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Zora la vampira


Zora la vampira

Titre original : Zora la vampira

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Antonio & Marco Manetti

Année : 2000

Nationalité : Italie

Durée : 1h35

Genre : Vampirisme altermondialiste

Acteurs principaux :Toni Bertorelli, Micaela Ramazzotti, Chef Ragoo, Carlo Verdone

Nikita
NOTE
2/ 5

Bon alors là, c’est de l’inclassable. Pas vraiment un nanar total, mais plutôt une parodie zarbi, parfois drôle, parfois complètement inaboutie, mais en tout cas suffisamment étrange pour que je tente de classer la chose dans la catégorie ambivalente entre toutes du « nanar volontaire ».

 


« Zora la vampira » est d’ailleurs un film non seulement atypique mais largement inexportable hors d’Italie. L’humour italien voyageant de plus en plus difficilement avec les années, cette surprenante pochade est restée bloquée au pays de Dante, de la Cicciolina et de Silvio Berlusconi. Je vais néanmoins tenter de décrire cette œuvre bigarrée pour en faire profiter notre lectorat strictement francophone.

 


Si le titre cite directement « Zora la vampire », célèbre BD de gare italienne semi-porno éditée chez nous par Elvifrance dans les années 1970 (sous le titre de « Zara la vampire »), il ne s’agit en rien d’une adaptation de ce classique du trash. Le film suit en effet les aventures grotesques du Comte Dracula, égaré dans l’Italie contemporaine. Lassé de boire le sang de Roumains nourris d’ail et d’autres aliments malodorants, Dracula décide de se rendre en Italie, pays merveilleux qu’il a découvert grâce à la télévision par satellite. Persuadé de découvrir un pays de cocagne à l’image des émissions de variété de la RAI et de Mediaset, Dracula et son serviteur arrivent sur les côtes italiennes par un bateau de clandestins que le vampire décime en chemin. Cela suffit à attirer l’attention de la brigade anti-monstres de la police italienne, qui va se lancer sur les traces du vampire.

 




Dracula découvre cependant que la monnaie roumaine ne vaut rien en Italie, son statut d’immigré sans-papiers le contraignant à résider dans un gourbi de la banlieue romaine. L’Italie ne ressemble en rien au pays de ses rêves ! En se rendant dans un « Centre social » autogéré et fréquenté par des jeunes amateurs de rap, Dracula rencontre Zora, tagueuse romaine, dont il s’amourache. Mais le rappeur Massimo, dit « Zombie », amateur de films d’horreur, ne tarde pas à comprendre que l’étrange personnage qui rôde dans le Centre social est en fait le seigneur des ténèbres. Réussira-t-il à sauver Zora des crocs de Dracula ? La police, sous les ordres d’un commissaire à moitié nazi, parviendra-t-elle à arrêter les méfaits du vampire, qui sévit dans les rues de Rome ?

 




Le métro de Rome était déjà dégueulasse et vétuste, maintenant en plus, il y a des vampires !

Zora.


Tourné par les frères Manetti, réalisateurs de vidéo-clips réputés en Italie, « Zora la vampira » se veut tout à la fois un hommage humoristique aux films d’horreur traditionnels (et à leurs dérivés trash dont la BD « Zora » était un illustre exemple) et une satire de la société italienne contemporaine. Des flics bornés à la bavure facile aux gauchistes neuneus qui gèrent le Centre social, tout le monde en prend plus ou moins pour son grade dans un jeu de massacre qui fait parfois mouche, bien qu’une grande partie de l’humour reste largement hermétique pour qui n’a pas une connaissance plus ou moins poussée de la société et des médias italiens.

 


Le film offre quelques tranches d’humour décalé assez efficace, notamment lorsque le serviteur dévoué de Dracula (Raffaele Vannoli, sans doute le meilleur acteur du film), pour subvenir à ses besoins et payer le loyer de son maître, devient un petit trafiquant frimeur dans les faubourgs de Rome. La présence d’un Dracula au look de film 1930 dans un décor italien très contemporain donne lieu à un choc des univers visuels à l’effet comique plutôt réussi.

 




La dernière partie enfin, qui voit les gauchistes du Centre social (dont un déguisé en Che Guevara !) former une petite armée sous les ordres du curé local pour poursuivre le vampire, munis de drapeaux rouges et d’un crucifix géant, donne lieu à des moments de délire fort appréciables. L’action du film est en outre commentée par une jeune toxico avachie devant le Centre social, qui déclame des dialogues ultra sérieux sur un ton totalement défoncé.

 




Dracula parle à Zora par l’intermédiaire d’un drapeau de Che Guevara.


Au crédit du film, on notera également une interprétation de bonne qualité : citons Toni Bertorelli (Dracula), Micaela Ramazzotti (Zora), mais aussi le rappeur romain Chef Ragoo dans le rôle du jeune héros et l’acteur comique Carlo Verdone (star en Italie, et producteur du film), excellent dans un rôle de commissaire parfaitement ignoble. Le discours « anti-flic » particulièrement lourdaud et démago fait cependant partie des éléments jouant en la défaveur du film.

 


Carlo Verdone.


« Zora la vampira » est pourtant d’un humour assez inégal, qui l’empêche d’être une complète réussite, et le fait parfois basculer du registre de l’humour à celui de la bêtise crasse. Le propos du film est en effet empreint d’une sorte de gauchisme branchouille qui n’est pas toujours au second degré (bien que les « altermondialistes » soient copieusement raillés). Le film se met en effet à se prendre au sérieux dans un discours complètement ahurissant, où Dracula se plaint de ce que son pays ait été « ravagé par les sirènes du capitalisme » (et le régime de Ceaucescu, il lui a fait du bien ???) et finit par persuader ses poursuivants de ne pas le tuer car il est un sans-papier et un marginal, donc un opprimé. Le fait qu’il tue des gens pour se nourrir ne semble d’ailleurs pas entrer en ligne de compte dans son propos.

 



Parmi les femmes-vampires, on note la présence de Selen, vedette italienne du porno (en rouge).


Nous oscillons donc, sans toujours retrouver nos petits, entre la comédie efficace et le nanar navrant, l’inspiration des auteurs semblant varier grandement d’une scène à l’autre, à mesure que le propos général de leur film leur échappe. « Zora la vampira » ressemble au final à une sorte de mix parfois délirant, parfois navrant, d’idées éparses jetées au hasard et servies chaudes avec un minimum de soin, sans que l’on sache ce qui l’emporte du pastiche socio-cinéphilique ou du nanar kitscho-crétin. Le film recèle en tout cas suffisamment de bonnes idées pour constituer une curiosité tout à fait appréciable pour cinéphiles curieux, et mérite en cela d’être découvert.


Une très bonne connaissance de la langue italienne (ou l’aide d’un italophone pour traduire le tout) est cependant nécessaire pour s’y retrouver dans les méandres d’un humour souvent strictement vernaculaire. Et une curiosité ethnologique de plus : l’unité culturelle de l’Europe n’est pas pour demain !

- Nikita -

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

Encore un film qui n’a pas franchi les Alpes. On peut se consoler en se procurant le DVD de chez "Cecchi Gori Home Video". Il existe deux version du DVD, la plus récente (avec liseret rouge et appellation "CineKult") offrant des sous-titres en anglais ce qui devrait faciliter la compréhension pour beaucoup.