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Entretien avec
Philip Cook

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Philip Cook

Philip J. Cook est un producteur / réalisateur / scénariste / directeur photo / spécialiste des effets spéciaux qui officie depuis 25 ans dans le monde de la série B américaine. Après avoir travaillé aussi bien pour Menahem Golan que Godfrey Ho, il a monté sa boîte indépendante pour réaliser ses propres films de science-fiction tel Despiser, qui a bénéficié d'une sortie en DVD en France. Voici l'interview d'un passionné, qui nous éclaire sur les joies et les galères du cinéma d'exploitation américain à petit budget.

Pour connaître un peu mieux le bonhomme, vous pouvez faire un tour sur le site de sa société, www.eaglefilms.com, qui propose notamment les bandes-annonce de ses films.

Certaines des images qui illustrent cet entretien proviennent des sites de deux spécialistes des effets spéciaux :

www.moviemonstermuseum.com

Le site de John Ellis (un ami de Phil Cook)

Interview réalisée en avril 2006 par Rico


Comme nous connaissons peu de choses sur vous en France, pourriez-vous nous présenter votre parcours ?

Dans les années 80, j'ai commencé comme cinéaste d'animation et j'ai travaillé sur pas mal des premiers spots de MTV. En ce temps là, nous devions tout créer avec des maquettes, de l'image par image et des matte painting [Nanarland : technique de création de décors par peinture sur verre]. C'était des effets spéciaux à l'ancienne. A 24 ans, j'ai réalisé mon premier film de S.F. intitulé « Outerworld » alias « Star Quest ». « Outerworld » fut présenté au marché du film du festival de Cannes et s'est vendu dans le monde entier. Puis j'ai écrit et tourné mon second film, « Invader ». Menahem Golan en était le producteur exécutif. Il fut si impressionné par « Invader », qu'il me commanda l'écriture d'un scénario appelé « Covert Strike » avec Michael Paré et Billy Drago. Malheureusement la compagnie de Menahem, « 21th Century », fit faillite et le film ne se fit jamais. Je rédigeai un autre scénario appelé « Star Crushers » pour « Vision Arts » une compagnie de Los Angeles spécialisée dans la production et les effets spéciaux. Mais elle aussi a fait faillite avant que le film ne se fasse.


A cette époque, le monde des effets spéciaux se tournait de plus en plus vers l'animation numérique. Pour ne pas rester sur la touche, je me suis mis à apprendre l'animation 3-D. J'ai écrit le scénario de « Night Flyers », une histoire de femmes pilotes de l'armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale qui se retrouvent au milieu d'aventures fantastiques. J'ai produit moi-même les dix premières minutes du film dans l'espoir que cette introduction puisse aider à lever des fonds auprès des distributeurs. Nous avons plus tard développé le concept sous la forme d'une série télé et envoyé le pitch à plusieurs distributeurs internationaux dans les années 90. On a suscité pas mal d'intérêt, mais personne n'a eut envie d'investir le premier cent. C'est ainsi que « Night Flyers » est tombé aux oubliettes. C'est alors que je me suis décidé à produire « Despiser », l'histoire d'un artiste qui doit voyager jusqu'au Purgatoire pour secourir sa femme aux mains de forces despotiques. « Despiser » a été conçu spécialement pour utiliser les nouvelles technologies numériques accessibles pour des cinéastes indépendants. Le but étant de faire un film fantastique le moins onéreux possible.

Vous avez écrit les scénarios de vos propres films dans les années 80 comme « Invader » ou « Star Quest » avant d'être un technicien d'effets spéciaux ou d'être un réalisateur. L'écriture était-elle votre premier choix de carrière ?

J'adore écrire, et c'est plus facile de rester aux commandes de votre film quand vous en êtes l'auteur. Avec ma connaissance des effets spéciaux, je sais comment écrire pour un petit budget tout en donnant le plus beau résultat possible à l'écran. Les effets spéciaux sont là pour servir l'histoire et pas le contraire. C'est pourquoi quand je regarde en arrière, je vois que j'ai certainement évolué comme un écrivain, du moins c'est ce que je me dis.

