Recherche...

La Nuit du Risque


La Nuit du Risque

Titre original : La Nuit du Risque

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Sergio Gobbi

Année : 1986

Nationalité : France

Durée : 1h21

Genre : RPR-ploitation

Acteurs principaux :Pierre-Marie Escourrou, Christiane Jean, Stéphane Ferrara

JohnMatrix
NOTE
4/ 5


Imaginez, un casting rassemblant Jacques Chirac, Charles Pasqua, Dick Rivers, Jacques Toubon et Ariane du club Dorothée. Imaginez un placement de produit géant en faveur du RPR période 86. Imaginez un cri de révolte poétique contre l’odieux système qui fait rien qu’à laisser les criminels en liberté et mettre les gentils en prison. Imaginez tout ça filmé à la va-vite et scénarisé au dos d’un tract « Vivement demain avec le RPR ». Vous en rêvez ? Sergio Gobbi l’a fait. Ca s’appelle « La Nuit du risque ».


Le logo "Sergio Gobbi Vidéo". N'indiquerait-il pas la sortie ?


« La Nuit du risque » a pour personnage central un boxeur nommé Stéphane, interprété par Stéphane Ferrara, véritable ancien pugiliste et faux nouvel acteur pourraient dirent les mauvaises langues. Mais si sa prestation prend parfois des allures Mark Grégoriennes, nous verrons que ce n’est pas lui le grand responsable de tout ça. La première scène du film nous montre donc un match de boxe, match qui, bien que dominé par notre héros, sera injustement jugé par l’arbitre comme remporté par son adversaire du soir. Le coup est dur. Foutu système. Et ça ne fait que commencer.



Stéphane Ferrara.


Ecoeuré par cette injustice mais également par les jalouseries de ses petits camarades boxeurs, Stéphane raccroche les gants et devient garde du corps. Nous le retrouvons ainsi un an plus tard, veillant à la sécurité de Robert-André Vivien (1) lors d’un meeting RPR pré-législatives 86. Et c’est ici que le plus beau de la galerie défile et que le placement du produit politique bat son plein : nous voyons successivement apparaître à l’écran le susnommé Vivien, puis Toubon, Alliot-Marie, Pasqua, Seguin et Jacques Chirac !


Dick Rivers as himself !

Michèle Alliot-Marie, Jacques Toubon.

Bernard Pons.

Robert-André Vivien ou la mort !

Toubon et Vivien.

Charles Pasqua.

La RPR-ploitation en images.


Ceci fait toute la beauté du pitch de « La Nuit du risque » : nous sommes en présence du seul long métrage vraisemblablement commandé et produit par un parti politique en France !
Il est temps de parler de Pierre-Marie, le copain de Stéphane, interprété par Pierre-Marie Escourrou (qui campa notamment un nazi-zombie dans le marquant « Lac des Morts-Vivants »). Au cours d’une bagarre avec de vieux rivaux de nos deux compères, ce dernier est tué. Bagarre qui atteint d’ailleurs des sommets en termes de cascades non spectaculaires et combats tous mous.
Notons qu’une force scénaristique non identifiée pousse les rivaux à croiser sans cesse le chemin de Steph’ et Pierre-Marie. D’ailleurs cette bagarre fatale n’a-t-elle pas été provoquée par ces vils socialistes venus (en Lada) barbouiller une affiche du RPR et Robert-André Vivien ?


Pierre-Marie et Stéphane.

Pierre-Marie Escourrou, le copain de Stéphane.

Les méchants (ils votent probablement pour Mitterrand).

Mmmh, non mais regardez-moi cette odieuse gueule de trotskyste.


Scandale ! Les forces gauchistes ont osé barbouiller les affiches de Robert-André Vivien !

Allez, on leur pète la gueule !


Stéphane décide donc de se venger et tue à son tour, par accident, le coupable. Vous suivez ? Sergio Gobbi a inventé un nouveau concept : la vengeance accidentelle. Vachement pratique quand on veut à la fois faire l’apologie de la vengeance mais conserver son héros pur et innocent.
Blessé dans sa chair et dans son âme suite à cet événement, Stéphane va chercher de l’aide chez une journaliste TV de choc. « Elle a mis Fabius au tapis en lui demandant si Baby Doc allait toucher les allocs ! » (2) « Elle a pas besoin de personne pour la protéger » (sic) s’exclament les principaux protagonistes à son sujet. Les émissions que celle-ci présente avec un aplomb à pétrifier son téléprompteur, donnent d’ailleurs lieu à quelques savoureux pics de nanardise. Surtout quand y sont insérés avec grâce et finesse de nouveaux légers placements de produits : on nous montre tout simplement en plein écran et en intégralité des spots de pub.
Concernant l’univers télévisuel de l’œuvre et son contexte historique, je cède la parole à Nikita : « Il y a un élément intéressant à noter : à l'époque, on voyait apparaître les premières télés privées en France et tout le monde s'interrogeait sur ce que ça allait donner. Or, le scénariste, Claude Baignères, était critique de cinéma au "Figaro" (excellent critique, d'ailleurs) et le patron du "Figaro", Robert Hersant, venait justement de rentrer en force dans le capital de La 5, dont il avait soufflé le contrôle à Berlusconi (l'homme des socialistes à l'époque). Etant un éminent salarié d'Hersant, on comprend que Baignères ait un peu fantasmé sur ce que seraient les télés privées françaises ! D'où cette fantabuleuse chaîne, Canal 12, "la télé privée qui dit la vérité!" »



