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Entretien avec
Patrice Juiff


Patrice Juiff

Patrice Juiff est un comédien français, qui a travaillé dans sa jeunesse sur l'adaptation française de l'hallucinant Blood Freak. Il a gentiment accepté de partager avec nous ses souvenirs de cette expérience.

Propos recueillis au mois de Mai 2023 par John Nada.


Blood Freak date de 1972 mais vous n'avez que 58 ans : on en déduit que vous avez travaillé sur le doublage français pour l'édition VHS sortie dans les années 1980, c'est bien ça ?

Effectivement c'était un doublage pour l'édition VHS. C'était en 85 ou 86, et j'avais donc 21 ou 22 ans. Nous étions une troupe de théâtre basée à Mantes-la Jolie. Et je ne sais plus trop comment mais on a été contactés par une boîte de production vidéo, dont les locaux étaient une vieille ferme perdue dans la campagne normande. Au début nous avons doublé à la chaîne des films pornos soft américains dans une grange, en hiver, où il ne devait pas faire plus de quelques degrés. C'était vraiment "underground" mais nous rigolions beaucoup. Et puis on est "montés en grade", et les producteurs nous ont fait travailler sur du film de genre... dont ce summum du nanar qu'est Blood Freak.



J'étais alors un tout jeune acteur de théâtre, et je n'avais jamais fait de doublage auparavant. Nous n'étions pas trop mal payés en tous cas, ce qui nous permettait de mettre un soupçon de beurre dans les épinards... Par la suite, avec cette boîte de production, j'ai pu quand même doubler la voix de Julian Sands dans Gothic, un film de Ken Russell. Ma carrière de doubleur s'est ensuite arrêtée et je n'ai plus jamais eu de nouvelles de cette boîte de production un peu bizarre tout de même.

L'éditeur de l'édition VHS française de Blood Freak s'appelait AVL Production, ils ont également distribué un film de bikers nommé Barrow Street alias Devil Rider, du même réalisateur que Blood Freak, et avec un doublage au diapason...

Le nom me dit rien. Je pense que la boîte était une boîte de doublage et qu'ils dupliquaient les vidéos.



Est-ce que vous vous souvenez à peu près du nombre de doubleurs et de jours de travail pour un film érotique, pour un film comme Blood Freak ou pour un film un peu plus prestigieux comme Gothic ?

Pour les films X on en doublait parfois 3 ou 4 par séance vu le peu de dialogues...! Pour Blood Freak c'était sans doute une journée. Et Gothic deux jours maxi. Quant au nombre de doubleurs, on était 5 ou 6 et chacun faisait plusieurs rôles...



Blood Freak est vraiment très particulier, avec son personnage principal qui fume de la marijuana contaminée et se transforme en homme-dindon mutant, son discours religieux moralisateur et son premier degré inébranlable. Dans quel état d'esprit est-ce que vos collègues et vous avez appréhendé une œuvre pareille ?

Je vous avoue qu'on était surtout hallucinés par le film lui-même. A la fois parce qu'on le trouvait vraiment mauvais cinématographiquement, mais aussi par sa liberté de ton. Il fallait quand même oser l'ensemble. On a beaucoup ri en le doublant. C'est vrai qu'on est très mauvais, mais le jeu des acteurs n'était pas très porteur non plus. Et puis je crois me souvenir qu'il n'y avait pas de bande défilante et qu'on faisait tout à l'oeil, en lisant les dialogues sur papier. Tout ça en peu de temps bien sûr.

- Interview menée par John Nada -