Commençons par votre travail pour d'autres réalisateurs. Vous avez travaillé comme directeur photo et créateur d'effets visuels sur plusieurs films à petit budget comme « Nightbeast » ou « The Galaxy Invaders » de Don Dohler, un fan éditeur de magazine de science fiction complètement passionné. Quel était votre rôle exact dans ces films, et les souvenirs que vous en gardez ?

Wow, vous connaissez ces films ? J'étais au lycée et j'avais entendu parler de Don Dohler. Il avait fait un film indépendant à petit budget appelé « Alien Factor ». Il l'avait tourné en 16 mm et avait réussi à le faire passer à la télé. Nous étions tous très impressionnés. Quand j'ai appris qu'il faisait « Night Beast », John Ellis, Kent Burton et moi-même avons sauté sur la chance de travailler sur ce projet. J'ai construit les maquettes, Kent Burton a fait les animations en pâte à modeler du Night Beast. On a tourné le tout dans le salon de John Ellis. Nous avons crée une vingtaine de scènes pour l'ouverture du film. Ce fut une expérience plutôt enrichissante, même si au final, aucune de nos scènes ne termina dans le film, ce qui était un peu décevant. Mais du point de vue de Don, je comprends que ça ne correspondait pas au style qu'il était en train de donner à son film.

« Metamorphosis, the Alien Factor » était la suite d'un populaire film à petit budget du début des années 80 appelé « The Deadly Spawn" target="_blank" rel="noopener" class="autoDetect">Spawn » (alias « La Chose »). Malgré son manque d'argent, le film est généreux en créatures et en effets visuels, et a impliqué une grosse équipe d'effets spéciaux. Quel a été votre rôle ? Comment étaient le travail et l'ambiance sur le film ?

J'avais déjà entendu parler de Ted Bohus depuis quelques années à cause de « La Chose ». Et Ted connaissait Dan Taylor qui possédait une compagnie d'animation, « Taylor Made Image », au Maryland. Ted et ses partenaires ont réuni un peu d'argent pour un film à petit budget, un million de dollar je crois. Ils ont tourné en 35 mm, construit de très chouettes plateaux de tournages dans un entrepôt et avaient de belles créatures en latex conçues par Ron Cole et d'autres jeunes gars talentueux du New Jersey. Dan Taylor, Alan Hoyt et John Ellis ont aussi construit les décors de la fin du film et les ont envoyés au New Jersey pour le final, la grande salle de régénération. Sur le tournage, j'ai été directeur photo de la seconde équipe : insertion de monstres, d'effets sanglants et autres.… Quand le film fut mis en boîte, j'ai été directeur photo sur la plupart des animations image par image. L'équipe de Dan Taylor avait construit de très belles versions miniatures des décors et des monstres, et Kent Burton et Dan Taylor les ont animées. Beaucoup des scènes tiennent encore la route aujourd'hui. C'était un travail très ambitieux pour l'époque.


La bête et sa victime.

Nous avons lu que le film avait eu pas mal de problèmes de droits avec ses producteurs et distributeurs. Dans son générique de fin, on peut carrément lire cette phrase mystérieuse : « je n'ai pas été payé assez pour cette merde. ». Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Je ne sais pas grand-chose sur l'aspect financier de « Metamorphosis ». Je sais que Ted a eu beaucoup de partenaires financiers. Je n'ai jamais compris qui avait investi de l'argent ou comment c'était monté le projet. Il y a eu une grosse dispute entre les producteurs une fois que le film fut fini. Il avait fait affaire avec « Intercontinental Releasing », et ça ne s'est pas bien passé. Dans ce business, personne ne vous donne jamais une réponse carrée sur la façon dont ces accords sont passés, c'est pourquoi je ne connais pas les détails. Tout le monde semble effrayé que vous puissiez apprendre la vérité, comme si on allait leur voler leur fluide (mojo). Ca ne me surprendrait pas qu'ils aient eu des problèmes de droits, ce n'est pas inhabituel, j'ai moi même eu des problèmes de droits sur « Invader ».

Phil s'occupant des séquences image par image.

Vous avez aussi travaillé comme directeur de la photographie avec Godfrey Ho (qui utilisait le pseudo "Godfrey Hall"), un réalisateur de Hong Kong très controversé, sur le film d'arts martiaux « Undefeatable » avec Cynthia Rothrock et Don Niam. Comment avez-vous été contacté par le producteur Tai Yim et le réalisateur Godfrey Ho/Hall ? Vous dites sur votre site que « l'histoire était un peu faible mais que vous avez eu un grand plaisir à travailler dessus », comment s'est passé le tournage ?