Un placement de produits très discret.


Avant de trouver asile dans le cœur et la maison de Christiane (interprétée par Christiane Jean, dont le plus grand rôle fut celui de Cosette adulte dans « Les Misérables » de Robert Hossein avec Lino Ventura), Stéphane va croiser le chemin d’un chauffeur de taxi qui va nous gratifier d’un monologue sur fond de Paris by night. Cette scène à vocation poétique (comme le suggère avec la finesse désormais caractéristique du film une insupportable mélodie de saxophone) est le véritable point d’équilibre du visionnage : là on se rend compte que Gobbi a totalement laissé tombé son oeuvre et abandonne ses acteurs à leur sort.


La méduse de Canal 12.

Christiane Jean, l'actrice la moins naturelle de France.




La force tranquille.



Festival Christiane Jean.

La choucroute du risque !


Vous avez constaté que les personnages étaient affublés des noms des acteurs qui les incarnent. Ceci est caractéristique de la supercherie cinéma-vérité qu’on essaie de nous faire avaler, et qui fait toute la base de la nanardise de « La Nuit du risque ». Il est évident que le réalisateur a demandé à ses interprètes de ne pas jouer, d’être eux-mêmes, pour faire vrai, vraie vie, vraie critique du vrai système vraiment corrompu par 5 vraies années de mitterrandisme. C’est ce qu’ils ont fait. Pour notre plus grand bonheur d’amateurs de mauvais films rigolos !
Mais revenons à notre mouton : il est accueilli par Christiane, qui voit en lui une victime du système (qui est le véritable méchant de « La Nuit du risque ») et décide de prouver par l’image ce que la justice forcément partiale et composée de gredins à la solde du pouvoir socialiste ne peut prouver : Stéphane est innocent. De fait il va se terrer chez Christiane avec son jeune fils. La vraie star du film est enfin arrivée.


Une mise en abîme intéressante.

Désemparé par la mort de son ami, Stéphane part se ressourcer à la permanence du RPR.

Gobbi illustre chaque séquence-émotion par une insupportable musique de saxophone, quelque chose d’assez inhumain (même Stéphane Ferrara se tape la tête contre les vitres).

Pourchassé par un saxophoniste psychopathe, coincé dans un taxi avec un chauffeur philosophe et casse-couilles : c'est vraiment la nuit du risque !


Il a été disserté plus haut des conséquences de la direction gobbienne sur le jeu d’acteurs pourtant professionnels. Imaginez ce qu’il peut en être avec un enfant, dont la filmographie est aujourd’hui encore composée d’une seule ligne. Ca y est, vous imaginez ? Très bien, et bien sachez que vous êtes encore loin du compte. Sa voix insupportable couplée à son incapacité à réciter son texte de façon un tant soit peut convaincante à force de vocation poétique forcée, fait de sa présence à l’écran une expérience à part entière.




La chose d'un autre monde.

Mais tuez-le ! Il va se mettre à chanter !!

Un caméo d'Ariane (aucun rapport).


Le pire présentateur de JT du monde (après Christiane Jean).


Malgré une déclaration poignante de Stéphane que Christiane diffusera sur canal 12, notre héros n’est toujours pas innocent aux yeux de la police (étonnant non ?). Tout ceci précipitera la fin du film dont je ne révélerai (presque) rien, mais sachez que c’est un véritable feu d’artifice, la conclusion logique et zénithale qu’on était en droit d’attendre.
Vous avez noté le (presque) employé précédemment, en voila la raison : pour le générique de fin, nous avons été gratifiés d’un duo totalement improbable entre le gamin susmentionné et Stéphane Ferrara qui récite un « poème » évocateur de l’âme et du récit du film. Ecoutez, ça se passe de commentaires, mais en dit long sur la prestation de l’enfant acteur, qui joue aussi bien qu’il chante.
En conclusion, je dirais que « La Nuit du risque » est plutôt réservé aux nanardeurs raisonnablement endurcis. Mais la prestation amateuriste des acteurs, la poésie imposée à coups de poncifs tous plus gros les uns que les autres et le parti pris politique et idéologique défendu si gauchement en font un fleuron de cette catégorie encore mésestimée du nanar que constitue le polar-mou français.
A noter que François Kahn a consacré à « La Nuit du risque » plus de 2 pages dans « L’Encyclopédie du cinéma ringard » (chapitre « E comme édifiant » ). On y apprend notamment que le scénariste du film officiait au Figaro, l’auteur reprenant également quelques répliques sur Badinter et Lang qui valent leur pesant de VHS, surtout dans le contexte de nanar-politique de « La Nuit du risque ».


