir de froid malgré les -270° ambiants.


Superman reconstruit (une maquette de) la Grande Muraille de Chine, détruite par son adversaire, grâce à un super pouvoir magique qu’on ne lui connaissait pas. En fait, le scénario prévoyait à l’origine qu’il la reconstruise avec ses mains, brique par brique, à très grande vitesse, mais comme ça aurait coûté trop cher la prod’ a finalement opté pour ce tour de passe-passe à 2€.

Bien éloigné du ton sentencieux à l'œuvre dans le Man of Steel de Zack Snyder (malgré un penchant commun pour le bon gros placement produit), Superman IV en partage pourtant le canevas thématique (l'homme de Krypton et les affaires humaines : devoir d'ingérence ou de réserve ?) exploité ici de la plus frontale façon : le super-héros redresse le drapeau américain sur la Lune, répare laborieusement les dégâts causés par son ennemi, vante même les mérites du métro dans un hilarant message à caractère informatif suite à un énième sauvetage de Lois Lane. C'est sans doute le plus triste dans cet invraisemblable fatras : Superman y est une marionnette aussi inexpressive que les pantins utilisés pour figurer son vol dans les plans larges. Un personnage-fonction baladé au vent mauvais de péripéties imbéciles. Co-scénariste de la chose, Christopher Reeve raconte qu’il ne souhaitait pas faire un quatrième Superman (la Cannon le fera changer d’avis en lui concédant un droit de regard sur le script, et surtout en acceptant en échange de financer La Rue, projet qui tenait à coeur au comédien). Reeve finira par reconnaître publiquement Superman IV comme un désastre intégral et le glas de sa carrière. « Généralement, une suite gagne en ampleur d’un film à l’autre. Superman IV emprunte le chemin inverse. Le long-métrage ressemble plutôt à un ersatz qu’à une authentique séquelle. (…) Moins on parle de ce Superman, mieux c’est… ». On préfère en rire qu’en pleurer mais n’empêche, la saga magistralement lancée par Richard Donner ne méritait pas de se terminer sur pareil cataclysme.


Clark Kent / Christopher Reeve, humilié dans cette scène d’aérobic particulièrement gênante.

Les anecdotes sur le film sont nombreuses, et témoignent toutes du naufrage que fut ce projet. On recommande notamment le commentaire audio présent sur l'édition spéciale, dans lequel le co-scénariste Mark Rosenthal explique pendant 1h30 les différences entre le projet d'origine et le résultat final, en chargeant copieusement la Cannon au passage. Parmi les éléments les plus intéressants, il faut savoir que le film durait initialement 134 minutes, avec notamment non pas un mais deux hommes nucléaires ! Menahem Golan aurait trouvé ça trop long et exigé de nombreuses coupes. L’idée pour le mogul de la Cannon était de faire des économies d’échelle : d’une part, réduire la durée du film permettait de caler un plus grand nombre de séances par jour dans les salles de cinéma, et ainsi espérer de meilleurs profits. D’autre part, il prévoyait de recycler les 45 minutes coupées au montage en les utilisant dans un Superman V, qui ne vit finalement jamais le jour suite à l'échec de Superman IV.

Deux scènes parmi les 45 minutes coupées sont sorties en salles en Europe et au Japon, car le montage international (dit « Cannon cut ») durait 92 minutes, soit 3 minutes de plus que le montage américain (dit « Warner cut »). Ces deux scènes (l’homme nucléaire qui déclenche une tornade sur Smallville, et Superman qui sauve un groupe de généraux soviétiques d’un missile à Moscou), présentes sur les éditions VHS et Laser Disc hors USA, ont ensuite disparu des éditions DVD et Blu-ray, avant de ré-apparaître sous forme de bonus sur certaines éditions. Crime de lèse-nanar : il faut par ailleurs savoir que de nombreux câbles restés apparents dans le film ont été effacés sur le coffret Blu Ray sorti en 2011 !


La version sortie en salles, VHS et DVD, avec des câbles bien apparents…



…et la version sortie en Blu-ray en 2011, où les câbles ont été effacés.

Parmi les scènes coupées figure notamment l’affrontement entre Superman et le premier homme nucléaire, dont la ringardise surpasse celle de Mark Pillow ! Pour en savoir plus sur la genèse de Superman IV et les raisons d’une telle catastrophe industrielle, on vous invite à lire cet article très complet sur le film, ainsi que l’excellente analyse comparée de notre ami Jérôme Wybon sur les différences de montage entre les versions, paru dans le numéro 253 de Mad Movies (Juin 2012).


Un mannequin en mousse de petite fille, présent sur l’édition VHS française.



Le premier homme nucléaire, prototype en tenue d’Eve avec petite feuille d’argent cache-pudeur.

Texte rédigé par Drexl & John Nada, avec la participation de La créature du lac gris.

- La Team Nanarland -
Moyenne : 3.41 / 5
La Team Nanarland
NOTE
3.5/ 5
Labroche
NOTE
4/ 5
John Nada
NOTE
3.75/ 5
Drexl
NOTE
3/ 5
Rico
NOTE
3.5/ 5
Kobal
NOTE
4/ 5
Wallflowers
NOTE
2.5/ 5
Jack Tillman
NOTE
3/ 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation

Le film bénéficie d'un Blu-ray français sorti chez "Warner Bros" qui se négocie à moins de 7€ sur les sites de vente en ligne. Vous y trouverez 15 scènes coupées (même si sur les 45 mn du pré-cut, certaines scènes demeurent encore inédites...) et un commentaire audio du co-scénariste Mark Rosenthal.


C'est moi ou sur la jaquette tout le monde a l'air mal à l'aise...?

De nombreuses éditions DVD ont existé par le passé, mais elles n'apportent semble-t-il rien par rapport au Blu-ray puisqu'elles ont toutes chez nous exploité le montage américain le plus court. Seul l'Allemagne avait bénéficié d'un DVD avec les deux scènes supplémentaires évoquées plus haut. Il fallait remonter aux éditions VHS pour trouver la version française avec les 3 mn en plus.