Godfrey Ho était aux Etats Unis un an avant, pour le tournage de « Honor and Glory » avec Cynthia Rothrock, et voulait améliorer l'esthétique de ses films. Il avait vu « Invader » et savait que je pouvais créer de la belle image pour un petit budget. Ce fut une grande expérience, un mélange entre des équipes hongkongaise et américaine. Les « Singes cascadeurs », des artistes martiaux asiatiques, étaient fantastiques, des types super. Les risques qu'ils prenaient pour tourner les scènes m'effrayaient vraiment. J'avais souvent peur que quelqu'un se fasse vraiment mal, mais personne ne s'est blessé. J'ai beaucoup appris en observant les chorégraphies de Godfrey. Et Tai Yim, le producteur, était une vraie source d'inspiration sur le plateau : posé, solide, une vraie force positive. Et bien sûr, c'était une grande chance de tourner en 35 mm. J'ai finalement eu la chance de voir le film fini à Los Angeles au Marché du film américain. La photo était belle sur grand écran. L'écriture et l'histoire de toute façon n'ont jamais été son point fort. Godfrey avait mis l'accent sur l'action aux dépens des personnages et de l'histoire.

Godfrey Ho n'a pas la réputation d'être un homme très honnête. Des acteurs que nous avons interviewé, notamment Richard Harrison et Bruce Baron, qui ont tous deux tourné dans ses films à H.K. nous ont parlé des problèmes qu'ils ont eu avec leur contrat. Avez-vous eu de telles difficultés avec lui ? Saviez vous que Godfrey Ho avait ressorti « Undefeatable » en Asie quelques années plus tard sous le titre « Bloody Mary Killer », en mêlant au métrage original des scènes plus violentes et sexy tournées à Hong Kong ?

Non, vous me l'apprenez. J'ai trouvé tant Godfrey Ho que Tai Yim parfaitement réglo avec moi donc mon expérience fut très positive... J'ai perdu le contact avec eux avec les années.

« Outerworld » alias « Star Quest: Beyond the Rising Moon » (1987) est votre premier film en tant que réalisateur, et il est très ambitieux. Comment avez-vous réussi à écrire, réaliser et réunir l'argent pour ce projet ?

J'ai fait équipe avec John Ellis. Lui comme moi avions une passion pour les films de science-fiction. Nous adorions le travail de Gerry Anderson qui avait produit « U.F.O ». ou « Cosmos 1999 ». Nous avions compris comment ses effets fonctionnaient. J'ai écrit « Outerworld » avec les effets spéciaux à l'esprit. J'ai essayé de faire un film de S.F. arty : « 37°2 le matin » ou « Risky Business » dans l'espace. J'étais un peu immature et je ne pense pas avoir réussi à faire tenir ça debout. Il était un peu long et un peu prétentieux. J'ai depuis revisité « Outerworld » et réparé un tas de truc dans le nouveau montage. A l'époque, au début des années 80, nous avions levé de l'argent en créant des actions : nous avons vendu des parts à 1% du film pour 3500 $. C'était une façon laborieuse de réunir de l'argent. Ca nous a pris plus d'un an à lever les fonds nécessaires, et il nous est resté le rôle trivial de produire le film. Ca impliquait des douzaines de décors futuristes, de costumes et de maquettes. Presque tout fut construit à partir de rien, quelque chose de jamais vu pour un film de ce budget.

Phil J. Cook, John Ellis et Norman Gagnon : l'équipe qui a fait le film de A à Z.

Malgré le petit budget à votre disposition (environ 175 000 $), vous avez toujours essayé de montrer un maximum d'effets dans votre film. Il y a des maquettes, des matte painting et des effets optiques. Comment avez-vous travaillé dessus ?