Aaaargh !

Bewaaaare ! Beware the evil saxophoniste !


(1) Robert-André Vivien, député-maire de Saint-Mandé (1923-1995). Demeuré célèbre pour son lapsus lors du débat sur le classement X des films à l'Assemblée nationale : "Monsieur le Ministre, vous devez durcir votre sexe... heu, votre texte !"
(2) Baby Doc : surnom donné à Jean-Claude Duvalier, dictateur d'Haïti (et fils du précédent président, le Dr François Duvalier, dit "Papa Doc"). A l'époque, il venait de se faire renverser et avait trouvé l'asile politique en France. D'où de vives critiques de l'opposition envers le gouvernement Fabius pour l'avoir accueilli.
Et un immense merci à Nikita pour toutes les informations fournies à propos du film et de son contexte, ainsi que pour les caps !


Addendum de Nikita


Lors d'une soirée mondaine donnée dans ma bonne ville en ce mois de février 2010, j'ai eu l'occasion de parler autour d'un petit four avec Patrick Beaudoin, député-maire de Saint-Mandé et successeur de Robert-André Vivien. En mauvais citoyen qui fait perdre leur temps aux élus de la Nation avec des sujets de conversation idiots, je lui ai posé une question sur "La Nuit du risque" et il se rappelait du film, dont le souvenir a eu l'air de l'amuser un peu.
Patrick Beaudoin s'occupait à l'époque de la communication de Robert-André Vivien, en tant que directeur de "La Vérité du Val-de-Marne", le journal du RPR du 94. Selon lui, il est assez peu probable que le film ait été "co-produit par le RPR", comme l'avaient prétendu certains journaux à l'époque. Par contre, Robert-André Vivien y a effectivement joué un rôle actif (sans être pour autant lui-même "producteur"). Vivien faisait en effet partie d'une commission parlementaire en rapport avec les milieux artistiques et audiovisuels, et fréquentait à ce titre les milieux du cinéma, qui lui plaisaient. Avec Sergio Gobbi, qui était apparemment un copain à lui, il s'est mis en tête de monter un film, avec comme objectif délibéré de donner à un polar un contexte politique pro-RPR : selon Patrick Beaudoin, "La Nuit du risque" a été tourné en 1985, avec pour but de profiter du contexte des élections législatives de 1986.
Robert-André Vivien a obtenu de Chirac de pouvoir tourner sur les lieux de la convention du RPR, ainsi que diverses autres facilités de tournage. Vivien était apparemment un homme doté d'un certain humour, qui aimait bien se poser des défis, et le film en faisait probablement partie. Quant à sa présence en tant qu'acteur dans le film, je subodore qu'il aimait bien voir son image : la mairie de Saint-Mandé affiche encore aujourd'hui une fresque murale, à l'entrée de la salle des mariages, qui représente la cour de Louis XIV, et Vivien s'y est fait représenter, non loin du roi (la fresque a été réalisée de son vivant).
Selon Patrick Beaudoin, le but de l'opération était de montrer que le RPR était "ouvert aux milieux culturels". Je n'ai pas osé lui demander explicitement s'il pensait que le résultat avait été convaincant, mais il ne m'a pas contredit quand j'ai émis ma propre opinion sur la qualité du film.



- JohnMatrix -
Moyenne : 3.09 / 5
JohnMatrix
NOTE
4/ 5
MrKlaus
NOTE
2.5/ 5
Nikita
NOTE
3/ 5
Rico
NOTE
2.5/ 5
Labroche
NOTE
3.5/ 5
Wallflowers
NOTE
2.5/ 5
Kobal
NOTE
3/ 5
John Nada
NOTE
3/ 5
Drexl
NOTE
4/ 5
Barracuda
NOTE
3/ 5
Hermanniwy
NOTE
3/ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation
L'édition DVD de chez "LCJ" a mis du temps à venir, puisqu'on ne l'a vu arriver dans les bacs qu'à l'automne 2011. Une sortie simple et sans fioriture, mais qui remplace agréablement les deux précédentes éditions VHS devenues introuvables (chez "Weekend Vidéo" et... "Sergio Gobbi Vidéo" !).