Rabid Grannies
(1ère publication de cette chronique : 2002)Titre original : Rabid Grannies
Titre(s) alternatif(s) :Les Mémés Cannibales
Réalisateur(s) :Emmanuel Kervyn
Année : 1988
Nationalité : Belgique
Durée : 1h30 environ
Genre : Quand le chat n’est plus sur mémé, c’est qu’elle est froide
Acteurs principaux :Danielle Daven, Anne-Marie Fox, Jack Mayar, Elliot Lison
Dans un grand manoir paumé au milieu de la cambrousse, Victoria et Elisabeth Remington, deux gentilles mamies pleines aux as, fêtent leur 92ème anniversaire. Toute leur descendance est réunie pour l’occasion, chacun lorgnant avidement sur l’héritage. Hétéroclite au possible, cette belle famille se compose de personnages hauts en couleurs patelinant à qui mieux mieux de leurs voix melliflues auprès des deux grands-mères bonnes jusqu’à la faiblesse. A table on retrouve ainsi : un curé pusillanime, un couple de lesbiennes, un marchand d’armes, un jeune playboy arrogant au sourire dentifrice et au brushing indécoiffable, une vieille fille prude et vierge, un couple de beaufs moyens et leurs marmots, le PDG obèse et moustachu d’une usine de préservatifs et sa jeune épouse, caricatures d’individus tous plus hypocrites les uns que les autres auxquelles il faut encore ajouter quelques domestiques bien typés. Ne manque à l’appel que le mystérieux Christopher, l’exclu de la famille, adepte des messes noires et membre d’une secte satanique qui fait parvenir un cadeau aux mamies par l’intermédiaire d’une inquiétante vieille femme. Se présentant sous la forme d’un coffret en bois, le cadeau en question libère un maléfice qui va transformer les deux vieilles dames en démons sanguinaires, marquant dès lors le début des réjouissances pour leurs commensaux.
Fallait pas fâcher mémé.
Tourné en Belgique pour l’équivalent de 150 000 $ et distribué à travers le monde par Troma (la firme à l’origine des Toxic Avenger et Atomic College, qui n'a pas produit le film mais en a aquis les droits), Rabid Grannies a.k.a. Les Mémés Cannibales s’avère furieusement critique sous ses aspects de petit film gore rigolard, piétinant allègrement les institutions familiales et religieuses. Outre la scène du repas – un grand classique revisité pour la énième fois – le film offre une multitude de séquences à travers lesquelles l’univers petit bourgeois s’en prend plein la gueule, dépeignant de façon un peu convenue mais néanmoins féroce la vilenie d’un clan familial en proie à de savoureuses luttes intestines. Même si tout ceci n’a rien de très subtil ni de foncièrement original, l’ambiance reste sympathique et l’on prend un plaisir certain à regarder nos deux mamies cannibales enragées jouer des mandibules sur tout ce petit monde.
Viens faire bécot à mémé.
Bien qu’il n’y en ait vraiment pas un pour rattraper les autres, certains personnages parviennent à se démarquer avec brio dans la bassesse et l’abjection. Pestant contre l’encombrement de son habit d’ecclésiastique quand il est poursuivi par les furies anthropophages (« saloperie de soutane »), le curé s’illustre particulièrement lorsqu’il est mis sous pression, grand adepte de la réplique qui fusille face aux accusations anti-cléricales. « Pendant des siècles vous avez brûlé des innocents et aujourd’hui, face à deux monstres, vous ne pouvez rien faire ! » lui lance t-on, ce à quoi le cureton hystérique n’hésite pas à répondre « Si un jour vous avez besoin de vous confesser, vous pourrez vous foutre la pénitence au cul ! ! ! ».
Allez fais pas la tête...
Bientôt acculé, le serviteur de Dieu se voit soumis à un cruel dilemme par les deux mamies taquines : se suicider pour éviter la souffrance d’être déchiqueté et dévoré vivant mais du coup devenir un damné (dans la mesure où l’Eglise interdit le suicide) ou endurer ces quelques minutes de calvaire et ainsi sauver son âme. Conformément à la lâcheté dont il a fait preuve tout au long du film, le curaillon choisit de se faire sauter le caisson, son cadavre étêté s’écroulant face aux deux créatures sataniques qui entonnent alors de leurs voix éraillées des « Ga-gné ! Ga-gné ! » assez réjouissants.
A taaaable !
Comme d’habitude, en choisissant de répertorier ce film en tant que nanar (plutôt volontaire, comme la plupart des titres du catalogue Troma), on considérera la médiocrité des doublages – assez insupportables par moments, quand même – comme un point fort plutôt qu’un point faible, les approximations au niveau de la coordination et la nature proprement stupéfiante de certaines voix pouvant conférer un charme supplémentaire à l’ensemble. Côté points forts, il convient aussi de souligner la qualité plus qu’honorable des effets spéciaux de maquillage (Prix des effets Gore au 18ème Festival du Film Fantastique de Paris, tout de même).
Et encore un repas du dimanche chez mémé...
D’après Rico, toujours très aware en ce qui concerne l’univers du nanar, Emmanuel Kervyn aurait par la suite donné à sa carrière une orientation pour le moins insolite. Tout comme son compatriote Jean-Claude Van Damme, icône révérée de Nanarland, le jeune réalisateur serait parti aux Etats-Unis se lancer dans le kickboxing (ah, ils en veulent les Belges !). Dès 1991, on le retrouve ainsi dans Kickboxer 2 : The Road Back, pseudo suite du Kickboxer qui révéla Jean-Claude au grand public (et qui n’assure plus ici que la fonction de co-scénariste), y jouant le frère du héros (interprété lui par Sasha Mitchell) qui se fait tuer… dès le début du film ! Courage Manu, peut être que toi aussi tu passeras chez cet enfoiré d’Arthur un jour.