Nous avons construit de beaux décors dans un petit entrepôt, au cours d'un été caniculaire. Après avoir tourné les scènes avec les acteurs, nous avons passé un an à construire des maquettes élaborées. Malheureusement il y avait plein d'obstacles que nous ne pouvions franchir avec les moyens photographiques de l'époque. Nous n'avions aucune caméra à mouvement contrôlé (motion control) [Nanarland : technique qui permet de filmer plusieurs fois de suite le même mouvement, et ainsi de faire des incrustations d'objets comme des maquettes]. Il n'y avait pas de compositing [Nanarland : technique qui permet d'insérer plusieurs objets, filmés différemment, sur la même image finale]. Aucun écran bleu. Aucun travail d'impression optique [Nanarland : technique permettant de rajouter des effets directement sur la pellicule]. Aucune infographie. Tout était fait à la caméra à l'ancienne. Dans la nouvelle version, j'ai conservé le meilleur de nos scènes avec les maquettes et remplacé certains des effets plus maladroits avec des re-créations numériques. Je pense que c'est le meilleur des deux mondes et que ça lisse les passages les plus approximatifs du film.

Phil J. Cook, John Ellis et Norman Gagnon prennent la pose devant leur plus belle maquette.

Pour le DVD édition spéciale, il semble que vous ayez ajouté de nouveaux effets numériques. Nous avons lu par ailleurs que vous aviez fait la même chose pour booster et améliorer « Invader ». Est-ce un choix artistique, l'opportunité de faire de plus gros effets spéciaux avec des images de synthèse que vous ne pouviez pas vous offrir à l'époque, ou pensez-vous que la version originale est trop « à l'ancienne » pour le public actuel ?

Honnêtement, je me suis rendu compte qu' « Outerworld » sous sa forme originale était irregardable et invendable. Maintenant c'est une toute nouvelle expérience. Oui c'est toujours un produit des années 80, mais qui a une allure plus moderne, plus fraîche. C'est une refonte assez radicale. « Invader » ne nécessitait pas autant d'ajustements. La plus grosse remise à jour a été une bataille aérienne dans le ciel de Washington. Mais Big Harvey, notre robot dévastateur animé en image par image, est toujours là, inchangé. Voir le final de ce film, c'est un petit peu comme voir le King Kong original. Vous savez que c'est en image par image, vous savez que c'est un faux, mais vous l'aimez quand même. Je n'ai pas pu toucher à ces scènes. Ça a toujours son charme ringard, toute la scène de la caverne souterraine.


« Invader » est votre second film comme réalisateur (un film que nous n'avons pas pu voir en France pour l'instant). Vous le décrivez comme un film satirique qui a des allures d'épisode d'X-Files mais écrit en 1987, bien des années avant que quiconque n'entende parler de Scully et Mulder. Pouvez-vous nous en dire plus ?

« Invader » est l'antithèse de « Outerworld ». Là où « Outerworld » se voulait solennel, « Invader » est pétillant. C'est un mélange entre « Docteur Folamour » et « Le Jour où la Terre s'arrêta ». C'est irrévérencieux et ça se paye la tête des médias, des militaires et de la mode des OVNI. Je jurerais que Chris Carter, le créateur d'X-Files, a dû le voir parce que pas mal d'aspects du film se retrouvent dans plusieurs épisodes de la série. A la base, c'est un buddy-movie, un duo mal assorti (un journaliste de la presse à sensation et un agent du gouvernement conservateur) qui travaillent ensemble pour mettre à jour une conspiration derrière des meurtres mystérieux dans une base aérienne en Virginie. Des extraterrestres sont dans le coup !

Un côté très X-Files pour un film sorti un an avant le début de la série.

Nous avons lu que vous avez travaillé avec Menahem Golan comme co-producteur sur ce film. Est-ce vrai et comment s'est passée votre collaboration avec ce producteur mythique ?

Après « Outerworld », nous avons voulu faire un film simple, un film qui ne se passerait pas dans le futur, pour lequel nous n'aurions pas besoin de tout construire à partir de zéro. Alors j'ai écrit « Invader ». Il se déroule dans un Washington contemporain. Nous avons réuni 50 000 $, la moitié du budget dont nous pensions avoir besoin et nous sommes partis tourner la moitié du film en partant du principe qu'on arriverait bien à trouver le reste. Et bien, nous avons tourné la moitié du film et nous n'avons pas pu réunir plus d'argent ! On a calé pendant presque un an. Finalement, j'ai emporté une copie en l'état de ce que nous avions tourné au Marché du Film Américain à Los Angeles. J'ai essuyé le refus de plusieurs compagnies de distribution jusqu'à ce que je rencontre Menahem Golan et « 21th Century ». Il a vu le potentiel du film et m'a donné 125 000 $ pour le finir ! C'était extraordinaire. Il est devenu producteur exécutif et nous a laissé complètement tranquilles ! Le titre original était « The Killing Edge ». Ca a été l'idée de Menahem de le renommer « Invader ». Il a adoré le résultat final. Pour lui, il y avait tout à gagner. Il ne dépensait qu'une fraction de ce qu'il aurait normalement mis sur un film de ce genre, et en obtenait visuellement le double à l'écran. Menahem l'a finalement vendu avec succès dans le monde entier : l'Allemagne, le Japon, le Royaume Uni. Et même lorsque sa compagnie a fait faillite et que j'ai perdu ma mise de fonds sur « Invader », il a encore sauvé le film. « Invader » n'aurait jamais pu être terminé sans lui. Je ne lui en veux pas du tout.

Votre troisième film en tant que réalisateur est « Despiser ». Ce film est un vrai défi technique dans lequel se mélangent des acteurs réels et de nombreuses séquences générées par ordinateur. Comment avez-vous abordé un projet aussi difficile, et comment de temps vous a-t-il fallu pour faire aboutir ce projet ?

Nous avons tourné « Despiser » en 1998. A cette époque personne n'avait tourné un film avec une forme aussi stylisée. Depuis nous avons eu des films comme « Sky Captain et le monde de demain », « Sin City », « Spy kids » et « Mirror Mask ». Des acteurs filmés sur fond vert et intégrés dans des environnements numériques, c'est très à la mode aujourd'hui. Quand j'ai commencé, l'animation numérique était encore rare et spéciale. En 2003, quand « Despiser » fut enfin distribué, la 3D était partout, le public en était déjà lassé. Les effets spéciaux n'étaient plus du tout spéciaux. Je suis toujours fier de « Despiser », en particulier parce qu'il n'a coûté que 35 000 $ à produire.

Vous avez fait des cinématiques pour des jeux video. Est-ce la raison pour laquelle le purgatoire de « Despiser » a justement un look très « jeu vidéo » ?

Nous avons été critiqués pour ce visuel de jeu vidéo par des gens se demandant pourquoi ce n'était pas aussi beau que Star Wars. On devait se débrouiller avec les moyens qu'on avait, des programmes des années 90 et le fait que 700 effets visuels ont été produits par deux personnes et zéro budget. J'espérais que le public rentrerait dedans grâce à l'histoire, laisserait son incrédulité de côté et prendraient plaisir à l'aventure et l'esprit créatif du film. Certains sont rentrés dedans, d'autres non.


Bien que la plupart soient complètement inconnus, le casting de « Despiser » est très convainquant. Comment les avez-vous recrutés ? Leur a-t-il été difficile de jouer avec toutes ses images de synthèse ?

Merci. Ca a été difficile de trouver des gens de talent dans la région de Washington et encore plus de caler les agendas, surtout que la plupart n'étaient pas acteurs à plein temps. Ironiquement j'ai écrit « Despiser » avant « Invader » mais je le gardais pour le moment où j'aurais un plus gros budget. Au final je l'ai produit avec mon propre argent pour une fraction de ce que j'avais dépensé sur mes deux premiers films. Je n'ai jamais cherché à me procurer une star et j'ai simplement choisi un casting local.


Pour ce qui est de diriger des acteurs devant un écran vert, je ne pense pas que ce soit aussi difficile que le pensent la plupart de gens. Les acteurs ont une imagination fertile. C'est plus compliqué en revanche quand vous devez trouver une prise où leur réaction est bien adaptée aux images de synthèses composées un mois plus tard. L'autre truc est d'aligner les regards de tout le monde vers là où les effets sont censés se passer.

Vous avez pour projet de transformer « Despiser » en série télé. Où cela en est-il ?

Malheureusement nulle part pour le moment. Si j'avais plus de connections, avec des financements et des gens du milieu de la télé, je pense que « Despiser » ferait une grande série. Rédemption. Aventures. Mondes étranges. Différents niveaux du purgatoire. Racheter les péchés de son passé. Le concept est infini. Peut-être un de mes enfants le fera t-il dans quelques dizaines d'années.


Vous occupez de nombreux postes sur vos films : producteur, scénariste, réalisateur, technicien des effets spéciaux, vous faîtes même certaines voix. Est-ce un choix ou est-ce dû aux contraintes financières ? Feriez vous la même chose si vous aviez plus d'argent ou est-ce un moyen de garder un contrôle total sur vos films ?

Si je me suis retrouvé à en faire autant, c'est tout simplement parce que je n'avais pas assez d'argent pour recruter une équipe compétente. Je suis relativement bon dans pas mal de choses. Je sais tourner, je sais monter, je sais éclairer, je sais construire des décors, mixer le son, etc. Même nettoyer la baignoire des acteurs. Mais c'est plutôt écrasant de devoir porter sur ses seules épaules le poids de productions aussi complexes, surtout quand c'est votre argent qui est en jeu. J'ai un directeur photo, un chef électricien, un responsable de production, des gens de talent qui se concentrent sur un travail. Tourner des publicités c'est comme des vacances. Tout ce que j'ai à faire c'est me concentrer sur l'histoire. Finalement c'est ce qui m'intéresse vraiment. Raconter une histoire. Etablir un lien émotionnel entre les personnages et le spectateur ; tout le reste n'est simplement que le moyen d'y parvenir. Alors est ce que j'aimerais avoir plus de techniciens de talent dans mes productions ? Absolument !


Est-ce facile de distribuer vos films aux Etats Unis ? Comment a évolué le marché pour de petites productions indépendantes comme les vôtres depuis les années 80 ?

C'est très difficile de voir ses films distribués aux Etats-Unis et ça devient de plus en plus dur. Tout tourne autour du casting et comme me la dit « Sci-Fi Channel » [Nanarland : Chaîne câblée américaine très regardée, spécialisée comme son nom l'indique dans la science-fiction et le fantastique. Elle achète ou finance énormément de programmes de ce type et constitue à l'heure actuelle l'un des principaux débouchés pour les petites productions. Elle s'est exportée en Grande-Bretagne, Allemagne et depuis 2005 sur le satellite en France.] sur « Despiser », mon film n'a pas un casting vendeur. « Despiser » a eu un relatif succès, mais si je l'avais fini en 2002 plutôt qu'en 2003, cela aurait été une bien plus grosse réussite. Le marché est saturé de médias maintenant. Chaque année c'est de pire en pire. Même si j'ai réussi à vendre « Despiser » sur la plupart des gros marchés, je ne suis pas sûr que j'aurais les tripes d'essayer de faire de nouveau un film comme « Despiser » aujourd'hui. Je pense qu'on doit aller sur de plus gros budgets pour rester compétitifs. Il faut que j'essaye de me faire un nom sur le marché international ou celui du film de genre.


Vous semblez être un homme de la côte Est, vous travaillez surtout entre Baltimore et Norfolk, dans la région de Washington. Est-ce difficile d'être dans l'industrie du cinéma sans être à Los Angeles ?

Je crois que c'est difficile d'être dans le milieu du cinéma n'importe où. Il y a tellement de gens qui se battent pour les mêmes dollars, les mêmes distributeurs, pour capter l'attention dans un marché des médias totalement saturé. C'est le business du film, vous pouvez difficilement en vivre mais facilement en mourir. Je reste à Washington parce que ma famille est là, parce que je suis relativement unique dans le coin et que ma clientèle non-cinématographique est ici.

Philip Cook, caméra et fusil d'assaut en mains sur le tournage de Malice, sa nouvelle franchise.

Quels seront vos prochains projets ?

J'ai pour l'instant trois scénarios pas encore produits, à différents niveaux de développement. Celui qui, je pense, a le plus de chances d'aboutir est une histoire de vengeance avec des éléments de science fiction. C'est une aventure dans le monde de la pornographie, du terrorisme et de la biotechnologie. C'est un registre plus large mais aussi plus sombre que tout ce que j'ai fait auparavant. Le scénario a été bien reçu. Le temps nous dira sous quelle forme ça se concrétisera.

- Interview menée par Rico -